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LE 
Du PEUPLE 
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DE LA SCIENCE SOCIaE. 
1849. 48iO. 
LE 
SALUT DU PE[PLE 
DE LA SCIENCE SOCIALE. 
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flurnéro I - 40 kcrnbrc 4849. flumro 6.—40 Lilcit 480. 
G francs par au pour Paris. flepartemens: ‘ rrancs. 
lin numéro: 4) centimes, 
CHEZ J. BALLARD, LIBRAIRE, A LA PROPAGANDE, 
, RUE DES BONSENFAS. 
18O 
Cet ouvrage, achevé d’imprimer le 15 Septembre 1967 par les ateliers de Galli Thierry & C. à Milan, 
a été tiré à cinq cents exemplaires 
sur papier vergé à la main. 
EXEMPLAIRE N° 426 
EDHIS 
Editions d’Histoire Sociale 
Réimpressions de textes rares 
10, rue Vivienne 
Paris 2 
Réimprimé d’après l’exemplaire de la collection Michel Bernstein, Paris. 
LE 
SALUT PEUPLE 
DE LA. SCIENCE SOCIALE. 
fluink 4. — 40 Dkcrnbn 4849. 
6francs par an pour Parlfr. — Oépartemen s fraRscN Un nnmero: 60 centImes. 
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CHEZ J. BALLARD, LIBBAI[Œ, A. LÀ PROPAGA.NDE 1, RUE flES BOSErFANS. 
1849. 
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LE 
SAUJ’f DII 1!EIJI!IIL 
INTRODUCTION. 
Nous ne venons rien promettre dans cet avertissement: nous voulons seule. nient dire quels sont nos principes, notre but, nos moyens généraux, l’esprit de cette publication, la nature des sujets qui doivent y être traités. 
Le lecteur n’exige rien de plus; car pour le reste, il attend l’oeuvre, afin de la juger non sur ce qu’on affirme qu’elIe doit être, mais sur ce qu’elle sera effectivement. 
Ce qui est vieux est prét dtre aboli, disait saint Paul; nous agirons comme l’apôtre chrétien: nous ne voulons pas ranasser les dernières feuilles de l’arbre dont la sève est épuisée. Nous préférons arroser la jeuee tige qui promet des fruits savoureux et dont l’ombrage doit abriter la génération prochaine. Nous sommes donc les hommes du progrès, c’est-à-dire du mieux à tous ses dégrés, du mieux pour tout le monde. 
Nous avons peu de goût pour les causeries littéraires; et réussirions tuai à entreprencfre une oeuvre de style: notre amour est tourné vers de plus grands et de plus pressans intérêts. Nons entendons aborder sérieusement, traiter à fond toutes les importantes questions qui agitent notre époque. Not”e but est de vulgariser la science la plus importante, la plus indispensable, la plus utile pour tous, et même la plus désirée du genre humain: la sctence du lonhcur; car la science sociale n’est pas autre chuse: elle comprend, en cirer, tout à la fois la philosophie, la religion, l’économie sociale et matérielle, ce qu’on appelle vulgairement les sciences morales et politiques, enfin la philosophie de l’histoire. 
Mais, hâtonsnous de le dire, notre constante préoccupation sera (le mener de front l’idéal et le réel, la théorie et la pratique, la science et l’app’ication, la critique et l’organisation. — Sur chaque question douteuse, nous entendons faire connattre le pour et le courre, comme doit se le proposer tout écrivain qui connait les limites de la certitude individuelle, afin d’arriver à convaincre plus encore qu’à persuader; et à toute chance, afin d’éclairer, de priiicttre à chacun de se constituer, en connaissance de cause, arbitre des (ldïérends en litige. 
Dans notre intention, comme dans nos doctrines, tous les intérêts repectablea 
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sont sauvegardés; toutes les croyances, fécondes et consolantes, sont confis’.tuées et abritées; aucun des grands biens de l’homme n’est sacrifié; aucune des légitimes aspirations de l’âme n’est méconnue. 
Nous voyons dans chaque homme un membre indivisible du souverain et de 
l’État, prêtre et roi au même tbre que les autres citoyens, et aussi bien qu’eux divin et sacré comme une détermination finie, quoique éternelle, de Dieu dans le temps et dans l’espace. 
Nous sommes de ceux qui, par l’intelligence, le coeur et la volonté, s’élancent vers le parfait idéal de la vie sociale ,et affirment le credo économique des premiers disciples de Jésus-Christ: De chacun selon ses furces et ses aptitudes; à chacun selon ses besoins; mais en même temps, de ceux qui, sans jamais fléchir devant la nécessité, se résignent cependant à ses déceets, puisqu’ils ne peu.vem les empêcher; et composent pour ainsi dire malgré eux avec ce qui est fatal, avec ce qui est le plus fort, 
Dans ce sens et dans ces limites, nous n’oublierons pas que toute science u son art; que dans le monde des passions et de l’ignorance relative, on ne parvient presque jamais à réaliser ce qui doit dtre, que par les mesures indirectes qui enlacent peu ‘n peu les volontés et les intérets, et les poussent dans la direction qui mène au bien et au juste. Nous établirons donc une démarcation radicale entre ce qui doit être, ou les principes, et les divers moyens de les réaliser; et parmi ces moyens, ce ne sera pas toujours les plus logiques ou les plus efficaces, qu’il faudra préférer dans l’application à un dtat de moeurs donné. 
Nous ne confondrons pas le droit ou la justice, avec la charité. Le monde dc la liberté avec le monde de l’obligation, de la loi, de la contrainte. —Il y a Je droit religieux, et le droit social ou politique; or, nous professons que celui-ci ne peut exiger des individus que les moyens et les conditions du perfectionnement et du bonheur collectifs, qui dépendent de la volonté individuelle; qu’au delà tout doit être laissé. au libre arbitre, c’est-à-dire à l’homme dans sa moralité; car dans cette république des consciences, .tout se passe entre Dieu et l’individu; et c’est avec un sens profondément vrai que Jésus- Christ disait qu’une telle république n’est pas de ce monde, entendant par l qu’elle ne pouvait être l’oeuvre de la violence. 
La science sociale dont nous nous efforcerons d’être ici les interprètes, ne vient point détruire, mais accomplir, c’est-à-dire perfectionner, transformer la propriété, la famille, la religion. 
La sciencesociale, telle que nous la comprenons en notre âme et cons. cience veut si peu attenter— au droit de propriété, qu’elle prescrit impérieusement de le respecter dans le moindre, des humains; — à la famille, qu’elle (léclare monstrueux d’en concevoir seulement la pensée; — à la religon, qu’elle considère comme vaine et stérile toute révolution sociale, toute doctrine, qui n’a pas pour mobile principal le sentiment religieux. 
En ce qui nous regarde, le besoin seul d’aider au renouvellement de la foi religieuse, de démocratiser, c’est-à-dire d’universaliser la propriét é 
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la famille, et la religion, nous aurait Inspiré la résolution de publier cet écrit. 
Prévenons, toutefois, que nous entendons la propriété autrement que les propriétaires actuels, et la religion autrement que les prêtres et les pharisiens; que si nons respectons les fondemens naturels, nous répudions la vieille forme. 
Il est certain que pour être permises à tous, la famille et la propriété devront être modi6ées au préjudice de quelquesuns. Il s’agit assurément de sacrilices dans l’avenir où va pénétrer le mouvement social, car l’heure des derniers priviléges a sonné; mais l’holocauste à la Iustice, ne doit point faire oublier qu’il faut sécurité pour tous, sécurité pour la vie, sécurité pour les moyens d’existence. 
Violence, spoliation, émeutes, guerres, massacres et représailles, tous expédiens suscités par la colère et la vengeance. Désormais un parti qui prendrait cette devise tiavalllerait infailliblement lui-même à sa prropre déchéance; l’avenir, la puissance, la gloire lui échapperaient. La démocratie n’a de salut que dans le respect de ses propres principes t elle le sait, et eUe. la déjà solennellement prouvé. Renouveler les sentiinens et les idées, voilà son but; persuader, voilà ses moyens. Le reste : le renouvellement des faits, des institutions et des lois, viendra de soi et comme par surcroît. 
Qu’avons.nous besoin d’une force brutale et colère qui n’engendre que des générations de combattans, si Dieu est avec nous, c’est’a-dire si nous avons. la vérité et pratiquons le bien? La voie providentielle est toute tracée; et nul guerrier ne doit la profaner en s’y installant. 
Exécrons donc désormais de touie notre énergie, aussi bien l’esprit païen qui engendre ou perpétue les soldats-janissaires liberticides, les gendarmes, les polices, les prisons et les bourreaux, que la tradition léricale et féodale, qui engendre ou perpétue les pharisiens, les autocrates et les puissances par droit divin. 
Changez les idées, vous changez les moeurs: changes les moeurs, vous changez les sociétés. II faut toujours en revenir là lorsqu’on veut bâtir à neuf. G’est la seule bo’nne politique; c’est celle des grandes généràtions. 
La démocratie doit se proposer d’établir l’équilibre; mais non de faire passer la balance d’un extrême à l’autre: qui dit démocratie, dit équilibre. 
Pour ramener tout le monde au devoir et à l’amour, il faut être juste et. miséricordieux envers tout le monde : ce n’est point là un expédient suggéré par la faiblesse; c’est la morale appliquée à la politique. Par cette foi, nous. ne voyons que des frères dans toutes les classes et toutes les conditions; mais. nous distinguons nettement entre ceux qui aiment sincèrement l’humanité, le peuple; qui, pour preuve de leur bienvaillance, lui laissent ses droits et sa liberté; et ceux qui, étant indifférens à son sort, l’exploitent et le subjugent. Nous ne haïssons pas le malfaiteur dans son essence; mais nous combattons le mal en lui; car nous haïssons le mal, C’est ainsi que, voulant le salut de tous,, nous ne flatterons personne. 
Nous écrivons pour ceux qui cherchent la vérité, le bien, dans quelque po.. 
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altion qu’ils soient. Que si la vétité est favdrahle aux pauvres, c’est ttpparenlment parce que de sa nature elle est favorable fr tout le monde. Qu’on s’en prenne donc à la vérité. Je voudrais bien qu’on me montrât une seule r&igion ui, dans sa lettre ou dans son esprit, n’ait pas été favorable aux déshérités 1e la grande famille? Nous dirons donc ce que nous croyons être la vérité, aux riches comme aux pauvres; aux pauvres comme aux riches: la érité est bienfaisante. 
Dépend-il de nom de hâter le renouvellement social? Il faudrait être Turc pour le nier: c’est une oeuvre de sincère réconciliation que nous entreprenons. Nous faisons appel à l’amour, à la douceur, ‘n la bouté: non pas du tout à la erainte et à la contrainte. 
Cependant, à tous prix il faut que les droits consacrés par la morale univernulle, soient respectés on recouvrés ; car il est des énormités que nulle charité n’a le pouvoir d’absoudre. 
Nous ne dirons pas que la loi future doit indistinctement respecter les droits hequis sous l’ancienne: il faut pour cela que les droits acq ais par les uns, noient compatibles avec les droits à aequdrir des autres: or, il y n encôre des priviléges, et d’énormes. 
Sans jamais souhaiter le mal des riches, nous pensons avant tout au pan‘ res, ‘n nos frères sans asile, sans pain, sans lumière, sans consolation I Et ici nous sommes arrêtés par un sinistre pressentiment: marcherions-nous rapidement vers une époque où il ne serait plus question, même jusqu’aux mots, de th’oit, de justice et d’humanité: où tout serait cupidité, sensualité, passions odieuses, haine et vengeance, honte et bassesse, besoins grossiers et terreura paniques? 
Le sens moral est atrophié; le doute n desséché les sources vives du coeur et tie la conscience; les caractères sont abaissés; et la politique, comme la relipion, n’est plus que l’art de river les fers des peuples sans quil s’en doutent. 
Quant à l’insurrection, comme moyen de salut et soupape de sûreté pour nu peuple aux abois, nous n’avons pas besoin d’en faire la théorie ni d’y exhorter: le peuple se charge toujours de la besogne, et il serait burlesque de lui en contester le droie, lorsque le môment solennel en est venu; c’est-à- dire lorsque la loi d’équilibre du monde moral ou de la purification générale fait briller ses éclairs et éclater ses tonnerres. 
Mais, comment s’épargner l’holocauste,, et éloigner le cataclysme social qui menace la civilisation de l’Occident? Le peut-on encore? oui, par des contessions intelligentes, opportunes, radicales, de la part de ceux qui seuls ont des concessions à faire; concessions, qui n’étant que justes, auraient l’apparence d’être généreuses. 
La transformation pourra n’être point sanglante, cela dépend absolument e la conduite des privilégiés. L’histoire n’est point obligée de se répéter ser1lement, et à ce point. On peut obtenir une nouyelle nuit du 1 août par la ‘Voie pacifique et par la seule vertu de la manifestation souveraine du pouple, 
serinais conscient de son droit et de sa force; on peut obtenir la déchéanre 
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des derniers priviléges, comme on désarme quelques hommes d’iniquité, lors. 
çu’ils se voient circonvenus de tous côtés par une force et un démoiistratio accablantes. 
La France s’ablmera dans l’anarchie; ou l’égalité des conditions sera réa litée avant un demi-siècle. Napoléon disait Républicains ou Cosaques; Les Socialistes disent: solidarité, unitd économique, un d(cadence. 
Depuis que l’histoire tient les annales du genre humain, il n’y a jamais cii, d’évolution sociale sans révolution; ni de révolution sans cataclysme et cou.. tiagration. 
Riches et puissans, faites mentir l’histoire: vous serez bénis et aauvés !... Pour nous, dans L’atteitte douloureuse d’événemens extraordinaires et terribles, nous dirons à nos frères des villes et des campagnes: Quand mugira hi tempête, précurseur du grand trouble des hommes en Europe, munissons. nous d’une grande foi jointe à une grandecommisération : séparons les boucs des brebis; mettons les uns à droite, et les autres à gauche, non pas pour envoyer les boucs à la géhenne du feu; non il faut laisser à Dieule Soin dci chaument. Notre devoir, notre droit n’est pas de punir le mal, mais de l’eut.. pêcher; — de châtier le malfaiteur, mais de l’amener à amendement et repentir, après l’avoir rendu impuissant au mal. 
Par la loi et les institutions d’égalité pour tous, détruisons alors radicale. nient les priviléges, mais respectons les privilégiés dans leur vie, dans leurs 4roits naturels, dans leur avenir, pourvu qu’ils respectent eux-mêmes les droits, la vie eu l’avenir égal de tous leurs semblables; car encre égaux lii réciprocité est de rigueur. 
Offrons-leur donc ce jour là la condition commune: Vivre en travaillant1 Plus de distinctions factices, mais aussi plus (le proscriptions systématiques. 
Traitons nos frères enneriiis en frères égarés: ‘n lii haine, à 1a vengeance, ‘u la violence sanguinaire qu’ils nous enseignent, substituonsgénéreusement Vé.. galiLé, la fraternité, la bonté. 
Nous ne sommes pas une classe égoïste triomphante, venant se superposer à une autre et lui disant: ôte•toi de là: .cest à non tour; non, c’est au tour de l’humanité, du peuple redevenu ce qu’il doit être, une famille indivisible étsoll. dairé. Les socialistes, qu’on se le persuade bien, viennent faire place au soteil pour tout le monde. 
N’oublions pas un seul instant que le mal est moins dans les hommes que dans les institutions. Les riches sont victimes du préjugé qui consacre les richesses mal acquises. La ‘vieilLe tradition les a faits ce qu’ils sont une nouvelle tradition les renouvellera: établissons un nouveau droit, de nouvelles relations e les hommes se feront à l’image du hou principe. 
Avec une pareille intention dans le coeur etune telle conduite dans la réaht politique, le triomphe du socialisme est certain et prochain, C’est h ce signe çue les peuples reconnattront qu’il vient de Dieu et qu’il convient aux boni— mes. 
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Ceux qui, après cela, s’en épouvanteraient encore, prouveraient qu’ils fei guen L’épouvante. 
A tout prix, maintenons la vérité, assurons lui la puisssance et la ‘tictoire; attaquons le mal jusqu’à ses dernières racines; mais arrêtons•nous là. 
Maintenant, ce que nous voulons doit être sensible à tous. 
Nous voulons tes priricipes les moyens suivans: les uns comme état nor nal et définitif, les autres comme expédions transitoires: 
flous voulons, dis-je, substituer: 
Le droit, au fait et à la force; 
La paix, àla guerre; 
La discussion, à la violence; 
La liberté, à la licence; 
L’égalité des conditions, au privilége; 
L’esprit de famille, à l’esprit de caste; 
La fraternité universelle, à l’hostilité et à la diversité de races; 
i.a souveraineté du peuple, à la souveraineté de quelques.uns; 
Le gouvernement de tous par tous, ou la démocratisation de l’1tat, ait gouvernement monarchique ou aristocratique; 
Le travail, à l’oisiveté pour les uns, à l’aumdne, à l’assistance pour les autres; 
Le nécessaire de tous, au superflu du petit nombre; non, point en spoliant personne, mais par l’impossibilité de fait d’aller à la fortune au préjudice d’air4rni, et par exemple : en pompant, comme fait le capital, les sueurs du rcivai1; 
Le bien-être à la misère; 
La science, à l’ignorance; 
L’Education et l’instruction gratuite, populaire, à l’éducation d’inégalité; 
La fusion des classes et des intérêts, à la séparation, à l’antagonisme; 
L’association, à l’isolement; 
L’économie de temps et de ressorts, au gaspillage; 
L’émulation devenant progressivement concours fraternel, à la lutte, à la toncurrence, à la rivalité dissolvante et corruptrice; 
La solidarité universelle des intérêts et des d estnées, ou la garantie autuelle des travailleurs, à leur insolidarité, à leur anarchie et à leur abandon actuel. 
Le crédit social ou gratuit, au crédit privé et onéreux; 
La commandite collective, à la commandite individuelle; La production réglementée et régularisée, et l’échange arbiiré, à la pioduclion et à l’échange licencieux ou arbitraires; 
La propriété collective, la socialisation du sol nationaletdes autres inslruinens e travail, à la propriété particulière de ces instrumens, au monopole; enfin le droit à une fonction sociale, — au droit, à l’accaparement, à l’appropriation individuelle,’absolue:et exclusive des capitaux, avec faculté d’usure et d’abus Ie tout genre. 
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La participation régulière, proportionnelle aux aptitudes et aux forces dans 
ltœnvre de production; et proportionriella aux besoins, dans le dividende social, — à la participation aveugle, arbitraire, disproportionnée dans les deùE cas, grâce au droit légal d’oisiveté et d’usure; grâce au revenu, au profit, et à. l’exploitation des travailleurs par le salaire. 
Enfin, comme limite possible à la solidarité, comme gage de la liberté et de la dignité individuelles, et comme frein aux,passions subversives dans tel milieu imparfait donné, nous concevons la distinction des intérêts d3ns la mutualité,, mais non la séparation ni l’absorption ou confusion. — La responsabilité personnelle, la possibilité de s’appartenir, enfin l’indépendance dans l’ordre peuvent exiger ces limites ‘n la communauté sociale. 
Et tout cela, nous le voulons et le propageons non pas d’hier, mais depuis 10, 15 on 20 ans: que ce soit là notre titre à l’accueil et à l’attention de nos. lecteurs. 
QU’EST-CE QUE LE SOCIÂLIS!E? 
Pourquoi y a-t-il, parmi les hommes, ignorance et ténèbres,, faiblesse et misère, haines, discordes et maLheur? Pourquoi la terre est-elle une valLée de larmes? 
Parce que les hommes méconnaissent ou violent la loi de solidarité,,. d’harmonie et d’unité; parce qu’au lieu d’être des planètes décrivant fidèlement [‘orbite imposée d’en haut à leur mouvement, ils se font. comètes, et s’égarent dans les voies de la vie comme des astres errans. 
Tout être a une fin, des destinées à lui spéciales; et devant lu:, des Lois préétablies qu’il doit respecter, s’il est libre, pour atteindre sa fin et accomplir sa destinée; c’est-à-dire pour être parfait et heureux. QuelLe est cette fia, quelles sont ces lois pour l’lwinanité? Tant qu’elle les ignore, les méconnaît ou lés viole, il est imposible qu’elle soit dans son bien, n’étant pas dans son état normal, dans sa nature d’où la souffrance, et la perte du bonheur à elle départi.. 
Qui peut douter que le développement de l’humanité, son per fectionnement; les relations des hommes entre eux, leur bonheur,. leur puissance, ne soient soumis à des lois et à des conditions, toutes. providentielles; qu’il n’y ait un ensemble d’idées, de croyances et. de sentimens; d’institutions politiques, de moyens économiques, da dispositions morales, dont l’existence,’la connaissance, l’application. 
•et le respect, ne déterminassent aussitêt un changement à vue dans nos destinées collectives, n’inaugurassent le règne de l’harmonie universelle à un degré jusqu’alors iaoui? 
Eh bien! ces lois, ces conditions, ces moyens, la science sociaFe a pour objet de Les découvrir et de [es vulgariser. 
On peut donc la défhiir: 
La science qui nous fait connaître progressivement les condItions 
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)noraleset matérielles, internes et externes, du perfectionnement; de 
l’ordre et de la puissance; de l’unité et te l’harmonie, et finalement du bonheur du genre humain. 
Tel est l’unique problème éternellement proposé à la science sociale, dont le sort est d’en donner des solutions toujours incom.. piètes, mais aussi toujours de plus en phis satisfaisantes. 
Satus poputi, suprême lex. 
Oui, notre loi suprême à tous, notre devoir, notre mnterêt, est de faire, de garantir le salut de tons. Getc maxime fameuse des Romains est souverainement socialiste: mais comment sauver le peuple, c’est-à-dire, comment le peuple lui-même se sauvera-t-il?—— Par la connaissance, l’amour et la pratique des lois et des conditions nises de Dieu à l’harmonie universelle. 
Le salut du peuple, que les politiques, les guerriers et les avocat, cherchent dans les hasards de la guerre t les razzia dela vioLences; dans les ignobles et stériles expédiens de la ruse, de la diplomatie ou de la corruption, et danses arcanes de la jurisprudence, le salut du peuple, celui des guerriers, des capitalistes et des avocats eux-mêmes, est dans la science sociale, dans la philosophie-religion, ui ii’est qu’une autre manière de nommer la science sociale, laquelle, d’un certain point de vue, se trouve identique à la science des choses divines et humaines. 
Nous définissons le Socialisme par la science sociale. Or, la science sociale, nous venons de le dire, a pour but la découverte des lois qui président aux destinées du genre humain. 
Et le Socialisme est précisément l’ensemble des recherches et des efforts qui tout pour but, non seulement la constitution de .la science sociale, mais aussi la réalisation vivante des voiet moyens, / 1 des conséquences de tout ordre, qui découlent des priifcipes et des / lois de Cettecience. 
Le Socialisme est alors comme le prologue et la péroraison de la science sociale. C’est l’drt de cette sciencé; la science sociale appliquée. 
Le Socialisme est un par ses généralités et par son but. Il est divers, multiple, anarchique par ses moyens. 
JE a pour principes: 
L’unité du genre humain, sa communauté d’origine, son union tivec Dieu et son identification en Dieu, qui en fait une grande famille dont l’être suprême est le père; la solidarité et l’indivisibilité les destinées; entin, l’unité des voiès de salut. 
11 a pour but: 
Le bonheur éternel, *ésent et futur, par le erfetiohnement cii ,ar la tendance indéfinie vers la perfection; la perfection consistant à aimer Dieu et l’humanité, et à s’en faire aimer de plus en plus; â respecter les lois de l’ordre providentiel, comme condition obligée de.l’harrnonie et du bonheur collectif, et comme expression de la loi du monde moral. 
li ya enfin les moyens,: 10 Les moyens spirituels; 2’ Les moyens matériels. 
/1 j’t Les moyens spwstuels sontjla charité, l’abnégation, l dévoite— 
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ment, ou l’amour de soi et l’amour des autres indivisiblement 
rattachés, confondus et identifiés par la volonté de frères. 
L’s moyens nzal’rels sont: l’organisation de tous les modes d’acq tivité, ou du travail social, par l’association et la solidarité des intérêts, le concours des volontés et des efforts, enfin par l’unité économique, la distribution des tâches, en raion, la plus approxi inative possible, dvsaptitudes et des forces; et celle des produits, en raison des besoins., 
Le socialisme ne consiste nullement dans tels ou tels moyens deonomiques, comme l’association volontaire, l’abolition de L’usure, le crédit gratuit de producteur â producteur, les banques d’échaage l’établissement de basars, d’entrepôts, de comptoirs, etc. 
Suivant notre hérésie ou notre clioi, le socialisme, politiquement et économiquement parlant, et si nous considérons notre époque, a ‘peut- but l’égalité des conditions de développement moral et phy. bique, la garantie du droit à une fonction sociaLe et par la fonction l’équitable participation dans les bénéfices collectifs; ou si l’on veut, du droit pour chacun à la délégation d’instrumens de travail, u sûr débouché et à l’equitable échange de ses produits. 
U apour moyens principaux la solidarité matérielle, la mutualité et l’unité économiques par la socialisation du sol et des autres fonds productifs; par la production en grandes réunions et tons autres modes économiques; par la distinction, mais non la confusion ni l séiaration absolue des interêts et des destinées. 
Antipathique nu libre travail, à la production arbitraire, l’échange focultatif, en in mot à toutes les licences de l’individna.. lisme, il ne souffre point la concurrence, la compétition déprécia. tive, qui n’est qu’une autre manière de se livrer à l’antagonisme et de faire la guerre, la chasse aux hommes: mais il admet et orgtnise l’émulation sociale, en donnant un essor normal à la sponta neité, à l’initiative individuelle; en consacrant la responsabilité personnelle; en traoslormant chaque citoyen, chaque travailleur eu fonctionnaire de la Société; et par consequent en élevant tout mé‘tier, tonte occupation, toute spécialité, toute industrie, à la dignité de (onction sociale; — fonction dont l’investiture est soumise des conditions égales pour tous les prétendans, à des preuves d’aptitude’ et de compétence. relative, au moyen d’examen, de concours, de vant des jurys spéciaux. 
Toutefois, aucune définition du socialisme ne peut être adéquate fi sacompréhensi9n, c’est-à-dire ne.saurait le contenir. 
On ne définit point.ce qui a force d’expansion continue, ce 
recèle un germe dont le développement est indéfini. On ne cditle point d’avance la vie çollective : jamais elle ne se laisse réglementer, La vie est comme la rairon: elle ne se formule point : elle se développe et se complète sans cesse. 
U’est pottrqtiOi le socialisme ne peut se définir rigoureusement. dans. ses voies et moyens; attendu qu’ils se meuvent avec les tuurs et les cçmbinaisons nouvelles. Les moyens ne sont pas clii resort’de la’ science, mais de l’art : or, l’art ne comporte aucune formule, et ses voies échappent à nos prévisions et a nos e rconscripti oas dogmatiques. 
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11 suffit que la science sociale ‘exjlique l’immense majorité des faits humains, en donne la loi générale; que ses principes répondent aux désirs naturels, aux besoins, aux tendances persistantes de l’humanité. 
Quant aux moyens qui peuvent successivement acheminer les. peuples vers la réalisation parfaite de fidéal; quant aux détails, à la formulation en articles de lois, ou de statuts, nul ne peut les pré. déterminer; car c’est l’oeuvre réservée, la part. des générations. successives; et ce n’est pas trop que l’acte de présence de la vie actuelle statuant sur son sort actuel dans le temps et dans l’espace. 
Il faut donc soigneusement distinguer entre lascience Sociale spéculant sur ce qui doit être, abstraction faite des époques et des, lieux, et la science. sociale devenant l’art social, c’est-à-dire’ tombant. au sein de la réalité et venant s’emparer des faits; car s’il y n la .cience du parfait, il y a aussi la science du possible, la science de ce qui est en puissance de développement et qui devient., 
Le mot Socialisme est une expression que le charlatanisme cou.. tèmporain n livrée à la plus scandaleuse promiscuité. Il est devenu tellement élastique dans ces derniers temps, qu’un ennemi acharné du vrai socialisme, qu’un écrivain dont les principes, le but et l’esprit Sont la négation même de ce qu’il y a de plus caraetéristique dans la bonne nouvelle, a pu s’en emparer et l’escamoter au profit de ses docLrines dissolvantes et licencieuses sous le nom de liberté illimitée 
Après un tel abus, ce mot, d’ailleurs mal fait et mal appliqué, ierd toute valeur : c’est le motif qui nous le fait remplacer ici par l’expression : science sociale. 
Jusqu’ici la diversité anarchique du socialisme autorise certes le choix, l’hérésie ou l’éclectisme. 
La science sociale d’ailleurs ne nous paraît identique à aucune des nuances ou écoles (lu socialisme; cependant, nous croyons que toutes ensembte, elles n’ont méconnu aucun des élémens de cette science, et que, des nombreux matériaux qu’elles ont élaborés ou dégrossis, l’avenir composera les bases solides du nouvel édifice social. 
roiIà pourquoi, au lieu de faire connaître d’abord les écoles et les. doctrines, nous trouvons plus utile d’établir et d’exposer les principes, les corollaires, l’esprit générai de la science sociale, tels que nous les comprenons, indépendamment de tout esprit de secte. 
- Illais nous avons à défendre l’esprit du socialisme en général, et à redresser les fausses idées qu’on s’en est faites. 
Le. socialisme est fondé sur cette grande donnée, dérivant de l’essence des choses humaines, que nous sommes tous les membres d’un même corps, tous nécessaires les uns aux autres, tous incomplets,. imparfaits dans notre liberté, dans notre développement, dans notre bonheur, les uns sans les autres; tous les enfans d’un même. père: Dieu. 
Ainsi, l’idée et le sentiment de la solidarité, de la fanziliarité et de runiié du genre bumuin est si essentiellement le socialisme lui-même, quel’e eu demeure à toujours aveca liberté,l’égalitéet lafraternité 
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(qui i’en sont que l’expression ou le contenn),le point de départ, l but et le moyen. 
Le mot socialisme a été instinctivement créé pour’ mieux aflirmer l’unité et l’indivisibilité de la République universelle ou de l’Humanité, par opposition àl’individualisme, qui était venu de nos jours nier effrontément tout lien social. 
Si .les passions, aidées d’une fausse science, i’avaient jamais contesté l’unité du genre humain, la solidarité des destinées, la fraternité et l’égalité des hommes; jamais, ce plonasme, ce synonyme du mot sôciété, n’eût trouvé sa raison d’être. 
L’individualisme, dont le passé avait trop méconnu l’essor légi.. time, disait depuis quelques siècLes: chacun chez soi, chacun pour soi et s’efforçait ainsi de délier de mauvais liens. 
Le bon socialisme, qui veut faire contrepoids sur cette pente mortelle, dit: Chacun pour tous et tous pour chacun, et s’efforce ainsi- de reformer les vrais liens, qui doivent unir les membres du corps social et lui garantir le bénheur par la perfectinu. 
communisme est encore un mot 9u1 fait peur, et même plus peur que le mot socialisme , et pourquoi r mon Dieu! uniquement parce que quelques-uns en ont abusé, ou rom transporté hors de son 
domaine. - 
Mais eù soi, c’est-à-dire dans sa signification originelle et traditionnelle, le mot Communauté avait toujours été appliqué parles grands hommes de l’antiquité grecque et romaine comme synonyme de société. 
iNous demandons d nos lecteurs, et nous avons droit d’exiger de leur bonne foi, qu’ils nous laissent employer ces mots, et qu’ils nous accordent le temps de les leur définir par tout l’ensemble des idées théoriques et pratiques que nous y rattachons. 
Le Communisme, a-t-on dit, avec une certaine enflure, n’est qu’un sentiment; mais précisément ici le sentiment, l’amour est tout; car il a derrière soi la fraternité, laquelle est l’expression d’une immense, d’une aimable et majestueuse idée, l’idée de l’unitd du genre humain, de la haute parenté des membres de la grande société, de leur union substantielle a4€ Dieu, de leur origine et de /etlleur fin commune, qui fait une seule et unique famille de toutes les “ familles, des frères de tous les hommes, des soeurs de toutes les nations. 
Et cette vaste et consolante notion est k son tour toute la science sociale en germe très apparent. 
Veut-on palper pour ainsi dire le Communisme, et en avoir idéfinition par l’exemple? 
Un acte notarié qui établlt une solidarité générale entre toutes les associations égalitaires et fraternelles de Paris vient d’être signé 
-aujourd’hui mois de novembre 1849 par les délégués de ces associations. 
Voilê le Socialisme en action : le Socialisme orthodoxe, celui qui tendant à l’unité comme à l’idéal complet, établit la so[idaritê non seulement entre les individus membres d’une même association; tuais entre toutes Les associations; et Leur donne peur esprit, pour 
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principe, la fraternité; pour mesure l’égalité; pour but la liberté véritafle, le bonheur par la perfection. 
Prenons date de ce grand événement : il inaugure en que1qu sorte l’ère des transformations économiques, l’ère de l’abolition du salariat, de l’alfranchissement des prolétaires, ces,derniers serfs du moyen-ûge. S’il se généralise, et comment en douter,, il sera d’une portée incomparable : il sauvera la société européenne!... 
Vraie Société, vrai Socialisme, vrai Communisme, trois dénominations identiques, d’un même fonds de principes, d’un même esprit, d’un même but, sinon des mêmes moyens. 
On s’est beaucoup récrié contre ce dernier mot; il a soulevé les plus vives antipathies : cela e conçoit : on le faisait synonyme d’une immense promiscuité des femmes et des biens: chacun imaginait un vaste caravansérail où tout : intérêts, affections, intimités électives, était confondu; où la responsabilité personnelleétait niée avec le libre arbitre. 
Heureusement, pour la dignité et le bonheur de notre peuple, L n’en est rien. La peur de l’égoïsme a engendré la calomnie, et la calomnie a triomphé un instant auprès des ignorans. 
En fait le Communisme est compatible avec la responsabilité personnelle et par conséquent avec la liberté individuelle. S’il ne l’étaLt pas il serait souverainement immoraL et n’aurait d’ailleurs aucun attrait pour personne. 
Le Communisme, avoué par la science sociale, c’est l’unité et la multiplicité, la liberté et l’autorité, la conservation et le mouvement, ou le progrès dans l’ordre, cest le milieu où les antinomies sociales se trouvent dans leur état normal de conciliation et de simultanéité; sont ramenées à leur mesure, à l’équilibre, au juste balancement, à l’harmonie. 
Le Communisme, tel que nous le concevons, n’est pas autre chose, au point de vue politique, que la théorie de l’équilibre socia][, du balancement des individualités humaines: science ou théorie à jamais variable et progressive, à mesure que les générations se développeront en intelligeuce et en sagesse; c’est-à-dire à mesure que la Providençe incarnera ses idées ou ses révélations dans l’esprit et le coeur des hommes et des peuples. 
Sans séparer absolument comme aujourd’hui les intêrêts, et les destinées, il se garde de les confondre jamais; il les diszinjue dars la solidarité; et par là il échappe à l’utopie qu’on lui ête. 
S’unir les uns aux autres par l’amour, l’idée et l’activité, co n’est point s’identifier, s’absorber comme les fragmens d’un même polvpe; c’est au contraire augmenter sa vie, sa puissance, son bien— être, de toute la vie, la puissance, de tout le bien-être de ses semblables. 
L’unité absolue et forcée d’un couvent de Béeédictins serait la mort, tout comme la multiplicité absolue d’une horde sauvage; point d unité sans variété, comme point de variété.sans unité. Or, i’idee Communiste, con,trôIee par la sicience sociale, est justement la doctrine c le milu qui doit réaliser l’ensemble d’institutions capables d’effectuer l’harmonie entre les deux termes. 
La Science sociale, reina’rqttons4e bien, ne demande, du poiit 
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de vue politique actuel, quelaréalisation du droit strict, ou de la justice distributive. 
Sur ce terrain, leCommunisme est invincible. S’il exigeait, dès demain, le règne de la charié, de l’idéal absolu; s’il confondait la morale avec le droit, c’est-à-dire s’il demandait, au nom de la loi coercitive, au-delà de ce qui est dci strictement par chacun à tous et par tous à chacun; alors, oui, le Socialisme tomberait en pleine utopie, en pleine chimère. Mais, pour ce qui est du droit, il est toujours opportun, toujours utile, toujours permis d’en revendiquer le respect de la part de tous, à plus forte raison, il est’toujours possible et salutaire de le faire. 
Les chrétiens ne seraient point autorisés à exiger la réalisation de la morale du Christ; ils le sont à réclamer de chacun la réalisation du droit, c’est-à-dire des conditions et des moyens extérieurs du plus grand développement moral et physique de tous. 
Ainsi, toute la questiçu est là : Qu’est-ce que le droit? Où est-il pour le coeur, la pensééet les besoins des générations contemporaines? En quoi cobsistent les moyens et les conditions externes du développement et du perfectionnement de la société? 
L’idée fondamentale quel’humanité est appelée à réaliser, mn philosophe allemand, c’est de fixer tous les rapports de l’homme avec ses semblables, d’après 4es prescriptions de la’ raison, sans nuire à la liberté! ou bien, en termes abrégés : Réaliser sw’ la terre la notion du droit. » 
Cett parole de Fichte n’est qu’une partie de la vérité. L’humanité est également, est surtout appelée à réaliser la charité, l’idéal de perfection, d’harmonie et de bonheur qu’entrevoit son intelligence, que désire soti coeur, auquel tend irrésistiblement sa volonté. Seulement il reste vrai que cette grande et sublime fin veut être obtenue et recherchée par la persuasion et par la liberté. 
Le vrai Communisme contient implicitement la communiun. Ce n’est pas seulement une économie, une politique, c’est aussi, c’est 
d’abord, c’est au-dessus de tout, urij philosophie-religion, la seule I e_vraie et définitive dans sa hase; celle au-delà de laquelle du moins J 
l’humanité, jusqu’à ce jour, n’a rien conçu. 
De l’aveu de ses anLgonistes même, le Communisme est l’idéal de perfection: C’est trop beau, disent-ils. Je réponds : Donc c’est la vérité.; donc c’est iotre loi, notre devoir dès à présent, ét maintenant : hine et nune; c’est au moins le phare planté aux, dernières stations du pèlerinage de l’humanité à travers la vie terrestre, la destinée finale à laquelle nous sommes appelés, la destinée dont nous pouvons bâter la réalisation si nous usons bien de notre libre arbitre. 
Voilà pourquoi le Christianisme a tant de valeur: c’est qu’iL est l’expression avancée, sinon parfaite encore, de cet idéal religieux et social. 
La science sûciale, identique au Socialisme, identique au Commitnisme conditionnel, comprend nécessairement dans sa sphère la charité comnie la justice; le devbir et le droit sous leur face religieuse, et le devoir et le droit sous leur face purement poli;ique ou socia,Le. Elle oompreud, et ce qui étant du domaine de La conscien 
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e, tombe dans le monde de la persuasion et de la liberté, e; 
échappe à toute coercition; et ce qui étant du ressort de la morale universelle stricte, ou des actes extérieurs nécessaires à la vitalité sociale, tombe dans le monde de la contrainte, qui est celui du droit strict ou de la justice publique, coercitive, répressive et pénale. La science sociale ainsi comprise, est donc tout à la fois philosophie et reliqion, raison et sentiment, certitude et foi, politique et économie; car le Socialisme recherche, au-dessus de tout,-ce que nous sommes,, d’où nons venons, où nous allons. Il dit noti’e origine, notre liii et; nos moyens; H est donc philosophie; etil ne se contente pas di dire. de prôfesser, il pratique, il organise, il est vivant; il est donc aussi religion; et non seulement il contemple et adore l’idéal, le parfait et celui qui le donne ou le révèle, Dieu; mais il se fait, tout à tous, dans le temps et dans l’espace, envisage le possible, subit la néces.. sité sans cependant la légitimer; se transforme donc en législateur,, en juge, en ministre, et par là, il est aussi politique et éco nomie. 
Le Christianisme primitif est certes la plus haute expression, jus. qu’ici, de la science sociale et du Communisme. 
Toutefois, le Communisme absolu des premiers Chrétiens, correspond à la réalisation de la morale et de la religion dans toute sa rigueur, c’està-dire, de la perfection; ce qui suppose la libgrté, .cae on ne contraint point au nom de la loi à êtrq parfait. Par consé.. quent, il faut la faculté permanente devant l’Etat ou la Société. d’entrer et de sortir du milieu où se réaliserait cette vie parfaite devant Dieu ou notre conscience. 
C’est ici une République de Liberté, une cité de Dieu, à laquelle in loi coercitive n’a rien à voir. 
Le Communisme conditionnel, relatif, limité ou bien entendu, correspond, au contraire, à la réalisation du droit ou de l’égalité il n’exige, il ne comporte même que l’ensemble des moyens et conditions du plus grand déeloppernent moral et physique de tous. 
Ainsi il faut toujours distinguer entre In Communauté parfaite ou facultative, qui est laRépublique dontJésus-Christa pu dire. qu’elle n’était pas du monde de César, et la Communauté obligatoire, celle dont toutes Les sociétés, jusqu’ici,sont l’image très informe. 
Dans notre foi et notre amour, le Communisme conditionnel que a science sociale affirme et justifie, nest pas autre chose que l’unité et l’indivisibilité de la République nationale et universelle, 
C’est la traduction sociale de cette devise immortelle du Christianisme et dela Révolution française: 
Liberté, Egalité, Fraternité, Unité, Indivisibilit& 
Il est, dans l’intention (le tous ses adeptes, le seul milieu où la vie puisse recevoir son développement, sa culture, son irradiation mzaxirnum. 
Tout ce qu’il y n d’amour, d’intelligence, de puissance et de richesses, en un point, est aussitôt communiqué avec équité, mesuré, opportunité, à tous les lieux, n tous les citoyens; de telle sorte que l’essor de toutes les vies s’effectue parallelenient, simultanément, .selon qu’il est dans La nature des choses. 
Les racines du Communisme plongent en quelque sorte dans In 
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berceaù de l’Humanité, tant lles sont antiques, et inhérentes à l’ai’bre social. 
Partout, dès qu’il ya ombre de société, il y u nécessairement fonds commun de sentimens, d’idées ou de croyances, d’activité, d’oeuvres et. de ricbrsses; or, c’est par cette portion commune que la pratique ou communion des hommes entre eux est possible et s’effectue. Chacun eu effet participe plus ou moins également à ce fonds commun. 
Cette seule observation prouve que la Communauté est l’essence méme de toute société, et que ‘le gene humain est né et mourra Communiste. 
Il est clair que plus chacun participe avec poids, nombre et mesure, c’est-à.dire, harmoniquement, également à ces sentimens, à cette science, à ces biens communs, plus tous croissent en perfection et en bonheur, puisque, par cette participation, ils réalisent l’état normal des destinées, la loi de développement moral et physique. 
Or, l’idéal (le Communauté ou d’Association universelle, est précisément le milieu où cette participation, cette harmonie, ce perfectionnement et la félicité de chacun et de tous, recevraient toutes leursconditions et leurs garanties. 
Chez Les sauvages, Le premier sentier établi entre deux huttes, la réunion fatale de deux hommes ou de deux familles pour la recherche de leur proie, est déjà la proclamation solennelle, toute providentielle, de la Communauté voulue par la nature des choses humaines. 
Seulement, c’est ici’ la Communauté à l’état embryonnaire: mais aussi, c’est le premier gland, qui déposé sur la terre, va bientôt la couvrir de ses vastes forêts de chênes. Et ce germe de la société nomale va donc grandir, s’élancer avec et par le progrès de la civilisation; car la civilisation c’est la Communauté elle-même se développant et se constituant graduellement. 
Pourquoi, dès lors, oh! civilisés, vociférer inhumainement contre ‘le Communisme° 
Est ce que les mots Patrie et Fratrie, désignent autre chose que l’idée d’une grande famille? La patriarclue, qu’est—ce, sinon l’idée d’une libation qui procède de chef de famille à aînés et à puînés? Or, une grande famille, qu’est-ce de plus ou de moins qu’une grande Communauté? 
C’est pourquoi les mots Société, Communauté, sont indifférem ment 1lris dans le passé grec et romain pour exprimer ce fait fatal, naturel de la réunion des hommes en corps de nation, ou en une seule et unique association du genre humain. 
On trouve (les preuves nombreuses et frappantes de cette synonymie, dans Socrate, Platon, Aristote, Sénèque, Cicéron, etc 
Le Socialisme, le Communisme n’est donc pas nouveau: il est aussivieux qu’e le monde; lui seul u force de développement, car lui seul est dans l’histoire. 
Jamais l’avenir ne sera plus socialiste queue le fut le passé; l’En-’ rope plus que ne le furent l’inde, la Chine, l’Egypte, la Judée, ‘la Grèce et. Rouie. 
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L’Humsnité future le sera autrement, elle Le sera mieut; toute 1 
différence consistera dans L’intelligence, non, dans l’intention. 
Certes, Brahma et Manou, Minos, Moïse, Confucius, Lycurgue, Solon Numa, Jésus-Christ, sont de grands, d’incomparables socialistes par leurs principes générateurs. 
L’unité, la solidarité, la prévoyance, la mutualité, l’ordre, sont au berceau de toutes Les nations. 
A toutes les époques noemales ou organiques, chaque caste, chaque tribu, a ses droits, son crédit grdtuit ou social, ses matrumens de travail garantis en droit sinon en fait; sa retribution, sa destinée toute tracée; ses conditions d’existence, sinon toujours de’ développement. 
L’individualisme, l’isolement, l’anarchie des intérêts, !‘insolidarmté des destinées, Le brisement du lien social, la fausse liberté qu’on, appelle laisser-faire, en un mot la négation du Socialisme, de la Communauté, ne vient qu’aux époques maladives on critiques, alors’ que les sociétés se transforment ou se décomposent. 
Mais le Socialisme ne meurt point, lui, il se dévdoppe, il s’am plifie, &alnéliore et se consôlide é mesure que les voies et moyens de la richesse, dè la solidarité, de L’assurance mutuelle, de la fusion des intérêts, de la liberté de tous, de l’égalité de tous et de la frarernite de tous, sont plus efficaces; et qu’ainsi tous les fils de l’homme par. ticipent plus également et plus abondamment aux bienfaits de la grande et éternelle Coémmunauté. 
Qu’il le sache ou non, tout socialiste, tout démocrate est Cômmuniste : c’est des deux parts le même esprit, les mêmes principes, le même but; il n’y a de différence que’dans le degré, que dans l’ap. plication. 
Le fouriérisme’ fait du Communisme, timidement et comme à,Ia sourdine, et réciproquement, tout communiste’est socialiste; démo. craie, par ses formules et ses moyens principaux : ici. encore le. degré fait la diversité. 
C’est qu’en effet il n’y a pas d’autres voies de salut pour les peu. pies, que celles de l’association et du concours, de l’ordre, de la prévoyançe, de la justic4 distribuiive, de la solidarité et de l’unité,. Hors de là, il n’y a plus que la licence, l’anarchie’sous le nain de laissez-faire et cocurrence; une reste’ plus que la négation (le toute société, c’est-a-dire que ce qui est, l’économisme’ libéral: Maithus et Thiers. 
On se fait gratuitement dans le monde bourgeois des images repoussantes de 1 idéal socialiste, qu’on ne c’o’nnait que par les on-dut perfides de la calomnie; et puis Qn’ nous répond: je ne veux pris de votre nouveau monde maudit soit-il! .Ce n’est point là ce que me révè!e mon coeur, ce que désire ma nature: elle y serait resserrée, aplatie comme entre deux éimux.. 
Mais bientôt ils comprendront que le vrai Commuôisme est leur vrai bie,n; et dès lors ils L accepteront: c’est donc pure affaire (l’in» telligence et de temps. Vos habitudes, vos préjugés, vos passions,, votre ignoranced aujourd’hui votis empêchent de voir sous son meiL. leur jour cette bonne nouvel!e que vous apporte le .flot indomptable des siècles et du progrès. L’invisible n’est pas facile à démontrer 
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croyez-vous que tant d’hommes honorables qui professent déjà ce 
nouveau Credo, voudraient plus que vous la perte de cette liberté, et de tontes ces conquêtes de la civilisation pour lesquelles ils ont précisément milité toute leur vie? 
C’est donc an nom de votre bien à vous et du salut de tous, que nous vous conviotisà l’étude sérieuse et &ncère d,e doctrines qui ne sont que l’accomplissement de l’Evangile de Jésus-Christ. 
Le Socialisme pur, a un dogme fondamental bleu fait pour rassurer les esprits les plus prévenus, les positions les mieux assises, c’est sa formule sacramentelle : droit autravail, à une fonction; droit égal de tous les cito yens, de toutes les fami1les, de toutes les classes actuelles, aux conditions de leur développement moral et ‘phy sique. 
Il est évident que n.ul.paysan, possesseur d’un coin de terre, nul petit capitalisie ou rentier, nul p€tit fermier ou boutiquier, fût-il le plus ombrageux de sa tribu,n’a rien à perdre, rien â risquer à la réalisation du Socialisme, surtout du Socialisme le plus avancé; mais au contraire tout à gagner, puisque l’essence du Socialisme consiste dans la garantie du droit au crédit, à l’instrument de travail, au débouché et à l’équitable échange; puisque chacun, dans ce nouveau milieu, a la certitude mathématique d’arriver au bien-être, à l’aisance. à toutes les jouissances de la civilisation, moyennant travail, probité, prévoyance, ordre, économie, et en raison même de son degré d’activité, d’aptitudes et de vertus sociales. 
Beaucoup de personnes eu province se sont imaginées que lagarantie du droit au travail était promise au peuple sans anéune condition de la part de ceux auxquels la promesse était faite. IL importe de les éclairer à cet égard. Evidemment, qette garantie présuppose l’organiation du crédit social; et l’adhésion des travailleurs qui la désirent an pacte de solidarité et de mutualité entre tous les centres de productions; et aux réglemens, aux statuts qui doivent accompagner la réalisation. 
Quant aux citoyens que leuraisance, leur superflu, leur position privilégiée, rend craintifs et ombrageux, ils peuvent être en pleine sécurité: le socialisme nè se propose la spoliition de personne: c’est l’ordre qu’il apporte et non le désordre. Si jamais le législateurS souverain vient à demander à chacun des sacrifices, ils ne demeureront point sans une convenable cornpensation.La grande loi de l’indemnité préalable danstous les cas où l’utilité publique réclame l’aliénation ou l’expropriation, sera certainement appliquée avec la plus grande fidélité par le socialisme lorsque ses principes et ses repré sentans seront appelés à sauver la société. ‘l’ont dépendra à cet égard de l’intelligence, du bon sens des classes riches: si elles savent, je ne dis pas faire des sacrifices, ni même des concessions, mais seulement consentir aux voies et moyens, aux mesures et aux instituilons destinées à garantir à tous la possibilité de se donner bien — être et sécurité,elles seront émerveillées d’en être quittes à si bôu xnàrché. La violence, s’il y en a, le désordre et la conflagration univet’selle, tant prédits et redoutés, ne viéndraient que de Irur aveugle et coupable résistance, à toUt progrès efficace. 
Que la bourgeoisie grande et petite, étudie donc comme nous la 
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5cience sociale, qu’elle s’iiiitie à tout ce qui’a été dit, à tout ce qui 
se propose chaque jour pour sauver la société, les riches comme les pauvres; ou la société est perdue, et avec elle tous ces biens auxquels iLs accordent, avec raison, tant de prix. 
QU’EST-CE QUE L’TÂT? 
Nous n’anns qu’une médiocre confiance dans les moyens transitoires pris en dehors des principes radicaux; cependant, nous ne pouvons nier la nécessité, l’impossible. La sagesse la plus vulgaire dit qu’il faut, Irnn gré, malgré, avoir égard à ce qui est le plus fort. - 
Avant donc d’exposer, non seulement ce qui devrait être, au point de vue de l’idéal, dans sa portée absolue, mais au point de vue du droit strict ,ou de l’égalité et de la justice si les hommes savaient, voulaient ou pouvaient; nous entendons faire toutes réserves en faveur de ce qui nous semble ossible dès demain, et en particulier, pour la question de liberté. La liberté est un sentiment, un état relatlf. Il peut exister des générations qui appellent liberté ce que d’autres appelleront licence ; il faut bien y avoir égard. Devant ces exigences, nous proposerons des moyens transit’ires, corresponclans; mais auparavant, nous tenons à formuler les principes de droit et (le justice distributive, enfin l’état normal vers lequel tous les efforts du libre arbitre doivent tendre suivant nous. 
Nous prions donc qu’on ne se presse pas de juger nos idées, en tirant des inductions plus que téméraires, puisqu’on ignore encore la plus grande partie de ce que nous avons à dire. 
s L’Etat, c’est moi; le souverain, c’est moi car la force et la grandeur de la patrie, c’est moi, dira un jour le Peuple définitivement émancipé. Peut-être 
le dirat-il dans cinquante ans! Regardez! depuis longtemps en possession de ses titres de noblesse, le oilà sérieusement occupé se donner ses titres à l’affranchissement absolu C’est le dernier TiersEtat, c’est le Peuple s qui se constitue en prenant conscience de lui-même, de ses droits, (le ses devoirs! » 
Ces paroles datent de 18l ;- et voilà deux ans déjà que le Peuple dit : L’État, c’est moi, car le souverain c’est moi. Notre espérance a êté dépassée; que Dieu en soit béni, et le Peuple de France glorifié! 
Cependant, le souverain tout entier ne sait point encore I’éten4ue, la grandeur de son autorité et de ses obligations; rien de plus pressant donc que de continuer les débats sur ce grave sujet. 
Qu’est-ce que I’Etat, de plus en ptus dans le passé, de moins en moIns dans l’avenir?— C’est le souverain représenté,c’est la déiégation même de ses pou. voirs, en action. 
Que doit-il être en principe, et de plus en plus en appifration? — Identique, hhérent au Péuple, au Souverain, par la nature des choses; il doit être le Peuple en personne indivisible, le Peuple agissant et faisant acte d’autorité ou de puissance collective, c’est-à-dire le Peuple se gouvernant lui.mêie, par lui- même, et faisant ses propres affaires. 
il n’y n pas d’honinie sans tête; il n’y n pas de société sans Etat. La tête c’est l’homme; l’Etat c’est le Peuple. La vie sociale, pas plus que la vie individuelle, n’admet de solution de continuité. Quand le coeur s’arrête, le corps se fait cadavre : la vie a disparu. Or, point de vie sans unité: que le Peuple soit un, et tout est eosommé. 
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Dès qu’une Société n’est plus composée que d’hommes libres, égaux et frères, cette société est nécessairement une République démocratique, c’est-à- dire une association civile, économique et politique, où le peuple dans son Indivisibiité est runiqne souverain; et par con’équent oit l’Etat c’est lui-même se gouvernant lui même, et statuant à chaque instant sur toutes choses selon qu’il le juge convenabie. 
Toute autre forme de gouvernement, tout autre soiverain, tout autre Etat, implique nécessairement que la société qu’.l r€gat est composée ou d’hommes Inégaux, ou d’hommes esclaves; dans ces sociétés, on parle de supérieurs et dinférieurs, de maltres et de serviteurs; on y connait des priviléges sans fin; et des races qui sont divisées en castes, en tribus, en classes, que saisie, des parias, des noirs!... 
Sommes-nous, oui ou non, des hommes libres et égaux? avons-nous une même origine, sommes-nous des êtres de la même race, tous les individus composant le genre humain? si l’on dit: oui, dès lors le peuple cesse d’avoir des p4tres monarques ou autocrates, des malires, des tuteurs. 
C’est ici une société de travailleurs égaux, se donnant, comme on le disait très bien dans la révolution, des commis, des mandataires ou délégués mecsssmment révocables. Le pouvoir devient gérance pure, administration; et les sujets se transfornient en actionnaires, en souverains collectivement. L’autorité réside dans tous et dans chacun. Les kgislateurs sont les membres du grand conseil d’administration de la République, lequel est toujours lui-même sous le coup de la volonté 1u souverain. 
Si donc par Etat on entend le pouvoir, les gouvernemens du passé, il n’y a plus d’Etat (laDs la (léinocratie sociale. Rien de plus antipaibique à la souverainelé réelle de tous que les prétentions et les prérogatives des députés, des législateurs et des rois du giuvernement constitutionnel; à plus forte raison que la superbe et l’impiété des gouvernemeus autocratiques ou des. potiques. 
Les envoyés, les commis du peuple ne comprendront leurs attributions et ne respecteront le souverain qu’alQrs qu’ils se feront sin èrement les échos, les représentans, les serviteurs de tous sons exception, et s’incarneront pour ainsi dire, les besoins, les griefs, les souffrances et les voeux du moindre comme du premier. 
Il ne s’agit plus ici de majorité: contenter le grand nombre n’est rien, mais respecter les droits de tous, s’efforcer de satisfaire la minorité et y réussir, voilà pour les représenLns, le critdriuin du devoir accompli. 
Que font les consetis d’adminisiiatioa (les gi’andes sociétés.par actions, lorsqu’un cas imprévu ou important se présente? ils font appel aux actionnaires ; ils les réunissent en assemblée, ils soumettent leurs délibérations à sa ratification, à son vélo. Ils reçoivent leurs pouvoirs de cette assemblée, et ils ne les dépassent jamais impunément. Or, il en doit être ainsi des hommes d’Etat, qui sont les hommes du Peuple. 
Il y a plus, et depuis longtemps nous professons ces idées: Les hommes d’État ce doit être le Peuple en personne. Nous disons qu’en principe le Peuple doit être la loi vivante, que le Peuple ne doit contracter aucun bail, pas même le bail o’un jour, avec ses serviteurs, c’est-àdire avec aucun de es membres. Plus de lois écrites, de constitutions quelconques; plus de pouvoirs à vie ou à temps; — chaque individu, à chaque instant de sa vie, doit participer à la loi du moment, contribuer positivement en peronue au gouvernement de la République, être l’une des forces réelles’dont se compose le mouvement social. 
Nous voulonsune perpétuelle convention de tous les citoyens, qui jamais ne statue sur l’avenir en préjugeant les cas futurs; mais qui lie et délie à mesure que s’opère le mouvement social. Si le Peuple est le souverain, il est le juge; s’il est le juge, il est le pouvoir; et s’il est le pouvoir, il doit exercer sa puissance dès qu’il en saura orgatiser on régulariser l’expression. 
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Or, nons croyons fermement que l’heure approthe où tout sera ordonné 
dans le mécanisme de la souveraineté populaire, pour quechaque citoyen puisse à chaque instant manifester d’unemanière régulière et authentique ses désirs, ses griefs, ses besoins, sa vie enfin, fi tous les autres membres de la souveraineté: c’est ici une affaire de publicité, une question de voies et moyens, qui peut être résolue aujourd’hui ou demain. Chaque jour, les moyens de formuler, de%prinwr sa volonté, les variations de ses ides.et de ses désirs, deviefinent plus faciles, plus prompts. Il va donc, par le progrès lu mécanisme social, faire de plus en pius acte de présence politique; et un jour viendra sans aucun doute oti un peuple enlierde cent millions d’hommes sera o»suIté à chaque instant sur ses propres aflaires, et pourra par conséquent les gdrsr lui-méme. 
Mais si nous rentrons forcément dans la réalité actuelle, force est bien. d’accepter encore l’État-représentant. 
Dans la démocratie, telle qu’elle se prépare pour un prochain avenir, l’État se meut’ avec le Peuple, avec la généralité des citoyens. La rééeclion à bref délai assure le renouvellement opportun de la direçtion poitique. Les idées arrivent au pouvoir à mesure qu’elles conquièrent l’opinion. Ici donc la tête et le corps marchent à l’unisson; ce n’est plus, comme dans le passé, le pouvoir qui fait ou semble faire changer, faire avancer ou faire reculer le Peuple; c’est le Peuple indivisib1çent qui, effectivement, fait changer, avancer ou reculer l’État. 
Comment craindre alors l’intervention de ilÉtat dans la direction de l’économui pationale, avec nne forme de gouvernement qui fait du pouvoir l’expression vraie de la société.? 
Habituons-nous donc à l’idée qu’une socjété démocratiquement constituée, avec son Etat, c’est-t.dire avec ses représentans, n’est pas aigre chose qu’unç association avec son gérant et son conseil d’administration. 
Sans doutn, le passage d’un vieux système, d’un vieux préjugé ‘s un nouvçatt, peut être lent et pénible, mais pourquoi?. Prce que la généralité des citoyens ne reconnait pas plutôt la supriorilé et les droits du nouveau, Or, c’etIà une condition qu’il faut subir dans toutes les hypothèses; mais l’hypothèse de l’Etat intervenant, et de l’unité économique, à cet avantagé sur celle dit laissez-faire, que les actes de l’État sont au moins acclamés par l’opinion générale. 
Jès4ors, tr,utconsiste à persuader la généralité, des citoyens, à faire devenir majorité de demain, la minorité d’aujourd’hui. l)ésormais, nous habitons la monde de la di%cussiop, de la publicité, de la propagande et de la persuasion; et il ne reste phts qu’à imprimer la bonne tendance des coeurs et des esprits par l’éducation populaire, par la science et par a philosophie-religion; et finalement i promulguer, en les confiant à la garde du Peuple tout entier, les devofrs et les droits antérieurs et aupérieurs à tcute epustittation et à toute .qouverainLé de majorité. 
Avec i’Etat-Peuple, tout marche et s’acbepdne régulièrement à mesure que lcprogrèss’accoinplitdans l’opinion générale, dans l’intelligence et le sentinent collectif, par le traviil secreg de la Providence dans tous, par l’action libre des penseurs, par l’adhésion des masses. Alors, les ;ransitions, les améliorations, de brusques et douloureuses qu’eUes étaient jusqu’ici, se tranforment ei un lmpercep;ib.le 4éveloppeiuent. 
Au Sou’veran, au Peupleseul,ppartient de statuer sur tous les actes extérieurs de la vie collective, sur les devoirs et les droits des citoyens, sur let.rs relations économiques et politiques, civiles et religi.uses; tuais évidemment le Souverain est tenu d’avoir raison, c’est à-dire, de se conformer à la Loi des destinées, et de rechercher les voies et moyens progressifs de son application; et qui mieux que lui, autre que lui, peut remplir çette,inission. 
La’loi générale des destinées est coflajie; .et nous savons aussi, quels sont les moyens généraux, spiriuela et matériels, de l’acconiplisseùient de notre 
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n; mais, en particulier, que doit statuer le Peuple, touchant I’conomie, touchant la disposition du sol etdes autres instrumens de travail, ou l’organisation de la production, de la répartition et de la coaomnation des richesses? La science sociale dit qu’il doit décréter la substitution de la propritté collective à la propriété individuelle; de l’assQciation universelle, nationale, unitaire, à l’isolement universel; de la solidatité à l’insolidarité; de l’unité de direction à la multiplicité et à l’anarchie. 
Toujours est-ii que le Souverain doit Statuer sur tout cela, décréter es m,oyens ou d’autres, s’occuper à chaque instant de la constitution économique comme il s’occupe de la constitution pblitique; c’est ce qu’il n’est plus possible de contester aujourd’hui où tout le monde convient que la constitution atu elle de la propriété, est un établissement de la loi que la loi peut modifier, trans— former, dès que l’exige le salut commun. 
En fait universel, il en a toujours été ainsi, et si’ le Souverain, dans Je passé, n décrêté la forme de propriété et le mécanisme Øconom3que que nous connaissons, c’est qu’il a cru, avec son degré de science et de puissance, quo c’était, les moeurs, les temps et les lieux étant donnés, ou le meilleur ou le seul possible des moyens propres à favoriser l’accomplissement des destinées. 
Pourquoi le souverain n’aurait-il pas le devoir et le droit de garantir à chacun le pain du corps, comme on lui reconnak depuis longtemps l’obllgtion de lui garantir le pain de l’âme? Qui donc peut s’en charger si ce n’est lui? Y a-t-il rien de plus pressant pour la multitude que de s’assurer la fonction ou le travail, le déboucbé et la bonne vente, le loyal échanve de ses produits? Qu’ina. porte aux populations tous les droits politiques, le suffrage universel, s’ils n’ont pour but, pourobjet, ies garanties de cet ordre? Est.il plus nécessaire d’avoir de l’instruction que du travail? Si vous é;ernisez le désordre à la base, comment obtiendrez vous l’ordre au somn’eL? 
S’il est vrai que nous sommes solidai.’es comme les meiébre& d’une même fa. mille, l’association économique unitaire, la mutualité, la Communauté des intérêts et des travaux, l’assurance e le concours réciproques, sont un devoir de preiniér ordre, puisqu’en tout cela consiste la seule forme normale de la société du genre humain. 
Dire société, c’est dire solidarité: organiser l’une, c’est organiser l’autre. Ot’, nons le demandons: faut-il oui ou non organ!ser la société; oui ou non organiser la solidarité? La réponse dans les deux cas est la même. Mais qui serait assez superficiel ou anarchique pnur dire non? S’il faut organiser la solidarité; nécessairement il faut organiser l’unité; car, ici encore, qui dit Solidarité dit unité. Donc le peuple, le souverain, l’État doit décréter l’unité, la gouverner, la diriger; et l’organisation du travail trouve là sa clef de voéte. 
Toutes les insuffisances, toutes les perturbations de la société, viennent de l’anarchie industrielle, du défaut d’ordre, de prévoyance, de l’absence rIe l’unité étonomique. Tant que les hommes’ produiront aveuglement, échangeront arbitrairement, vendront et achèteront sous la seule règle de l’offre et de la demande, useront et abuseront du sol et des autres Instrumens de travail, l’Humanité se dévorera elle-même. - 
L’unité économique, le raccordement, le concours de tous lés producteurs, rintervention. d’une loi commune, uniforme, dans la création et la répartitioa des richt€ses ; enfin, l’institution d’udéjustice sociale dans le monde du travail; l’assoeii(ion de tous sous la haute dii’ection d’une institution centrale; voilà les principes de l’économie future; et-dès l’instant, voilà les seules voies de salut. 
Adoptez ces principes, et dèslors, tout ce que demande Je Peuple se réalise de soi-même; tout devient possible: l’organisation du droit au travail, le droit à l’éducation, à la retraite, une participation équitable detous aux charges et aux bénéfices de la société; enfla, la teadanca constante de l’opinion à exiger 
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de chacun en raison de ses forces et de ses aptitudes, â garantir à chacun eu 
raison de ses besoins, etc 
Toute cenception économique est radiea!ement inféconde, par cela seul q’u’on prétend s’affi’anchir des conditions de l’unité; ct.r alors les volontés, les intérêts, les passions , se retrouvent comme toujours sans frein, sans règle commune, sans limites dans leurs oppositions ou leurs prétenhion. On compte sur la sagesse, sur le concours spontané, miraculeux des individus, oubliant que tes lois et l’Etat sont là précisément pour suppléer la sagesse. dans l’hypothèse presque certaine qu’une sagesse de cette nature, qu’une sagesse collective, spontanée, opportune, ne viendrait pas s’il lui était loisible de faire défaut. 
C’esl pourquoi nous déclarons inefficaces et illusoires, comme état normal, à des degrs f tris divers sans doute, — l’association volontaire des économistes libéraux les plus avancés, — le capital inaliénable de M. Buchez, adopté par le journal l’Atelier, — les communes sociétaires, volontaires du Fouriérisme, — les banques de circulation de Proudhon, et toute banque nationale qui commanditerait des travailleurs insoliéaires, isolés et libres. 
Nul doute, mieux vaudrait l’adoption de ces diverses conceptions, que le laissez-faire ou l’isolement immémorial; nous verrions dans ce début la voie qui mène à la combliisison normale; et déjà, par ces esaais, une grande amélioration s’opérerait dans le sort du Peuple; mais enfin, là n’est ni le droit, ni le certain, w la suffisance. 
La prétention de se passer de l’intervention de l’État dans l’organisation économique n’est rien moins que la itégation de cet éternel écho de la cOiscience universelle : Il est légitime de cotvtraindre â ce qui est juste (sur tou quand ce qui est juste conciriie la vie du grand nombre et la doit nauve garder) Le droit crnporte obligation et coercition. La farce est ace 
service de la justice. 
/ I— Tt4 est rapport, entente, subordination des parties à l’ensemble dans une 
société: la présence d’un organisme ayant sou centre d’action et de réaction, sera donc toujours nécessaire pour rendre réelle cette subordination et par elle l’harmonie. Il et d’ailleurs absolument impossible que tant de passions et de volontés, converg.nt d’elles-mêmes, par leurs déterminations et aspirations isolées, anarchiques, vers les fins utuluiples que doit se propose; l’activité collective, et que prescrit le droit, le développement moral et physique, le bonheur et la liberté de tous. 
C’est une chimère de croire que toutes les sphères d’activité, libres et concurrentes aujourd’hui; que tous ls intérêts opposés, vont se concerter, se fondre et s’harmoniser d’eux-mêmes, en, une association intégrale par communes ou par corporations; se cor.former de leur propre mouvement et toujours à toutes les conditions d’unité, de solidarité et d’équilibre! 
Lors même qu’il en serait ainsi, le fait devi it encore être sanctionné comme droit; et de facultatf devenir obligatoire: d’où la nécessité de l’intervention directe t active de l’EIat; à lui seul le droit et la puissance de ramener à l’unité tant d’élémens épars. 
Vous avez droit au crédit, ,doit dire le souverain à chacun de ses membres, mais en même temps, votre devoir est de consentir aux conditions que le bien général et la nature (les choses écoionuiques m’obligent de mettre à l’octroi de ce crédit. Tout droit suppose un devoir corrispondant: il serait commode d’obtenir le bénéfice sans la charge. Vous appelez cette exigence Une atteinte à la liberté; je l’appelle moi une digue à la licence. Est-ce que, de ce point d vue, tout devoir n’entame point la liberté P 
Nul hemme ne doit avoir le privilége d’octrqyer ou de refuser le travail à son semblable. Il en est de même absolument des corporations oit des colleclions d’individus entre elles, — C’est cependant ce qui arrive lorsque le crédit 
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reste privé, facultatif, au lieu d’être public, social, obligatoire, dans les limites 
de la justice. La société doit à tout citoyen, à toute sphère d’activité sociale, des iostrumens de travail à des conditions égaies pour tous. 
Afin de garantir à tous le droit au travail ou le crédit, c’est-à-dire afin d’organiser le travail, il faut donc commencer par Oter aux corporations comie aux individus, la faculté de produire à fantaisie, et sans égard aux ressources déjà accumulées; de vendre et d’acheter â leur corps défenda,t, de fixer le prix 
du salaire, le tout sous l’action aveugle, inique, de la loi de l’olfre et de la 
demande, et par conséquent d’user- et d’abuser des instruniens et des produits 
du travail national, dans tous les ordres de richesses. 
Les intérêts et les passions ,goTstes ne sont que trop souventopposés en fait 
dans leurs prétentions. S’ils ne l’étaient pas, pourquoi donc des devoirs, des 
lois, une justice et un État? Laissez faire absolument en tout et pour tout, ou 
convenez que l’expansion et la jouissance des uns doit être limitée par l’expan sio et la jouissance proportionnelle et parallèle de tous les autres. 
De toute manière, il n’est donc,pas possible d’éviter l’intervention directe 
et permanente de la société ou du £ euple souverain par l’État. 
Il importe peu que l’on distingue Sa délégation économique de la délégatiota 
politIque. Nous n’examinons pas ce point en ce moment; nous disons que 
l’unité est de rigueur dès qu’on peut l’imposer. 
L’unité économique, l’ordre, la prévoyance, ne sont point incompatibles 
avec le changement, avec la spontanéité et l’initiative populaires; s’il n’y a 
plus licence, arbitraire, il y a toujours, et plus que jamais, l(bertd dans les 
limites du bien général. L’obstacle au changement ne peut pas, venir de l’Etat, 
du pouvoir, c’est-à-dire de la gérance et de l’administration, mais de la majo rit duPeuple. Or, la minorité dispose d’un expédient tout légal: qu’elle 
modifie l’opinion de la majorité dans son sens, la majorité alors, par son vote 
régulier, opèrera les améliorations désirées. Admettons cependaut que la 
majorité s’obstine dans un statu quo on une rétrogradation que condamne 
l’irrésistible élan des sympathies, des besoins, de la science nouvelle; suppo Son qu’elle s’oppose systématiquement à toute modillcatioo,qa’elle viole même 
ces grands principes, ces lois éternelles qui protègent la vie et les biens, et qui 
constituent ce qu’il y a d’invariable dans la morale universelle; ators toute 
issue régulière, légale, étant fermée à ce qui a vertu et force d’avenir, il se 
fera ce qui se voit toujours eu pareille occurrence; il y aura crise ou révolu tion explosion des volontés, brisement ‘de la vieille unité; un nouveau 
système, produit de la spontanéité des révoltés, amènera une nouvelle unité, 
un nouvel Etat, un nouvel ordre. 
- Telle est la loi du mouvement social. L’Etat est éternel dans son fond 
j iØpérissable dans sa forme. On le brise quand il est obstacle, mais c’est pour 
liii en substituer un meilleur (et le meilleur, est l’Etat direct, l’Etat-Peuple, celui oti tous sont assez sages pour se mouvoir comme une seule personne) on le brise, dis-je, mais on ne le change pas. Et le moment court et doulou— reux qui s’écoule entre l’ancien et le nouvel Etat-, on l’appelle révolution, anarchie, désordre, licence. 
A cet égard, voici le mouvement providentiel qui semble se trahir dans rhistoire 
jo Au début de la carrière de l’Humanité ou d’une Nation, un système de 
•relations s’établit par l’effet-de-la spontanéité de àhacun et de tous; c’est ici le produit du mouvement intestin de tout un peuple. La fatalité y concourt au moins autant que le libre arbitre du genre humain; la fatalité, c’est-à-dire ce qu’il y n d’irrésistible dans sa nature, les circonstances générales étant données; 
2. Puis, l’intervalle d’anarchie nécessaire à la fusion des élémens en pré sence étant écoulé, vient I’Etat qui, au nom du droit, consacre et protège ce 
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système jusqu’à ce qu’il soit dépassé, réprouvé par les sympathies et le exigen. ces nouvelles. 
3° Les désirs, les besoins nouveaux se faisant jour, donnent lien à un nouveau système d’idées, de sentimens, de préjugés, de droit, et de rapports moraux et matériels ou économiques. 
Si l’État en consacre à propos les résultats; il y a progrès, transformation pacifique par en haut, par saite des mouvemens opérés par en bas. IL y a transition et transition douce. 
Si l’lttat est immobile ou rétrograde, s’il y a des oppositions trop longues on aveugles, l’État abdiquant, le mouvemçnt se fait saqs lui, à côté de lui, malgré lui; il y a décomposition, révolution pins ou moins profonde, selon le radicalisme des principes nouveaux, révolution au bout de laquelle un nouvern système de relations s’est introduit dans les faits sociaux; et l’Etat s’est ‘vu régénéré et comme ressuscité, avec la mission de légitimer les résultats acquis; et ainsi de suite à l’indéfini jusqu’à ce que, par l’effet de la sagesse collective et de la perfection du mécanisme-social, l’Etat-reprdsentant se transforme en Et av-Peuple ; et I’Etat-Peuple se consomme dans l’aniui. 
Tels sont les éternels momens du progrès social, détruire après avoir édifié; édifier après avoir détruit et toujours pour le mieux: ou plutôt mener de front les deux actes d’où découle l’amélioration des choses humaines. Nier en même temps qu’on affirme; affirmer én même temps qu’on nie; n’organiser qu’en désorganisant; ne désorganiser que pour organiser. 
Vous voulez tout lier et délier successivement par le mouvement intestin, mais confus, incohérent, chaotique, des volontés et des intérêts isolés, in- solidaires, en dehors de toute unité ciale. 
Nous voulons, nous, tout lier et délier, dans l’ordre des relations économiiiques, par l’action régulière, normale de la souveraineté populaire. C’ést au peuple mieux informé qu’on en appelle quotidiennement, à chaque heure, à chaque instant, de tous les abus, de tous les préjugés, de toutes les imperfections; c’est au peuple que l’on proposa toutes les innovations, inventions, améliorations; tous les moyens nouveaux de perfectionnement et de bonheur; 
— et le peuple lie ou délie progressivement, par l’organe de ses mandataires, de ses agens, de ses administrateurs, de ses commis. 
Tout ce débat sur les attributions économiques de l’Etat se réduit à tien termes saisissables iour toutes les intelligences. Une association quelconque peut-elle se passer d’une gérance,’d’une administration, de commis ou représentans-mandataires? Des travailleurs groupés ensemble pour une oeuvre collective de production, peuvent-ils se passer de règlement, d’une loi de leurs rapports? 
Ce qui se dira à cet égard, d’une association quelconque, d iravailleurs I’un même groupe ne doit-il pas se dire absolument aussi de plusieurs associations, de plusieurs corporations, sous peine de perpétuer le monopole, la concurrence, la coalition, la licence, l’exploitation sur in grande échelle de. l’association; et de pr.étendre qu’au-delà d’un certain nombre d’associés, l n’y a plus que des ennemis qu’il faut combattre? 
Or, nous maintenons que l’État n’est pas autre çhose que la gérance ou l’administration nationale, puisque l’État c’est le Peuple. 
On ne peut se faire une idée saine de cette théorie de l’État-représentant, si l’on oublie un seul instant que l’État, le pouvoir, le. gouvernement, matorilé, e’estle Peuple en personne, etindivisibtement, par procuration toujours (le plus eu plus facilement révocable; — si l’on perd de vue que, comme condition préalable de l’action d’une institution éconowique centrale, il edste au•dessus (le cette institution, par conséquent au-dessus du caprice ou de l’iniquité de qui que ce soit, une constitution fondamentale qui consacre les Irolis uniurels et iinprseriptib1es de L’igdividu; que gcâce â cette cons tiution 
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immuable, les citoyens sont â l’abri des abus en tout ce qui tient à leurs pre mier et plus chers intérêts. 
La fonction et ses fruits, le droit au travail et toutes les franchises qui constituent l’indépendance civile, économique et politique sont donc tout aussi abritées dans ce nouveau monde par l’esprit public, les croyances et les moeurs, par les institutions et la justice, que le sont aujourd’hui tous les genres de propriétés, les fonctions dans la magistrature, dans les facultés, dans l’Université, dans l’armée, dns l’administration publique; et en réalité chacun ne dépend plus que de la souveraineté du P uple dans les limites tracées par l’inamuable constitution. 
Que peut-ou craindre? Est-ce que le personnel, les gérans, le conseil de l’institution centrale économique, étant élus par les travailleurs, étant leurs représentans, ayant leurs règlemens, étant soumis comme tout le monde à la loi commune d’égalité, ne pouvant rien en dehors des limites tracées à leur action, étant toujours sous le coup de la Volonté collective, etc., n’offriront pas toutes les garanties à la liberté individuelle la plus jalouse P Loin de conduire le peuple, ils seront conduits par lui, car enfin il faut bien supposer que les moeurs peuvent venir mettre içi leur puissant contrepoids. 
Personne parmi les Socialistes ne pense à enregimenter les citoyens et à leur procurer le doux régime des casernes. Il ne s’agit des réminiscences ni de Crête, ni de Sparte, ni du Caire. 
Loin que l’État fasse tout (le lui-même, on lui fait faire tout : le peuple souverain trace le cercle légitime de la liberté individuelle, puis l’État exécute, administre, — et rien de plus. 
L’indicible avantage de. l’administration économique dont se trouverait investie l’Assemblée nationale, et par elle une institution spéciale organique; c’est qu’alors l’utilité générale peut toujours être constatée, consultée ou satisfaite par des mesures que la raison et l’équité avouent, que le peuple est toujours â même de connaître, d’apprécier, de combattre ou d’appuyer. Dans ce milieu, tout déni dejustlce, tout abus qui, aujourd’hui, se borne àla sphère privée,’où il reste souvent impuni, revêt aussitôt un caractère public qui en assure la prompte et efficace répression. 
Quelle garantie, quand, sur toutes choses, on pourra en appeler comme d’abus à l’opinion universelle des associés, quand le tribunal ce sera la nation elle-même dans la personne de représentans toujours enchaînés au suffrage et â la ratification du souverain I. 
Quoi qu’on fasse, on n’éludera pas la nécessité de l’ssnitd économique, parce qu’elle est condition de liberté et de justice sérieuse pour tous. Si une Banque è l’instar de celle de la Banque du Peuple réussit, elle sera ou deviendra un Etat dans l’Etat; elle sera l’unité que nons- voulons; elle sera le nouvel Etat qui doit venir supplanter l’ancien, s’il refuse de se faire lui-même le banquier du Peuple. Mais évidemment, elle ne se consolidera qu’autant qu’elle garantisse à tous le travail et les fruits légitimes du travail, et par conséquent, le crédit, le débouché et l’équitable échange. 
Quoi qu’il en soit, l’Etat, expression de la force des choses, refusera toujours à la multitude la portion de liberté dont elle ne saurait pas user convenablement, c’est-à-dire dans le sens de sa destination il sera au ‘contraire, fatalement amené à lui garantir les conquêtes de ce genre, qclle se’sera préparées par sa sagesse. L’histoire universepe en dépose solennellement. Il est bien vraj qu’elle nous montre l’avènement progressif et continu de la liberté, mais aussi et préalablement celui du droit et de l’égalité, ou de la justice et de la charité. 
Que si les tassions, restant déchaînées par notre abdication morale, se manifestent dans le désordre et avec la violence que l’histoire raconte, certes le pôuvoir violent re5tera la première des néçessités, parce qu’il sera la première des conditions de la séiurité individuelle, do la conservation des 
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richesses et d l’ordre matériel des sociétés. Faut-il prédire ici la dictature? 
Non I qu’elle soit maudite 1.... à moins cependant qu’elle ne s’exerce pour le bien, au sein d’un déluge social. Si, au contraire, les passions s’apprivoisent généralement au joug de la raison et du droit, I’Etat ,toujours nécessaire alors comme moyen ou condition d’unité, d’économie, de justice distributive, se fera peuple, par conséquent, sera sans danger, et laissera à l’individualisme son indépendance légitime. 
D’où cette conclusion: Le pouvoir en soi, c’est -à-dire l’Etat-Reprlseiztant ou l’Etat-Peuple, demeure un élément constitutif essentiel de toutes les sociétés; et toute la question est entre ces terme: un bon ou un mauvais pouvoir; mais, dire plus de pouvoir, ce serait dire plus de société. Il ne reste ensuite qu’à se donner soit un bon pouvoir indirect ou représentant, soit un on pouvoir direct ou peuple, et la question aboutit finalement à ceci: un bon ou un mauvais Peuple. 
PREIRE LETTRE AU CITOYEN PROUDRON. 
Citoyen, 
Vous avez cherché là célébrité; soyez satisfait, vous l’avez à souhait; mais avez-vous également la vérité, êtes-vous dans le bien? Votre conscience a déJh répondu: non, citoyen. Et ce que je déylore, ce qui doit vous atUiger, pour’ obtenir les faveurs de la fausse renommée qui a apporté jusqu’à nous les noms les plus excentriques, il a fallu pactiser avec l’erreur, se vouer au paradoxe, faire profession de sophiste et de boxeur intellectuel. 
Une célébrité acquise à ce prix, c’est bien cher, citoyen. Considérez plutôt le chemin que vous avez fait depuis que vous vous êtes mis à compoer avec les principes, leur préférant les joûtes de la dialectique hégelienne et les succès des Protagoras et des Gorgias. — Vous verrez que vou vous êtes engagé dans les voies de l’orgueil, de la bizarrerie et des passions froidement furibondes, au bout desquelles il y a un abime même pour les plus forts et les plus heureux. 
Ce qui frappe d’abord dans vos écrits, c’est la glorification anticipée, bouffonne, pafenne et folle de vous-même, et la détraction méchante d’autrui,. particulièrement de. ceux qui vous portent ombrage ou qui vous sont obstacle. 
Devant une personnalité aussi anormale et tracassière, on croit facilement à la présence secrète de quelque mauvais génie; et en effet, on aperçoit bientôt 4es cornes du Malin, qui, blotti derrière le rideau, tient en ricanant les ficelles de la grande fantasmagorie Proudhonienne. - 
Mais ce qui perce au premier plan, c’est le bouffon glorieux 
Et vous, lecteur..., voyez-vous ce tourbillon qui passe et qu’on appelle la 
s sôciété, duquel jaillissent, avec un éclat si terrible, les éclairs, les tonnerres 
s et les voix? Je veux vous faire toucher du doigt les ressorts cachés qui le 
meuvert; mais il faut pour cela que vous vous réduisiez, sous mon com» mandement, à l’état de pure intelligence Souffrez donc qu’avant -de 
» dérouler à vos yeux les feuillets du livre de vfe, je prépare votrà âme par 
» çette purification scepliqne! 
Que de lumières; je me trompe : que de fusées vont jaillir! — Et si ce livre de vie était un livre de mort lb... 
a On a dit de Newton, pour ezpriaier l’immensité de ses découvertes, qu’il 
» avait révélé l’ablmc de l’ignorance humaine. Il n’y a point ici de Newton, et 
s nul ne peut revendiquer, dans la science économique, une part égale i 
s celle que la postérité assigne à ce grand homme dans la sçeucu de 
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» l’univers. Mais j’ose dire qu’il y a ici plus que ce qu’a jamais deviné Newton. » 
• En effet, citoyen, jamais Newton n’eût deviné, avant de vous avoir entendu, jusqu’où peut aller l’orgueil de Satan !... 
Voilà bien les trompettes qui litent tomber les murs de Jéricho! 
Cieux et terre, et mers, faites silence; écoutez la voix du grand Dieu Pierre-Joseph Proudhonl... Je m’étais dit, avant de connaltre l’ordre d’ange ou d’archange auqne[ vous appartenez : ce n’est point là le langage d’un mortel; cedoit être au moins celui des petits Dieux. Maintenant je m’explique, tout surnaturellement ce que j’attribuais à un accès de superbe. 
Les charlatans, dans toutes nos foires, étalent à grands fracas leurs babioles: 
Ne vous amusez donc point à la bagatelle de la porte! Entrez vite, entrer dans le sanctuaire des merveilles! Vous y verrez ce qui ne s’est jamais vu ; vous en sortirez convaincu de cé qui est incroyable! — Vous pénétrez, et que voyez-vous, qu’avez-vous appris? Rien, si ce n’est votre crédulité, ai ce n’est que ‘ous êtes dupes et que le charlatan est bien nommé. 
Il y a, dans vos livres, des affirmations graves, des prétentions inouïes. IL n’y est question de rien de moins que de la négation de Dieu, de la Fraternité de la Communauté et même de l’Egalité. Tout ce qui relève et réjouit l’Humanité, la providence de Dieu, sa toute-puissance et sa bonté, la vie de famille se. ciale et la sainte solidarité des destinées, sont brutalement stygmatisées par vous du nom de préjugés, de bêtises, de niaiseries. 
Or, je vous fais un crime, non seulement d’étaler une glorification extravagante de vous-même, mais un souverain mépris pour les autres, et de vous complaire dans cette double outrecuidance avec une persistance toute systématique, et d’oser, au même instant, vous donner au monde comme venant servir la cause du bien et de la vérité, la cause du Peuple. 
Nous le savons. citoyen, vous avez pris le parti de n’être janiais de l’avis de tout le monde Le paradoxe, le sophisme conviennent a l’orgueil. 
« Ce métier i’accus atour que je fais, est te dernier qui convenait à mon tempérament. Il s’agit bien de tempérament, il s’agît de moralité: 
« Mon action ni mes paroles ne seront irritantes. » Le pauvre homme f.. vous êtes si doux, si poli, si accommodant t Je lis, en effet, dans votre Philosopltie de la misère, qui est bien plutôt la misère de la philosophie, ois mieux encore du philosophe, je lis: (<Loin de moi, Communistes! votre présence m’est une puanteur et votre vue me dégoûte. » — « Je suis pur des infamies socialistes » — e Tout ce que Le socialisme a jamais débité n’a été qu’une déclamation de charlatan. » Et tant d’autres aménités du même genre qui n’ont certes rien (l’irritant lorsqu’elles viennent de vous, citoyen. Ecoutez, par exemple: • Quiconque, pour organiser le travail, fait appel au pouvoir et au capital, a menti. » Ne trouvez-vous pas, citoyen, quand votre fièvre et vos hallucinations sont passées, que quiconque s’exprime ainsi, eût-il raison au fond, est un impudent, un provocateur de discorde, qu’il se dégrade et sisérite la réprobation publique. 
Et vous voulez que le Peuple ne voie pas dans, de pareilles immondices, une récréation de votre orgueil, une envie démesurée de vous si9naler par tous les moyens? 
Si un inconnu venait dire de vous: 
3e :connais tes oeuvres, démon de contradiction ; j’ai lu tous tes pamphlets: 
Six ans tu défendis le Socialisme .et son église ; le reste de la vie tu seras ,con— damné à détruire ton ouvrage. Tes colères contre les Montagnards et les Socialistes m’ont attristé, car je me suis dit: tu seras renégat et athée, plein de remords; méprisé et oublié. Tu tes fait L’émule et l’adversaire de la vieille êconomie libérale et de Malihus; c’est pour cela que tu t’es arrêté à la vieille économie libérale et à Malihus. Ta t’écriais, d’après la vraie doctrine, que celui qui veut plus que l’égalité, qui veut exploiter son semblable sok 
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regardé comme païen et féodal: tu dis maintenant, d’après la vieille éco. 
nomie et Matlrjs, que celui qui ne çonsent point à l’inégalité, à l’anarchie, à PexploitflhiOfl (ILI faible par le fort, soit regardé comme anathème. Tu combattis fa propriété-monopole; tu invoques la liberté de monopiliser les richesses, Tu dis au Peuple, dans un langage incendiaire t vous étes esclaves; vous devez être maître SonVerain; vous n’avez rien et vous produisez tout; voire misère est extrême, et trois millions d’entre vous mourront de faim cette ann!e; votre martyr est sans nom; vous êtes stupide et lèches si vous ne secouez l’affranchissement au p’us tôt. — Et quand le Peuple (leinande les moyens de sa liberté et (le Son salut, la règle des relations économiques nouvelles, tu lui réponds : anarchie, individualisme, licence, tout ce qu’on voudra. — Quand il cherche les conditions (le l’ordre et de l’égalité, tu lui réponds riu’il est libre, qu’il est souverain. — Tu n’as rien ajouté à tes modèIe, les faux libéraux, les hommes d’ (lestrucliOn, d’analyse et de négation. Ton économie se tait od les diflicultés commencent: anarchiste et orgueilleux jadis par tempérament; anarchiste et orgueilleux aujourd’hui par système; anarchiste et orgueilleuc toujours. 
Si donc, citoyen, quelqu’obscure folliculaire vous jetai; ainsi l’insulte, sans aucune provocation (le votre part, de quels gros mots ne caractériserie vous pas un t’l procédé? 
C’est cependant la paraphrase fidèle (les invectives lancées par vous contre une mémoire qui heureusement n’a rien à craindre de vos morsures de vipère; celle (le l’illustre et très respectable Lainennais. 
Que faut-il conclure de votre ignoble et outrageante apostrophe P — Que Latuennais est un grand homme et restera tel devant la postérité; mais que son détracteur est un brutal, qui e tout à apprendre en fait tIc sociabiiké. 
Vous qui connaissez si bien les lois de la création de l’ordre dans l’1iuma• fiLé (puisque vous vous flattez (le les avoir révélées,), ne voyez-vous pas que vous avez ici péché au premier chef conti’e les lois de L’ordre? 
Comment voulez-vous que la douceur, la paix, la tranquillité même, s’accti.’ matent jamais parmi nous, lorsque vous jetez incessamment la bave de von farouches passions sur les passans?... Mais j’oubliais que pour votre bon coeur la fraternité n’est qu’une niaiserie. 
Comment n’avez-vous pas réfléchi que -pour établir, par exemple, une banque du Peuple, le créditgratuft, et la mutualité des producteurs: toutes choses que vous guûtez fort, il faut au moin, entre tous les citoyens, une mutuelle bonne volonté, quelque pen d’amour et d’indulgence dans les âmes; que si chaque mutuelliste, imitant votre énergique et sauvage grossièreté, s’en allait donnant à droite et à gauche, par devant et par derrière, ses coups de boutoirs comme vous le faites, la réciprocité au lieu d’être ,pro ductive et économique menacerait d’être terriblement destructive et sati. glaute? 
Si encore votre volonté, faisant divorce d’avec vos mauvais penchans, ou vos mauvaises habitudes, s’exerçait ais bien; pour peu que vous en pré-’ vinssiez vos concitoyens, tout le monde à l’envi, et nous les premiers, nous vous couvririons de notre indulgence ; mais bah! vous vous complaisez dans cette allure de sanglier; e;, ce qui ferait désespérer, vous y portez le glacia esprit de système. 
Ne pouvions-nous controverser de toutes ces choses, sans nous mal traiter. Par ce simple respect des moindres bienséances, nous faisions notre salut; et nous aidions, par notre exemple, le Peuple à faire le sien. Mais vou voulez vous ittacher à nos flancs comme une furie : souffrez que nous vous rendions ce qui vous est dû, et vous tenions Lutin â distance. 
Quoi donc! ne pourrons-nous jamais mettre un peu d’harmonie entre nos penées, nos sentimens et notre conduite? Voici en vous, citoyen, une intel.. bgence souvent juste et profonde, une parole toujours vigoureuse et qui, 
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serait prodigieusement puissante si elle n’était presque toujours au service 
d’un détestable philosophisme. Et bien t votre coeur est vide d’amour pour Dieu et pour Les hommes; d’indulgence, de douceur et de patience, pour les imperfections des meilleurs, et des plus éclairés: vos actions publiques sont une série d’injures ut de provocations scandaleuses : vous jetez le fiel de vos rancunes, le venin de votre rage, le mépris de votre orgueil sur tous ceux qui brillent ou s’élèvent. 
Et le tout avec le plaisir d’un vrai démon; car démon, citoyen, c’est le nom de tout méchant qui cherche la discorde et le tapage avec délectation et qui se réjouit des blessures qu’iL croit faire: seriez-vous jaloux du Méphistophélès de Goethe? 
Vous dites quelque part, si j’ai souvenir, que l’homme n’est autre qu’un mélange de l’animalité à tous ses échelons, sur laquelle a été grefi’ée 1’ hum anit : de sorte que depuis Je polype et l’huître jusqu’à l’éléphant, jusqu’au singe, au chien et au cheval, en passant par les serpents, les crocodiles, etc., toutes ‘les essences du règne animal sont amalgamées et représentées dans notre nature morale. 
Eh bien, citoyen, je m’aperçois tic la vérité de ‘votre observation, depuis que je vois en première ligue, se manifester cii vous l’ours d’abord, puis le sanglier, et la vipère et le butor, en compagnie du geai et du paon, de l’hyène et du vautour, etc., et quelquefois aussi de l’aigle, tuais comme une courte apparition: enfin toute une ménagerie d’animaux plus ou moitis insociables. 
Citoyen, Socrate aussi avait senti en prédisposition dans son âme ou dans sa chair des passions basses, des inouvemens subversifs de L’ordre dans £‘fj ,nanitô; mais un jour sa volonté se mit fièrement en querelle et en tztte avec les tentations de sa nature ;et l’être que la fatalité semblait entraîner aux crimes les plus honteux, le libre arbitre en fit le type tic la force morale, de la vertu, et le digue précurseur de Jésus-Christ Mais Socrate croyait en Dieu, 
Vous, au contraire, vous persistez dans les jilus graves fautes : j’ai le droit et le devoir de vous dire, au nom commun (les vrais socialistes, que voi êtes immoral en manquant d’amour, en soufflant partout, avec l’air le plus dégagé, les torches de la discorde. 
Vous reprochez à Lamennais son passage du pape au peuple, et l’appelez ange de contradiction. Cette conduite l’honore cependant; car l’Europe entière sait qu’elle fut désintéressée jusqu’au sacrifice. tait-ce bien ii vous de lui en faire un crime, à vous qui avez poussé l’esprit de contradiction à sa dernière puissance, et qui avez écrit ces lignes pleines de cynisme: 
e Je ne me défends pas d’avoir été fouriériste..., Mais Monsieur, ce qui.... » vous étonnera sans doute, c’est que j’ai été bien d’autre choses: tour it tour » protestant, papiste, arien et semi-arien, manichéen, gnostique, adamite même 
et préadamite, que sais-je? Pélagien, socinien, anti-trinitaire, néo-chrstien. » Voila pour la religion; — Idéaliste, panthéiste, platonIcien, cartésien, éclecs tique (c’est une espèce de juste-miLieu), monarchique, aristocrate, cons- » titutionnel, babouviste et communiste; vojci pour la philosophie et la poli- » tique. « 
Joconde, don Juan, et le Figaro de Beauniarchais, n’eussent pas mieux dit; on s’aperçoit du reste, en vous lisant, de vos traversées et de vos excucsions en maints pays; vous êtes la confusion vivante des langues, une vraie tour de Babei. 
Peuple! voilà les certificats de compétence du citoyen Proudhon en matière sociale, du fondateur de la Banque du peuple, du conseiller de maintes mesures décisives au dernier point pour votre sort. Et cependant lorsque Proudhon paFle, vous savez de quel ton sentencieux et absolu. 
Citoyen, quand on se glorifie d’avoir tant courtisé de doctrines et d’opi. RiOLS, l’on passe pour infidèle et L’on se nomue sophiste, 
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te savez.vous bien? — Tons ceux qui vous ont lu dans vos gros livres et 
vous ont étudié dans vos actes politiques s’arrêtent à cene conclusion: 
Divagation et hallucination systématique d’une Intelligence déviée, troublée per un orgueil prodigieux; colère mal dissimulée, d’un amour-propre que le peuple n’accepte point passivement et en idolâtre pour chef de 111e; dureté, cruauté, ingratitude fiévreuse, turpitude d’un coeur que la bonté, la bienveillance et la générosité n’ont jamais remué. amoli, dilaté, agrandi, exalté, transporté hors de lui dans les autres. 
Gardez vous donc de vous croire la Voix du Peuple: ce serait vous préparer un poig1ant mécompte. Le peuple ne peut voir dwns votre conduite que le besoin de faire du bruit, et nullement, je ne dis pas le moindre amour, vous n’en avez pas, mais le moindre souci de son bien-être, de son avenir. Ce que vous aimez, c’est vous-même t ce que vous cherchez, c’est la renommée9 la célébrité à tout prix, celle des tréteaux plutctt que point. 
Dans le peuple vous ne voyez qu’une abstraction, et si vous aimez quelque ehose, c’est cette abstraction. V 
Vous avez bonnement cru que le peuple verrait un ami sincère, nia défenseur dévoué de ses droits, dans un égoïste qui, chaque jour, avec une incroyable suffisance, se produit en imperturbable mystificateur public, et exploite les questions sociales comme moyen de célébrité, et base de son ambition. 
Rapetisser autrui pour se grandir soi-même, cela se Voit souvent, mais réussit rarement. 
De toutes les vanités, la plus illusoire et la plus funeste à la société, est sans doute celle qui nous pousse à l’exaltation de nous-mêmes; et la plus puérile, celle qui nous persuade que nous avons reculé bien loin les limites de la science oit de la pensée, dépassé d’une distance incommensurable la portée de nos contemporains. 
Regardez derrière vous: la liste est bien longue de tous ces esprits forts ou superbes qui se sont produits comme les lumières de l’avenir. Hélas! météore d’un jour, la postérité ne connait d’eux que les prétentions et les déceptions. 
Vous reprochez à Louis Blanc d’emprunter ses doctrines au Saint-Simonisme, au Fouriérisme, au Communisme; et vous vous produisez comme original, alors que vous n’êtes que l’audacieux plagiaire de ces mêmes écoles; alors que vous ne vivez que du bien d’autrui, que d’emprunts dissimulés faits à Kant, à Hégel, à Strauss, à Feuerbach, à Helvétius, à Auguste Comte, ‘n toits les athées. 
Or, le Peuple, çitoyen, appelle cela: guerre d’envieux, convoitise de jaloux; et stil connaisiait mieux son Saint Jérome, il lui emprunterait pour vous 
l’appliquer l’épithète d’animal de gloire. - 
Ici encore vous élevez celui que vous croyez abaisser; vous vous abaissez eu croyant vous élever: Vous voyez bien qu’il y a une Providence qui rend à chacun selon ses oeuvres. 
Louis Blanc avoue son origine intellectuelle. Vous, au contraire, vous eu— chez soigneusement votre filiation. Lequel est le plus digne? 
Le très regrettable Laviron, ce capitaine d’artillerie parisienne, qui est allé mourir en chevalier de la Démocratie universelle sur les remparts de la grande métropole du monde catholique, me disait quelques mois avant Février, qu’un penseur tout païen avait un jour tenu en sa présence, ce propos, pur aveu d’un égoïsme insatiable: Quand je trouve dans un écrivain, une vérité dont je croyais être le premier parrain, il tue semble qu’il m’arrache les entrailles; je le jetterais volontiers au fond de l’abîme I » 
Seriez-vous ce penseur, et le Socialisme serait-il cet auteur? 
Mais cet homme, contempteur de tout ce qui n’est pas lui, se dit le peuple, enfin impatienté de votre bourdonnement, qu’a-t-il donc découvert, inventé, perfectionné? où sont ses titres, les prétextes de ces accès de folie? Quelle 
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idée ggàntesqae cet homme a donc mise au monde pour oser ainsi se dresser 
un autel sur les débris du présent etdu passé, et tenir un langage de prophète, de sybille et d’oracle? 
Vous avez pris pour épigraphe de vos contradictions économiques, ces paroles de Jérémie: Destruam et a?dificabo: Je ddtrairai êt j’ddifierai. C’est, modeste, j’en conviens; mais il est de fait que vous n’avez rien détruit; et e’est ma prédiction que vous n’édifierez rien. Je me trompe! vous avez détruit ce qui était déjà en ruines et à demi couché dans la grande tombe du passé. Je reconnaltrai même, s’il vous plalt, que vous êtes verni remuer les vieux débris et achever de les pulvériser; et puis vous avez édifié une oeuvre de mauvais génie. Tout cela je vous l’accorde. Au-delà, rien vous disje. 
Vous avez bien fait tous vos,elforts poer abattre le socialisme en ayant l’air de le défendre; mais vous le voyez; il reste intact et plus vaillant que jamais. C’est désolant, mais il L.ut se résigner. 
Vous, le type incarné de l’individualisme le plus sauvage, de l’égoïsme le plus insatiable, oser vous revêtir du nom de socialiste! On admire tant d’audace: votre nom est Caïn; et vous dites au peuple je me nomme Abc!. 
— Mais déjà le loup est chassé de la bergerie, la (lueu traliiante. 
Restituez à Fourier toutes les grandes lumières qui vous ont guidé dans la critique de l’organisation économique et des vices de la civilisation, toutes les conceptions positives qui vous donnent l’apparence d’un organisateur, telles que la banque d’échange; sa formule du droit au travail; ses séries, que vous avez défigurées ou transformées jusqu’à en faire un je ne sais quoi de ridicule ou d’inintelligible; 
Aux économistes de l’école de Smith et de Say, leurs études sur la mesure de la valeur, leur dogme de la liberté illimitée, etc.; 
Au Saint-Simonisme, l’idée du capital improductif, sa critique et sa négation de la propriété, etc.; 
A d’autres Socialistes, l’abolition de l’usure sous toutes ses formes : revenu ou rente, loyer, profit, intérêt, salaire; et le crédit gratuit 
Aux Pères de l’Eglise, spécialement à Saint-Basile, à Saint-Ambroise, le f. meux mot la propritd, c’est le vol, la réprobation de l’usure, etc.; 
A Kant, ses antimonies, sa critique da savoir ou de la raison pure ; sa négation de toute métaphysique affirmative; l’idée même des contradictions insolubles pour la pensée; 
A Fichte, à Hégel, leur thèse, antithèse, et surtout leur syarusz; qu’à leur exemple, vous promettez toujours et ne donnerez jamais; 
A Auguste Comte, sa prétention de tout ramener désormais à la science ota démonstration, et de ne laisser rien à la foi; 
Ami encore, ou plutôt à Feiierbach, ‘s tous les athées d’au-delà titi Rhin, la négation de Dieu, la divinisation absolue de l’Humanité; 
Aux historiens allemands de l’éco!e de Savgny, le système désolant de la végétation historique, éclos au soleil du plus grossier fatalisme. 
Rendez à tant d’illustres penseurs, ce que vous leur avez dérobé, ou ce qu’ils avaient déjà répandu dans l’atmosphère inetlectuel!e, à l’usage de tout le monde, que vous restera-t-il? La forme, une forme, je le reconnais volontiers, remarquable de force, d’énergie, de précision et de concision. — Mais qu’importe le talent, lorsqu’il s’agit des intérêts de la vérité, du bonheur du peuple? 
Vous avez vulgarisé, répêté tout haut, d’une voix saisissante, d’un accent original, mais souvent aussi en le dénaturant, en l’obscurciseant et l’embrouillant, ce qui était nettement formulé dans les livres de vos contemporains, ou ce qui se disait tout bas entre les penseurs depuis dix ans, ou ce que nos pères avaient magnifiquement inauguré à la face du monde entier. 
Lt pour si peu, quel aplomb! 
La propriété, c’est le vol! Il ne se êit pas, en mille ans, deux mots 
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s comme celui-là. 3e n’ai d’autre bien sur la terre que cette définition de la 
» propriété; mais je la tiens plus précieuse que les millions des Rothscbild et j’ose dire qu’elle sera l’événement le pius considérable du gouvernement de Lonis-Philippe. » 
Vous plaisantez, citoyen Ridiculas mus 
Le plus grand événement du règne de Louis-Philippe, c’est le Saint-Simonisme, le Fouriérisme, le Communisme, dont vous êtes issu pour les altérer vous, mauvais fils, au lieu de les perfectionner. 
Si vous n’avez d’autre bien sur la terre que cette définition de la propriété1 vous êtes bien pauvre, car elle n’est pas vôtre ; elle est celle de quarante siècles et de mille penseurs. 
Ainsi voilà un écrivain assez ignorant et infatué, au début de sa carrière pour s’imaginer qu’iL a enfanté quelque chose, en répétant ce qui se disait autour de lui à voix basse depuis huit à clix ans, ce qui était stéréotypé daw les plus vieilles archives de la catholicité et du paganisme, ce que nos ph!.Iosophes français du dix-huitième siècle; et principaleiïient Brissot de Varville après Saint-Basile; après, je gage, les philosophes chinois, avaient formulé identiquement ou à peu près dans les mêmes termes: la pro priét c.’est le Vol. 
Tout l’enseignement Saint-Simonien avait roulé sur ce thème; et pai exemple que voulaient donc (lire ces paroles d’Enfantin : Le capital es mort. — Il ne reste pl’zs qu’à L’enterrer; si ce n’est ceci: la propriét4i cet la forme générale de l’exploitation de l’homme par l’homme. 
Quoi qu’il en soir, lorsqu’on attache tant d’importance à une idée, il faut que cette idée signifie quelque chose. Or, si ces mots: la propritd c’est l vêt, signifient quelque chose, c’est que la propriété est un vol; et que d lors, puisque c’est un vol. elle doit etre niée, combattue, détruite à outrance; car le vol ne saurait en aucun temps avoir sa raison d’être devant la morale, le droit, la coacience et la loi. Si donC vous voulez ainsi que la propriété soit détruite comme vol, il ne fait ni temporiser, ni louvoyer; et vous voilà bien l’ennemi de la proprété, du capital; et sans doute, in petto, vous avez juré leur perte, ou bien vous êtes un misérable escamoteur (lui ne vaut pas qu’on 
s’arrête à le discuter. - 
Et en effet vous laissez assez voir que telle est votre arrière pensée, lorsque, répondant à M. Michelet qui vous soupçonnait un peu du grand péché de Communisme, et (la dessein formel de forcer les 25 nziUions de propriéaires français à se dessaisir demain de leur chère propriété, et vous objectait que l dernier pays ot ta propriété sera abolie sera justement la France, vous disiez, tout courroucé : « où a-t-il vu que nous accusions le personnes, COMME Nous ACCUSONS LS INSTiTUTIONS? Et lorsqu’il ajoute que les 25 millions <le propriétaires qui possèdent la Franco ne se dessaisiront pas demain, QUI LUI DONNE naoi-r DE supPosua QU’ON AIT BESOIN DE LEUR 
CONSEnTEMENT? e 
Ainsi le pdiet est certain, citoyen, c’est bien sérieusement que vous accuses L’institution de la propriété (et comment vous faire l’injure d’eu douter, puisque c’est à vos yeux un vol); et cest encore sérieusement que vous pensez à saper la propriété et que vous croyez pouvoir vous passer du consentement des 25 millions de proprietaires pour la détruire, et les forcer à s’en dessaisir. 
Je sais bien que vous voudrez invoquer les moyens indirects, mais toujours est-il que l but est le même : détruire ta proprité, obliger obliquement les propriétaires à s’en déssaisir. Vous voilà donc bien l’ennemi des pro prié(afros, le descructur avoué du,capital, et vous n’avez plus dc ckoi 
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qn’e.ttre l’apostasie et le Socialisme. Si vous défendez la propriété comme 
institution, vous défendez le vol (dans votre langage), et de plus us êtes renégat de vo doctrines fondamentales; si vous maintenez votre fameuse idée renouvelée de je ne sais combien de penseurs anciens et modernes, voue restez Socialiste, et vos élucubrations nouvelles sont des non-sens qui attendent un désaveu solennel. 
Toutes ces subtilités sont d’indignes subterfuges. Oui ou non, :&es-vous le Proudhon qui n dit: 
« J’ai ta que la propriété, non plus par ses propres aphorismes, in ais 
par le calcul. Que tes propriétaires se tiennent donc prêts à vérifier 
» mes opérations; car si par malheur pour eux elles se trouvent justes, 
» ILS SONT PERIJS. 
Én prouvant l’impossibilité de la propriété, j’achève d’en prouver l’injustice. » Et là-dc’ssus une kyrielle d’impossibilités, et ernre autres celles-ci: 
« La propriété est impossible, parce qu’elle est nouicin i: La propriété est impossible, parce qu’avec cite la société sa DÉvoRE. » 
Allez maintenant, allez comédien philosophe, vous êtes confondu ; et le plus simples ont cessé de vous prendre au sérieux depuis votre satanique invocation à l’ironie. 
Si certains économistes, à propos de ma critique, ont entassé dilemme- 
» sur dilemme pour me prouver que. sije n’étais pas propriétaire, j’étais né— 
cessairement Communiste; ‘est faute de savoir ce que c’est que thèse, 
» antithèse et synthèse. » — Non, citoyen, ce n’est pas cela; c’est faute de 
savoir ce que c’est qu’un sophiste, un escamoteur métaphysicien, un danseur 
de corde transcendental. 
Ehj mon ami, il y avait un zitoyen bien simple de les empêcher de se méprendre sur votre pensée et vos opinions réelles; c’était de prévenir Péquivd— que en leur disant: Braves Communistes et anti-propiiétdrcs, n’allez pas me croire des vôtres parce que je dêblatère contre la propriété; car voyez-vous, il y a chez les Allemands, la thèse, l’antithèse et la synthèse; quand je pose ce principe: La propriété c’est te vot, c’est une thèse tout comme une uLre; mais, si je dis: la garantie du trai ail est un droit antérieur et supérieur à la propriété, c’est une antithèse; or, les deux termes: thèse et antithèse, se font une oppos,ition éternelle; ainsi, il faut les respecter tous deux également; cependant, ils ne sont vrais ni l’un ni l’autre, puisqu’ils se détruisent l’un par l’autre; voilà pourquoi il faut un troisième moment que j’appelle synthise, laquelle, j’ignore comment, est chargée de concilier les contraires, d’exprimer leur commune valeur et leur résultante. — Maintenant, arrangez-vous; tirez— vous de là comme vour pourrez; pour mot je n’y vois goutte. Tout ce que je puis vous garantir, c’est qu’il y n thèse, antithèse et synthèse; et que la synthèse a reçu la mission de concilier l’inconciliable, de tenir le grand balancier qui fait et fera éternellement manoeuvrer les antinomies (le mon maître Kant. Voilà pourquoi j’ai expliqué, en deux volumes de mille à douze cents pages, la thèse, l’antithèse et la synthèse, sans pouvoir jamais mettre ta main sur cette magique et diabolique synthèse; de telle sorte, qu’en définitive, je ne trouve rien à vous dire sur ce qu’il vous importerait uniquement de connattre; ce qui fait que je vous tire ma révérence et vous salue de tout mo œur. 
Que dira le peuple, citoyen, quand il saura (car il le saura), qu’après avoir ainsi assommé, disséqué, conspué la propriété, et en avoir inspiré, par vos tableaux passionnés, et votre implacable logique, la haine et l’exécration à ses enfans, vous avez osé venir protester en Février dernier, lorsque vous allie enfanter l’oeuvre mort-née dite Banque du Peuple, faire serment devant Diea et devant les hommes, sur i’Èvanile et sur la Constitution, ê qu’en faisant la. 
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critique de la propriété, ou pour mieuxdire de l’ensemble d’institutions dont 
la propriété est le pivot, vous n’avez jamais entendu ni attaquer les droits individuels reconnus par des lois antérieures, ni contester la légitimité des 
possessions acquises, ni provoquer une répartition arbitraire (les biens, ni » mettre obstacle à la libre et régulière acquisition par vente ou échange, des » propriétés, ni même interdire ou sujprimer, par un décret souverain, la rente 
foncière et l’intérêt des capitan. 
Mais alors. qu’avez-vdus dit, qu’avez-vous fait, que voulez-vous, et quel nout vous donner? 
Citoyen, devant un pareil gachis, je ne puis m’empêcher de faire un rappro chement. Ecrivant â M. Blanqul de l’institut, vous dites: 
Ne sait-on pas que tout homme est fragile et variable, que son coeur est 
plein d’illusions, et que ses lèvres distillent le mensonge? omnis homo 
mendax. Soit que nous le voulions, soit que nous ne le voulions pas, nous 
» servons tous pendant quelques minutes d’instrument à cette vérité dont le 
» royaume arrive chaque jour. » 
Je vous laisse juge des quelques minutes pendant lesquelles vous avez sa crifié au mensonge Est-ce cette fois, est-ce l’autre? 
Citoyen, n’allons point par quatre chemins, je vous somme de déclarer devant le Peuple que vous vous êtes trompé, ou que vous avez’ changé d’opinion; car il n’y a pas de milieu, car il est impossible de supposer que cette formule: la pro pridcé c’est le uoi, n’ait été dans votre pensée que l’un des termes nécessaires de vos antinomies, c’est-à-dire l’un des deux leviers dialectiques que vous faisiez jouer pour exposer le pour et le contre. 
Je crains, citoyen, que tout;cela ne sente le charlatanisme, I’industrialisme tel qu’on le respirait aux beaux jours des mines de Sa&it-Bêrain. 
Je le sais, pour un nouvel Érostrate le cas était embarrassant, il n’y avait plus de temple de Diane à brûler; tous les bases de la nouvelle science et de la nouvelle foi étaient établies, tous les prixcipes d’avenir formulés. Or, on était infécond (les conceptions nouvelles sontsirares), et cependant ou était avide de retentissement. Que faire donc? Vous le savez, citoyen, vous qui en ardiez te secret, il fallait faire ce que vous avez fait; et ce que vous avez fatt un feuilleton de la Presse l’a divulgué tout récemment au public, avec autant de perfidie, je le reconnais, que d’esprit et d’ironie. Ici, je renvoie le lecteur un feuilleton de la Presse, et je passe. Il faut pourtant que je dise an Peuple comment le feuilleton finit: c’est méchant, mais si c’était vrai? - 
« Allez, Monsieur Proudhøn I.... continuez et notre almiration vous 
» suivra; que distins-nous, notre admiration? et notre reconnaissance. Et 
ensuite, vous pourrez pal-tir en paix comme Simon. Votre part sera faite 
devant la postérité. Et dans trente ans, je souhaite que ce soit plus 
» tard, les filles des conservateurs viendront planter des rosiers sur votre 
» tombeau. » 
Et toi, Peuple, tu t’imaginais que Proudhoa mettrait sa gloire à mériter le pieux pélêrinage de tes filles; que les rosiers de son tombeau seraient plantés oar tes filles, ennoblies grâce à son dévoûluent pour ta cause? Combien était grande ta sImplicité I 
Citoyen, la Presse vous n donné un solide brevet de charlatan, d’apostat ou 4e traltre, choisissez. Et si le feuilleton n’est pas prophète, il renIe du moins dans les vraisemblances. Encore quelques évolutions, et le radical auteur de la propridtd c’est le vol, sera plus conservateur que les èoaservateurs; ou plutôt non, il sera ce qu’il est, ce qu’il était, rien, rien, c’est-à-dire ophiste toujours. 
Voulez-vous qu’en terminant, je vous dise une vérité qui résume toutes les 
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autres. Vous avez lissé oblitérer en vous l’organe moral; vous manquez du 
sentiment de justice , de ce divin amour qui purifie tout, et dont saint Augustin disait: Aimez et faites ce que vous voutez, — Ama et fac qwxL vis. 
Vous prendre ait sérieux désormais nous serait impossible. votre contact, d’ailleurs, on se salit trop; vous portez scandale chez les plus patiens. IL nous répugne de stationnèr dans la boue; il nous tarde de ne plus remuer vos ordures. Mais, nous avons une tâche à remplir, nous la remplirons. — Vous agitez les plus graves questions, vous polluez les plus saintes idées, les plus nobles sentimens; et votre parole empoisonnée, a une certaine autorité devant un public encore prévenu. Nous voulons pénétrer dans le sanetuaire où vous sacrifiez aux ténèbres et à la mort, afin de montrer votre néant. 
Donc, au prochain numérd, Citoyen. 
P. S. Je viens de prendre connaissance de votre polémique avec Pierre Lerôux et Louis Blanc. Toujours le pugilat, n’est-ce pas, citoyen : eest votre mêtier. Cependant les coups ont porté cette fois: le Jupiter tonnant et vainqueur se sent blessé au vif, on dirait quelque taureau-cerf aux abois, qui descend à quelque chose comme à une amende honorable. Mais que ce rôle vous sied mal I — Au moment même où vous apparaissez la branche d’olivier d’une main, vous brandissez une massue de l’autre; en demandant la paix, vous déclarez de nouveau la guerre. Soldat: tu voudrais bien ls bénéfices sans les charges : attaquer, culbuter, mats rester debout sur tes ruines. — Soldat, tu mourras sur le champ de bataille. 
Vous êtes donc sensible aux insinuations de Pierre Leroux, vous ne voulez pas qu’il recherche vos intentions? y avez votis pensé, cioyen. vous le grand inquisiteur ds mobiles d’autrui! Les intentions mises à l’écart! mais qu’avez. vous donc fait toute votre vie, si ce n’est remonter aux intentions de vos adversaires, — et Dieu sait si le nombre en est irrand; — si ce n’est conclure des actes aux arrières-pensées et prodiguer l’insulte ou la calomnie à qui tombait sous vos gritfes? 
Et vous ne vutez pas qu’on fasse à Proudhon ce que Proudhon ferait au genre humain tout entier, s’il en avait le4emps? 
Vous oubliez donc les intentions que vous prêtez perfidement à Louis Blanc et ‘n Pietre Leroux lui-même; eL vos pràcès de tend ancès contre le président de la République, coutre tous les ministres et tous les pactes passés, présens et futurs? 
Vous oubliez donc vos invøctives quotidiennes à celui.ci (l’abbé Constant): 
« Ton coeur est plein de fiel; tes lèvres sont chargées d’écume, et tes » mains d’égoattantes de sang. «—A celui-là(l’abbé Chatel) : «Tes mascarades font pitié; tes scandales soulèvent te degoat,... plus tu étale d’impudence. » 
Vous ne voulez pas surtout que Lerotix mette en doute votre républicanisme et vowe démocratisme. Il estiâcheux, et) effet, pour votre popularité qu’on puisse douter de votre attachement sincère à la République, et à la déinocra. tie; mais à qui la faute? A vous dont les actes et les paroles contradictoires ont rendu cette incertitude fort naturelle. Groyez.vous que si votre culte était bien franc, les insinuations de Pierre Leroux rencontreraient de l’éCho. Vous tes démocrate, dites-vous? c’est possible, mais convenez que quand on est tendre dans ses affections on n’écrit pas des phrases comme celle-ci: « Pour 
diretout de suite notre pensée, c’est la DÉuocuarIE que nous avons à » démolir comme nous avons démoli la ,nonarclzte. 
Vous accusez Pierre Leroux, l’apôtre de l’humanité, de l’unité et de la solidarité universelle, de ne pas aimer son pays: citoyen, songez plutôt ‘a vous 
— — 
demander si ce n’est. pas vous-même qui ne l’aimez pas; et qui le trahissez en 
h divisant, eu y suscitant des animosités des haines, qui tourneront peut-être nu tragique dans des temps orageux. Pour aimer sa patrie; il faut aimer les hommes qui la composent, les hommes en gépéral et en particulier. Or, je ne crois pas vous calomnier en vous disant que vous avez votre espèce en anti. pathie, sinon en aversion. Je ne veux même pas me prévaloir de cette senwnce: «Les hommes ne seront jamaiïni meilleurs ni pires que vous les » voyez et qu’ils furent toujours. « La chose est assez notoire. 
Mais tout ceci a son coté plaisant et vraiment comique. La péroraison de votre dernière lettre est charmante. Ohfle plus grand des mystificàteurs modarnes, que vous êtes fertile en ressources! mais quelles ressources!.... Le philosophe Proudhon, de dieu qu’il étaitdevenu, vient de se métamorphoser en Gaulois, sans en prévenirses concitoyens. Depuis longtemps, en effet, chacun eût pu s’apercevoir que vous aviez un faible pour le progrès rétrograde. En fait deprincipes, de justice etdecivilisation, il vous faut des produits indigènes, autocthones; comme Rousseau, vous allez chercher la liberté dans les forêts vierges; déjà vous sacrifiez à la déesse Velleda, et invoquez saint Ver— tin gdtoria, et saint Orgdtorix et le saint des saints, le viewEc Gf4cacus, tous amans quelque peu farouches de la liberté sauvage. 
Mais, citoyen, que ferez-vous des Druides? J’ai entendu dire qu’ils aimaient niédiocrement la liberté d’autrui, et qu’ils ne plaisantaient pas sur le chapitre de la religion et de la morale. — En tout cas, je vous prie, citoyen, si vous restaurez la Gaule primitive, donnez-nous là, bonne et au grand complet, sans élémens alidnigènes; surtout n’oubliez pas le reboisement des montagnes et des vallées, et Je rétablissement des sacrifices humains, ces auto-da-fé druhuiques, tout ce qui pourra nous ressusciter ce type des types de la vraie liberté l’état sauvage pur sang. Enfin, donnez-nous l’organisation du travail à La Gauloise, et vous aurez bien mérité de la Patrie et de la L(bert. 
nÉcxoi nu Éa*r. 
Les idées vraies et fécondes, loin de redouter la diversité des points de vue et de l’exposition, ne peuvent que gagner à voir multiplier le nombre rie leurs interprètes. 
Nous croyons donc servir la science sociale en contribuant à donner un nouvel organe aux doctrines qui en sont le fondement 
Toutefois, en acceptant la responsabilité légale d’une publication inspirée par des sentimens qu’en général nous partageons, et destinée à la propagation d’idées, de principes ou de conceptions qui, dans leur ensemble, sont les nôtres, çe concours ne aurait cependant itnpliquer pour nous la complète solidarité de toutes les nuances d’opinions qui pourront être développées ou soutenues dans le Salut du Peuple. Nos lecteurs comprendront què la responsabilité morale ne peut, lans notre situatioti, être absolue ue pour ceux des articles qui seraient particulièrement signés de nous. 
Le Gérant, 
J. MALARMET. 
LE JOURNAL 
LE SALUT DU PEUPLE 
vno\s, n.v ‘nn nos k1E eUes. 
flL L’flO 1nsE S 
Poun PARIS (par an) 6 fr. 
Poun LES DÊPARTEMENS ‘‘ fr. 
Chaque numéro se vend séparément 00 centimes. 
Toutes les lettres concernant la rédaction, l’envoi du prix d’abonnement et les réclamations, doivent être adressées au citoyen LLAJtIIET, rue Borda, n 1. 
Les mandats doivent être à l’ordre du citoyen MALARMET. 
Les lettres et envois d’argent doivent être affranchis. 
Les Libraires, les Messageries et les Commissionnaires de Paris s’adresseront, pour les abonnemens, nu citoyen ALLflI • libraire, à la Propagande, t, rue des Bons-En fans. 
I 
j Typographie FÉLIX MALTESTE ET Ce, rue des Deux-Portes-Saint-Sauveur, 22. 
4 
LE 
SALUT DU PEUPLE 
DE LA SCIENCE SOCIALEa 
flurn&o 2. — f O 2anzcr .1 8GO. 
O francs par an pour Parlw. — Départemens: rranc 
(in numéro: 60 centImes. 
CHEZ J. BALLARD, LIBRAIRE, A Li PROPAGANDE, 
t, RUE DES nOrSEKFANS. 
4. 18O. 
* 
- 
LE 
SALIVE bU I!EUI!UL 
QU’EST-CE QUE LÀ SOLIDÂRITÉ? 
Si les ouvriers, si le peuple des villes et des villages avait aujourd’hui une révélation claire et complète de l’intime et inévitable solidarité qui identifie en quelque sorte toutes les destinées, tous les intérêts : — alb’ctions et richesses, famille, liberté, bonheur; production, répartition et consommation; sécurité, prospérité, puissance: - demain tous les Français seraient constitués en une vaste et unique association, où tout se réglerait et s’administrerait comme dans une grande famille bien, unie; et l’humanité toucherait aux portes de l’âge d’or. 
Ahi si le peuple savait ..• Mais il ne sait pas: de là Lout le mal. 
Qu’est-ce donc que la solidarité? C’est la dépendance naturelle, nécessaire, intime, continuelle, absolue, indéfinie, où sont, les uns des autres, lesêtres humains en général, pour leur développenient intellectuel, moral et physique; pour leur bien-être, leur liberté, leur perfectionnement et leur bonheur. Et l’on ne saurait le dire trop tôt : cette dépendance est réciproque, incessante, du riche au pauvre, du fort au faible, tout autant que du pauvre au riche, du faible au puissant. Nul ne peut s’y soustraire impunément par la nature des choses. « Et l’oeil ne peut pas dire à la main, je n’ai pas besoin de toi. » — c Et les » membres du corps qui paraissent les plus faibles sont les plus nécessaires, » afin que les membres aient un soin mutuel les uns des autres. » Que deviendraient les capitalistes sans les ouvriers; les oisifs sans les travailleurs; les généraux sans les soldats? videmment, Dieu’ a voulu que tout ifit ramené à la fraternité, à l’égalité, à l’indivisibilité, à l’identification morale des destinées: et la famille idéale est notre modèle, notre intérêt, notre devoir, notre salut : hors de là, tout est malheur ou vanité. 
Le plus grand fait (lue la science sociale ait à constater, c’est celui.là le besoin constant que nous avons les uns des autres; besoin tellement absolu qu’il fait un tout indivisible des membres de la Société. 
Ce grand fait, qui a toute la valeur et toute l’étendue d’une loi du genre humain, est à la fois la base et la lumière de la science sociale. Il est la traduction de cette vérité que la société &vrait graver en lettres d’or sur tous les 
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Inonumens publics; dans tous lès sanctuaires de l’Éducation et du culte; que 
chacun de nous devrait surtout graver dans sa conscience: 
La perfection, le bonheur de tous est 1a condition absolue de la perfection et du bonheur de chacun. Le salut individuel est inséparable du salut général. 
Ce mot solidarité est l’expression moderne de l’unité ou de “identification des êtres et des choses, prise au point de vue de la haute réalité divine; et que l’antique science avait formellement entrevue et constatée. Qui ne connat t ces vieux adages de la philosophie et de la religion. — Tout se tient;. 
— tout est dans tout; l’un vient de L’zutre; — tout est distinct, mais rien n’est séparé, indépendant absolument; — nous sommes un en plusieurs; 
— tout est an, L’un est dans l’autre; — Rien de permanent, d’immobile, sous les phénomènes; les êtres fluent l’un dans l’autre; — Les êtres sOnt des miroirs, des microcosmes. — Il y a attraction et expansion, absorption et émanation, aspiration et expiration éternelles; — ii y a métempsycose et transformation incessante, rien ne meurt et tout change, etc., etc. 
Cette loi n’est donc point particulière à l’humanité: elle s’étend à tous les êtres; elle est universelle et devient même la loi des mondes. Tout est en rapport, médiat ou immédiat, avec tout: Donc, tout ce qui est, est atteint, modifié en bien ou en tuai par tout ce qui est. La morale universelle est là dans ses fondemens les plus profonds. 
Les vies sont comme en un éternel prêté-rendu réciproque: il semble qu’elles échangent continuellement leurs parties intégrantes, leurs facultés, leurs attributs, sinon leur essence; tant elles se communiquent et se transmettent mutuellement les conditions de leur épanouissement et de leur perfectionnement respectif. Nous nous iittroduisons eu quelque sorte les uns dans les autres par nos idées, nos sentimens et nos actes; nous sommes les uns aux autres notre éternellø nourriture; tellement, que la figure déjà si vieille de la manducation et de la transfusion universelle des êtres de la création, pourrait se recevoir au sens vrai, tant au moràl qu’au physique. — Que sont nos corps? Des composés organiques de tous les élémens ambiants, de toutes les monadesqu’on appelle matérielles. Nous nous les assimilons et les sécrétons incessamment; et avec une telle rapidité, qu’en moins de sept ans, noire corps est radicalement renouvelé jusque dans sa charpente osseuse. L’humanité est donc comme un tout indivisible avec la nature, avec l’univers. 
De même, nos esprits nus’assiniilent-ils point t ne sécrètent-ils point, en quelque sorte, depuis la naissance jusqu’à la mort, par l’éducation et par la fréquentation de l’espèce, et les pensées, et les sentiuiens, et les produits du grand milieu ambiant qu’on nomme Sociét6 P 
Et, si nous rattachons le présent au passé, la solidarité, l’assimilation, la réwcrsibilité, la manducation, comprenneat réellement l’éternité des temps et l’universalité des êtres et des lieux. Les individus, les générations, les races,, les peuples, les siècles, tout se pénètre; tout se transmet ou s’hérite; tout. 
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consent et conspire; et l’humanité, en particulier, apparaît comme un lac Immense où le moindre mouvement izpprimé ‘a la surface, et dans les profondeurs, s’en va, par des ondes successives, se répercuter et retentir jusqu’aux dernières extrémités de ses rives. 
Le philosophe Saint-Martin constate très bien cette manducation et cette transfusion spirituelles de tous les êtres intelligens, comme on a constaté la manducation matérielle de tous les organismes. « Nos esprits, dit-il, commun niquent par notre nourriture intellectuelle, comme nos corps se colnmuniquent par la circulation des élémens: toute l’atmosphère de l’intelligence » est contiguè. Nous participons tous à la même pensée. 
La conipénétration des vies, des monades ou des êtres finis et successifs est si continuelle et si entière, qu’il semble que nous soyons destinés à nous transfigurer les uns en les autres; à faire de chaque moi le non-moi, et réciproquement de chaque non-moi le moi; et finalement à nous coiasommer dans Cunit. C’est ce même dogme que saint Paul exprime en ces termes: 
a Dès que l’un souffre, tous les autres s’en ressentent, et le corps entier en gémit; dès que l’un éprouve du bien, tous s’en réjouissent. » — Et Pascal, 
‘orsqu’il dit: (<Quand on commence à se connaître, l’on est comme revenu. 
» chez soi: on sent qu’on n’est pas corps: on comprend que l’on n’est qu’un 
.» membre du corps universel; qu’être membre, est n’avoir de vie, d’être et 
» de mouvement que par resprit du corps et pour le corps; qu’un membre, 
» séparé du corps auquel il appartient, n’a plus qu’un être périssant et mourant; qu’ainsi l’on ne doit s’aimer que pour ce corps, ou plutôt qu’on ne 
n doit aimer que lui, parce qu’en l’aimant on s’aime soi-même, puisqu’on n’a » d’être qu’en lui, par lui et pour lui » 
Cette solidarité des destinées est tellement prochaine et universelle, que le grand Origène allait jusqu’à dire que, nulle créature ne jouirait de la suprême félicité tant qu’il resterait une seule âme à sauver. La doctrine est aussi vraie jue belle et salutaire, dès qu’elle n’exclut pas les mérites relatifs, inégaux des individus, et par conséquent le bonheur inégal qui s’ensuit. Il est certain que tant qu’il y a encore du bien à faire autour de nous; tant qu’il reste à éclairer, à vêtir, à soulager, à perfectionner enfin une seule créature humaine, l’abandonner à ellemême est une grave imperfection; et certes alors, tout n’est pas fini pour celui qui cherche la vertu. Ou peut être parfait de la perfection re.lative, mais non de la sainteté qu’il faut à Dieu pour qu’il envoie, comme on le dit mystiquement, ses suprêmes bénédictions à ses enfans.En ce sens, Origène a raison, et nous devons nous eu souvenir nuit et jour, si nous cherchons le bonheur véritable. 
On e ainsi la clé de tant de passages lumineux répandus à ce sujet dans ‘les Bibles de tous les• peuples, où cette loi de solidarité, de réversibilité et d’hérédité est sens cesse invoquée et représentée en termes magnifiques. 
Cette belle sentence mise par le poète romain dans la bouche d’un Proprié.. taire: «Je suis homme, et rien de ce qui intdre.sse l’homme ne peut ,m’dtre étranger. » n’est pas autre chose qu’un admirable pressezflirnen 
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tlu’mie sublime protestation de solidarité, jetée au sein du mortel isolément 
(les bmes, à l’époque où la vie de la fameuse République allait s’éteindre. 
1ons oublions, nous ignorons aujourd’hui des vérités que nos ancêtres du vir siècle constataient encore dans leur simple et naïfiangage, avec une hauteur de vue qui devrait nous faire honte. Dans le Nouveau Cynée ou Discours tics occasions et nzoysns d’établir une paix générale, etc., par Eusn CaoxxP., imprimé àParisen l627, on trouve cette définition de notre espèce: 
u L’homme est un animal 4e société qui doit accommoder ses voisins de ce qu’il a, et réciproquement aussi, recevoir d’eux une pareille courtoisie. 
Puis vient cette démonstration de la loi de solidarité: r Et tue semble qûand u O» Voit brûler ou tomber la maison de son voisin, qu’on a sujet de crainte, u autant que de compassion, veu que la société humaine est un corps dont t tous tes membres ont une SYMPiTulE, de manière qu’il est JMPOSSIBL u que les maladies de L’an ne se communiquent aux autres. » 
S’il est un point démontre eo science sociale, c’est l’indivisibilité du salut individuel et du salut social. Point de paix, de’ joie durable, de bonheur cettain à soi tout seul. Le bonheur veut être partagé: il s’évanouit s’il se fait goïste, solitaire. Cette doctrine est celle de Jésus-Christ. Ce grand homme te veut le salut individuel que par le salut universel. Il faut, suivant lui, pour être sauvé, ne faire qu’un avec l’assemblée, avec la grande famille que Dieu ttous a donnée comme l’objet et le moyen de notre félicité terrestre. IL faut donner à tous ceux qui en sont dépourvus pour un titre quelconque, et Je 1anger, et le boire et le vêtir; et la science, et la sagesse, et la santé; consentir donc, à plus forte raison, toutes les conditions du développement de ttos frères, vivre en intime solidarité avec eux, être un membre harmonique tin grand corps de l’humanité, pour gagner la vie éternelle. 
PuIsque les hommes sont solidaires jusqu’à ce point, quels maux ne se flent-ils pas mutuellement, s’ils se conduisent comme ne l’étant pas? Cependant, e toute certitude, ils vivront dans I’insolidarité traditionnelle, s’ils ignorent qu’il est bu» pour eux, en tous temps, en tous lieux, de se conduire comme les membres d’uta même corps. Faites donc au peuple l’éducation de la solidtrité. 
Par notre solidarité naturelle, nous avons uae fin collective, et par comtéuent un bien collectif: nos destinées sont inséparables et proportiunnelles l’une à l’autre, puisque pour s’accomplir elles sont nécessaires l’une à l’autre. Voilà donc notre bonheur tout entier eagagé dans cette loi. Comment I riches et puissans, vous ne voyez pu que vous êtes solidaires de l’ignorance gênétnle, de la pauvreté universelle, de toutes les imperfections morales, intellecLuches et physiques que vos monopoles et vos iniquités, engendrent ou eu‘eLIennent? Voila ne voyez pas que nous sommes tons, grands et petits, dans le vaste corps du genre humain, ce qu’estune feuille, un bouton, une fleur, lin fruit, sur le tronc de l’arbre! L’arbre souffret-il, tout ce qu’il porte s’e:a ressent, se flétrit, et se fane et meurt. 
Cette capitale réalité de la solidarité naturelle vent donc être fécondée et, 
o 
. 
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pour ainsi dire, achevée par raccomplissement entre nous tous, d’un pacte 
perpétuel de solidarité volontaire qui soit comme la reconnaissance, la cota. sécration et l’application positive, régulière, càncertée et non plus fatale, de la solidarité naturelle. C’est là précisément la grande Lin que se propose le Socialisme; et c’est pourquoi l’on peut dire qu’il est tout entier dans ce mot t 
$OflIDARITLi UNJVSRSELLE. 
flans l’ordre moral, fatalement, nous sommes faits à Pimage de ce qui nou entoure : hommes et choses, société et nature. Lorsque nous apparaissons k la vie, la race, la famdte, la classe, la profession, le lieu, dans lesquels noua naissons posent sur notre caractère moral et physique leur indélébile cachet.., Babitudes et préjugés, vices et vertus, tempéramment, santé et maladie, nous revêtons ainsi toutes les formes que l’éducation peut imprimer en nos âmes, et l’hérédilé physique transtuettre à nos corps. 
Itiais, c’est principalement en économie politique que la vérification de cette loi est éclatante. Les problèmes relatilà à la production, ‘u la répartition et la consonimation des richesses, n’ont réellement de solution possible que dans un milieu où l’on respecte les conditions de la mutualité et de l’unité écono— nuque. Ici encore le salut particulier ne peut se faire que par et dans le salut général. 
Vous croyez, dans votre suffisance, pouvoir vous développer tout seul. Er.’ reur et folie, funeste erreur 111 Si vous vous développez tout seul dans un direction ou dans un côté de votre nature, c’est en oblitérant non seulement chez les autres la face similaire; mais chez vous-même les autres faces de votre elFe. Exemple: la richesse des capitalistes par la misère des travailleurs, noir seulement prive ceux-ci de leur part de bien-être, mais dégrade le moral des riches et les prive (c’est leur plus grand châtiment, bien qu’ils ne s’en doutent guère) de La joie d’ètre dans le bien, et de tout le profil, réel qu’il y a d’êt entouré de frères heureux et développés. 
La dépendance naturelle des existences e’st enruion de rétendue de la di’. vision du travail. La production, le salaire, la vie des uns, est en raison 4 la consommation (les autres; et réciproquement. Cela se conçoit Pierre produit pour Jean, et Jean pour Jacques, et ainsi de suite indéfiniment, et nul ne consomme les choses qu’il produit. Nos produits, ne les livrons-nous, pas toUe à l’échange? L’échange, mais l’échange social, est donc tout. 
Ainsi : principe lumineux et fécond, autant qu’il est simple et évident: petit’ que tous consomment, et consomment beaucoup, il faut que tous produisent et produisent beaucoup; et pour que tous produisent, il faut que tous consoiOE ment; et la consommation, maximum de chacun, devra correspondre à k production maximum de tous. 
C’est un point de solidarité vraiment admirable et qui prouve combien le dogme: liberté, fraiernitd, égalité, est à prendre au sérieux dans tous ses termes; que chacun devient d’autant plus riche, consomme et jouit d’autant plus, que les produits du travail collectif sont plus proportionueUu ment répartis selon les besoins; que chacun produit davanttgê, et a p1115 
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de propension naturelle et de libre choix, pour le genre de travail qu’il 
exerce; enfin d’autant plus que le nombre des producteurs est plus grand dans la ruche sociale. De telle sorte, que le jour où l’humanité étant peuplée au maximum, donnera soa maximum virtuel et normal, de produits, et obtiendra, réalisera, son maximum virtuel et normal de consoin— ination, sera celui aussi où chacun aura son maximum de richesse, de satislàction, et de perfectionnement intellectuel, moral ét physique. 
Voilà ce qui était en germe dans la division du travail et qui tend à se’ nianifester de plus en plus. Peuple! humanité! quand donc auras-tu la claire t vive intuition de cette solidarité de bien être, de liberté et de bonheur mise par la Providence entre toutes les existences I Or, sachez-le bien : tant qu’il y aura des capitalistes et des ouvriers, des riches et des pauvres m instrumens de travail, il y aura des gens qui produiront sans consommer; d’autres qui consommeront sans produire; et l’équilibre des existences étant jamais rompu, l’égal développement méconnu, le droit effrontément violé, sous aurez une guerre éternelle, l’insurrection et la banqueroute à l’état cro_ nique: attendez-vous y! 
Ainsi, non seulement la consommation et la production doivent être menées de front dans chaque membre du corps social pour le développement et le bien-être même du corps entier; mais il faut s’efforcer de garantir à chacun œ qui lui est dû, c’est-à-dire de faire que la répartition tende à i’c!ga1it, »t plutôt à la proportionnalîtd dans la satisfaction des besoins de tous. 
Si nous comprenions bien notre intérêt, nous regarderions comme un malheur public qu’un homme n’eût rien à produire, rien à consommer; nous ticndt’ions fortement, sérieusement, non seulement à ce qu’il produisIt en raison de ses forces et de ses aptitudes, mais à ce qu’il consommàt en raison de ses besoins naturels de tout ordre. Nous sommes donc directement intéressés tout à la fois au plus grand développement possible de ses facultés, de ses forces, et de ses besoins; de tous les éléinens constitutifs de sa naZure; enfin, il est même bon pour nous que chacun de nos semblables obtienne, dans le partage des bénéfices, une part proportionnée à ses besoins. Tout homme qui ne consomme pas autant que les autres, comme les autres, cx moyenne, est donc aussi dangereux, ou aussi coupable, s’il n’est dans flacapacité radicale, qu’un homme qui s’abstient de produire, et vit oisif dans le surperilu. 
Tout ceci n’est, après tout, qu’une autre manière de formuler cette maxime de l’économie politique classique: On n’achète des produits qu’avec des produits. 
Cette solidarité entre la production et la consommation des uns, et la Èonsommation et la production des autres, est si prochaine, si fatale, qu’il devient manifestement imposs!b!e, devant L’idéal de perfection et de bonheur collectif, de laisser personne individuellement, dispensateur des insvrumens de travail, ordonnateur de la production, arbitre de la répartition et de la consommation. 
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11 faut, pour la plus grande richesse de tous, et le plus grand développement 
de tous, que, dans le cours de sa vie, chacun produise l’équivalent de ce qu’il consomme; consomme l’équivalent de ce qu’il produit; moins seulement la somme d’épargnes que requièrent le renouvellement et l’accroissement des instrumens de travail; et les exigences sociales, telles que l’éducation, les. maladies, la vieillesse, etc.; et tous les cas de solidarité imposés par la force majeure. 
Et, non seulement, il faut que chacun produise et consomme harmonique. ment, d’après la loi proportionnelle des forces et des besoins; mais que chacun tende sans cesse à produire jusqu’au maximum de ses énergies normales, à consommer autant qu’il le faut pour donner essor et satisfaction à toutes les aspirations, à tous les besoins que lui révèle sa nature; et qu’il approch par ses productions et ses consommations ainsi pondérées, du développement complet de son être. Donc, des producteurs-consommateurs, et des consommateurs-producteurs, indivisiblement et en rigoureuse équatiâu; voilà le parfait auquel il faut tendre. 
Remarquez combien la Providence resplendit dans les oeuvres de Dieu j j toute faculté, à tonte aptitude instinctive chez les uns, correspond un goût. un désir, un besoin chez les autres; et réciproquement, un go&t naturel, un désir général éLant dans la sensibilité de l’espèce, soyez sûr que des natures industrielles ou artistiques sont prédestinées à leur satisfaction. t’est pourquoi la consommation et la production sont en parallélisme, ou corrélation constante, et pourquoi la variété de la première est toujours satisfaite par la variété de la seconde. 
Eh biee! devant de pari1les causes finales, devant une solidarité aussi pro— chaine, comment n’être pas frappé du caractère religieux du Socialisme; comment ne pas voir dans l’unité économique, dans le concert des efforts, dans la mutualité, la réciprocité, une loi impérieuse de l’association humaine, une de ces lois naturelles qu’on ne peut enfreindre ou méconnaître sans altérer on oblitérer plus ou moins les sources vives du bonheur général. V 
Pour obtenir l’équilibré entre la production et la consommation, il faut qtte chacun connaisse la valeur relative conventionnelle de chaque sorte de produits, avant qu’il puisse déterminer ce qu’il peut consommer, eu égard à ce qu’il peut produire. V 
Et, préalablement, il faut connaître et la somme totale des produits que tous voudraient avoir à consommer, et la somme totalde ce que chacun s’en- gage à produire dans tous les genres de richesses. 
Or, qui ne voit ici que la condition de toutes ces données, c’est le milIeu de solidarité univrselle Si la mutualité n’est pas organisée sur toute la surface du territoire national, il est impossible qu’on obtienne la statistique précise et circonstanciée des besoins et des goûts d’une part, des forces et des ressources d’autre part, et qu’on équilibre quelque peu la production et la consom— xnation. 
L’organisation de la solidaritéest le seul moyen de rendre la Liberié, l’ga 
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lité et la fraternité efficaces. Ces trois conditions de dignité, de perfection ei 
de bonheur, demeureront stériles, tant que la solidarité ne viendra pas les fé. conder. Il n’est pas d’autre moyen non plus de garantir le droit au travail et les droits du travail. Comment atteindre à la richesse, à la puissance, à la science et à la liberté, partout où n’est pas l’unité d’action, le concert des acti. vités, l’ordre et la justice? Une société non solidaire est à une société organi née selon la solidarité vraie, ce que des troupes irrégulières sont à des trou. pes régulières. Il n’y a de victoire pour celles-ci, comme il n’y a de justice, de prospérité pour tous, que dans la solidarité formelle. 
Donc, tout homme qui veut prouver sa justice et l’exercer efficacement; jouir du droit ait travail et des fruits de son travail; jouir de la liberté et de l’égalité, doit commencer par s’assujettir aux exigences de l’organisation de la solidarité, accepter la suprématie et l’unité du peuple et de l’État-peuple qui cst comme la clé de voûte et tout à la fois la base de cette organisation, dont les individus et les intérêts sont les matériaux et le ciment. 
On accuse le Socialisme de monotonie, de pauvretd...; on ne le comprend pas. Cet idéal de classement et de rétribution: de chacun selon ses aptitudes, à chacun selon ses besoins, dit assez que le Socialisme tient compte de la va riété et Veut que le développement de toutes les vies corresponde d’une ma. nière complète à toutes les faces de notre nature, à tous lesbesoins, à tous les goûts, à tous les modes de l’activité humaine; que le premier il ambïtionn( la réalisation sociale de l’encgclopddfe intellectuelle, morale, artistique et in. dustrielle. 
Chacun s’irradiant et produisant selon ses facultés et ses forces, obtenant Selon ses besoins et ses goûts, c’est dire que tout ce qui est en nous ‘a l’étai virtuel, aura simultandmentou progressivement, selon le possible, sa mani.. festation, son essor et sa satisfaction. 
Tous n’ont pas les mêmes besoins; donc tous n’auront pas les ‘mêmes satis. factions: tons ne produiront, ne consommeront, ne désireront pas la même chose: il ne s’agit donc pas d’un partage égal de choses identiques: mais d’une’ équivalente ou proportionnelle satisfaction de besoins différens, inégaux, variés; en retour d’un travail différent mais équivalent selon les facultés, les aptitudes ou les forces variées de chacun et de tous. 
Introduisez la responsabilité personnelle; rendez conditionnelle la satisfaction des besoins; faites-la dépendre du devoir accompli, de la production se. ion ses forces; et l’association repose sur la justice. 
Si l’association universelle était réalisée sur toute la terre, si l’humauit( distribuait sérieusement la justice à chacun de ses membres; si l’individu, respectant les lois de la vie, la morale de liberté, d’égalité et de fraternité, produisait selon ses forces et ses aptitudes, et consommait selon ses besoins, c’est-à-dire si nous ne formions qu’un corps et qu’une âme, qu’une famille; le genre humain n’aurait à craindre ni disettes, ni famines; ni excès, ni insugj. sauce de production et de population; car alors les lois et les voies de la Providence ayant leur plein cours, et la solidarité étant universelle, une confi— 
— Il — 
nuelle compensation ou pondération s’établirait entre toutes les parties dt 
globe; l’équilibre serait certain en toutes choses: l’Orient assurerait l’OccI, dent, et le Nord le Midi, et réciproquement. Les maux de l’humanité seraient réduits ‘n ceux qui lui viennent d’influences fatales supérieures, et contre les.. quels sa prévoyance et ses efforts ne peuvent rien: et cette fois du moins, elle ne pourrait plus s’en prendre à ses propres fautes, à ses vices, à son iso lement, à sa stupidité. Gar enfin il faut le reconnaitre, la chose est évidente, l’imniense majorité des imperfections sociales et des maux qui s’appesantjssenL tour à tour sur les peuples, les races et les continens, vient de leur isolement) de leur parcage en nations, de leur insolidarité, de leur inimitié systématique, du brisement des liens de parenté; de leur impiété, qui, les éloignant de leqr père commun, les empêche de comprendre l’importance de l’unité, questiq de vie ou de mort. 
Supposez un isiant cette unité accomplie, nous touchons au zénith de l solidarité; et le plus grand bonheur s’ensuit: les ckficits d’Europe ou d’Asie sont alors compensés, annulés par les excddens similaires, corrélatifs, de 1’A mérique ou de l’Afrique; ca la nature n’a jamais des rigueurs universelles; la disette comme l’abondance est toujours locale, partielle il en est de mêin des épidémies. La mortalitS ou la stagnation extraordinaire d’un point serait rachetée par la multiplication extraordinaire d’un autre point, etc. 
L’harmonie universelle, le bonheur universel, exigent donc l’associati universelle : et la solidarité, la mutualité, l’unité universelles des races, des na lions, des continens, ou la fusion do genre humain dans la vie de famille, est le seul et unique SIOYEN du développement moral, intellectuel et physique MAXIMUM ; du bonheur, de la richesse, de la science et de la puissance zx, MUaI de chacun et de tous. 
Ainsi, en science sociale, économique et politique, comme en science reli gieuse, il faut toujours en revenir an parfait idéal: unité familiale du genre humain: Un seu( pasteur, Dieu; un seul troupeau, l’humanité. 
Quand donc comprendrons-nous que notre actiiité à tous doit porter tout entière contre les forces fatales de la nature; ou plutôt se donner à elles pojç les faire tourner à la fin tant cherchée de notre bonheur commun! 
Au lieu de disputer éternellement entre nous à qui possédera de misérabIe richesses, toujours insuffisantes; au lieu de nous rejeter mutuellement le fardeau de la production, ou de créer des lots inégaux dans le partage de I’œu. vre collective; an lieu de rester ainsi éternellement dans la voie d’un appuvrissement universel systématique; et tic trouver au bout de la carrière taUt de haine, de discordes et d’inquiétnde, que n’écoutons-nous une seule fois le bon sens, l’intérêt, le devoir et la religion, qui nous crient de ne faire qu’un corps et qu’une âme; que notre bonheur et celui de notre chère postérité sosi à ce prix! 
Comment se refuser à l’évidence !... quelles ne seraient point notre puisa sauce et nos richesses, si, réunissant fraternellement nos forces, nous entres prenions ensemble, et solidairement, la conquête, la culture, l’ezubelllsscnieat 
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de tout le globe habitable, comme fait une famille, du jardin paternel; à frais et à profit communs. 
Alors, la nature, en apparence si avare de ses dons jusqu’ici, se montrerait prodigue; car, si elle se refuse à une action solitaire, elle ouvrirait ses trésors en abondance aux races reconciliées, aux véritables enfans de Dieu. 
6’est à cette hauteur qu’il faut se placer pour juger les économistes libéraux et toutes les doctrines hostiles au socialisme. Tout homme qui part d’un autre sentiment et d’un autre principe pour spéculer en économie politique, et déterminer la loi de la production et de la distribution des richesses (le toute nature, ne fait point de la science; car il ne part point (le la nature humaine; il méconnatt la justice de Dieu, il s’autorise de la nécessité ou des passions; et fait preuve d’une grande ignorance, ou d’une coupable inhumanité. 
Voulezvous simplifier admirablement toutes ces questions si complexes, si inextricables aujourd’hui; les résoudre d’une manière irréfutable; entrer enfin dans la vraie science sociale et politique. Représentez-vous toujours la Société comme notre mère, et chacun de ses membres co,mnie nos frères à tous; dites-vous bien que dans l’humanité il n’y a point d’individus isolés, mais un corps composé d’en nombre indéfini de membres, dont l’existence est également sacrée, également nécessaire à l’ensemble. Et alors vous comprendrez comment la loi sociale, devant en tout se modeler sur la justice distributive, sur l’économie et la discipline d’une petite famille selon la chair, doit tendre à ohteifir de chacun selon sa puissance, afin (le leur accorder selon ses besoins. Et tout cela, nous le répétons, dans les limites de la liberté vraie et de la responsabilité personnelle. 
Si la solidarité effective, à un degré plus ou moins élevé, est aussi essentielle à l’état de société, estll besoin de dire qu’elle a été consacrée comme un dogme moral et religieux, et mise en téte de toutes les légistjons primitives par les peuples de L’Orient? La solidarité existe partout où il y a une horde, une tribu, un clan; à plus forte raison dans une grande république. 11 ne s’agit donc que du degré de solidarité, non de l’existence même de ce ciment de tout sociabilité. 
Trois écoles ont de nos jours singulièrement agrandi et éclairé ce magnifique sujet. Le Fouriérisme, les Saint-Simoniens et les Communistes,, ont fait, de la solidarité, à divers titres, la base scientifique de la religion, de l’économie, de la politique, enfin de la science sociale. 
Mais, nous ne pouvons nous proposer aujourd’hui d’esquisser l’Izistofre de la solidarité; cependant, on peut déjà entrevoir que le progrès de la civil!sation .i’un peuple et de l’humanité entière, se mesure au degré de solidarité qui existe entre les individus, les classes, les races et les nation. 
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COIENT S’ORGANISERA LE TRAVAIL. 
Comment s’,rganisera le travail dans l’avenir? Il s’organisera d’après la même loi que dans le passé, par l’effet de concours de de’ix grands mouve- mens: le mouvement par en las, et le mouvement par en haut. D’abord viendra le mouvement spontané, multiple, lIbre et fortuit de chacun et (le touS, dans le sens providentiel (te l’association pal’ groupes ott corpérationg; puis le souverain, l’ltat-Peuple, se manifestant dans son unité collective, ramassera et condensera, en quelque sorte, par l’action centripète de sa force unillante, tous ses élémens épars, tout ce travail incohérent, où se forme l’embryon organique. 
Tout l’esprit économique du Socialisme est contenu dans ces quelques formules: — Association, assurance mutuelle, solidarité universelle; — Transformation de toute industrie, de toute profession, de tout travail en fonction sociale; de tout citoyen, de tout travailleur en fonctionnaire et cri actionnaire, en membre du conseil d’administration et de la gérance sociale. — Unité économique nationale. — Socialisation des instrumens de travail, c’està-dire, désappropriation individuelle, ou désinféodation de la terre et des autres capitaux. — Souveraineté réelle et universèlle dÉ Peuple, et ltat-PeupIe. — De chacun selon ses aptitudes, ses forces, ses goûts, dans les limites du possible et du relatif dans le temps et dans l’espace; — ‘n chacun selon ses. besoins, dans les mêmes limites : — le tout, sans préjudice de la responsabilité et de ta liberté personnelles. 
Cependant, la grande fin’ que doit se proposer plus spécialement le SodaIisme pratique, c’est d’ezigréner toutes les tendances, toutes les relations et institutions morales, politiques, économIques de notre époque, dans la direction qui conduit à ces quatre résultats: 
1° La SOCL&LISÀTION des instrumens de travail; 
2° La transformation de tout travail en FONCTION SOCIiLE; de tout citoyen- travailleur, en FONCTIONNAIRE de la grande association; 
° L’UNITÉ ÉCONOMIQUE nationale; 
L’ÊGPLITÉ DES CONDITIONS sociales, économiques et politiques. 
En particulier, l’équivalence proportionnelle ou absolue de répartition entre les travailleur par l’équivalence’ des fonctions; avec expectative d’inégalité, par la retenue, en cas d’infraction volontaire aux conditions de l’égalité. 
Il n’est pas besoin de faire remarquer combien ces divers résultats se tiennent, et sont inséparables comme formes ou conséquences d’un même principe. 
Voilà le pays d’adoption, la presqti’ile escarpée où nous voudrions aborder de plein saut, dès demain, si nous ne consultions que nos désirs et notre aspiration; — Mais on ne pénètre pas si facilement dans des parages infréquen. tés: Comme pour toutes les régions éloignées, on y peut arriver par terre ou par eau; à pied ou en voiture; en pirogue, en vaisseau à voile, ou en bateau à vapeur; par les lourdes messageries, ou par les véloces chemins de fer. 
Et, comme nous ne. pouvons penser à nous y rendre qu’en nombreuse compagnie, nous sommes obligés de consulter le goût des Voyageurs; Quelles voies, quéls modes de transport préféreront-ils P Nous devons les leur proposer tous, sauf à manifester en temps et lieu notre préférence personnelle. 
Qui 4e nous, d’ailleurs, aat cc qui adviendra dans la traversée, et quers 
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seront les expédiens ou les véhicules adoptés par les passagers? — Notre rôle 
est de proposer: que le Peuple ensuite dispose. 
Donc, nous devons épuiser toutes les hypothèses raisonnables; bien entendu, dans l’ordre (les moyens efficaces. — Or, voici ceux que le Socialisme o produits il y a longtemps, et auxquels, pour notre part, nous nous arrêtons. Ces idées sont bien au Socialisme pur; il les a mises au jour, imprimées, rc praduites depuis douze ans, bien avant que les ennemis de l’association régulière, de la solidarité et de l’unité, aient songé à les faire valoir comme leur propriété exclusive. Si elles ont quelque valeur, nous en réclamons la priorité u nom du Socialisme, de celui qui tient haut et ferme la bannière de l’idéal. Que, si elles sont fausses ou inefficaces, nous en acceptons la responsabilité. 
Nous ferons deux grandes hypothèses: — celle de la liberté ou de la spontanéité indhnduelle; — celle (le l’Etat-Reprêsentant ou de la spontanéité èollective; et nous raigerons toutes les combinaisons que nous avons à proposer, sous l’une ou sous l’autre de ces deux catégories. 
Uypothése de la TJberU, ou transforinatloa et ol’ganisaflon rwclale par la spontanélt6 ln€flsiduelle. 
Les Socialistes unitaires, fraternels et égalitaires, Ont toujours préconisé la voie de liberté on de spontanéité popuhire, comme l’une des deux grandes ouvertures par lesquelies la bonne nouvelle pénétrerait dans l’avenir. Il n’est pas un (le nous qui n’rit voulu que le fait général coïncidât avêc le nouveau droit entrevu; que l’adhésion ou la liberté précédât la sanction et l’obligation. 
Nous avons toujours compris que la liberté, mieux éclairée et secondée indirectement par L’Etat , réaliserait l’unité d’action, l’association, et tous les avantages inhérens à l’organisation directe du travail par en Iaut. 
Si ncus avons procédé dans nos spéculations par voie de système et d’Etat, nous avons eu soin de déclarer que c’était afin de mieux faire comprendre à chacun ce qu’il devait faire dans sa liberté et sa moralité, pour hâter l’association, l’unité et l’harmonie 4e fait. 
Et le principe de politique qui nous guidait, nous le formulions ainsi : Pour l’avenir, comme pour le passé et le présent, il s’agit toujours d’accomplir par la liberté ce qui est prescrit par la raison, par la justice, par la solidarité fraternelle. 
Nous annoncions que si le Socialisme était dans la tendance providentielle, l’humanité le réaliserait par la voie indirecte de liberté, par une sorte d’adhésion et de convergence instinctives de toutes les races et de toutes les nations. 
Nous avons toujours maintenu que l’égalité des conditions serait le résultat de la moralité générale, de l’intérêt individuel et collectif mieux compris, dis balancement des volontés concurrentes; et tout à la fois des combinaisons économiques nouvelles, inspirées par la science nouvelle. 
Nous avons dit qu’il était vain de tenter d’imposer l’association; que quand le peuple la voudrait, elle serait; qu’elle serait dès le jour où il en compren(Irait la vertu et l’efficacité; et que lorsqu’elle serait, II ferait surgir une autorité, un centre pour la sanctiônner, la régulariser et l’organiser. 
Nous avons dit que tout mouvement, toute lueur, toute force d’impulsion initiale et succsive sortait providentiellement des entrailles de la société lorsque le jour d’éclosion en était venu; que cet essor était incompressible au fond; que la contrainte ne l’anéantissait poipt; mais que la liberté l’accélerait t le fécondait merveilleusement. 
Nous avons toujours dit que la liberté était mère du progrès, parce qu’elle 
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était condition de vie, d’inspiration et de spontanéité; qu’en conséquence, il 
fallait respecter la iberté individuelle et corporative, en tant qu’elle était compatible avec l’unité et l’harmonie sociales, avec l’Etat-peuple oul’Etat-représen. tant. Mais, en même temps, nous avons maintenu les droits, les exigences de la solidarité, de l’ordre ou de l’unité sociale, en disant qu’il fallait respecter l’unité, le pouvoir central, en tant qu’il était compatible avec l’indépendance réciproque des individus, avec la liberté positive ou le plus grand bonheur individuel et collectif indivisiblement; et que des deux forces se comhinant avéc mesure, devait résulter l’équilibre social. 
Il est très possible de concilier l’initiative, la spontanéité, la vie propre de chaque individu, de chaque corporation, avec les exigences de la solidarité et de l’unité, avec la direction de la gérance centrale : ce sont comme autant de sphères traversées et reliées par un même axe. Elles ont leur vie propre tout en s’harmonisant avec les autres, Un même mouvement leur est alors communiqué par l’axe commun. 
Cette possibilité d’échapper par voie de liberté au système organique direct et à l’intervention immédiate d’une autorité centrale envahissante, nous l’avons donnée comme la condition du succès, et comme devant ouvrir les portes de l’avenir à la nouvelle économie sociale. La force d’agrégation qui doit communiquer l’organisme et la vie, en ramenant à L’unité les élémens divergens. ne viendra qu’après la propagation libre de L’esprit et des moyens d’association. 
Il faut d’abord que les élémens existent. Or, les élémens, ce sont les centres de travail que nous proposons et d’autres analogues. 
Lorsqu’ils seront disséminés sur tous les points de la Iation, ils seront attirés vers un centre régulateur et inspirateur, à peu près comme le furent les châteaux forts et les mille petits pouvoirs anarchiques des seigneuries féodales, lorsque le haut suzerain, la royauté, leur communiqua, ou violemment ou pacifiquement, sa force d’attraction, de concentration et d’hiérarchisation. 
Voilà ce que l’on écrivait au sein du Socialisme unitaire et fraternel, il y a huit et douze ans; ce que l’on a reproduit plusieurs fois depuis avec développement. 
En 1858, la révolution de Février, rendant opportune la pratique de ce idées, nous avons rédigé les généralités d’un programme d’association égalitaire et fraternelle, lequel n’a pu recevoir de publicité qu’en janvier 1859. On pouvait espérer que rAssemblée constituante, dans sa carrière, favoriserait largement, sincèrement, le flux alors croissant de l’association populaire, en dé. niolissant toutes les entraves que la solidarité des intérêts rencontre dans les Codes Napoléon. 
Voici ce travail, avec quelques-unes des considérations qui le précédaient: 
$ T. 
urgence de I0assoclatlon de tontes les corporations entre elles. 
Les ouvriers de chaque industrie et de chaque beauf é forment péniblement entre eux des sociétés ‘mutuelles pour les cas de chômage, de maladie, d’accident, de vielllessn, etc.; mais ces sociétés ne leur procurent que d’insignifiantes et incertaines ressources. Ils ignorent que les mauvaises chances peuvent accabler exclusivement tantôt les uns, tantôt les autres; tandis que ‘ces chances se répartiraient d’une manière insensible sur toutes les sociétés,. s toutes avaient la sagesse de se rendre solidaires en se constituant en une nutaliL générale. Qu’ils le achcnt donc enfin: la première condition de 
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l’efficacité de toute assurance mutuelle c’est qu’elle Soit universelle, sur la 
plus grande échelle: plus elle comprendra de membres, plus elle aura de chances de prospérité. La mutualité des travailleurs devra donc, s’ils veulent réussir, embrasser toutes les corporations, toutes les localités, le paysan comme le citadin, l’agriculteur et le manufacturier: alors ils seront puissans; et en conquérant le bien-être, ils conquerront leurs droits. 
Les ouvriers qui, dans chaque corporation, forment en ce moment une ussociation entre eux, commettraient donc la plus grande faute en s’en tenant l. Si toutes ces corporations, après s’être ainsi organisées dans leur sem pour la production à leur propre compte, ne s’associent pomt aussitôt entre elles par un pacte de solidarité et de mutualité très Intime; si elles ne s’engagent pas à faire mutuellement leurs achats respectifs dans les magasins l’une dia l’autre; si elles. ne se créent point ainsi des consommateurs, une clientèle .assarie potr leurs produits, tout est manqué : elles succomberont à la con currence des producteurs capitalistes dont les ruses, l’habilité, les ressources sont notoires, et qui n’épargneront aucun sacrifice pour les tuer. 
Loin de recevoir la loi du capital, le travail peut la lui faire. En effet, en produisant les uns pour les autres les travailleurs sont à eux-mêmes leurs débouchés; et ils ont ainsi une base solide, car ils sont les consommateurs les plus nombreux des utilités les plus recherchées et dont la production occupe les industrie mères les plus durables. Successivement, la concurrence qu’ils feraient au dedans à la bourgeoisie serait pius redoutable et plus étendue; puis, il L’emporteraient aussi sur les marchés extérieurs par le bas prix relatif de leurs produits; attendu qu’ils pourraient se contenter d’un moindre béné. lice, n’ayant point un luxe et un superflu à soutenir comme les riches capita. listes. Ceux-ci d’ailleurs devraient payer d’autant plus cher leurs salariés, que les ouvriers unis absorberaient plus de travailleurs dans leur association et réussiraient davdnlage dans leurs entreprises. 
Choissez donc: unis, associés, solidaIres, justes, égaux et frères, entre vous, d’individus à individus, de corporations à corporations, vous obtenez la liberté, l’ég&i:é, le hien•être, le droit de cité, (le famille et de propriété que les forts vous contestent et vous refasent en fait. Isolés, anarchiques, insolklaires, égoïtes, indifi’érens à vos souffrances et à votre sort mutuels, livrés à vos propres ressources, à vos propres chances d’individus faibles et ignorans, oit de corporations isolées, vous demeurez les instrumens passifs d’autrui, vous éternisez votre misère et votre servitude. 
Tout ouvrier, tout homme (lu peuple, qui n’est point illuminé par ces considérations fait preuve d’une irrémédiable inibécilité. Esclave par volonté, j’ai presque dit par nature, l’esclavage est son état noriaI : qu’il reste donc esclave. Mais, j’en loue mes frères lia partie la pluà intelligentç des ouvriers et des paysans a compris tout cela et bientôt le prolétariat en masse en aura la claire et vive révélation. 
L’union fait la force: fi y a quatre mille ans que les sages de tontes les nations tormulpnt cette vérité en proverbe à l’oreille de tous les déshêrftés 
appliquons-la donc en la comprenant. Les catholiques disent t Hors de l’Église point de salut: il y a une parole tout aussi vraie pour les travailleurs Jiors de la solidaritd aniversella point de salut. 
flomme du peuple, qui que tu sois, célibataire ou père de famille, faible na robuste, te tiens-tu content (le ton sort d’aujourd’hui, de la part qui t’est fitn par le hasard du moment; ne vois-Lu rien au delà (le cette semaine ou de cette saison, au delà (le ton clocher ou de ton foyer; ne songes-tu qu’à toi et à tes petits? Va, tu es perdu ou tu perds les tiens, cai- tu suis Le chemin qui mène t la douleur, a l’humiliation, à la misère, tôt ou tard;.,... Gain était seul; il fut maudit. 
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Solk!arité donc! Soildarité entre tous les ouvriers d’an même métier, soli darit entre tons les corps de métiers; solidarité non seulement dans la même commune, non seulement dans le mêne canton, dans le même arrondissement, dans le même département, mais dans tous les départamens de la République. Que dis-je, non seulement entre toutes les corporations et tontes les industries d’un même pays, mais la sainte alliance des travailleurs de toutes les nations d’Europe et s’il était possible aujourd’hui, des travailleurs du globe entier L.... 
§11. 
Voles et moyens de la solidarité anlvrelle des 
corporations. 
Voici le plan auqitèl semblent s’arrêter les ouvriers les plus éc1airs 
Association positive des travailleurs, union intime de leurs forces, de leurs facultés et de leurs ressources, dans le but de se suffire à eux-mêmes, de se passer du capital accapareur; de mettre indirectement en interdit dans leur sein l’usure et l’entreprise particulière et de se délivrer ainsi de la dîme qu’on déguise habilement sous le nom de fermage, d’intérêt, de bénéfice et de profit. 
Et comme moyen, recourir aux combinaisons suivantes: 
1° Exploiter avec leurs propres capitaux, leur propre industrie; travailler, produire les uns pow- les autres, se faire mutuellement autant que possible les consommateurs de leurs produits, les pourvoyeurs de leur consommation respective. 
20 S’organiser entre eux pour la consommation à bon marché, pour l’achat en gros et en commun de tous les objets de première nécessité qu’ils ne pourraient produire eux-mêmes. 
3° Protéger et garantir la bonne vente de leurs services à l’industrie extérieure; et de ce point de vue s’organiser en société de résistance passive contre l’avilissement du salaire des membres de l’association occupés au dehors. 
4° Procurer aux associés au moins tous les avantages, toutes les garanties de sûreté qu’ils cherchaient jusqu’ici dans les sociétés particulières de secours mutuels pour les cas de chômage, de maladie, d’accident, de vieillesse, etc., etc. 
5° Revendiquer infatigablement auprès du gouvernement, par des pétitions collectives et tous les moyens légitimes, la reconnaissance des droits industriels et sociaux de tous les travailleurs. 
Or, pour cela, que faut-il P La cotisatton et l’unfté. — Ce que peuvent les petites cotisations dès qu’elles sont populaires, les sociétés religieuses sont l’a pour en témoigner. Les ressources pécuniaires qui ont permis les grandes oeuvres morales et matérielles de toutes les religions, entre autres exemples l’édification d’une foule de monumens impérissables par tout le monde chrétien, n’ont pas d’autre origine. 
Les ouvriers savent que la pauvre frIande, ce peuple de parias, par sa cotisation d’un sou chaque semaine, a pu allouer, pendant 12 et 15 ans près de deux millions de francs à son défenseur, O’Connel. 
Quelle puissance financière prOductive n’engendrerait point aussi la fusion des sociétés de secours mutuels, etc., formées en France par les ouvriers, de toutes les corporations! 
A Paris, 236 sociétés, comptant environ seize mille souscripteurs, avaient, il y a quelques années, trois millions çn caisse, 
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Que ne ferait-on pas de ces trois millions appliqués avec intelligence comme 
nous lin(liqoOns? Une association universelle, si elle était comprise par les populations des campagnes, réaliserait certainement avant peu un capitaL énorme, et avec ce capital des merveilles; car il y a, en France, vingt-cinq millions de travailleurs directement intéressés à cette association. 
Dès l’instant, il faut la préparer cette association ; et, en conséquence, des ouvriers Socialistes proposent encore, avec nous, les clauses et dispositions suivantes: 
1° Au début de l’exploitqtion, préférer naturellement les diverses industries correspondant aux facultés et aux aptitudes acquises des membres de l’union, en commençant par les spécialtés qui, dabs chaque localité, oliNraient les plus grandes chances de prospérité et de durée; et pour cela créer successivement un vaste ensemble d’ateliers agricoles, manufacturiers, etc. 
2° Imposer aux divers centres l’obligation de faire leurs achats dans les magasins et bazars de la société; de réaliser en tout la mutualité des échanges parmi eux; enfin de se rendre solidaires pour tous les événemens de force majeure. 
3’ Payer au début les mêmes salaires que l’industrie anarchique similaire; et plus tard, lorsque l’association sera complète, établir l’équivalence des fonctions, et déterminer les prix d’après le temps consacré en moyenne à la confection des produits. 
4° Déterminer le prix de sente des produits de l’association universelle, de telle sorte que le chiffre en soit, autant que possible, toujours inférieur à celui des produits de la concurrence extêrieure, afin d’offrir une prime légitime aux consommateurs étrangers à l’union. 
5° Faire veser comme première mise de fonds par tout membre à son admission, une cotisation mensuelle, variable suivant les ressources de diacun, et remboursable ultérieurement sous forme de marchandises. 
6° Ne consentir à aucun prix à une association du capital avec le travail, dans laquelle le capitaliste deviendrait encore le chef de l’atelier ou l’âme et l’arbitre de l’entreprise. 
7° Ne recevoir dans l’union que des travailleurs destinés à participer actiement à l’uvre et aux héné&es sur la base de l’égalité et du travail. 
8° Naccepter les fonds de capitalistes généreux et amis du peuple, qu’à la seule condition de leur payer mie annuité en déduction du principal et à titre de remboursement, en y ajoutant pour ceux qui l’exigeraient, un très faiLle intérêt. En général se passer autant que possible du recours aux emprunts usuraires: et, dans tous les cas, refuser aux préteurs toute immixtion datis l’économie intérieure de l’association. Mais leur offrir toutes les garanties hosnêtes. 
9° Quant aux capitalistes jaloux de monopoliser encore la production et de décider indéfiniment du sort de leurs semblables, c’est le grand mérite de la centralisation ouvrière de pouvoir par son action toute puissante et multiple sur la fixation des salaires,par les revendications incessantes de ses membres, lorsqu’ils seront répandus e-n majorité dans les établissemens de l’industrie anarchique, de les amener peu à peu à transiger avec l’association centrale, à abdiquer la direction dans les mains des gérans de l’association, moyennant redevance sur des bases équitables analogues aux précédentes, et conduisant directement les ouvriers à une émancipation complète vis à vis le capital et l’usure. 
Subtituer alors au capitaliste sortant, un gérant et un conseil d’administrégion élus par les ouvriers, avec droit pour Le capitaliste de mettre sen vélo on de chciair parmi plutieurs cazzdjd.als. 
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10° Instituer au-dessus de toutes les corporations unies un conseil sup& 
rieur d’administration , qui en soit l’âme et le lien. Ce conseil, cette gérance ou délégation centrale serait formée par l’égal concours de chacune d’elles, c’est-à-dire composée de leur délégués (un par chaque corporation, ou par chaque groupe d’industries similaires, si le nombre des corporations associées venait à être trop grand). Elle serait chargée de diriger les aflàires intérieures et extérieures de l’association, de suivre et contrôler les transactions de chaque centre; de répartir le crédit et le travail entre eux ainsi que les bénéfices collectifs; de déterminer les salaires, les conditions d’échange, les prix de revient et de vente; de décider en dernier ressort sur les admissions et les exclusions; de répartir les appreniis de chaque industrie entre les divers établissemens; de mettre enfin le nombre, le poids, la mesure entre tous les ateliers, toutes les corporations, en organisant la mutualité, la solidarité, la justice et l’unité. 
il° Ne point confondre, jusqu’à l’absorption, les interêts des individus ou des corporations; ne point les sdparer absolument non plus ; mais les distinguer en les harmonisant et les solidarisant dans les limites du droit et de l’égalité; de sorte que la responsabilité individuelle ou corporative, et l’intérêt direct de chacun à la prospérité commune, soient bien réels, et incessamment sentis. 
Conserver, s’il le faut, une grande initiative à chaque centre; tuais rchdre Impossible toute concurrence dépréciattve entre les divers ateliers d’industries similaires; et, pour cela, confier au conseil supérieur le soin exclusif de répartir entre eux la production totale, d’assurer les débouchés et la bonne vente, etc., au nom et au plus grand p rofit de tous les associés; bannir donc les chances aléatoires de corporation à corporation, par l’établissement d’un sys1ème de solidarité équitable. 
12° Déterminer le plus tôt possible un minimum de salaire pour chaque industrie et chaque localité, en ayant égard aux conditions plus ou moins favorables de subsistance, de manière à équilibrer partout les moyens de la vie; mais, au besoin, proportionner les salaires à la faculté productive des individus, à l’influence meurtrière de certaines industries, etc.; et pour cela, établir deux ou trois catégories de salaires dans chaque atelier et selon la nature des industries. Le tarif des salaires, fixé par maxima et minima, serait d’ailleurs mobile, susceptible de croître selon la prospérité de l’association générale. 
Dans tous les cas, ne déterminer les bénéfices attribuables à chaque industrie ou à chaque centre, qu’après que le salaire minimum aura été fourni à tous les associés dont l’insuffisance de salaire ou de travail proviendrait d’une cause étrangère à leur volonté; car entre associés, avant le superflu à personne, le nécessaire à tous. 
113° Quelle que soit l’inégalité des salaires, distribuer la part des bénéfices destinée aux travailleurs, en raison de la somme de travail annuel fournie par chacun, c’est-à-turc, au proEata des journées de travail, ou du total des salaires touchés: 
Affecter une partie des bénéfices à l’accroissement indéfini du capital, à la multiplication illimitée de nouveaux centres, enfin à l’établissement d’un fonds ou caisse de retraite et d’assistanCe fraternelle. 
lit’ Attribuer d’avance à l’association centrale-mère, comme devant lui faire retour, une forte portion dù capital social des divers centres dout la dissolution aurait lieu pour un motif quelconque. 
15° Instituer dans chaque. centre un jury d’ordre, de paix et d’équité, chargé en même temps de statuer n premier ressort sur les admissions, les exclusions, etc. 
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Nous donnerons une antre fois les développemens, les correctifs et additions 
qu’appellent naturellement les généralités précédentes. 
Ouvriers! savez-vous ce que disent vos patrons P Ils disent, que l’associa- lion entre ouvriers est encore prématurée, que les prolétaires manquent de la sagacité nécessaire pour bien conduire un établissement, pour bien diriger les affaires; que le défaut d’instruction, la jalousie, la défiance mutuelle, la mauvaise vie les condamnent encore pour longtemps à la tutelle des mineurs; et qu’eux les gros bourgeois sont les tuteurs naturels des salariés. 
Prouvez, par le fait victorieux de voire union toute pacifique, que vous êtes mûrs pour la liberté et l’égalité; et ainsi, achevez de montrer l’ignominie de leurs argumens!... 
s iii. 
Suppression de Puure sous toutes ses formes. 
L’idée de supprimer l’usure sous toutes ses formes a été conçue et proposée au sein du vrai Socialisme comme expédient transitoire vers l’association et vers la désappropriation universelle des instrumen$ de travail; nous la reveiidiquons encore en son nom contre ceux qui prétendent s’approprier l priorité de cette conception, afin de mieux décréditer une doctrine dont ils ont déjà usurpé le titre. 
Dès 1838, au sein du Socialisme unitaire, fraternel et égalitaire, on demandait l’abolition de l’intérêt, de la vertu reproductrice du capital sous toutes ses formes, comme une mesure efficace, sinon décisive; mais, en même temps, on demandait aussi, à titre de complément nécessaire et insêparable, l’association et la solidarité des travailleurs de chaque atelier et des corporations entre elles; la socialisation et l’indivision des instrumens de travail, tout en laissant à l’individu la libre prçpriété de sa part des produits consommables, de telle sorte que chacun pût encore faire des économies, mais sans en pouvoir espérer la fructification par I’int&’ét. On donnait cette mesure de la suppression de l’usure combinée avec l’association, comme la pose véritable d problème économique et sa solution en germes et en prémisses suffisantes; et l’on comptait, entre autres moyens de réalisation, sur l’association libre et spontanée des ouvriers se suffisant à eux-mêmes, sans recours aux capitalistes, par le seul apport de leurs petites épargnes. 
En 1840, le Socialisme unitaire, celui qui veut l’association et la solidarité (lés à présent, laie et nunc, signalait de nouveau le fermage, le loyer, la rente, L’intérêt et le salaire, comme autant de manières de préter usurairement les instrutnens de travail; il disait que ce mot prêter à intdréc pouvait servir d’expression générale pour désigner tous les modes d’exploiter son semblable, de prélever une dlme sur ses sueurs, sur sa vie; et, après L’avoir tiénoncé comme le plùs grand fait écoiomique que nous offre la Constitution des Peuples, il jdentiflait en conséquence avec l’usure, l’échange même, l’échange arbitraire ou anarchique, attendu que cette licence aussi est une autre ferme (le l’exploitation de l’homme par l’homme. 
En 1842, le Socialisme faternel recommandait encore la suppression de l’usure sous toutes ses formes (Soit par la voie indirecte des moeurs, dc l’opknion, dc l’association spontanée des ouvriers entre eux; soit par la voie directe de la loi), comme un moyen efficace de déraciner l’arbre séculaire de la propriété arbitraire, et d’amener les possesseurs it constituel la propriété sur une base pus conforme à la justice distributive, sans s’attaquer encore aux racines elles-mêmes, à l’appropriation individuelle et absolue des instrumens de travail. En effet, disait le Socialisme, la faculté d’usure une fois abolie le fait, le droit légal d’appropriation serait bienOl sans raison d’être; la 
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prôpriété solitaire deviendrait même impossible. Il faudrait ou la sOcialiser, ou retomber au dernier échelon de la civilisation, à l’état patriarchal; car les capitaux ne produisant plus à la place et au profit des capitalistes, ceux-ci devraient travailler pour vivre, ou manger leur principal, ou le socialiser, ou s’appauvrir en laissant chômer leur avoir , et décliner jusqu’à la barbarie. 
Toutefois, le Socialisme, considérant que l’usure est une conséquence presque nécessaire de l’appropriation individuelle et absolue des instrumens de travail, prévoyait l’immense 4ifficulté d’avoir raison de l’usure, tant que subsisterait le monopole ou l’individualisation du sol et des capitaux, et ne se dissimulait pas que, outre les ressources de la clandestinité qui permettraient toujours d’éluder la loi ou la réprobation des moeurs, la mesure ne pût dégénérer en un cataclysme économique, et n’opérât comme une prime au désordre et au chaos. 
Dans l’ordre d’association, de solidarité et d’unité, l’expédient ne ferait point difficulté, car chacun ici est garanti dans ses moyens d’existence, dans son avenir, dans son travail; mais dans l’ordre actcel, ou le crédit serait refusé , ou le créditeur serait sans garantie sur le sort de son capital; c’est pourquoi le Socialisme proposait encore comme mesure transitoire vers l’expropriation générale pour cause d’utilité publique, d’autoriser le prêteur à percevoir par consignation l’intérêt ou usure, afin de se l’approprier dans le cas où le principal serait compromis; et sauf, au contraire, à le restituer dans te cas où son capital lui reviendrait intégralement. 
Quoi qu’il en soit, il est avéré que le vrai Socialisme, qui n’est pas le Socialisme de la liberté illimitée, a conseillé le premier la suppression de l’usure sous toutes ses formes; qu’il lti a même reconnu la plus grande valeur de protestation et de destruction; mais qu’il l’a présentée plutôt comme une arme de guerre ou de polémique transitoire, que comme un moyeu d’organisation positive et définitive. A ses yeux, la mesure préparerait les voies, elle ne les oùviirait ni larges, ni salutaires; il ne l’a même donnée que comme d’une application presque impraticable si elle était isolée (le ses complénsens naturels et essentiels, lesquels seuls peuvent lui donner sens et valeur. 11 ne s’est donc pas fait illusion sur la portée de sa propre conception; et surtout il s’est bien gardé de s’en exagérer l’importance au point (le dire, comme le Socialisme anarchique, que tout le Socialis,ne était Là 
Le Socialisme ne dira donc point au peuple: avant tout, supprimez l’usure encore moins dira—t-il: ne supprimez que l’usure et l’impôt; non, il criera au peuple: avant tout,associez-vous; solidarisez vos intdréts, unissez-vous en réalisant dans votre sein l’unité dconomique; et le reste vous viendra comme par surcroît; et l’usure en particulier sera par cela seul, sans raison d’être, impossible, extirpée à sa racine. 
Faut-il montrer davantage combien cette mesure serait insuffisante si elle était isolée; combien même elle serait illusoire ou maladroite, irréalisable, si on la décrétait d’office; comment au contraire elle serait féconde et populaire si elle se présentait escortée des autres mesures dont elle doit être dès lors et en réalité, la conséquence naturelle et facile ; enfin comment elle est 1mphquée dans un moyen plus large, plus franc, plus loyal et plus juste? Cette tâche, nous la réservons : aujourd’hui, nous nous bornerons aux affirmations suivantes: 
Non I la suppression de l’usure et de l’impôt n’est pas tout le Socialisme. il s’en faut: elle n’en est pas même le préliminaire capital. Tout le Socialisme serait bien plutôt dans l’association et dans l’gatUé des conditions, s’il pouvait se réduire à une pure question économique. 
L’égalité des conditions réclame plus que la suppression de lusure: elle 
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exige l’interdiction des chances aléatoires de l’échange arbitraire, de la production anarchique; en un mot du laissez-faire: que dis-je, elle présuppose l’égale participation à la jouissance des instrumens de travail, et partant, la désappropriation ou socialisation du sol et de tous les capitaux. 
Nous voulons avant tout l’égalité des, conditions dans les relations économiques, civiles et politiques. Mais, on Vient nous dire que lorsque l’usure sera supprimée, le capital et le travail se trouveront par cette mesure ramenés à l’égalité des conditions. Gela n’est point: l’égalité des conditions, non pas entre le travail et le capital, qui sont des abstractions, mais entre les citoyens, n’existera sérieusement que le jour où ils seront tous transformés en associds .fonctionnaires; et toutes les professions, tous les états, toutes les industries en fonctions sociales. 
Parlons net: celui qui détient l’instrument de mon travail, est mon maure s’il dépend de lui de me l’octroyer, de inc le refuser ou de nie le retirer. 
L’égalité des conditions exige évidemment que l’instrument de travail, le capital ne soit plus aux mains des individus, mais de la société. L’égalité des conditions veut qu’il n’y ait que des travailleurs en présence d’autres travailleurs, et tous ensemble en présence du travail total à opérer. Dites ce que vous voudrez: entre vous capitalistes non-usurier.r, et nous travailleurs de bérités, il y a encore toute la distance de la liberté à l’esclavage. 
J le sais bien, vous répondrez qu’il s’agit non de ce qui doit être, mais d ce qui est possible. Eh bien ! je vous dis que ce qui est possible dès ce siècle, c’est l’égalité des conditions; par conséquent, la suppression du dernier des monopoles, du dernier des priviléges, du père de tous les priviléges. 
Quant à l’association, c’est mieux encore: elLe comprend toute une organisatiozi sociale, économique et politique. Dès que les travailleurs s’associent, par ce fait seul ils décident du sort de la vieille Constitution économique ; et la reine du laissez-faire et de l’exploitation est imminente; car l’association, qui est la négation même de l’usure sous toutes ses formes, du salariat, du patro. nat, du libre et arbitraire échange, de la production individuelle, aveugle et anarchique, et de l’appropriation solitaire du sol et des autres instrumens de travail, prescrit aux corporations associées de ne reconnaître plus dans leur sein et entre elles aucune de ces formes de l’exploitation de l’homme par l’homme. Déjà nous voyons parmi les associations égalitaires et fraternelles, se manifester un réprobation formelle à cet égard. Le libre échange y fera place à l’échange social ou arbitré; la production anarchique, à la production régularisée et réglementée; la faculté d’exercer une fonction sera soumise à, des conditions égales pour tous; la socialisation ou désappropriation des ins.. trumens de travail sara un fait consommé et passé en drôii parmi elles, aus sitôt que le souverain.mieux éclairé, aura prononcé l’iniquité de la plupart des dispositions des titres ix et x du Code civil, et en particulier de l’articlc 815 de ce même Code, et permis L’INDIVISION des propriétés librement socia usées - 
Soyez tranquilles : les ouvriers savent fort bien que l’appropratinn solitaire des instrumeims de travail est l’unique çause, la racine de l’arbre qu’on nomme usure, fermage, rente, intêrêt, profit, salaire, oisiveté, libre production libre échange, concurrence, et qui donne pour fruit amère, la misère et le paupérisme, L’esclavage et l’abjection du peuple travailleur.• 
Que les ouvriers couvrent la ‘rance d’associations solidaires, égalitairgs fratèrnelles; et du même coup, sans aucune intervention du pouvoir et (le la législation, toutes ces branches et jusqu’au tronc même de l’arbre du mal,, tombent et pourrissent jusqu’en leur racine. 
Le Peuple ne dit point avec quelqùes-uns, qui Semblent vouloir lui cacher la lumière : la socialisation des instrumnens de travail et l’asSociation, seront la 
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conséquence de la suppression de l’usure; mais au contraire, la suppression 
de L’usure sous toutes ses formes sera une conséquence de l’association, laquelle implique nécessairement la socialisation des instrmnens de travail. 
Ce n’est point, disent les ouvriers, parce qu’on supprimerait l’usure, qu’on s’associerait; c’est parce qu’on s’associera, qu’on supprimera rusure. S’il peut être bon de toucher à l’effet pour détruIre la cause, meilleur encore estil de toucher à la cause pour détruire l’effet; que si les deux soins ont leur valeur, il est du moins nécessaire de s’y consacrer simultanément, et même, le bon médecin ira de préférence au siège de la maladie. 
On vante, à grand son de caisse, le crddit gratuit: on le donne comme une panacée-économique, comme un antidote du Socialisme. ilélas! c’est précisément du Socialisme pur sang. Le crédit gratuit est inhérent an Socialisme unitaire, frtlternel et égalitaire, comme l’un de ses premiers et inévitables corollaires. V 
Lorsque les ouvriers veulent la désappropriation individuelle des instrumens de travail, à plus forte raison veulent-ils le crédit gratuit; et lorsqu’on suggère la suppression de l’usure comme l’a fait, le premier, le Socialisme, c’est qu’apparemment on veut la gratuité du crédit. 
Ici encore les Socialistes anarchiques ont fait un mauvais éclectisme dans V le vrai Socialisme. Ils ont prétendu maintenir la concurrence, l’échange libre ou arbitraire, et cependant préconiser le crédit gratuit, sans préconiser en même temps l’association; comme site crédit pouvait être gratuit là où il n’y a pas un pacte de solidarttt positive, d’assurance mutuelle entre tous les intéressés, là où la série eutièr des transactions économiques n’est pas réglementée, ramenée â la justice, à la mesure et à l’unité par une gérance centrale ayant caractère public. 
Personne n’ignore la guerre faite ati Fouriérisme par le Socialisme égalitaire et fraternel, à caase du troisième terme de V sa formule de répartition des richesses : à chacun selon son travail, son talent et son CAPITaL. 
En résumé, si la loi sociale n’intervient point pour proscrire l’usure, si on en laisse I’ab I. à l’influence des moeurs, à l’initiative populaire, nous maintenons que la même intelligence, le même esprit de justice et d’égalité qui, partlil le peuple, aura réprouvé l’isure sous toutes ses formes, réprouvera en même temps et au même degré l’échange et la production arbitraires, et jusqu’au monopole solitaire ou corporatif de la terre et des capitaux; que par conséquent le même mouvement radical et progressif emportera le même jour toutes ces formes désormais odieuses de l’exploitation du travail par le capital. 
Si le souverain ou l’opinion générale incline au contraire assez de ce coté pour investir l’Etat-peuple ou l’Etat-représentant de l’autorité nécessaire pour décréter législativement la suppression universelle de l’usure sous toutes ses formes, nous maintenons, toujours en nous fondant sur la force et la logique V des choses,, que te souverain voudra davantage, eligera un ensemble de mesures radicales dont l’efficacité promette durée; et répugnera sanctionner une mesure qui, dans son isolemeùt, ne laisserait en expectative aux pauvres et aux riches, aux travailleurs et aux capitalistes, que le désordre, la subversion, la lutte, le chaos, la guerre servile; et finalement, ou l’esclavage des uns, oula dépossession violente et absolue des autres. 
La voie de salut est donc bien indiquée telle qu’elle l’a été par le Socialisme: Ouvriers et paysans, associez-vous; car l’ASsOCIATION est le seuL terrain où vous puissiez avec avantage déclarer la guerre l’usure sous toutes ses formes. V V 
II nous sera facile de prouver dans un prochain article, que l’usure n’est qti’ une des formes de l’exploitation de l’homme par l’homme. V 
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Néanmoins, qu’on ne se méprenne pas sur nos conclusions plutdt la suppression (libre ou officielle, mais libre de préfrencc) de l’usure que rien. A défaut de mieux, elle est encore à conseiller; cal’ nous comptons sur l’inconnu qui est au bout. Si l’on ne veut pas nous donner un plus grand progrès, nons n’en rejetterons pas pour cela un moindre. Or, le seul changement devient ici à nos yeux un bien ; car le temps des expérimentations sociales est arrivé. Plutôt l’agitation du mouvement que le calme plat de l’immobilité systématique des Satisfaits. 
QU’EST-CE QUE L FONCTIO1T SOCIALE? 
L’une des premières conséquences du principe de solidarité, d’unité éconq. mique, de liberté et d’égalité, c’est la transformation de tout citoyen en ASsOCtfFONCTIONNAIRE; et de tout trayait, de toute oeuvre ou profession industrielle, agricole, scientifique, administrative, artistiqne, en FONCTION SOCIALE. 
Nous entendons ici par fonction, la part d’activité utile ou de travail, et tout à la fois l’emploi, la place obligatoirement affectée à chaque citoyen, par la société, dans l’oeuvre de production des richesses collectives; comme condition de l’accomplissement du but social; et, d’abord, comme condition de la jouissance (les droits naturels de l’individu, et de sa participation à tous les bénéfices, à tous les avantages, matériels et moraux, de l’association. 
L’humanité est un grand être collectif, un tout immense dont nul n’a le droit de se détacher, parce qu’on ne peut le faire sans causer les plus grands maux à ses frères et à soi—même. La société marche avant les individus; ou plutôt, dans 1’organistjonsociale, il faut partir tout à la fois du membre et du corps, de la partie et du tout indivisiblement rattachés et solidaires; et faire, d’une multitude anarchique, une unité vivante. La justice sociale nereconnait pas d’indi. vidus isolés. Les droits des uns sont naturellement limités par les droits égaux des autres. Nul ne peut statuer sur ses droits en l’absence de la société. On na même aucun droit en dehors d’elle; car tout se rapporte à elle, se ‘mesure par elle, se produit pour elle, et doit se rétribuer par elle. Nous travaillons donc tous pour la société, et ne pouvons travailler sans dgard à elle. Les citoyens ne peuvent donc pas faire corps à part, ni s’exploiter réciproquement. 
La Société, économiquement parlant, est un vaste atelier d’industrie, de science et de beaux-arts: elle a un but de conservation, (le développement et (le perfectionnement collectif, en vue duquel chacun est tenu de venir s’ordonner à un centre directeur pour la tâche commune, pour le bien commun, et par conséquent de recevoir une ou plusieurs rouc.noNs. 
Il n’y a dans une société rien que du travail à opérer, des instruinens et des conditions pour opérer ce travail, et des travailleurs qui l’opèrent: ou, si l’on aime mieux, il y a des travaux, des fonctions utiles, indispensables oit agréables à tous; des instrumens et des conditions matérielles et immatérielles de ces fonctions, et des fonctionnaires qui se servent de ces instru— mens, afin de remplir ces fonctions. 
Il n’y a donc, il ne doit donc y avoir que le travail, la matière et les conditions (lu travail, et les travailleurs, ou plutôt : la fonction, la maticrc et les conditions de la fonction; enfin, les fonctionnaires. Tout le reste est superflu, mensonger, parasite, illégitime ou funeste. 
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ividemment, la matière et les conditions de la foflctioil ne peuvent faire 
l’objet d’une appropriation exclusive, d’un monopole individuel ou corporatif. Le droit de propriété ne saurait aller jusque-là: son vrai domaine est celui des produits destinés à la consommation de chacun et de tous. De ces deux espèces de propriétés, l’une est la richesse de la société ; l’autre est la richesse des individus. 
La fécondité de la terre échappera donc à toute appropriation individuelle, à tout monopole; et la propriété (les instrumens de travail sera commune, sociale, indivise. Et tout atelier de richesses sera une dépendance, une suc cursale de la vaste association nationale. Tout emploi, toute profession, tout service, une fonction sociale; tout travailleur, un associé-fonctionnaire de la grande compagnie qu’on appelle Peuple. 
Nous sommes ici dans l’idéal, au point de vue des principes: nous considé— tons ce qui doit être, ce qui serait, si les hommes étaient justes et sages; s’ils savaient et voulaient. 
Dans ce milieu donc, chaque fonction a ses conditions matérielles qui constituent ses instrumens. 
Ces instrumens de la fonction sont la propriété collective du peuple; propriété inaliénable, indivise, et qui ne peut être appropriée que par délégation, par l’investiture toujours et incessamment révocable dans le cecle tracé par la loi de justice sociale, de salut public, égale pour tous. A chaque fonction, est alîecté un traitement, auquel le titulaire a nécessairement droit comme attaché à l’accomplissement de son devoir. Ce traitement est l’expression convetitionnelle, monétaire ou autre, de la propriété du fonctionnaire, c’est. à-dire (le sa participation dans te dividende des richesses consommables, collectivement produites par tous, les ordres (le fonctionnaires. Ce traitement, ce dividende particulier lui appartient souverainement. C’est le revenu, le titre acc lequel il se procure, selon ses goûts, sa part de richesses consomniables: il peut se mouvoir encore en toute libcté dans le cercle de ses ressources, (lès qu’il remplit les obligations de sa fonction; et tout se peut facilement combiner entre fonctionnaires, pour que chacun puisse se déplacer, changer (l’atelier OU de résidence, voyager, s’appartenir enfin au sein de l’ordre universel. 
Là est le gage de la liberté individuelle, de la moralité, (le la dignité, enfin du possible et du positif. 
Les fonctions, cela est sous-entendu, se donnent suivant des i èglemens, des conditions égales pour tous, accessibles à tous. Ce n’est, pour le dire en passant, ni le sort aveugle, ni l’arbitraire des chefs qui en décide; mais la vocation, l’aptitude, les forces relatives constatées au grand jour (le la publicité, par des jurys émanant directement du Peuple, par des pairs ou égaux. 
Le droit de propriété se transforme en droit à une fonction sociale , qui donc est toujours entourée , comme condition ou moyen, d’instrumens (le travail, lesquels sont l’investiture de cette fonction. — La propriété- instrument est dans la fonction même dont on est investi par le Peuple. — La propriété-jouissance, on le revenu de la propriété, est dans les bénéfices, dans Je dividende ou le traitement attaché à la fonction, dès qu’ellea été régulièrement remplie. 
Maintenant, pourquoi le droit de propriété, la propriété elle-même et ses bénéfices ainsi transformés, ne seraient—ils pas aussi sacrés, aussi garantis, aussi réels que le fut jusqu’ici l’ancienne Constitutiohp 
La sécurité, dans les deus cas, dépend absolument des moeurs, des institu. tions, des lois et des codes. 
Ainsi, dans cc nouveau Monde, la propriété des instrumens de travail est 
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indivise, sociale, et le travail est collectif. — Et il y a deux sortes de prou 
priété la propriété nationale, la propriété individuelle. — °. La propriété nationale comprend tous les instrumens de travail t terres et autres capitaux, toutes les conditions matérielles de la production, toutes les richesses nécessaires au service, aux fonctions sociales; — 20. La propriété personnellq, matérielle, est la portion de richesses consommables privativement, échue à chacun selon sa fonction. 
La part de propriété ou de richesses consommables, ou plutôt la fonction et le traitement affectés à chaque citoyen, ne peuvent donc t’trc daterminés que par la loi, qui, dès lors, les consacre et les garantit d’une manière absolue. 
L’idée de fonction emporte l’idée de socialisation des instrumens de travail. Ces deux institutions économiques sont inséparables : qui admet l’une, admet nécessairement l’autre. 
Il y a incompatibilité radicale entre ces deux mots fonctionnaire et pro. priétaire. Fonction suppose délégation conditionnelle, révocation possible, subordination de la volonté particultère à la volonté collective. — Donc, transformer le travailleur en associé-fonctionnaire, c’est transformer l’appro. priation en délégation; l’investiture indéfinie, absolue ou inLonditionnelle, en investiture temporaire, conditionnelle, incessamment révocable au jugement du souverain, dans les limites dc l’immuable constitution, sauvegarde de la libertd individuelle. 
On aboutirait aux mêmes conclusions en partant du principe de la désappropriation ou de la socialisation des terres et des capitaux. 
L’unique raison qui Justifie l’octroi d’une fonction au travailleur-citoyen dans le grand atelier de la production, c’est l’aptitude relative, constatée. Donc, il ne doit point être permis au premier venu de se constituer producteur ou titulaire d’une fonction qu’il est relativement incapable de remplir. 
Laisserat-on à toujours l’élection se faire par la concurrence, la compétition et la lutte, avec la perspective de désastres ou de gaspillage; et l’échange s’accomplir sous l’action fortuite du rapport de l’offre et (le la demande? Ou bien substituera-t-on à l’anarchie et à la licence, dans la production, le concours, l’examen, l’épreuve, l’aptitude relative; et dans l’échange, l’estimatIon par un jury d’équité, et la tarification par max frnd et rninimd, ou la régie de tous les produits; et la vente par l’intermédiaire d’une institution sociale, de la gérance (le l’association, etc.; enfin au monopole, à l’appropriation individuelle, exclusive, de la terre et des autres capitaux, la socialisation des instrumens (le travail? 
Le droit au travail, au crédit, impossible à réaliser dans le milieu dainenopole des terres et des capitaux, vie la production anarchique, aveugle et incertaine, est ici de solution extrêmement facile; car la fonction n’est pas autrc chose que la réalisation définitive, consacrée, vivtnte, de ce droit au travail ou au crédit pour tous sans exception. 
Tout associé-fonctionnaire est nécessairement garanti dans son travail, dans la satisfaction de ses besoins, dans son avenir, avec justice et égalité. Il suiflt pour toute condition al)solue, de remplir les devoirs, de consentir aux exigences réelles de la fonction : qui ‘euL les bénéfices, (10k vouloir les charges 
chacun doit porter ion propre fardeau; celui qui ne veut pas travailler n’a pas le droit (le manger. 
Par le classement, les individus reçoivent lent’ fonction; par le crédit, ils en reçoivent les ins$.rurnens. Le crédit et le classement consacrent et réalisent leur droit au travail, en les investissant des moyens de travail t une équitable répartition leur assure la légitime récompense dc leur travail. 
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Et de même de l’impôt. Dans ces conditions nouvelles du capital et du tra vail la question de l’impôt est toute simple. 11 n’y a plus d’impôt dans la grande société nationale, pas plus qu’il n’y en a dans les petites sociétés de chemins de fer et autres. Les frais nécessaires à la bonne gestion des intérêts généraux sont prélevés sur les produits bruts de l’association. Il n’y a même plus de frais étrangers à la grande compagnie ou société nationale : toute dépense a pour but, pour occasion, ou pour objet, les fonctions et les fonctionnaires : il n’y a donc plus deux bourses, deux trésors, deux intérêts, celui des citoyens et celui (le l’Etat. Donc l’impôt est sans raison d’être : il n’y en n plus. 
Avec l’institution de la fonction, Je paupérisme, la misère ne peut plus être le lot de personne ; la pauvreté involontaire est impossible: vous coupez court à toutes ces interminables lamentations sur la difficulté d’extirper la misère et la mendicité. Plus d’amères et de erdelles inquiétudes chez les parens sur l’a. venir de leurs jeunes enfans. Chacun a sa place certaine, extgible,. à la tâche et au banquet de la vie morale et matérielle. Plus de vocations méconnues, faussées ou atrophiées. Toutes les aptitudes, tous les goûts, ont leur raison d’être : ls cadres tout préparés dans le grand laboratoire national, leur correspondent et les attendent, les sollicitent et les appellent. 
L’idée de fonction est le corollaire obligé de l’idée (le solidarité, d’égalité et d’unité économique partant, la condition et la garantie de la ljberté, le moyen etia sanction infaillibles de la responsabilité personnelle. 
La liberté individuelle ne peut trouver ses garanties sérieuses que dans la fonction; car la fonction délimite officiellement l’activité socia!e de l’individu; car chacune des attributions de la fonction est naturellement une digue pour la liberté du titulaire et pour celle d’autrui. Tons étant esclaves de la loi commune, tous Sont donc libres [‘un par rapport à l’anti-e, c’est-à-dire indpendans du caprice ou de la volonté d’un reprêsentant ou agent, quel qu’il soit, du. souverain ou du peuple. Tout associé-foncihinnaire, n’importe son emploi, reste donc ce qu’il est, ce qu’il (bit être tOujOurs et partout roi et prétre, membre du souverain, et souverain même dans le cercle (égal à tous les autres cercles) tracé à sou activité par la charte (le sa fonction. 
La fonction remplie est donc le gage de tous les genres d’indépendance et de liberté; elle implique l’essor de toutes les facultés, la satisfsction de tous les besoins de l’ordre moral et matériel; elle s’applique à tons les ordres de travaux et de richesses, depuis la haute fonction de l’éducation populaire jusqu’aux moindres soins de la vie physique. 
Quant au principe, si hnportant, (le la responsabilité persornelle, auxiliaire naturel de la liberté individuelle, il est ici manifeste, et entouré d’une coiiti• nuelle sanction. 
Toutes les garanties de la liberté indivitluelle la plus jalouse sont donc concentrées dans ce rnotqui est à lui seul comme la moitié du. Socialisme pratique 
FONCTIoN SOCIALE. Quels sont les privfléges de la fonction? Voilà à quoi se réduit la preuve de la liberté que notas appelons ntgative, dans le nouveau monde. Tant vaudront ces privilé’es, tant vaudra la liberté. Elle ne prend corps que dans la fonrtion et par la fonction. 
Du reste, jamais il ne pourra être question de dire à un membre de la société: vas à telle fonction; comme on lui dit aujourtlhui: sois soldat. Non, c’est là de l’esclavage; il ne faut forcer personne à prendre telle ou telle fonction; il faut que chacun soit conduit indirectement là oit il doit être ; et, génét aletnent, ce sera là où l’on aime à être qu’on sera. Ausi l’on (lira : vous préférez cette fonction? Libre à vous d’y prétendre; tuais faites vos pi-cuves relatives, et elle est à vous, dans les limites des besoins de cette fonction: — sinon, uoa; car si les cadres onL pleins, votre présence serait funeste à vous ou à autrui. 
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‘et-ce pas ce qùi doit être, sous peine dejewr la pertiwbation dans tonte:: 
les existences, et introduire le gaspillage, le’ parasitisme, la complication eu l’anarchie dans l’économie d’une société? 
C’est ainsi, et dans ces limites, que la libre productiondoit être coinprse ou bien vous rentrez dans la concurrence, dans la compétition dépréciative au bout (le laquelle il n’y n que désastres, charlatanisme et fraudes. 
Point ii’cst question de contraindre personne au travail. Imposer des condi lions à votre activité créatrice ou productrice, tracer le cercle de votre liberté, diriger même votre travail dans l’oeuvre collective, ce n’est aucunement vous faire travailler quand vous ne vouîez pas, contre votre gré, ni même vous faire faire ce qui vous répugne: il est des fatalités à vous particulières et indépendantes (le la volonté de qui que ce soit, lesquelles vous conduisent où vous allez. On vous soumet aux cundition communes du travail de tous, du salut de tous, de l’intérêt de tous, vous compris; et l’on vous laisse parfaitement libre de travailler ou de ne pas travailler dans ces conditions justes et normales. Vous êtes toujours l’instrument de votre sort; toujours responsable de vos actes et de votre’ destinée; c’est vous encore qui faites votre lit comme vous voulez vous coucher; vous le faites en liberté, mais non plus dans une indépendance licencieuse qui porte le ti’ouble, la privation et le malheur au sein de ce tout dont vous êtes un inembie solidaire. 
Il faut que tout fonctionnaire p&ssc permuter avec les titulaires (le fonc. lions similaires, en tous temps, en tous lleuv, afin (le pouvoir échapper aux incompatibilités de personnel, afin (le pouvoir voyager, habiter le climat, le milieu qu’on préfère, etc. Ces franchises sont faciles à offrir, en organis’sn’t les denandes et les offres (le CC genre, comme celles de tout ordre, par b vaste système de publicité universelle dont nous occuperons nos lecteurs à l’occasion. 
Une autre et sérieuse garantie pour la librté individuelle se trouve dans les limites t1êes li la solidarité même des intérêts. Il y n bien (et cela est juste, ét bon à Ions) solidarité pour toutes les chances (le force majeure inhérentes à la vie humaine l’assurance mutuelle existe. inéludable, pour tous les (‘as tels que l’enfance et la vieillesse, la maladie et les infirmités ou incapacités virtuelles, Mais la solidarité cesse là où commenre la responsabilité personnelle, c’est à.dire là où e déterminent notre libre arbitre et tous les actes subvcrsiti ou privatifs par lesquels nous pouvons manquer aux devoirs de notre fonction, aux conditions de la mutualité et de l’égalité. 
Or, il faut bien qu’on se le persuade : ce que nous demandons ést déjt reconnu, existe déjà dans le moindre atelier seulement nous voulons unl versaliser, élever à la dignité d’une institution soriale, ce qui n’est encore que le signe (le la servitude ou de la sujétiun du travailleur, et connue le mensonge de ta fonctiomz; ce qui sera, ainsi transformé, le signe et le gage (le l’affranchissement, (le l’indépendance, (le la sécurité, de la liberté, de l’égalité, et de l’avenir du Peuple tout entier. 
Voyez Partout Où il y a (le l’ordre, de la prévoyance et (le la sécu: ité; (le la dignité, p(>ui tous les citoyens; (le l’économie, quelque efficacité dans les moyens, de la persistance dans le but; voyez partout où la production, la répartition et la consommation (le certaines richesses sociales, sont organisées: 
— dans Ie administrations publiques et particulières, dans le clergé ; clans l’industrie privée ellenmême, les sociétés par actions3 les grandes exploitations, les chemins de fer et jusqu’aux ateliers des mnanufacttires L. — L’élément d’ordre, l’unique élément, c’est la fonction; la fonction spéciale, reconnue de tous, ayant des attributions bien délimitées, et rigoureusement exigées du titulaire. 
Dès que l’on trouve quelque I)arl instituée la fonction rêgulière, on trouve 
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la récurité pour tous les accklens de force majeure, pour la vieillesse du fonc. 
Liminaire, pour le chômage des malades, et la retraite; et (les garantis plus ou moins efficaces contre l’arbitraire; l’appel comme d’abus, etc. 
Cette conception porte donc arec elle, jusque dans les moyens de réalisation, ses garanties et ses conditions d’ordre, de dignité, de pak, (le stcurité et de liberté véritable pour tons. En effet, puisqu’il sagit d’assurer à tous sans exception, l’éducation, la fonction, la rétribution et la retraite; et la carrière et l’avenir eu tous temps, comment son avènement dans les faits sociaux, pourrait-il exiger la violence, la spoliation, des sacrifices sans compen ations, des déplacemens brusques; enfin des troubles dans les profon - deurs de la Société? 
Je ne parle pas de l’armée: je craindrais qu’on en conchØt légèrement que / -tt_—- nous voulons importer dans l’atelier, l’odieux régime de la caserne ; flOUS (lui / avons eu aversion et en haine l’obéissance passive partout ailleurs que devant l’ennemi, sur le champ de bataille. 
La fonction est la garantie de l’ordre et de la liberté, avons-nous dit, parce— qu’elle implique et la règle et la responsabilité; parce quelle n’est que la forme saillante (le l’organisation des devoirs et des droits. Vous voulez l’ordre dans la liberté et l’égalité; la liberté dans l’ordre et l’égalité; les voici tout trouvés. 
Je le répète: voyez tous les corps organisés, constitués : la magistrature, l’université, etc., mais surtout, voyez l’atelier bourgeois, la manufacture bourgeoise, le chemin de fer, l’administration bourgeois: est-ce que chaque travailleur n’a point ici sa fonction spéciale, ses attributions exclusives; estce que chacun peut faire ce qu’il veut, quand il veut, comme il veut? La division du travail, en effet, qui a lieu partout comme condition d’économie, de perfection, de rapidité et de puissance, qu’est-ce autre chose donc que la reconnaissance et l’application de cette idée : la fonction. 
A chaque ordre de fonctions dans l’atelier, Sont affectés un traitement, un salaire, un régime, des conditions particulières; chaqne infraction, chaque négligence colporte retenue, ou sanction quelconqne; enfin un règlement égal pour tous, indiquant les heures de travail, de repos, etc. , plane au-dessus (le toutes les fonctions et de tous les fonctionnaires. 
Où est donc le mal, où continence l’imptrfection disciplinaire (le l’atelier, de la manufacture, de l’industrie particulière? Elle commence précisément la où finit la fonction, le rgtement, la discipline, la responsabilité, elle commence là où apparatt le maître, l’entrepreneur, le capitaliste, le bourgeois ou le propriétaire;; c’est-à-dire, là oit commence l’ARBITRAIRE, le ratvILÉGà. 
Faites, au contraire, que les relations de maîtres à ouvriers, d’ateliers à ateliers, soient ce qu’elles sont, d’une manière encore très informe, d’ouvriers à ouvriers, ou d’ouvriers à maîtres; c’est-à-dire, généralisez, universalisez la fonction, le règlement, la responsabitité; et dès l’instant, l’ordre, la liberté, la justice distributive, l’unité et l’égalité (les conditions scut c,,nsominés à souhait dans toutes les relations sociales. 
En d’autres termes, faites qu’il n’y ait que des associés1onczionnaires; faites que le maître, le chef d’industrie actuel; celui de qui dépen(l aujourd’huile travail, et l’admission ou le renvoi, et le taux du salaire de l’ouvrier, et le règlement de l’atelier; que celui qui est tout puissant et autocrate, sans contrôle supérieur, dans l’iiutustrie, soit lui-même un associé-fonctionnaire, ayant à répondre comme l’ouvrier à plus haut que lui; c’est-à-dire au souve ram, à tout le monde, AU PEUPLE, de ses faits et gestes; que conun tout le monde enfin, il soit ramené à l’égalité dgs conditions économiques et Lioliti. 
queb. 
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Car, en vérité, concevez-vous qu’on se dise des hommes tous libres, tous 
égaux et frères; et que l’on soitséparé en deux camps, en deux mondes, eut deux natures radicalement inégales en fait; celle des gens qui détiennent les instruuiens de travail; disposent des terres comme d’un monopole hérédi. taire; font ou ne font pas travailler selon leur bots plaisir; octroydnt ainsi le moyens de vivre; décident de tout, et d’abord de la liberté d’autrui; battent monnaie au moyeu de l’nsure;—et cel!e des gens nés pour servir ceux-là, pour en être b cheville ouvrière, les abeilles diligeotes, pourvoyeuses de toutes les superfluités promises à ces demi-dieux; pas mêue si peu! pour végétera s’étioler, s’amaigrir, s’exténuer dans toutes les privations de la misère et les angoisses de l’humiliation! 
Pourquoi ce privilége, cotte anarchie, ce grand deni de justice, s’il vous plait? Pourquoi tou ces potentats, et ce troupeau P 
Quoi! dans ce fameux pays de Franco, soixante ans après 89. quand la nation respecte comme un seul homme l’unité civile et politique, le principe de l’égalité devant la loi, on y voit encore tout se gouverner en réalité dans le grand oeuvre de la richesse nationale, de la répartition et de la consomma lloij, comme aux beaux jours des rois et des aristocrates (le l’ancien régime! 
Il faut, — le souverain le comprendra et le voudra bientût, — il faut ra mener tout à l’ordre, à l’égalité des conditions; vivre en travaillant; être des humains, de simples mort&s, soumis comme tout le monde à la loi commune des citoyens enthi et non des maîtres. Qu’est-ce que cela et n’est-ce pas ce qu’on peut désirer de mieux? II faut, disons-nous; car le noeud gordien esi là. Or, on le peut : il suffit de déclarer dans l’une des futures révisions de la Constitution (pour ne rien dire (le l’imprévu de l’ordre fatal), qu’il n’y a lui: 
en France, dans le grand laboratoire (les richesses sociales de tout ordre, quo des fonctions et des associés-fonctionnaires. 
Le Fouriérisme, le Saint-Sinionisune eUe Communisoxe sont, dans leurs systèmes d’association, comme trois momens ou stations progressives de la même doctrine de solidarité, et de la même conception de fonction. 
Cette vue d’économie sociale n’est doue pas neuve : écoutez les premiers chrétiens par la voix de saint Paul; « Il y a diversité de dons, mais il n’y n qu’un même esprit. — Il y s aussi diversité de ministères, mais il n’y a qu’un même Seigneur. Ily a aussi diversité d’opérations, mais il n’y a qu’un méine Dieu qui opère toutes choses en tous. Mais l’esprit qui se manifeste dans chacun lui est donné pour l’urILIrÊ nx ToVs. -. — Je voudrais que tous les hommes fessent comme moi, re’us chacun a reçu de Dieu SON nou PiRT1CU LIER, 1un d’une ?nanié’re et l’autre d’une autre. » 
« J’avertis chacun de vous.., de n’avoir pas d’eux-mêmes nue plus hante opinion qu’ils ne doivent, mais d’avoir des sentimens modestes, selon la mesure de la foi que Dieu n départie à chacun, car comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps, et QUE vous les membres n’ont pas une mémo FORCTLON; ainsi nous, quoique nous soyons plusieurs, nous sommes un seul, corps en Christ, et nous sommes chacun en particulier les membres les uns des autres. — C’est pourquoi, puisque nous avons des dons di/J’érens, selon la grdce qui nous u été donnée, que celui qui ale don de prophétie l’exerce selon la mesere de la foi qu’d a reçue; — que celui qui est appelé au ministire s’attache à son ministère; que celui qui n le don cl’enseigizer s’applique à l’instruction; que celui qui est chargé d’exhorter, exhorte; que celui qui distribue les aumônes, le fasse avec simplicité; que celui qui préside le fasse avec so n... » 
Il y a plus: toute l’économie sociale du passé depuis mémoire de peuple, repose essentiellement sur la notion de fonction. Les divisions par castes, pal’ 
tribus, par classes; celles de prêtres, guerriers, agriculteurs, artisans; celles 
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des corporations; celles de tous les régimes féodauE et patriarchaux, etc., ne 
sont pas autre chose que des applications plus ou moins informes, et quelquefois monstrueuses ou stupides, de cette conception prise dans la nature des choses. 
Chacun ici a sa tâche sociale à remplir en qualité de membre d’un tout inséparable : il est là tout à la fois et pour l’ensemble, et pour les autres, et pour lui. H y a un but général à accomplir; il faut que chacun s’ordonne, à l’activité collective. On est enfin une multitude solidaire: II faut bien que la forme sociale de la solidarité, la fonction, soit, et se manifeste. 
Si cette idée de fonction perfectionnée, transformée du tout au tout dans 1’appication c’est-à-dire dans l’ordre de liberté, d’égalité, avec la souveraineté du Peuple et de l’Etat-Peuple, est une erreur, une vieillerie, ou une innovation rétrograde, alors je dis qu’on n’a point d’alternative, que la volonté de chacun est sa loi, que le désordre est La règle; et qu’autant vaut déchaîner systématiquement tous les élémens de discorde. 
L’avénement du régime de la fonction est peut-être plus prochain qu’on ne pense. S’il y a un Peuple prédestiné et déjà préparé pour cette inappréciable transformati.n du citoyen et de l’ouvrier en associés-fonctionnaires, c’est le Peuple français. 
Il est en France un trait de moeurs qu’on appelle la manie des places, fait instinctif et spontané, fatal même comme tout ce qui est moeurs, un trait caractéristique qu’on n’a point encore interprété au point de vue du progrès; et qui prouve mieux que toute chose que le Peuple français est le plus avancé, le plus unitaire de tous les Peuples; qu’il est niftr pour la liberté dans l’ordre, selon la justice ou l’égalité, pour l’unité ficonornique, comme il l’était en 89, depuis longtemps, pour l’unité civile et politique.— Ce besoin de plsces régulières, à caractère public ou national, est pool- nous le gage, l’indice que la licence du laissez-faire est une importation anglaise qui ne sauraits’acclimater en Fronce, et que tout le mouvement fatal nous emporte bon gré mal gré vers l’organisation et l’unité. 
Je dis que, par ce trait de moeurs bien avéré, le Peuple français se montre le plus servile, le plus lâche et le plus immoral des Peuples, ou qu’il est le plus accessible aux sentimens d’ordre et de justice, le plus disciplinable dans le sens de l’égalité, de la liberté et de la fraternité. 
Nous espérons que le Peuple français voudra faire de ce beau pays qu’il habite, le domaine d’une immense association, un vaste et unique laboratoire, magnifique mobilier, bien commun, indivis de tous les citoyens, à charge de bon et légitime usage de leurs forces et de leurs richesses; c’est-à-dire où tous viennent produire selon leurs aptitudes et leur puissance, afin de consommer selon ‘eur nécessaire indéfiniment croissant avec Le produit brut et net dc la Nation; où tous enfin soient solidaires dans les limites compatibles avec la Liberté, et portant avec la responsabilité personnelle. 
Dès que vous avez fait voir d’une école, d’un projet, d’une mesure éconoinique, qu’elle ne fait rien poula garantie du droit au travail par ta fonction, elle peut avoir son utilité relative, mais vous avez démontré par cela même sa radicale insufilsauce pour la solution du problème majeur de notre époque: 
l’abolition dit Prolétariat. 
C’est donc à cette idée comme à un critérium infaillible, qu’il faut venir mesurer la valeur absolue des moyens transitoires ou définitifs proposés par les sectes diverses. 
Prolétaires de France et d’Europe! votre avènement à la vie sociale, ‘u la Liberté, à l’Eglité, est là tout entIer. La Fonction I voilà la devise de votre salut! Que ce soit donc là votre idée Jixe Je droit à la fonction, la ‘jahté 
— — 
de citoyen ausoci&fonctionnaire; voilà toute votre politique résumée dans un 
mot. hors de la fonction etde la sotidaritd, point de salut. 
Ainsi, la question d’organisation du travail, telle qu’mi la pose ici, est simple et nette. 
li y aura encore, dans la plupart des milieux prétendus sociaux que nous proposent les politiques, des chances aldatoires : or, la justice, le droit, l’égalité, disent qu’il ne doit point en exister dans une société bien réglée. — Le Socialisme juste, ramène tout le travail social à des fonctions; il assimile tout trayailleur à un associd-fonctionnaire; il fait de toutes les terres, de tous les capitaux, de tous les fonds productifs, la propriété indivise de la Société. 
Le droit de pro’priété, c’est le droit de vivre, d’est le droit d’être soi. Comment dès lors le contester? Mais ce droit ne va point jusqu’à s’approprier les instrumens de travail, les objets, la matière, condition absolue précisément de la garantie du droit de propriété pour tous. — Afin de réaliser constamment Id droit de propriété, ou mieux la propriété pour tous, il faut fnire de tout travail, de toute industrie, une fonction sociale; de tout citoyen, de tout travailleur, un fonctionnaire ocial. 
En conséquence: 
Le droit de propridtd sur les instrumens de travail se transforme en drois à la fonction. — L’appropriation se transforma en ddldgation: au lieu d’être absolue ou arbitraire, quant à la nature dc la chose déléguée, la pro priété sociale est conditionnelle. 
La proprhtd mdme, est dans la jouissance ou dans l’usage de la fonction, dans les attributions qui la constituent. 
Je revenu, le salaire, le profit, le bdnéfice de la propriété se transforme en traitement ou drnolumens. 
Le cr&lit se détermine par la fonction; il se réalise par l’investiture de la fonction; et, nécessairement, il est gratuit, comme toute fonction, à charge de bonne et due gestion, 
La production, de libre ou arbitraire, aveugle et disproportionnée, de. vient conditionnelle et rgutière; intelligente, et proportionnelle aux besoins généraux. 
L’dchange se fait par l’intermédiaire de la société, de la gérance, qui l’effectue, d’une para, en distribuant à tous les matières premières, les condidons et les instrumens de leur fonction; d’autre part, par Je traitement garanti aux fonctionnaires, et par la vente aux consommateurs, 
Il nous reste à dire comment, en général, suivant nos principes, la fonction doit se donner ou le classement se faire; comment lu valeur relative des produits doit s’estimer, et le traitement se déterminer, et la vente s’effectuer, et la consommation s’opérer; comment la responsabilitd personnelle recevra sanction; s’il y aura variété, multiplicité ou uniformini de fonctions, etc. 
Mais on n’attendra pas de nous que nous prophétisions scientifiquement l’avenir; on ne nous prêtera pas l’insigne présomption de vouloir enserrer d’avance la spontanéité et l’initiative du genre humain futur, jusque dans les détaifs de nos conceptions individuelles; lorsqu’en réalité ces conceptions elles-mêmes, dans ce qu’elles ont de plus général, nous ne les ofl’rons encore au souverain que comme l’expression de nos désirs et de notre espérance; — fidèles que nous sommes, dans ces limites, à la maxime républicaine: Que çliacun propose; que tous disposent. 
— 33 — 
CRITIQUE DES IDÉES 
DU CITOYEN PROUDUON SUIt DIEU. 
fiégel avait dit: s Dieu ne se connaît point dans la nature; il ne prend w conscience de lui-même que dans l’humanité. » 
Eefferbach, enchérissant sur son maître, ou le développant peut-être, vint 
dire: « Il y a dentitd entre l’essence humaine et l’essence divine; la religion 
» n’a que l’homme pour sujet et pour objet. La science de Dieu n’est que la 
» science de l’homme. Enfin Dieu c’est l’homme, car, encore une fois, l’essence 
» divine n’est autre que l’essence de l’homme; et Dieu n’est, et ne saurait être 
» que l’essence même de l’homme, conçue comme séparée de l’homme. Les 
« prétendus êtres supérieurs que notre imagination nous crée ne sont autre 
w chose que des représentans de la perfection humaine teileque nous la concevons (i) *. 
C’était évidemment dire: il n’y a point de Dieu; Dieu, c’est un spectre, un symbole, un feu follet de l’imagination humaine. 
Et Proudhon, répétant Feiierbach, dit: « FA religion pour nous, n’est pas la symbolique, c’est le contenu, le mot de la symbolique. Pour découvrir la 
vraie religion, il faut.. - montrer philosophiquement... le surnaturalisme dans » la nature, le Ciel dans la société, Dieu dans l’homme. » 
Mais (l’abord, il faudrait que Pauteur s’entendît et se mît d’accord avec lui- même. Croit-il, oui ou non , à Dieu et en Dieu; en affirme-t-il, oui ou non, rexistence; c’est-à-dire la personnalité et la conscience? car, à l’heure qu’iL est, ma’gré tant d’élucubrations nébideuses, de sa part, sur ce capital sujet, on peut encore se demander ce qu’il pense, lorsqu’on oublie qu’il ne faut pas voir en lui un philosophe qui aime, qui contemple et étreint les idées; mais un spéculatif, qui les remue et les maltraite. 
En 181s6, il écrit, parlant de Dieu, que « tout ce que la raison nous comw mande à son égard, c’est la négation.... Il sera toujours pour l’homme 
» comme s’il n’était pas. Si les cieux racontent la gloire (le l’Eternel, leur 
» témoignage le détrâne. Le simple soupon d’un Étre suprême est déjà noté 
» comme la marque d’un esprit faible.. - Comme il est impossible que la spé- 
» culaUon s’arrête, il est nécessaire qu’à la longue l’idée de Dieu disparaisse. 
,i La véritabl vertu, celle qui nous rend dignes de la vie éternelle, c’est de 
» lutter contre la religion et contre Dieu.... Le genre humain, au moment où j’écris, est à la veille de reconnaître et d’affirmer quelque chose qui éqai» vaudra pour lui à l’antique notion de la Divinité. — Si l’humanité..,, per- 
» siste sciemment, mais non plus librement, dans cette opinion d’un Etre 
» souverain qu’elle sait n’être qu’une personnification de sa propre pensée: si 
» elle est à la veille de recomnencer ses invocations magiques, il faut croire 
» qu’une si étonnante !zaflucination cache quelque mystère... — S’il est un 
» Etre qui avànt nous, et plus que nous, ait mérité Penfer, il faut bien que je 
s le nomine, c’est Dieu. 
» ... Et moi, je dis : Le premier devoir de l’homme intelligent et libre, 
est de chasser incessamment l’idée de Dieu de son esprit et de sa conscience; 
s car, Dieu, s’il existe, est essentiellenient hostile à notre nature, et nous ne 
w relevons aucunement de son autorité. Nous arrivons à la science malgré luit 
» au bien-être malgré lui, à la société malgré lui; chacun de nos progrès 
(1) Voyez dans la Reruc Indépendante, année 1844, l’article Essence du Clinstian is’nc, par Louis Feilerbach, signé taEriTaOrt’. 
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» est une victoire dans laquelle nous écrasons la Divinité... Qu’on ne dise 
plus: les voies de Dieu sont impénétrables; nous les avons pénétrées, ce 
voies, et nous y avons lu en caractères de sang les preuves de l’impuissance,, 
si cen’est du mauvais vouloir de Dieu. MaraiSon, longtemps humiliée, s’élève peu â peu au niveau dc L’infini; avec le temps elle découvrira ce que 
» son expérience lui dérobe, avec le temps je serai de moins en moins artisai de malheur, et par les lumières que j’aurai acquises, par le perfctionne» ment de ma liberté, je me parifirai, j’idéaliserai mon être; je (levien’ 
drai le chef de la création, l’égal de Dieu. Un seul instant de désordre 
» que le Tout-Puissant aurait pu empêcher, et qu’il n’a pas empêché, accuse 
» sa pi’ovidence et met en défaut sa sagesse.... De quel droit Dieu nie dirait- 
» il encore : sois saint, parce que je suis saint? Esprit menteur’, lui répon’» drais-je, Dieu imbécile, ton règne est fini, cherche parmi les bêtes d’autres 
» victimes. Je sais que je ne suis ni ne peux devenir saint Pourquoi me 
» trompes-tu? pourquoi, par ton silence, as-tu déchalué en moi l’égoïsme ?... 
» Les fautes dont nous te demandons la remise, c’est toi qui nous les fak 
a commettre.... et le satan qui nous assiége, c’est toi L Et maintenant te 
» voilà détrôné et brisé: ton nom, si longtemps le dernier mot du savant,.. 
» le refuge du coupable,.., eh bien! ce nom incommunicable, désormais voué au mépris et à l’anathême, sel-a sifflé parmi les hommes; car Dieu c’est 
» sottise et lâcheté, Dieu c’est hypocrisie et mensonge, Dieu c’est tyrannie 
» et misère, Dieu c’est le mal.... Dieu retire.toi! car dès aujourd’hui guéri. 
» de ta crainte et devenu sage, je jure, la main étendue vers le ciel, que tu 
» n’es que le bourreau de ma raison, le spectre de ma conscience.... « Je nie donc la suprématie de Bien sur l’humanité. Je rejette son gouver» nement providentiel dont la non existence est suffisamment établie par les 
» hallucinations métaphysiques et économiques de l’humanité, en un mot par le 
» martyre de notre espèce ; je décline la juridiction de l’Etre suprême su 
» l’homme : je lui ôte ses titres de père, de roi, de juge, bon, clément, rému» nérateur et vengeur. Tous ces attributs dont se compose l’idée de providence ne sont qu’une caricature de l’humanité Non seulement la provi» dence n’existe pas, mais elle est impossible... L’homme, an lieu d’ndore en » Dieu son souverain, ne peut et ne doit voir en lui que son antagoniste. Le 
» vrai remède au fanatisme.., c’est de prouver à l’humanité que Dieu, au cas » qu’il y ait un Dieu, est son ennemi... Je sais que mes tendances les plus au» thentiques m’eloignent chaque jour rie la contemplation de cette idée; que » l’athéisme pratique doit être désormais la loi de mon coeur et de ma raison » que c’est de la fatalité observable que je dois incessamment apprendre la » règle de ma conduite; et que si un jour je dois me réconcilier avec Dieu, 
cette réconciliation, impossible tant que je vis, et dans laquelle j’aurais tout » à gagner, rien à perdre, sic se peut accomplir que par ma destruction,.. » 
Combien devait être irritée, malheureuse, la créature qui a écrit de telles énormités! Pardonnez-lai : elle ne sait ce qu’elle fait ni ce qu’elle dit: elle est sous l’influence d’une fatale insanité: sa folie se manifeste par les emporte. mens de l’orgueil : Voilà tout le mystère. Si le mystère est ailleurs; si l’auteur était calme et dans la pleine possession de ss facultés I Oh! il n’est pas besoin de coninlentaires! Pour ceux qui ont écouté, il a lui-même prononcé sa condamnation, en évoquant toutes les laideurs de son idéal, toute la dégradation de son intelligence, toute l’ingratitude de son coeur. 
Qu’on nous permette encore une courte interruption dans ce narré textuel des accès de théophobie du plzilosoØlae des misères humaines. 
En 181i9, il ne veut pas qu’on le donne art peuple comme un athée ; et c’est lui-même qui se dénonce athéeAans ces paroles si formelles de 181s6: « L’a’ théisme PRiTIQUE doit étre désormais la loi de ,non coeur et de ma raison. » Ainsi, le peuple est averti : ce n’est point ici de l’athéisme spéculatif; iL faut qu’il voie dans l’écrivain un lhée vivant et agksant, 
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Mais reprenons notre petite revue rétrospective. 
En septembre 1848, il écrit encore: 
« Oui, nous voulons la religion; mais que personne ne s’y trompe. La reli» gion pour nous n’est pas la symbolique: c’est le contenu, le mot de la sym» bolique. Pour découvrir la vraie religion, il faut recommencer notre exé. » gèse, montrer philosophiquement, à l’aide des nouvelles données sociales, 
* le surnaturalisme dans la nature, le ciel dans la socidtJ, DIEIT DMS 
» ‘ROMME. » 
Mais tout à coup, je ne sais par quelle hallucination, il se ravise; et par un brusque mouvement de conversion, le 5 février i81î9, il fait SESWENT DEvANT DIEu et devant les hommes, sur l’Evangile et sur la Constitution; ce qui suppose absolument qu’il croit à Dieu et en Dieu, qu’il affirme son existence et sa perfection, sa toute-puissance, sa providence et sa souveraine bonté. Qu’enfin, dans sa pensée, Dieu domine et l’humanité, et l’Eyangile et toutes les constitutions humainês. 
Le 5 novembre de la même année 1849, revenant à son athéisme de 1846, 
il affirme de nouveau qu’il n’y a point de Dieu. « Ce que nous cherchons et 
» que nous voyons en Dieu... ce n’est point cet être, ou pour parler plus 
» juste, cette entitd chimêrique, que notre imagination agrandit sans cesse, et 
» qui, par cela même que d’après la notion que s’en fait l’esprit, doit être 
» tout, ne peut dans la réalité être rien: c’est notre propre idéal, c’est 
» L’humanit&.. L’âme humaine.., s’aperçoit hors d’elle-même comme si elle 
» était un être différent placé vis-à-vis d’elle: C’est cette IMAGE qu’elle appelle 
» Dieu. >) 
Ainsi, le voiLà passant et repassant de la lumière aux ténèbres, du bord d’Ormuzd au bord d’Ahriman, avec un sans.façon inouï. Erigerait-il en s1ème l’art de se contredire. On le devrait croire, tant il est prodigue de démentis envers lui-même. Voyez plutêt un échantillon de son inconsistance: 
En 1846, dans ses contradictons économiques, il vient médire de PEvangile, et le qualifier d’absurde en ces termes: 
« Aimez Dieu de tout votre coeur, nous dit l’Evangite, et haïssez votre âme » pour la vie éternelle. Précisément le contraire de ce que nous commande la » raison. » 
D’abord, on fait dire à l’Evangile une monstruosité morale qu’il n’a formulée nulle part, de près ni de loin; mais là n’est point la question; la question, la voici: 
Le 5 février 1849, on fait serment, devant Dieu et devant les hommes, sur L’EvASGILE et sur la Constitution. — L’Evangile qui était, en 1846, préci-. sément le contraire de ce que commande la raison, est donc bien grand, bien raisonnable, bien sacré en 1849, pour que l’on vienne l’invoquer dans l’acte solennel du serment I’ — Qui trompe-t-on ici? 
« Les Révolutions ne reconnaissent pas d’initiateurs. Elles viennent quand 
le signal des destinées les appelle; elles s’arrêtent quand la force mystérieuse » qui les fait éclore est épuisée. » 
Ainsi, d’une part, il n’y a point de Dieu; et d’autre part, il y n une force mystérieuse qui domine et plane sur nos destinées! Le lecteur entend : il qualifiera; il dira où est la superstition et la déraison. 
L’auteur affirme quelque part que l’idée de Dieu et le sentiment religieux s’en vont et disparaîtront tout à fait; que c’est déjà la marque d’un esprit faible de croire à un être suprême. Et à quelques pages de là, il affirme lui- même que l’Humanitê est à la veille de ‘recommencer ses invocations ma gique et ses hallucinations mystiques. 
« Toute infraction à la justice, dit-il encore, frappe le brigand en thême temps que la victime. • Mais alors que deviennent toutes les invectives de l’athée contre la providence, la justice et labonté de Dieu.., qui n’est pas 
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il est impossible, a-t-il dit, tic croire que Dien nous aime ni nous cstmc Et voilà qu’il reconnalt implicitement que Dieu a tout prédisposé pour la justice, jusqu’à kil donner dès ce monde éne sanction liurliédiate et Inéludable. Il me semble qu’iL y n là quelque preuve d’amour et de providence, et que. ces preuves n’attestent guère « de la part dc Dieu une profonde misant hio« pie. » Il me semble au contraire qu’elles attestent de la part de sa créature une effroyable ingratitude; il me semble enfin qu’on ne pouvait mieux accuinu1er de contradictions dans le livre des contradictions. 
Nous pourrions continuer sans fin cette énumération des fiagrans délits d’illogisme du philosophe; mais il vaut mieux revenir à son édifiant athéisme. 
Qu’est-ce que Dieu? — On ne sait pas, dit-il; et J’a-dessus il s’ima- gine être profond, lorsqu’il n’est que superficiel. Car, philosophe Qu’est- ce que l’homme, que le monde extérieur, le moi et le non-moi? — On ne SAit pas; car ou ne sait absolument sien du fond de toute essence, de la chose en soi, de l’étre en soi. On sait, ou plutôt on croit qu’elle est; on ne sait pas ce qu’elle est. Cela est surtout devenu évident depuis Kant et Fichte, et n’a plus besoin d’être prouvé. Mais cela empêche-t-iL de croire à l’homme, a l’univers, à notre âme et à la nature, au moi et au non-moi; à l’existence des êtres, à. celle de la lune et du soleil? 
Eh bien I ne croyez donc ni à votre existence, ni à celle de vos semblables, ni à l’être de quoi que ce soit, ni à la réalité extérieure de ce pavé ou de cette borne à laquelle vous allez vous heurter, ni à cet ablme devant vous béant; ou croyez aussi et au même degré, et davantage même, à l’existence de Dieu, comme l’ordonne la raison, et comme y force le coeur, la natur’. 
« La Divinité n’est point matière de sivoxa; c’est matMre de aox. » —— La Divinité I... Il existe donc une Divinité ‘a laquelle croit le genre humain? Il y a donc un Dieu? Seulement ce Dieu n’est point abordable à la science, mais à la croyance, à l’amour et au coeur. — Si c’est là la pensée de l’auteur’, que ne l’explique-t-il tout simplement; car nous n’avons pas d’autre doc trine. 
Igiiorez-vous que votre âme aussi, votre moi substantiel et permanent, celui qui survit par de-là les phénomènes dont votre conscience est le théâtre; que le monde extérieur et le non-moi, et vos semblables eux-mêmes, auxquels vous croyez comme étant certains, sont au même titre que Dieu, matière da foi et non pas matIère de savoir: le savoir étant pris ici comme un degré d’évidence ou de certitude absolue. 
Ignorez-vous que le savoir est toujours égal à la foi on croyance qui est à sa base; que la raison elle-même, ne vaut que ce que vaut cette croyance, puisque c’est cette croyance ‘qui lui communique toute l’autorité qu’elle s pour notre volonté? 
Si donc vous niez Dieu parce qu’il ne vous est donné que par la croyance naturelle, la logique, votre idole, vous mène en droite ligne à la négation (le votre moi, de votre âme, de la nature extérieure, de tous les êtres, de tous les hommes qui vous entoul-ent; et le ni’hilisme, je vide universel, absolu, est devant vous. Est-ce là ce que vous professez? 
Il y a plus : si vous êtes Dieu, comme l’indique trop l’identification absoln que vous faites de Dieu et de l’humanité, laquelle nepeut être que vous-même vous ne vous savez être que par la foi. La croyance, mais non la science de votre propre divinité, voilà tout le fondement de la certitude où vous êtes que Dieu c’est vous ou l’humanité; mais par vous,je n’entends pas une substance absolue, permanente (il n’y a plus de substance dans votre dictionnaire), mais un tout relatif, sans cesse fugitif, périssant, défaillant ou ressuscitant avec les phénomènes. 
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« Le principal attribut, te trait signalétique de notre espèce, après la » pensée, est de croire, et avant toute chose de croire en Dieu. » 
L’auteur croit donc en Dieu, puicque le principal attribut de notre espèce est d’y croire?Il y a donc un Dieu pour l’humanité, puisqu’elle a pour attribut d’y croire. En effet, comment concevoir qu’une espèce, ayant pour attribut principal et caractéristique, de croire à l’existence d’un être, cet être, cependant, n’existât pas et ne fût qu’une image? Le moyen, alors, pour cet être, de s’assurer qu’il est dans l’illusion, lorsque son attribut caractéristique serait d’être certain ou persuadé de la vérité de ce qui, cependant, ne serait en i’éalitC’ qu’une illusion! Oh! le puissant logicien etle merveilleux raisonneur! 
« Le principal attribut, le trait signalétique de notre espèce, après la pen. » sée, est de croire; et, avant toute chose, de croire en Dieu. » Qu’est-ce que la pensée d’un côté, et la croyance de l’autre? Est-ce qu’il y- aurait une pensée sans croyance et une croyance sans pensée? Est-ce que la pensée toute seue peut affirmer quoi que ce soit? Est-ce qu’elle a autorité pour cela? Elle éclaire, elle fait voir, mais l’amour et la volonté font le reste. — Je crois ma pensée comme je pense ma croyance. Sans doute, je ne crois en Dieu que parce que je pense Dieu; mais ce qui fait, qu’en pensant Dieu, j’affirme son existence, c’est que je crois en lui d’une croyance qui ne se dément pas, et qui n’est point mon ouvrage plus que la pensée que j’en ai. 
Aussi puis-je bien soutenir que, malgré L’auteur, Dieu s’affirme eh lui ‘u chaque instant, parce que étant en lui, il te visite, quoique fasse le phllosophŒ athée; et le suit et le juge à l’heure même où sa bouche le nie. 
Que serait la pensée, la raison, l’intelligence, si nous ne croyions point instinctivement, nécessairement, providentiellement, ou par un universel penchant du coeur et de la volonté, à ce qu’elle nous révèle? Et que seraient nos croyances naturelles, notre foi, si la raison, la pensée leur était contradictoire ou seulement hostile? 
Que lui dira de plus sa raison, si sa raison n’a d’autre autorité que celle qu’elle tire de la croyance qui l’accompagne? La raison seule est impuissante à prouver la réalité de quoi que ce soit hormis Le phénomène interne en tant que phénomène; et que dis-je, la raison, qu’est.elle ici même, si on l’isole de la certitude absolue, de l’impossibilité où nous sommes de douter du phénomène en tant qu’il sous apparalt? Si nous sommes absolument nécessités- ‘n croire, ‘n affirmer que le phénomène se passe, tandis qu’en effet il se passe, ce n’est point l’intelligence seule qui constitue cette nécessité, c’est tout à la fois notre sentiment et notre volonté, dont après tout l’intelligence ne se peut absolument pas séparer dans aucun cas de la vie psycologique. 
On dirait même , qu’il répugne à la raison de connaître et de » savoir Dieu. Il ne nous est donné que d’y croire. » 
Nous ne connaissons, nous ne savons le fond de rien : je le répète: l’essence, la substance, t’être en soi, et de Dieu, et de la nature et de nous même ou de notre âme, tout ce qui est à la racine, nous échappe. 
A Dieu seul est réservé ce privilége. Pourquoi donc cet étonnement; « On dirait même qu’il répugne t la raison de connaître Dieu. » L’auteur a donc oublié Fichte, qui, après avoir tenté tous les tours de force que lui, son disciple attardé, recommence, s’écrie: « 2’ous naissons tous dans la croyance 
cc Il ne nous est donné que d’y crozre? » Vous croyez donc en Dieu? mais alors il existe donc pour vous? Dieu est donc; et il est donc autre chose que vous, que l’humanité? mais alors, pour Dieu, dites nous ce que vous voulez dire. L’athée serait-il le don Quichotte de la métaphysique transcendantale? 
c Ce que nons cherchons et voyons en Dieu , c’est notre propre idéal, » c’est l’humanité L’âme humaine ne s’aperçoit point d’abord par la con— » templation réfléchie de son noi ainsi qtie I’entencern les psycologues, elle 
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s’aperçoit hors d’elle-même comme si elle était un être différent placé vis- 
» à-vis d’elle. C’est cette image qu’elle appelle Dieu. Ainsi la morale, la jus- 
» tice, l’ordre , les lois, ne sont plus choses révélées d’en haut, imposées à 
notre libre arbitre par un soi-disant créateur, inconnu, inintelligible; ce 
» sont choses qui nous sont propres et essentielles, comme nos facultés et 
» nos organes, comme notre chair et notre sang. En deux mots: Religion 
» et Société sont termes synonymes: l’homme est sacré pour lui-même comme 
•» s’il était Dieu. Le catholicisme et le Socialisme, identiques pour le fond, ne 
» diffèrent que dans la forme : ainsi s’expliquent, à la fois et le fait primitif 
» de la croyance en Dieu et le progrès irrécusable des religions.>) C’est là ce 
que l’auteur appelle tllever le christianisme à sa seconde puissance. Si Dieu est dans l’humanité comme être prenant conscience de luim8zne: 
il est, en dans chacun des individus, ou dans l’humanité considérée, non pas comme être collectif,—absolument parlant, l’esprit humain ne conçoit pas d’être colle>tif,—mais comme être, source etmatrice des individus humaius. Dans cette dernière hypothèse, si l’être humanité est Dieu, pourquoi aussi l’être animatité, l’être végétal et l’être minéral, etc., n’auraient-ils pas leur Dieu? Ainsi nous voilh revenus à la pluralité des Dieux; c’est-à-dire à la négation (le Dieu: ou bien chacun de nous, individus, a encore deyant lui, distinct de lui, quoique non-absolument séparé de lui mm Dieu, un être suprême relatif à son espèce., de qui il reçoit l’être, le mouvement et la vie, et sa loi. — Dans l’hypothèse de chaque individu-Dieu, il n’y a plus de Dieu, chacun est sa loi â lui-même, et néanmoins Dieu prend conscience de lui-même dans une conscience qui sait bien n’être rien moins que Dieu,, qui a la conscience fort nette de n’être pas Dieu; tant s’en faut, qu’elle se sent faible, impuissante, misérable, incompréhensible à soi-même, sans la croyance à un être parfait distinct d’elle en tant que personnel et conscient, et de. qui elle tient sa conscience et sa personnalité propre. 
Or, dans les deux hypothèses, et dans toutes celles qu’on peut faire, hoirmis celle du Dieu un qu’adore le genre humain, vous ne pouvez rendre raison de l’unité et de L’harmonie qui éclatent dans l’univers, et entre les moitidre de ses parties; et tous les principes, toutes les relations, que notre esprit affirme exister entre les êtres, sont des énigmes à jamais inexplicables. 
On professez avec Fichte l’idéalisme subjectif absolu, ou reconnaissez Dieu au sommet et à la base de la nature, des êtres, des principes et des relations. 
Tout ce qui est, est an, par son harmonie propre, et par sa dépendance de l’un absolu, sous peine de n’être point : et celui qui ne l’a pas compris ne peut parler de ces choses. Vainement, donc, on tenterait de se fixer dans L’hypothèse absurde de l’éternelle nécessité d’atômes ou de monades qui seraie:t causes d’elLes-mêwes et dès lors autant de Dieux; car leur évidente solidarité, leur ordre évident, leur évidente harmonie, et leur évidente usité, impliquent nécessairement la croyance, l’idée d’un être ou principe supérieur à elles toutes, qui les domine et les enserre ou les comprend jusqu’à ce point que non seulement elles reçoivent de lui leur législation morale; mais qu’elles puisent dans sou essence leur être; et dans sa volonté, Leur mouvement et la vie. — Rien d’explicable sans cette croyance ou cette hypothèse. — L’auteur sait bien que l’intelligence n’est satisfaite que lorsqu’elle est remontée à mine cause, à une raison, à une unité dernière, au-delà de laquelle il n’y n rien,. 
— Kant a dfi le lui démontrer. 
Cette autorité de Kant, L’auteur l’invoque souvent, et se met volontiers à. couvert sous sa grandeur réelle. - 
Or, ici, comme partout, Kant a plutôt détruit qu’édifié; mais au moins il a détruit ce qui devait être détruit et n’est guère allé au-delà. Sa critique a siugulièrement contribué à purifier les preuves de L’existence de Dieu, de l’alliage empirique qui venat amoindrir la portée asokie de ce preiwes. C’est lui qui 
— 
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n fait voir que les preuves dites physiques ou de l’expérience doivent toute leur valeur à la preuve ontologique ou métaphysique. 
Il n surtout combattu la preuve d’Anselme, en montrant que si la croyance à l’existence de l’objet des idées n’était point indivisiblement unie par notre constitution intellectuelle à la conception ou à l’idée même de cet objet, le passage de la conception pure, y compris l’existence, à la réalité extérieure ou objective de l’objet, était illégitime. 
En effet, en supposant que la notion d’existence soit implicitement comprise dans la notion générale de l’être absolument parfait, qu’c SI-ce que cela prouve? Nous avons la notion de l’existence, sans doute; mais ce n’est point de la no tion, c’est de la réalité objective de l’existence elle-même qu’il s’agit. Or, de l’idée de l’existence à la certitude de l’existence même il n’y a point de passage nécessaire, rationnel, et partant légitime, suivant Kant. 
Nous disons, nous, que ce qui vaut à l’homme cette certitude et accomplit le passage de l’idée à la réalité, on du dedans de l’esprit ait dehors, c’est hi croyance naturelle à cetm existence objective, c’est le désir, que nous en nourrissons naturellement, c’est le besoin rationnel et sentimental de cette existence, dont l’hypothèse seule peut satisfaire à l’explication universelle. 
Kant prouve donc que tout procédé d’induction qui prétendrait faire passer rigpureusement, rationnellement, l’esprit humain, de l’idéal au réel, (lu Sujet à l’objet, est vain; qu’on ne peut conclure de l’idée de l’être infiment parfait (y compris l’existence comme condition ou attribut), Conçu comme possible, à sa réalité objective. 
Kant a donc détruit la prétention logique ou dialectique de la preuve d’An- seime, de Leibnitz et de Cudworth, mais voilà tout. L’indivisibilité de l’idde de Dieu, et de la foi en l’existence de Dieu, n’en reste pas moins un fait de nature constant, providentiel et nécessaire, d’autant plus affirmé et constaté par cette mémorable polémique. 
Kant reconnalt bien que t’être réel est la condition de la possibilité des êtres 
avant leur existence positive mais il nie le caractère absolu de la nécessité de 
l’être parfait: « De ce qu’il y a une cause première, c’est-à-dire indépendante, 
» il suit seulement que si les effets existent elle doit aussi exister, mais non 
» qu’elle soit nécessaire e’une manière absolue. » 
Mais ici, Kant a recours à ce qu’il appelle la raison pratique pour obtenir la certitude que sa raison pure est impuissante à lui donner. La raison pratique dit que la vertu mérite le bonheur. La condition absolue du bonheur, c’est la vertu, le respect, l’accomplissement de la loi du. devoir, laquelle a toits les caractères de l’universalité, de l’absolu. Or le bonheur n’est point, durant cette vie, en harmonie avec la vertu. La compensation, ou la réalisation de l’équilibre est ailleurs par le voeu d’un être qui en est la raison et le dispensateur. Il y a donc nécessité à ce qu’il existe un être principe et cause de cette loi, raison absolue, nécessaire, de l’harmonie qui est préétablie entre le bonheur et la vertu; principe de justice, législateur, rémunérateur et vengeur, des êtres qu’il n créés libres et capables de mériter. 
Nous voilà donc ramenés à l’obligation de croire à un Dieu dont la raison spéculative ne nous donne l’existence que comme hypothétique. Gar, il est de toute évidence que ce n’est point une démonstration, mais uniquement une croyance fondée sur la considération de notre nature intellectuelle et morale, qui nous fait affirmer que la vertu mérite le bonheur, et qui nous en ‘end certains. 
Etrange faiblesse (les plus fortes têtes: Voici une moitié de la raison qui dit oui, tandis que l’autre moitié dit non, sur la même question! Certes, il n’y a ni profondeur, ni vérité, ni convenance dans ce partage de nos facultés; et la noble pensée de Kant a dê se convaincre qu’ici elle avait fait fausse route et naufrage. 
Combien Lcibuitz dépasse les philosophes de la taille des athées! E pojs 
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signalant la nature de la certitude • il va droit a la solution véritable: Lés 
âmes connaissent les choses, parce que Dieu a mis en elles un principe représentatif (le ce qui est hors d’elles; mais Dieu connaît es choses parce 
» qu’il les produit continuellement. » 
Mais quj garantit à l’homme que les idées qui sont en son âme lui représentent ce qui est hors d’elleP—Sa croyance, sa foi, ses ddsirs, son amour, sa volonté. Et de même donc, en particulier, qu’est-ce qui le rend certain que l’idée de Dieu, d’un être unique, parfait, qui est nécessairement dans sa pensée, lui représente un être réel qui est hors de sa pensée. C’est encore exclusivement sa croyance instinctive, irrésistible; son désir constant qu’il en soit ainsi; le sentiment vif, tout puissant, et consolant, qui le tient fldèlemei3t rattaché à cette croyance; et l’explication universelle des choses qui, sans cette existence, demeurent sans raison, sans unité, comme une éternelle ni’me dans le chaos. 
Maintenant quelle estime façt-il faire de la foi solitaire, de la certitude inso‘ite qui fait affirmer à l’auteur que sa personne ou l’humanité, c’est Dic u même? 
Je vois cette immense différence entre sa foi en sa personne comme Dieu, t notre foi en l’existence d’un Dieu distinct de l’humanité, être absolu ét infini, tout personnel et conscient, c’est que lui seul la nourrit, ou plutôt l’a sur les lèvres; c’est qu’elle ne lui est venue que bien tard, alors qu’il en avait eu une autre qui ne le quittait point, et qui, je gage, visite encore sa conscience plus d’une fois par jour; tandis que nous, en compagnie du genre humain passé. présent et, je ne crains pas d’affirmer aussi, du genre humain à venir, sous avons toujours en cette foi, toujours la même, irrésistible, constante, ne faisant que crottre en clarté, en force et en efficacité; ce qul Semble indiquer qu’elle est bien naturelle, sceau de la vérité, boussole de la vie, révélation de ce qui est. 
Si vous mettez Dieu en vous, pourquoi pas aussi le monde tout enlier, l’univers, la nature ctérieure? Pourquoi pas tous vos semblables, tOus les êtres qui vous environnent? Car c’est ainsi, c’est uniquement sur une croyance pareille, sur le même fondement de la croyance instinctive, d’un aveugle mouvement du sentiment et de la volonté, que je nie porte à l’affirmation, à la certitude et que j’établis comme indubitable, l’existence et l’extériorité de l’univers, cella de mes semblables, et la réalité de mon être propre. Fichte, du point de vue où l’auteur s’est placé, est le seul logique. Fichte ne croit qu’à son moi : et tout est en lui, même Dieu; même ce qu’il croit être non_moi. 
Et de même, si vous avez une hallucination, sixous êtes sous l’influence d’un mui’age iniellectuel lorsque vous croyezà Dieu comme à un être extérieur à 
pourquoi ne le seriez vous pas aussi en croyant à la nature extérieure et à vos semblables; car enfin si ma croyance naturelle, instinctive, mon amour, mes besoins les plus grands, en me donnant la certitude que Dieu est un être réel, externe à moi; si ce critérium, dis-je, me trompe jusqu’à me faire prendre pour réel, à moi et au genre humain depuis six mille ans, ce qui n’est qu’une image, une forme symbolique; c’en est fait aussi (lu monde extérieur tout entier et de tous les autres Moi; car encore une fois c’est des deux parts la même inclination de ma nature, la même croyance, la même foi qui m’y fait adhérer; mais alors et e nouveau, je me range à la doctrine idéa. ilsie absolue (le Fichte: il n’y a que moi, même dans le non-moi, et je suis Dieu, Humanité et nature. — Ou bien je vais à l’autre extrême qui touche celui-ci; je transporte l’idéalisme subjectif dans l’idéalisme objectif absolu; je passe au panthéisme, et je confesse le Crddo de Schelling ou de Hégeh 
Enfin si vous récusez l’autorité de la foi naturelle lorsqu’elle vous fait aflirnier l’existdnce extérieure de Dieu, et celle de vos seml)labIes, et celle de 5a nature, où chercherez-vous l’autorité qui vous fasse affirmer avec certitude “existence en vous ou dans l’humanité de ce Dieu, mis jusqu’ici en dehors ht 
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monde comme un être réel et comme l’être des êtres? Car, évidemment. c’est 
la foi seule aussi qui vous rend certain de c’tte transposition de l’être; vous ne pouvez trouver un critérium de certitude purement rationnel, et vous en convenez vous-mênie. 
Ainsi, voilà qu’après avoir rejeté un critérium lorsqu’il nous donnait une affirmation, vous acceptez et invoquez ce méme critérium pour fortifier une affirmation toute contraire. 
Lorsque la croyance instinctive naturelle, la foi du genre humain tout entier depuis mémoire d’homme, dit qu’il’ est un Dieu extérieur à l’humanité, vous rejetez l’autorité de la foi naturelle; mais lorsque c’est vous avec quelques solitaires qui vous imaginez que Dieu c’est l’humanité, vous dites que cette même foi qui ne valait rien est bonne. Vous détruisez tout critérium de certitude pour l’humanité et puis vous affichez la prétention d’atllrtner quelque chose; vous niez que l’homme soit certain de rien, et au même moment vous vous permettez d’être certain de quelque hose. Mais vous vous gardez bien de donner vos preuves: vous avez tout fait pour vous ravir à vousmême toute possibilité de prouver quoi que ce soit. 
Qu’avez-vous, en effet, à opposer à la foi universelle du genre humain? Une argumentation sans base dans les profondeurs psycologiques; un philosophisme transcendantal qui ne s’appuie sur aucun critérium avouable de certitude; de déductions historiques vagues, une philosophie du mouvement intellectuel et social de l’humanité qui ne peut soutenir la vérification par les faits; et qui croit spéculer sur le réel, lorsqu’elle se repaît de nébuleuses et inintelligibles abstractions. 
Que sais-je d’une manière évidente, absolue? bien peu de choses: les phénomènes de ma conscience, en tant que phénomènes; et rien de plus. EŒ effet, tout ce qui se passe sur te théâtre (le ma conscience est pour moi évident, d’une évidence absolue; certain, d’une certitude absolue; car c’est moi sentant, pensant, aimant, voulant; et ièi je saisis réellement le phénomène, je rembrasse en quelque sorte et le crée; car le phénomène, c’est moi-même réalisant le phénomène. 
Au delà, je n’ai plus qu’une certitude relative, parce que je n’ai plus que: 
1’ des croyances instinctives, irrésistibles, constantes; 2° des inclinations naturelles du coeur et de la volonté; 30 des probabilités plus ou moins voisines de la certitude; 4° et enfin la foi religieuse, celle qui provient d’une disposition particulière, mystérieuse, qu’on nomme la grdce. 
C’est ainsi que les êtres, en tant que réels, ou sùbstantiels, nu extérieurs; les principes et les relations, en tant que pensés et voulus par l’Être suprême, nous sont donnés ou par la croyance naturelle, instinctive, irrésistible et permanente, ou par une forte pente du coeur, du sentiment, des désirs et de la volonté. 
L’idée de justice, toutes les autres notions morales, et jusqu’aux principes qui gouvernent notre vie sociale, ne nous sont pas donnés autrement. Otez la foi naturelle qui nous porte de coeur et de volonté à l’assentiment et à l’affirmation, non-seulement l’homme vit incertain sur toutes choses, mais il n’y a plus de certitude d’aucun genre pour l’humanité. Si donc vous rejetez l’autorité absolue de la croyance en Dieu, vous rejetez au même titre toute notion morale; et je vous ddfie d’aborder la solution d’aucun problème social dconomique et politique. 
Métaphysicien de L’athéisme, que ne lisiez-vous Pascal, Fichte, Jacobi, après Kant; ils vous eussent épargné bien des spéculations vides, et à vos lecteurs un dangereux appel au doute. 
Pisexi. vous aurait appris que si « nous avons une impuissance de prou- 
» ver, invincible à tout te dogmatisme, nous avons une idc de la ve’ritd, 
» iiwincible à tout le pyrrhonisme; —- que tout noU e raisonnement se ré— » duit à céder à notre sentiment; — que nous connaissons la vérité non-sen. 
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lement par la raison, mais encore par le coeur; que c’est de cette dernière sorte que nons connaissons les premiers principes, et que c’est en vain que 
le raisonnement qui n’y a point de part essaie de les combattre, — Que c’est sur ces connaissances du coeur et de l’instinct qu’il faut que la raison » s’appuie, et qu’elle y fonde tout son discours. — Les principes se sentent, 
les propositions se concluent; et le tout avec certitude, quoique par dilE» rentes voies. — Et il est aussi ridicule que la raison demande au coeur des » preuves de ses premiers principes pour vouloir y consentir, qu’il serait ri- » dicule que le coeur demandât à ta raison un sentiment de toutes les propositions qu’elle démontre pour vouloir les recevoir. Cette impuissance se 
» doit donc servir qu’à humilier la raison qui voudrait jugerde tout, mais non 
» pas à combattre notre certitude comme s’il n’y avait que la raison capable 
» de nous instruire. * 
FOURIER aussi aurait dû arrêter votre méditation lorsqu’il dit « TOUteS 
» nos impulsions collectives sont oracles des destinées, interprètes du sort 
» que Dieu nous prépare en l’une et l’autre vie; et selon la règle d’infra. 
» destin, nécessaire à l’équilibre é’séraL, nous devons espérer plus que les 
» biens dont le désir est universel.... L’aiguillon de l’attraction nous stimule 
w continuellement, et par des impulsions aussi invariables en tout temps et en 
» tous lieux ue les lumières de la raison sont variables et trompeuses. » 
Mais c’est à Fichte principalement, qu’il appartenait de délivrer les scholastiques dialecticiens da faux savoir; et de leur montrer la valeur de la croyance, en leur dévoilant l’inanité de la science ou de la raison pure, comme critdrium absolu. 
Quoi que l’on fasse, on ne saurait aller plus loin que lui dans la voie de l’idéalisme: il a démontré en maître que la conscience ne peut savoir qu’eLku. même; que dans ce que nous appelons la connaissance des choses, noua ne connaissons et ne voyons que nous•même; que les lois de la nature ne sosit que les lois mêmes de notre esprit; et qu’en définitive, nous ne saurions saisir rationnellement la réalité objective ou extérieure. « Le monde extérieur eSt en moi ou hors de moi. S’il est en moi, il n’est pas extérieur. S’il est hors de moi, je ne puis pas le connaître. » Par conséquent, la science pure ne nous peut donner que l’idéalisme absolu; mais pour cela, Fichte ne se croit nullement fondé à professer le doute sur la réalité des êtres, et de l’Univers et de Dieu: « Qui t’a dit que je tienne ce système, tout vrai qu’il soit, pour le » système complet de l’esprit humain? Tu voulais savoir et tu avais pris » une fausse route: tu voulais savoir ce qui est au-delà de toute science. J’ai » voulu seulement te délivrer d’un faux savoir et non te donner le savoir véritable.. 
Où sera donc le fondement (le notre certitude à l’égard des réalités objecti. 
» ves? Dans la croyance. « C’est la CROYANCE qui, donnant aux choses Ix 
* réalité, tes empêche de n’e’ire que de vaines illusions: eUe est ta sanction 
» de la science. Peut-être pourrait-on même dire qu’à proprement parler, i.L 
» n’y a réellement pas de science, mais seulement certaines déterminations de 
» la volonté qui se donnent pour la science, parce que la croyance irs constitue 
» telles... Si ma volonté est droite, si elle tend constamment vers le bien, la 
» vérité se révélera sans aucun dout,e à mon intelligence. Sije néglige au cou- 
» traire de faire bon usage de ma volonté, si c’est par la volonté seule quej 
» prétends vi’.re, il est certain que tout ce que je gagnerai par là, ne seni 
» qu’une frivole adresse à agiter quelques subtilités, dans le vide des abstrac 
• tuons. Dès lors, il m’est facile d’écarter toute fausse science qui voudrait prévaloir contre ma croyance. Je sais qu’il n’appartient pas à la penséi d’engendrer à elle seule la vérité. Je sais que toute vérité qui ne se réclame 
» pas (le la croyance, qui ne s’appuie que sur la science, est par cela même de 
» toute nécessité incomplète et trompeuse, caria science ne nous apprend que 
» cette seule chose: c’est que nous ne savons rien. * 
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Cette opinion de Fichte sur le rôle de la volonté dans la question de certitilde, rappelle de tout point celle de Pascal: « La volonté est un des principaux «organes de la croyance; non qu’elle forme la croyance, mais parce que les « choses paraissent vraies ou fausses, selon la face par où on les regarde. La conclusion de Fchte, l’auteur doit la connaître. « Le monde n’est pas, « parce que nous le savons: il n’en est pas moins cependant, mais il est « parce que nous le croyons. » 
Elle revient au fond à celle que Jacobi formulait dans un langage moins rigoureux. Nous comprenons la science parce qu’ele est notre ouvrage, tandis que le savoir immédiat est un mystère. Théoriquement, l’idéalisme ne peut être réfuté, mais il ne peut se maintenir dans la pratique. 
Ainsi la croyance? Voilà où il faut aborder si l’on ne veutfaire naufrage 
et tomber dans les abtmes du doute, du nihilisme universel. La croyance, nul 
n’échappe à cè bes9in. La croyance est le joug inévitabI que porte sans le 
» voir celui à qui le don de la vue a été refusé, que porte en le voyant celui 
» dont les yeux sotit ouverts, mais dont ni lun ni l’autre ne saurait s’affran» chir. Nous naissons tous dans fa croyance; et Fichte aurait pu ajouter 
» avec Jacobi: nous mourons tous dans la croyance, » 
Maintenant que vous dirai-je, en présence d’une humanité qui, fatalement, reste et rEstera toujours croyante au fond? 
Accumulez toutes les imaginations folles, toutes les affirmations icsensées, toute la sophistique des faux savans, toutes les débauches d’un esprit perverti par la mauvaise volonté, entraîné par des passions effervescentes, ébloui par la plus présomptueuse ignorvnce, jamais vous ne créerez rien de comparable à cette monstruosité de l’ordre intellectuel et moral; la négation sytématique d’un êlre, raison et cause première de l’univers, toute puissance, toute sagesse, toute bonté, et toute prévoyante et -ponrvoyante dans sa providence. 
Nies: la bonté, la toute-puissance, l’universelle providence de Dieu; c’est l’interpréter comme on ferait d’un être imparfait; c’est jeter un linceul sur la réalité des réalités ; tarir la source de toute vie, de toute esp4rrnce, de tout amour; c’et nier le principe, la raison, la cause et la fin des choses, scinder le principe de sa conséquence; la cause de son elfet, et rompre le lien qui unit le père etla mère à l’enfant. 
Voyez-vous Dieu, qui nous aurait donné la raison, “intelligence précisément, et tout exprès, pour Je condamner, pour Le trouver en défaut de sagesse; et l’idée morale, justement pour nous donner le droit d’affirmer son immoralité; et la Bonté pour mieux sentir sa méchanceté; et la force pour mieux l’accuser d’impuissance. 
O déraison de la raison T O folie de l’orgueil’ 
Vous qui venez juger Dieu, qui êtes-vous? une intelligence bornée: Dès lors, inévitable que vous ne puissiez voir toutes les raisons qui permettraient de résoudre la question contre Dieu. 
Précisément, parce que celui seul qui eSt, vous a donné tout ce que vous avez, jusqu’à la vie, jusqu’à l’être même, et en particulier la raison, vous ne pouvez le juger à son désavantage. 
Si la raison ne saurait se contrôler elle-même, à plus forte raison ne sauraitelle jug*r la raison de la raison. Plaisante prétention I 
Si Dieu a une nature déterminée absolument, elle doit l’être par je ne sais quel des fin, qui sera donc le Dieu supérieur et dernier, c’est-à-dire, le Dieu vrai; et alors nous trouvons en lui cette toute-puissance et cette toute bonté que vous refusez à Dieu; — car il nous faut toujours en venir à tin être qui, n’ayant pas de cause ni de raison d’être, au-dessus de lui, s’est donné toutes les perfections, et pr conséquent, pufssance, amour et sagesse infinis et absolus, c’est-à-dire, des attributs sans conditions et sans limites. 
Mais si Dieu s’est donné ou s’il a éternellement toutes Les perfections1 sou 
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essence exclut le mal absolu; le bien, c’est lui-même, et le mal n’est que la; 
limite du bien dans les créatures. Arrivé au dernier terme où gît et se ren contre l’infini, l’absolu, tout est bien absolument pour la raison, parce que tout est nécessairement, mais d’une nécessité morale, cc qu’il doit dtrc. 
Mais revenons à notre critérium de certitude: Non seulement j’ai l’idée nécessaire, naturelle, d’un être parfait d’une perfection au-delà de laquelle il n’y a rien; mais ce qui fait ma démonstration,je nourris, dès le début de ma vie, avec tout le genre humain, une foi irrésistible, constante, sinon involontaire, en l’existence de cet être. Cela me suffit: les argumens (lu sophiste pouvent maintenant venir battre ma pensée; elle n sa base et son appui dans la première (les certitudes. 
Eh I mes grands enfans, qui vous dites athées résolus, changez une disposition (lu coeur, soyez d’une volonté reconnaissante, et voilà que d’impies vous devenez religieu peut-être par excès, autant que vous l’êtes par défaut. 
Je vois une affinité constante entre la croyance en Dieu et la grandeur morale, entre le sentiment religieux et la charité ou la bonne pratique so claIe. Lorsque des hommes s’élèvent dans cette atmosphère du mysticisme divin, ils se font presque toujours acclamer, admirer ou bénir du genre humain par leur vie, leur abnégation, leurs oeuvres. 
Je ne vois rien de semblable dans l’athéisme. Confucius, Socrate, Moïse, Jésus-Christ auront un nom glorieux par-dessus tous jusqu’à la fin des siè• des.... Où sont les athées et les indifférons que l’humanité vénère? 
Oui! l’homme (lêpauillé d’une foi vive et profonde en Dieu, ou d’habi tuées contractées matinalement, dans un milieu empreint, depuis des siècles, des salutaires émanations d’une religion longtemps toute puissante, un tel homme, s’il n’a pas même la foi scientifique, s’il est athée, sera laid comme’ l’Egoïme et la Peur, s’il est logique; et vérifiera par ses actes, cette cruelle sentence de Hobbes 
Homo homini lupus. 
C’est pourquoi les hommes qui consulterort l’universelle expérience coin- prendront que toute la sollicitude sociale doit se concentrer sur la question religieuse afin de former des générations confiantes en Dieu et s’aimant comme des frères à cause de son saint nom» 
Ce n’est pas la première fois que l’humanité dans ses crises se trouve désolée par ses penseurs. A Roine aussi, le doute, le sepdcisme absolu, l’athéisme, le sensualisme, et le plus abject fatalisme, avaient envahi les ûmcs à l’heure môme ou agonisait la vieille religion païenne Eh bien, avant peu, après deux mile ans de catholicisme, Rome va vériflr de nouveau la grande loi de la transfiguration et de la palingénésie. 
Continuez ici de confond»e la transformation des croyances avec la mort de toute croyance; achevez de démoralisei’ la multitude; mais ne croyez pas avoir fait table rase pour toujours, et éterniser os ruices. Plus vite vous hâterez la chute des choses qui ont passé, plus vite s’édifiera dans la Libcrtd la nouvelle synthèse et la nouvelle union religieuses; plus vite l’humanité remontera à la source éternelle de toute vie. 
Rien ne saurait suppléer la Religion et la moi-ale; rien, ni législation, ni institutions, ni organisation, ne peut tenir lieu des bonnes moeurs, de la bonne volonté pour Dieu et le prochain, (le l’amour du bien qui porte au bonnes actions; à l’unité, à l’harmonie, qui font que l’on préfère sacrifier ses goûts, ses opinions même, p!uLût que de te diviser de ses fières, de se séparer de la Société. 
Le pivot de l’unité sociale, c’est Dieu, le sentiment et l’idée religieuse; c’est unedoctrine ou un ensemble de I-éponse’aux questions qui se rapportent à notre félicité, à notre destinée, ‘n notre origine et à notre fin. L’ordre social, en efiet, est toujours en raison de l’unanimité des hommes dans ces réponses. Dès que 
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chez un peuple la majorité n’est plus unanime sur les croyances fondamentales, 
il n’y n plus <le peuple; tout se décompose dans les relations, tout s’nbscurcit (tans les idées, tout se fait obstacle dans les intérêts, jusqu’à ce qu’une nouvelle réponse, une nouvelle foi, une nouvelle unanimité, en un mot une nouvelle religion vienne ressusciter le grand corps social en régénérant l’amour et l’e9)érance. 
Baissez le rideau sur la scène intérieure, intIme, où vous apparaît Dieu: 
niellez un voile sur l’invisible et ne contemplez que le visible; et je vous demnnde ce qui vous restera sur la terre pour la nourriture de votre coeur et de votre imagination? 
Et lorsqu’il VOUS viendra une flamme d’amour pour le prochain, quand votre lampe luta, d’où lui coulera l’huile qui devra l’alimenter? 
Chaque esprit, chaque volonté humaine se guide à la lumière d’un idéaL Il s’agit de savoir quel est le meilleur idêal; niais de s’en passer, impossible. Or, la supériorité relative d’un idéal sur une âme se prouve par les résultats plus féconds pour le bonheur du genre humain. 
L’idéal <lu matérialisme, de l’athéisme, celui du libéralisme est désolant, triste et aïgereux: il dessèche, il abrutit; il éteint la flamme céleste du dévoûment; il coupe les ailes à l’imagination. Les fruits de cet arbre sont mauvais; le genre humain, dans ses masses, y répugne partout, toujours. L’idéal du Vatican conclut à l’ignorantisme, à l’hébétement, ou à l’extase et à la mysticité béate; il met la crainte, la tristesse, l’immobilité ou la mort au coeur des ildèles. 
Nous ne voulons ni de l’idéal des alliées, ni de. la pratique des Pharisiens catholiques. Un nouvel idéal se dégage chaque jour de la solennelle éiabora— tiOn de ta vie modeine. Ii a notre foi, il nourrit notre espérance, et nous donne la force de vivre au milieu des ruines. 
A qui persuaderez-vous que si k’s peuples modernes pratiquaient les précepte et suivaient l’esprit de l’éternel Evangile-divin promulgué tour à toua’ pat’ Confucius, Socrate, Moïse et Jésus-Christ, ils feraient le niai et ne seraient pas an contraire les plus éclairées, les iUS dignes, les meilleures et les plus puissantes générations du monde? 
N’est-il pas (le téute évidence qu’ils vaudraient infiniment mieux, à tous égards, que s’ils adoptaient les principes et imitaient la conduite des D’holbach, des Bentham, des Helvêtius, des Cabanis, des Laplace, des Hégel, c’est- è-dire des épicuriens, des utilitaires, des athées ou des rêveurs de tous les siècles. 
Eu fait, l’humanité a toujours acclamé, béni les premiers, délaissé, ignoré ou repou’sé les seconds. 
En fait, les uns ont toujours présidé à l’enfantement d’un nouveau monde, ouvert une nouveBe ère à la moralité humaine; les autres, au contraire, sont venus pour recueillir le testament et assister à l’agonie d’un vieux monde. 
L’éducation du genre humain s’est faite jusqu’ici, par toute la terre, sous l’inspiration et l’influence (les législations religieuses. Les codes profanes ne sont <tue des débris oui <tes replâtrages informes des codes religieux antérieurs. li n’y a de fécond que la loi; le raisonnement est de sa nature, stérile iL déduit, il induit, il imite, il ne révèle point. Prouvez que les plus grands peuples de l’univers, et j’enteads par grands, les plus bienfaisans et les plias heureux, n’ont pas été aussi les plus religieux. 
Entre deux extrêmes également odieu-e et funestes, si l’alternative nous était proposée, nous serions tenté, dans notre horreur pour l’impiété décidée, insolente et échevelée, de lui préférer l’hypocrisie des pharisiens modernes et passés; car l’hypocrisie est du moins un hommage rendu à la vérité; cependant, tout pesé, j’aime mieux encore le diable que l’hypocrisie quand le diable n’est pas hypocrite. 
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Oui I plutôt l’ivraie mêlée au bon grain; plutôt les liturgies sans fin, les cérémonies surannées, les génuflexions et toutes les innocentes superstitions des cultes les plus mystiques; plutôt les abus ou les exagérations du catholicisme greffées du moins sur l’arbre fécond de la foi, de l’espérance et de L’amour; plutôt une crédulité fanatique, intolérante mais aimante, qu’une humanité sans Dieu, que cet idéal glacial, cette perspective de néant rêvée par les athées; que l’impiété provisoire des uns, le Dieu mutilé, sans providence, imparfait, méchant, des autres! 
L’argumentation athéistique du dix-huitième siècle, celle des d’Holbach et ds Voltaire était vraie, utile, relativement; car elle s’adressait à un Dieu faux, celui de l’idolatrie et de la superstition catholique, à un Deu auteur de la chute et du péché originel, de l’éternité des peines, etc. 11 fut facile aux écrivains incrédules de détruire l’in filme, comme ils disaient, en montrant que ce Dieu valait moins que le dernier des hommes. 
Mais s’attaquer encore au Dieu plein d bonté, de miséricorde; au Dieu du progrès indéfini vers la perfection infinie. au Dieu tout puissant et tout prévoyant de la Philosophie-religion, nous disons qu’il n’y a ni science, ni force, ni diguité, ni moralité à cette tâche. Ç 
N’allez pas crofre que je veuille conclure de la nécessité, de l’utilité sociale d’une religion, à l’existence (le Dieu. Non, mais au contraire, de l’existence de Dieu, à la bonté, à la nécessité d’une philosophie-religion. — Dieu existe! — donc la philosophie-religion est bonne, excellente, nécessaire à la société, mdvitab’e et comme fatale, partout, toujours. 
Ainsi je ne rii’inquiète que d’une chose, savoir: si Dieu existe. Comment le 
saurai-je? Je le saurai comme je sais toutes choses: moi, mes semblables et la 
nature; par la foi du croyance innée qui est en moi; car je ne crois point 
parce que je sais, mais je sais parce que je crois. C’est le sentiment de cette 
vérité qui faisait dire à saint Anselme, avec une grande profondeur. « Je ne 
cherche point ‘n comprendre pour croire; mais je crois pour parvenir â 
» comprendre. Je crois, en effet,parce que sue ne croyais pas â cet être,je 
» ne parviendrais jamais à le comprendre. » 
Je termine : Du point de vue moral, n’eussé-je que mon sentiment intime, que mon coeur et ma volonté pour guide, je m’écrierais encore avec Robes- pierre t malheureux sophiste! De quel droit viens-tu jeter un voile funèbre sur la nature, désespérer le malheur, rtjouir le vice, attrister la vertu, dégra-. der l’humanité !... Je m’indignerais volontiers, dis.je, sue ne devais considérer beaucoup plus le bonheur dont l’athée se prive volontairement, par cet écart monstrueux, que la faute immense qu’il commet contre lui-même, devant Dkm et devant le peuple.... 
Scientifiquement, l’athée, s’il est logique, ne doit plus proférer qu’un mot, un seul, avant de cesser de penser et de vivre : NÉANT! 
Le Gérant, J. MALARMET. 
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SALUT DIT 1!EIILkLE. 
QWEST-CE QUE LA LIBERTÉ? 
La fraternité, dit un spirituel artiste, consiste à ne jamais battre son » frère; l’égalité a toujours travailler aussi bien que lui; et la liberté à faire » ce qu’on veut... excepté ce que maman ne vent pas.. 
Il y n ici, sous forme légère, une réfutation piquante de la doctrine Lmpos. sible et dissolvante des amateurs de liberté illimitée. 4faman, c’est la raison collective, c’est le bien, c’est l’ordre universel, c’est Dieu; c’est la loi, c’est la perfection et le bonheur de tous, c’est le souverain indivisiblément, c’est le Peuple I 
La liberté, et jusqu’à l’apparence de l’indépendance, est un si grand bien pour l’homme, qu’on ne saurait trop s’ingénier à la rendre compatible avec l’ordre et l’unité; à lui laisser au moins la plus grande latitude qu’elle puisse comporter dans l’avenir de la civilisation. Or, il est temps de montrer tout ce que le Socialisme vient faire pour la liberté, non pas de quelques-uns, mais du peuple tout entier. Rien de plus opportun que de convaincre l’opinion qu’il n’y a de vrais libéraux que les vrais Socialistes. 
On ne tient tant au libre travail, à l’appropriation individuelle de l’instru. ment primitif ou dérivé, que parce qu’on redoute de subir, dans toute autre combinaison, le despotisme des volontés Individuelles. Cette crainte est permise : empéeber- le despotisme est une obligation de premier ordre: c’est à quoi il faut absolument pourvoir par le perfectionnement des garanties de 1?. véritable liberté personnelle. 
Prouvez aux libéraux de tout ordre, aux antagonistes de l’unité économique1 de la fonction sociale, et de la désappropriation des terres et des autres capitaux qu’ils ne seront point assujettis, sous ce nouveau régime, au caprice de la gérance unitaire , comme les paavres Egyptiens modernes l’ont été la volonté d’un Méhémet-Ali; qu’ils relèveront uniquement de la loi, égale pour tous; c’est’a.dire de la souveraineté du peuple, dans les limites d’une Constiuttien qui consacrera les droits antérieurs et supérieurs que chacun tient de sa nature; et tous proclameront la sainte solidaritê, l’indivisible unité dans a justice, dans l’égalité et la liberté. 
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Mettez à couvert la juste indépendance des individus, et dès demain vous 
convertissez 1g monde européen au socialisme. Ce que redoute l’opinion, encore mal renseignée, c’est le régime monacal, la discipline des casernes; que sais-je, les consens de la Trappe, peut-être; ou bien encore le régime introduit au Paragnay par les jésuites, il y a quelques siècles. Il faut montrer que toutes ces réminiscences d’institutions qui peuvent avoir une grande valeur ais point de vue de l’histoire, sont abhorrées par tontes les écoles; que la vraie liberté sera sauvegardée dans ce nouveau milieu avec toutes les précautions désirables, ou qu’il n’aura même pas les honneurs de l’essai. 
Gelai qui écrit ces lignes a, toute sa vie, milité pont’ l’indépendance absolue de l’homme vis-à-vis de l’homme, pour la liberté de tout dire et de tout fairi’, en dehors dit cercle des devoirs et des droits stricts, consacrés par ce qu’il y a de vital dans lamorale universelle; en dehors des exigences de la vie, de la sécurité de tous, de l’égalité entre tous, de la liberté pour tous. 
ta seule pensée de ressusciter les liens dont l’antique théocratie orientale n garrotté pendant quarante siècles l’âme et le corps de ce grand troupeau qu’os somme peuple, l’irrite, et l’emporte; et lui donnerait le courage dc subir tous lés genres de martyres afin de les briser, pour peu qu’il trouvât d’écho dans l’âme de ses contemporains. 
IL tient pour une sublime insolence dans un homme, ou des milliards d’hommcs, la prétention d’interdire à un autre le droit d’irradier son être dans le sens de sa destination instinctive, de se mouvoir et se manifester dans toute sa force et toutes ses énergies normales. Il ne reconnait à aucune puissance humaine le droit de confisquerla liberté de conscience et d’intelligence,, la liberté de presse et de réunion; et il ne met pour condition ‘u leur exercice spie le respect de ces mêmes libertés dans autrui. 
Consentir tous les actes extérieurs qu’exige la vie, le développement collectif, eu tant que ces actes dépendent de sa volonté, et ne portent en rien atteinte ‘u la moralité, telle que la reflète la conscience du siècle: voilà suivant. lui le domaine légitime de l’assujétissenxent social, parce que c’est la condition de la liberté pour tous, la manière de reconnattre les droits de toua’, le sien compris. Au-delà, tout est permis devant la loi, sinon devant l’opinion, qui a toujours droit de critique et de blâme, mais non de contrainte. — Nous 41C venons donc pas systématiser ici lés tendances de nos passions ou de notre tempérament. 
Liberté donc! liberté!... Oui! mais liberté pour toits, et par conséquent, liberté dans L’égalité! liberté dans la fraternité! liberté dans l’unité! en un mot liberté dans le droit, dans la justice, dans le bien! — Sinon, non, 
Mais d’abord, qu’est-ce que la liberté? 
Si par liberté, on entend l’indépendance absolue, pour chacun, du caprice, des fantaisies, de la croyance, des idées on de la volonté des autres hommes; la sécurité pour sa personne; la protection contre les attaques ta vie et au liens; la parfaite égalité de tous devant la loi économique et politique, ouï, osit homme doit être libre. 
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Si par liberté, on e•ntend la pleine possession, l’absolue garantie des droits 
naturels, des conditions sociales de notre développement moral et physique sur le pied d’égalité avec tous les autres citoyens, oui, encore, la liberté est sacrée. 
Si par être libre, on entend être en solidarité de destinée avec l’humanité entière, de telle sorte qu’on soft fort, riche, éclairé, puissant de toute la science, de tout l’amour, de toute la puissance, de tonte la richesse et La bonne volonté de ses semblables, oui, sans aucun doute, l’homme doit rechercher la liberté comme le plus grand des biens. 
Enfin, si par liberté, on entend être parfait et heureux, approcher de plus en plus de la perfection et du bonheur, —oui, mille fois oui, tous les hommes doivent être libres. 
Mais, si par liberté, on entend la faculté de s’introduire au milieu d’une arène qu’on appelle concurrence, laisser-fa ire, libre commerce et libre travail; et là, au sein d’une mêlée et (L’un tohu-bohu effroyables, dans une incertitude permanente, entouré de toutes les chances aléatoires, s’ingénier, par- tous les moyens, à s’approprier une portion du grand mobilier d’instrumens d travail, de riciesses créées, mises à l’encan, livrées an plus affreux gaspillage, ofl’ertes en butin aux plus avides, aux plus habiles, aux plus fripons, ou aux Ius heureux; — sans aucune condition de justice, sans aucune considération pour les besoins, les nécessités d’autrui, sans égard aux droits imprescriptibles de l’homme, pas même à celui de vivre en travaillant; — puis se trouver nanti ou privé, on na sait comment, d’un capital; se réveiller riche ou pauvre, on ne sait pourquoi, ou plutôt, selon qu’il plaît au jeu de roulette qui va et tourne sans vous et malgré vous; — puis prêter ce qui ne vous appartient pas, ou emprunter ce qui est à vous; et, par cette magie de l’appropriation et de l’usure, créer un monde où les uns n’ont rien et les autres ont tout; où les uns travaillent et les autres font travailler; ou ceux-ci consomment et ceux-là produisent; où les capitalistes s’engraissent dans l’oisiveté et les ouvriers s’amaigrissent et se tuent au labeur;... — ou bien encore, si la liberté consiste dans la faculté dfaire de la grande Ruche nationale une immenseBourse; et là, en présence des deux idoles du sanctuaire: le hasard ou la fortune, et la cupiditéoii le dieu Terme, sacrifier, quand on a le bon lot ou la soif de l’obtenir, sacrifier au Lifn’e échange, à l’anarchique production, à la sainte appropriation,, au divin monopole de la terre, ce patrimoine indivisible et- inaliénable du genre humain; et couronner (le fleurs, embaumer d’encens tous ces enfans d’un même grand dieu: la propriété sous la forme de veau d’or; et jurer par leur nom, et se complaire dans la jubilation tant qu’on se trouve bien de sa part; si, dis-je, on appelle liberté, la faculté légale d’exploiter ainsi son prochain; non, l’homme ne peut rester libre sans dévorer L’homme. 
SI même par liberté on entend la faculté de continuer une partie de ces abominations, dans un milieu moins licencieux, où l’usure sous toutes ses far— nies, serait supprimée, suais où chacun pourrait encore détenir sa portion. d’instrumens de travail, et ainsi refuser ou octroyer arbitrairement le cred1t, 
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les matières premières du travail d’autrui; où rindividu, pour vivre, devrit 
encore attendre la clientèle, qui peut venir ou ne pas venl1, se retirer à chapte instant; —vendre donc et acheter, ou ne pas vendre ni acheter, selon le bon plaisir des intérêts et des passions individuelles ou. corporatives, en lutte dans le temps et dans l’espace; enfin, laisser chômer ou se détériorer son capital à la barbe de ceux qui pourraient cependant le faire valoir, et qui en auraient le plus pressant besoin. — Oh I alors, non! la liberte mérite encore anathème àla centième puissance; car elle est toujours homicide comme la pri)priété absolue des instrumens dé travail, dont elle est ou la pourvoyeuse, ou Pauxiliaire, ou le produit; car cette liberté apporte, ou peut apporter, à chacun tour à tour, l’esclavage et la misère, l’inégalité, le trouble, le désastre,. tous les malheurs. 
Définissez-vous la liberté: « la faculté de faire tout ce qui ne nuit point 4 autrui? » la définition serait ingénue : nous ne voulons accuser personne d’ingénuité, mais avec cette limite on va loin, jusqu’â restreindre la liberté à zéro. En effet, sait-on bien qu’il ne faut rien moins qu’une sagesse parfait, une solidarité intime et incessante avec Phutnanitê entière, un assentiment à soutes les conditions de la vie de famille pour ne nuire point à autrui I D’après ceite manière d’entendre la liberté, il faudrait la perfection dans chacun et dans tous: Cette liberté là est donc identiqu’e à celle que voulaient faite prévaloir Jésus—Christ, saint Paul et le bon christianisme: restez fidèles à nia ,Varole et vous serez libres, s — La première conditiQn économique pour ne 
pas nuire à autrui, serait de produire avec poids, nombre et mesure, selon sçs aptitudes et ses forces; de consommer selon ses besoins, ni plus ni moins. 
éliuissez-vous votre liberté: « le droit de foire tout ce qui ne nuit point aux droits d’autrui? » Sans être aussi étendue que la précédente, cette définition laisse encore ample carrière à l’interprétation; car les droits d’autrui comprennent, de la part de tous, toutes les conditions de leur déveIoppnient moral et physique respectif, qui dépendent de I volonté individuelle, et nw.is savons par expérience si le laissez-faire économique permet le développement des travailleurs. 
Définissez-vous la liberté la faculté absolue de faire ce qu’on veut, dès qu’on le peut effectivement mais la liberté ainsi comprise, la tiber!é illimitée, c’est le chaos; c’est la sauvagerie et l’antropophagie; c’est la déiIcatiors de la force; c’est, dans en milieu comme celui du inonde civilisé, le xonopole, la concurrence acharnée, la coalition, l’exploitation des faibles per les forts, l’inga!ité la plus absorbante de richesses; c’est, en un mot, le laissez-faire dés libéraux poussé à l’extrême. — Pourquoi dès lors s’appeler S. cialiste? Qu’y-a-t-il de social dans l’individualisme absolu? 
Proclamer la liberté quand m€lwe, c’est tout simplement substituer le fait brutal au droit; nier la distinction du juste et de l’injuste; prétendre qu’en ce monde tout va bien dc soi; que l’individu n’a aucun droit imprescriptible et naturel, pas même le droit au travail, pas même le droit de vivre; que Le bard en Sait plus que la prévoyance, et que l’ordre sortira du désordre. 
I 
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C’est inaugurer le rgne du fatalisme le plus désolant et le plus monstrueux; 
car c’est reconnaître et consacrer les positions acquises, et meure chacun la merci de tous: par exemple, les trois quarts de la population vont dépendre, pour leurs nécessités premières, du caprice des classes qui possèdent l sol et détiennent les produits agricoles et horticoles; car ayant le droit d’user t d’abuser de leur chose, elles peuvent fort bien, à la rigueur, s’entendre pour affamer le genre humain. 
Enfin, définissez-vous la liberté: la jouissance sociale des conditions normales de votre développement moral et pAysique à l’indéfini? Dès lors voua avea consacré la solidarité, la mutualité, le concours fraternel, ra.. ‘ité économique et politique; en sn mot, l’association universelle; et vous êtes avec nous, vous êtes Socialiste et Communiste-condiiionnel: La socié n’est plus que la forme organique de la grande famille du genre humain. 
Ainsi, la chose est claire: l’homme doit être libte, n’être point assujéti an caprice, à la volonté des autres hommes; mais non pas indépendant par rap. port ‘s Phamanité, à la société. 
La dépendance ifilituelle résulte de la loi4e solidarité; est nécessaire comte elle; car cette loi fait que toutes les existences, tous les intérêts sont subordonnés es uns aux autres, sont tour à tour des moyens et des buts, ou des conditions de satisfaction, de développement, les uns pour les autres. Mais cette dépendance, loin d’être contradictoire h la vraie liberté, la constitue, l’engendre positivement. 
S’il en est ainsi, les libertés individuelles sont solidaires; chacun est d’autSflt plus libre que tous respectent cette loi; nous ne devenons donc libres qu’avec autrui et par autrui; qu’autant que tous nos semblables le deviennent eux- mêmes; de telle sorte que la liberté individuelle ne trouve ses conditions ef ses varan tics que dans la liberté collective. De ce point de vue qui est le seul large et vrai, la liberté d’autrui, loin de limiter ta nôtre, l’engendre au contraire, la féconde et lui assure toute l’extension que comporte la nature des choses humaines. 
Le milieu social où il y aurait le plus de liberté pour tous, serait évidemment celui où il y aurait le plus d’égalité, de fraternité, d’ordre, d’unité, de solidarité, de prévoyance, de justice distributive entre tous : celui où le développement individuel serait à son plus haut degré. Dans un tel monde, chacun participerait en quelque sorte fatalement à la plus grande somme possible de sympathies, de lumières, de puissance ‘et de richesses, et par conséquent de liberté et de bonhuur. 
U faut donc bien distinguer la liberté nêgative, laquelle consiste à ne pas dépendre du capriée de ses semblables, à être garanti contre leurs attaques et leur domination; et la liberté posiave, qui consiste dans la jouissance cer taine des conditions sociales de notre développement moral, Intellectuel ét pbysique. 
Or, l’unedes conditions sociales (sinon l’unique) de notre développement, d nntre bonheur, partant (te notre liberté positive, c’est la solidarité qui nods 
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relie au reste de l’humanité, c’est la mutualité, le concert, l’imité, l’assocIation 
de nos intérêts et de nos activités, c’est l’assurance mutuelle qui vient à se contracter intimemènt entre tous. 
On dit depuis le commencement du monde L’UNION FAIT LA roncu; mais l’union c’est la solidarité; et la force c’est la liberté; car c’est la puissance, c’est l’intelligence, c’est l’amour, c’est la vie. 
On, ne saurait donc trop se le persuader: La liborté parfaite de chacun ne se trouvera que dans la solidarité parfaite de tous. Liberté, bonheur, perfection, solidarité, unité: tous termes inséparables. — C’est pourquoi il nots sera facile de démontrer, à l’occasion, cette Ihèse capitale qui jette une 31 vive lumière sur la science sociale, à savoir: qu’il n’y a de solution salisfaisan?e à tous les problèmes sociaux, économiques et politiques, que dans i’Izpothèse de la perfection morale de chacun et de tous. 
La vraie liberté n’existera que lorsque la volonté de chacun sera harmonisée, par l’amour et la justice, avec la volonté collective. — Absolument, être libri, c’est pouvoir ce qu’on veut. — Religieusement, c’est vouloir ce qu’on doit uouloir., c’est-à-dire ce qui convient à l’harmonie, au bien général. 
La liberté consiste, en effet1 dans la réalisation <le notre volonté. Avoir une puissance toujours égale è sa volonté, c’est être libre absolument. Mais dans la société, ou du point de vue relatif, ce qui se dit des uns doit se dire des autres; et comme les sphères d’activité sont susceptibles de se pénétrer, comme nos actes vont retentir dans la vie d’autrui, il y a ici une harmonie â chercher et à réaliser. 
Plus un homme se développe harmoniquement avec ses semblables en amour, en sagesse et eu puissance, plus il est libre et heureux. — Obéir au devoir, à la raison, à la loi de l’ordre providentiel, c4est être libre. Vouloir et faire ce qui est bon et possible, ce qui est meilleur pour tous dans le tenus et dans l’espace, voilà la liberté, ou au moins sa condition. — II faut donc. harmonisation préalable des sentlmens, des idées et des actes, par l’éducation, par l’ordre économique et moral, et par la prévoyance sociale. 
Mais, l’amour, la justice, le droit se développent indéfiniment avec les idées, avec la science, c’est-à-dire avec la connaissance des lois générales, des lois do rordre providentiel, des choses divines, humaines et naturelles. — Dont, l’harmonie en question se cherche toujours, mais ne se trouve jamais qu’inconl,piète et provisoire; et suppose par conséquent toujours le sacrifice mutuel. 3e prie qu’on y songe. 
L’homme aspire instinctivement par toutes les puissances de son ême à se gouverner lui-même dana sa force et sa liberté. Toute contrainte l’humilie ois l’irrite, tout joug, tout frein qu’il n’a point accepté volontairement lu’: est insup. portable. C’es( qu’en effL li est providentiellement destiné au gouvernement de soimême; et chaque jour il s’y prépare: l’éducatiOn n’a pas d’autre but que de le faciliter. Mais il est à cette iNitiation et à ce résultat des conditions douloureuses. Il présuppose que chacun s’élève à l’intelligence de sa destina—, lion normale, à la pratique des devoirs qu’elle implique. II faut que l’individis 
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sache ce quil doit faire et éviter, qu’il accepte et réalise toutes les conditions 
internes et externes du bien.être, de la liberté et du bonheur collectifs. C’est ce parallélisme entre la volonté et les conditions de l’ordre social qui constitue l’état normal de la liberté. Qu’est-ce en effet que le développement de la vié collective, de ce point de vue? N’est-ce pas le lent et laborIeux apprentissage de la liberté ou du gouvernement de soi-même dans la justice et la charité? Aimer, vouloir ce que l’on doit, y obéir volontairement, c’est être libre de la vraie liberté; et c’est ce qu’il faut apprendre pour se croire et se sentir moral, heureux et forr. 
II suit de là que les peuples obtiennent ou plutôt se donnent, réalisent eux. mêmes la liberté h mesure qu’ils s’en montrent dignes; c’est-à-dire à mesure qu’ils mettent leur libre arbitre à faire ce que réclament le bien, l’intérét, la liberté de tous, le droit, la justice et la charité. Hors de là, point de liberté, de gouvernement de soi-même possible. 
Jésus-Christ savait tout cela: Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa » justice, et le reste vous viendra comme par surcrott. * — Le royaume de Dieu, la justice dc Dieu, cest l’ordre providentiel, la loi des destinées, c’est la perfection morale. — Le reste, c’est le vrai bonheur, la vraie liberté. 
« Soyez parfait comme votre Père, Dieu, est parfait. Tendez incessamment à la perfection. — « Mais, plutôt, heureux sont ceux qui entendent la pa» rote de Dieu ,et qui la pratiquent. Voilà le chemin du bonheur, la connaissance de la loi, l’amour de Dieu qu’ors s’attire en faisant sa volonté, en pratiquant le bien. 
* Si vous demeurez ferme dans ma parole, vous connaltrez la vérité et la » vérité vous rendra filtres; car la vérité rend libre et le péché esclave. » Vous serez libres, si vous êtes justes, si vous marchez dans le sentier du bién, de la vérité et de l’amour. Toute liberté autre, n’est que licence, désordre, esclavage. L’ignorance, le mal, l’erreur, l’iniquité, l’isolement, voilà la servitude. Le plus parfait est aussi le plus libre. 
La liberté se mesure au pouvoir, avons-nous dit : plus l’homme peut, plus il est libre. Pour que cette définition soit sociale et fécqnde, il faut que cette liberté se réalise également an profit de tous. IL s’ensuit que la puissance de L’individu ne doit s’exercer que dans l’ordre, lequel n’existe que là osk le pouvoir individuel est concilié par la loi avec le pouvoIr collectif. 
3.-3. Rousseau, dans un de ses jours de désespoir, laissa tomber quelqrx chose comme, cette triste sentence de sa plume: l’esclavage du grand nombre est nécessaire à la liberté du petit nombre, elle en est la condition absolue. Si telle était la nature des choses, il faudrait maudire le sort de l’humanité, protester contre la Providence; et Le blasphème serait dans notre coeur et sur nos lèvres! — C’est que Rousseau considérait l’histoire, sans avoir foi au progrès. Or, il voyait les Grecs, les Romains, et avant eux les Jurions, la plupart des peuples primitifs, et même des peuples vivans, faire payer la fausse liberté du petit nombre par l’esclavage réel du grand nombre. — Sacs da poirquoi des soudras,des parias, des iloCca, 4es esclaves, des serfs, et des PROLTA1aS? 
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Politiquement, la liberté est identique au droit, à la justice, à la solidarité 
conditionnelle qui comporte la responsabilité personnelle et na sanction. — Socialement, elle est identique à la fraternité, â la communauté, la perfection morale, à la solidarité la plus absolue. — Je suis libre dans l’égalité dès jue je jouis comme tout le monde des conditions et des moyens de mou développement. — En dehors du droit ainsi défini, ou j’ai trop ou je n’ai pas assez de liberté. Dans le premier cas, je suis dans la licence; dans l’autre je sais dans l’assujétissement, dans la dépendance, dans l’inégalité. 
Disons ici, en passant, que le moyen radical, la garantie efficace de la Ii berté négative et de la liberté positive, ne se trouvera que dans la fonction régulière, obtenue comme un droit, acceptée et exerçe comme un devoir, au sein d’une association économique universelle, relevant, en toutet pour toul, de la souveraineté du Peuple. 
Que peut l’État-gérant ou représentant? Il ne peut que ce qui est consenti parles volontés, approuvé par la raison générale, appuyé sur le droit ou la justice coutemporaine.Maintenant, est—il bon, est-il juste, est-il dans l’intérèt de tons de consentir à l’unité économique, à la réglementation de l’activité Industrielle? Voilà toute la question. Quand l’immense majorité des citoyens le comprendront ainsi, ils consentiront; lorsqu’ils consentiront, ce que l’on ap. pelait liberté, se nommera LICENCE, et la licence sera condamnée, réprimée par la loi, par le droit nouveau. Car, encore une fois, les conditions constitu. tives du droit sont progressives: elles se développent avec le savoir et ls sentimens des générations successives. Les sauvages sont IûIn d’entendre le droit comme les peuples les plus avancés en scienc sociale. 
Un jour donc, il n’y aura plus lieu à se poser la question; elle sera tranchée par le fait. Personne ne songera plus à produire seul, à séparer son instru.ment de travail des instrumens de travail de tous les autres; et cela par une excellente raison: c’est que le travail solitaire et l’appropriation individueile de ces instrumens seront devenus impossibles par tout l’ensemble de l’état social et matériel. C’est ainsi que la Liberté licencieuse d’aujourd’hui sera sans raison d’être et partant inouïe. Les moeurs s’y opposeiaient, le déclarerait monstrueux; la loi l’interdirait; car alors toute l’économie aura été peu à peu conduite à s’organiser unitairement; l’intérêt mieux compris, aura poussé fatatemcntet capitaux et travailleurs vers l’association; vers le travail concerté; vers la garantie réciproque des débouchés; vers l’application de machines de plus en plus économiques et envahissantes, lesquelles exigeront de plus, eu plus la centralisation des forces, la direction unitaire, l’harmonie et le concouts de toutes les sphères d’activité, la précision et la rapidité des relations et des moavemens, etc.... 
On ne voudra plus de cette liberté, parce que l’on aura vu qu’elle n’est pas une liberté, mais au contrair&un obstacle à la liberté, si la liberté véri. table consiste dans le bonheur. Faites comprendre à l’humanité que telle liberté qu’elle aime est une liberté mauvaise pour elle, pour tout le monde Individuellement, et bientbt elle n’en voudra plus: elle y verra une se.rvitude. 
— 
— Il — 
— Qui voudrait aujourd’hii, parmi nous, de la liberté illimitée des sauvages les pius arriérés? 
Le jour humain et divin tout à la foia, on le droit rejoindra la morale un fait et en volonté, tout sera consommé dans l’unité, la liberté, la perfeclioù et le bonheur. 
Les vrais Sociailste veulent donc la liberté, et eux seuls en ont l’intelligence, Ils 4a veulent pour tous; c’est pourquoi ils la veulent limitée pour chacun; car la liberté illimitée de tous est identique au despotisme universel, et donc à l’esclavage pour tous. Vous croyez que dans votre milieu, le producteur sera libre de faire tout ce qu’il 1voudra? Non pas. II sera libre de pro. duire, de faire ce que la nécessité des choses ou la fatalité de l’anarchie le forcera de faire. — Le Socialisme, air contraire, le conduirait à Taire ce qu’il convient à tous et à Ini-méme qu’il fasse; il serait certain qu’en travaillant au bien général, il sert le sien propre. 
D’un côté, la prévoyance, la justice distributive, de chacun, par La fonction, le plus approximativement possible, selon ses aptitudes, ses goats, et ses forces; à chacun selon ses besoins. — De l’autre, le hasard, l’incertitude, le fait brutal de la fatalité ; de chacun selon ce qu’en décide la roue de fortune; à chacun ce qu’il peut conquérir à fôrce de ruses, de mensonges, de témérité ou de fraudes. 
Ceux-là ne snnt pas Socialistes qui veulent la séparation des activités et des intéréts, on le laissez-faire illimité. — S’ils emploient leur liberté illimitée ‘u se rendre solidaires, à cimenter entre eux un pacte de réciprocité, alors ils demandent le laissez-faite pour mieux tuer le laissez-faire, pour réaliser le So— ciaIIsme mais, dès tors aussi, ce ne sont plus des Libéraux, mais des Socialistes Dispute de mots! — S’ils la demandent pour autre chose, ce sont des anarchistes, des injustes, des coupables, des malfaiteurs ou des ignolans. 
Faudra-t-il attendre la pondératIon des existences du jeu ou de la lutte des forces individuelles s’ingéniant dans la concurrence, à déboate’r, ‘n dcraser,. évincer ou dépasser leurs rivaux; du développement de moins en moins inégal des facultés dans chacun et dans tous; et des prétentions ou de la coalition des moins avancés, et finalement de la moralité générale se produisant au seIn d’une liberté illimitée? Ne peut-il point arriver que, par toutes ces causes, et par la moindre inégalité intellectuelle et physiqne entre les travailleurs, ar de meilleures combinaisons économiques telles que l’association volontaire, tout tende dans la liberté, à l’équilibre des fortunes,à la garantie du droit au travail, à l’équitable répartition des richesses? 
Non; et voilà la chimère! Comment voulez-vous que l’amour germe et s’im plantu dans les fimes, si tout le monde est ainsi Intéressé directement par la lutte et la compétitjon à cultiver de préférence l’arbre dii mal, c’est-à-dire l’égoïsme? Le devoir de l’individu en effet, sa constante préoccupation, est de ne songer qu’à soi, de tout rapporter à lui dans le milieu de libre concurrence. Vous kil tracez a couduitu : que dis-je5 ‘e ici uuo prnie offertG 
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à qtd se montrera le meilleur aventurier dans la recherche de la toison d’or i 
Est-ce qu’on fait le bien général en ne s’occupant que de son bien particulier î’ N’cst.ce pas le contraire qui est vrai? 
Qui ne voit que par la nature des choses, il faut nécessairement 3ter :à cette fausse liberté tout ce que l’on veut accorder à la sécurité? — Qui ne voit qu’il n’y a que trois états économiques où l’on puisse se dire libre d’une liberté négative, ou d’une liberté positive. — Celui que donnerait la prou priété d’un fonds de terre où chacun trouverait, à la rigueur, par ses soins. assidus, les premières nécessités de la vie, sans avoir recours à autrui, ou, sans se trouver dans sa dépendance absolue; — Celui que donnerait le sys. tème des corporations perfectionnées, oit chacun aurait ‘une clientèle assurée,. puisque le monopole danse la sphère industrielle et hominerciale, aussi bien qu’en agriculture, serait octroyé en raison des besoins correspondans; — Enfin, celui que donneraient l’association, la mutualité dans la production, la solidarité des destinées, la production selon les aptitudes et les forces, la. répartition selon les besoins. — Mettez-moi dans l’un de cds milieuz; accordez-moi l’un de ces états, et dès lors je crie: Liberté, liberté! sinon, toue jours non. 
Nons admettrons, assurément, que tout homme doit rester libre de travailler ou de ne pas travailler, libre de se rendre pauvre, de se contenter de’ peu, en un mot de s’abstenir de remplir les conditions de sonbien-être etdo son développement indéfini, le tout à ses risques et périls; eten ce sens, l’individu doit toujours garder la liberté de production. Mais nous maintenons qu’il n’a pas le droit, la liberté de s’approprier absolument les instrumens de son travail, que ces instrumens sont flcessairement une propriété collective1 Indivise, que le sôuverain ne doit jamais aliéner; qu’il doit déléguer dans le limites de l’intérêt général; et en ce sens la libre production ou le travail libre ne saurait être un droit. Il en est de même de l’échange; il ne peut être arbitraire, inconditionnel, c’est-à-dire libre; il doit être soumis à des conditions légales qui en garantissent à tous l’opportunité, la loyauté el l’équité. 
On ne réussira pas plus, eu économie, à établir l’équilibre parla rivalité et l’état de nature du travail, qu’on n’a réussi, en politique, à établir l’éqtd. libre entre les Etats par la rivalité et L’état de nature ou l’indépendance des nations. Pour être logique, il faut dire des individus ce que l’on (lit des nations; ou dire des nations ce qu’on dit des individus. Il n’y a pas ‘de mij. lieu. Les nations sont à l’état de nature ‘entre elles. Faut-il, oui ou non,, ramener le .travail et la justice à L’état de nature entre les individus, ou amener les nations comme les individus à l’état de justice. Voilà toute la question. 
La liberté de l’esprit n’aura jamais cette veétu de nous faire atteindre,, d’un commun accord, tous les buts de l’humanité par l’activité individuelle des particuliers, sanr le secours d’une direction suiérteure. Au moins, fan‘ira-i-ii toujourà absolument une gérunce, une administration centrale, des 
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combInaisons, un accord formel, une association expresse avec ses règleniens 
positifs, surtout en économie, oû tout doit être prévu, puisqu’il s’agit de travaux fatigans, de l’oeuvre si délicate de la prodùction des richesses maté. rielies, et de la loi plus délicate encore de leur répartition. 
- L’accord, pour étr commun, doit étre concerté, à moins qu’il ne Soit tacite; auquel cas il faudrait un miracle pour qu’il fût toujours réel, toujours opportun dans ses effets comme s’il était forinèllement combiné. — Un. pouvoir diranger n’est assurément pas nécessaire, car la gêraace, les admtnistraceurs de la chose publique (res publica), doivent être pris nécessairement dans le sein de la société, que dis-je, émaner de la volonté générale, suivre les modifications de l’opinion universelle, ou rentrer dans le néant la voix du souverain collectif. V 
L’accord, en apparence tacite, ne nous semble point absolument impossible, et si l’on enjambe à volonté sur les siècles, il nous paraît même que tontes les grands étapes de l’éducation du. genre. humain nous rapprochent de cet idéal. Mais eu égard à un long temps, il est plus qu’utopique de supposer que dans le monde mobile des passions, où des volontés innombrables se meuvent à la lumière d’an entendement si facile à s’égarer, un fait fortuit aussi complexe que le fait économique coïncide jamais avec l’harmonie prédéterminée des esprits et des activités en présence. — Autant vaudrait dire qu’un chemin de fer de 500 lieues peut fonctionner normalement, sans que, les membres de son personnel s’entendent et reçoivent le mot d’ordre d’un centre régulateur, d’une pensée une. 
Quelles que soient l’intelligence, l’expérience et la raison de chaque particulier, la science sociale n’est point encore fondée jusqu’ici à affirmer que les individus peuvent s’avancer vers le même but, en économie politique,. c’està-dire vers l’équilibre de la production et de la consommation, la jus— lice distributivé dans la répartition, etc., d’accord avec leurs semblables, sans cependant s’être entendus avec eux. — Admirez comme les capitalistes et les travailleurs se sont entendus! Voyez à quel abime on est arrivé après 5G V ans, pour avoir voulu se passer du concert préalable, de l’unité, de l’organi sation V 
Voici la différence essentielle entre les deux systèmes antagonistes :—Dans le système socialiste, on ne peut se passer de la moralité générale; mais elle suffit. — Au contraire, dans le système individualiste ou anarchique, la moralité ne suffit même pas car il y manque ce que ne saurait pas imime suppléer la moralité lapins universelle: il y manque la iimtualité concertée, les renseignemens statistiques, l’unité d’action, lesmoyens de pondérer les besoins et les ressources ; il y a double emploi dans les fonctions; déperdition de forces, gaspillage énorme dans la production et la consommation inégalité incertitude, hasard, dans la répartition; insuffisance dans les moyens d’existence des uns; iperflu révoltant pour les autres; et ce qui résume tant d’haperfections, le droit à la fonction, au travail, au crétiit, et imiconnu, impassible. 
U n’est donc pevi à la pr4vovnncç sOciale d compter ezciusivetunt nr la moralité de tous, t de s’autoriser des effets définitifs de cette moraIité pour proclae la «brt UliwLtée ou le 1a,isse-faire économique, comnn l’idéal supérieur de la praiqu sociaie. 
S’il pouvait eiisIr tt peuple compi eweut émancipé, il vivrait en so clété sans qu’il fût, à proprement parler, soumis à un ordre social; car un ordre social ltd sçrait tout à fait inutilç, — Rien de plus faux: i’ordrø social sera toujours uWe, indispensaifle à un peuple, fût-il complétement émaur cipé: car ce peuple n’aurait pas la science infuse. Cependantil ne faudrait rien de moins que la science infuse pour suppléer l’accord formel, le cou cours, l’unIté économique: pour prévoir la résuitante annuelle ou décennalo des besoins de la consommation, des ressources de.la production: non seule nent une statistique, un inventaire 4e tous les faits sociaux serait nécessaire; al Jprsqu’on connattrait le, 1ffre, des demandes et le lieu des débouchés., il faudrait encore s’entendre po partager le. çhiffre total de la production desthièe à les satisfaire, entre les établissemens t les ipdividus capables d produire, chacun selon ses aptitudes et ses forces; potir partager ensuite le richesses collectivement produites, chacun selon ss besoins, 
Voilà pourquoi L’accord tacite, ne pent être qu’en apparence. 
tin peuple cornpl4temcnt émancipé, 5erait au contraire celui qui aurail fait consister s peection et son habileté à chenter entre ses membres un el lien, à mettre entre 1e intérêts une telle solidarité, entre les activités et les travaux un tel ordre, que tout fût prévu dans l’immense mouvement de cette armée industrielle de 86 ipilin d’hommes, que tous n’euseut qu’une raison sociale, uùe seule gérance, ue seule drççLion, nu seul atelier; celui de la nation tout entière, 
Vous dites que la &aternité est le but final et comaie l’état réservé pour la fin des siècles ou la parfaite maturité du genre humain, Oui, à un certain point de vue, et en tant que la, fraternité soit complète et achevée; luis voji ne voyez pas qu’à ce même point de vue , eu tant que parfaites et aclevéejt la liberté et l’égalité sont également le but fluai du mouvement socIal., Or qu’est-ce que cela veut dire 1’ C’est que la liberté, l’égalité et la fraternité vopt sans cesse augmentant, trouvent de moins en moins 4es obstacles; mais qu’elle& eu ont et en doivent rencontrer peut-être jusqu’à la fin du mouvement htunu’ nitaire. 
Or, ne voyez-vous pas que çette imperfection, indéfinie quoique décroissau. te, suppose l’intervention, indéfinie quoique déctoissaute aussi (ou de moin en moins sentie) de l’Etat-Peuple; suppose des limites et dés conditions, de moins en moins rigoureuses sans doute, mais réelles, ‘n la liberté, à l’égalité, ‘n la fraternité P 
Les trois termes sont donc inséparables dans la réalité historique, comme ils le sont dans fa spéculation intellectuelle. [1 y a toujours chez un peuple lu même proportion d’égalité et de fraternité que de liberté; toujours la même ntesnre de liberté et d’égalité que de fraternité, et réciproquement. Le progrès 
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de l’un de ces trois termes entrains, suppose donc simukanément le progrès des deux autres. 
En toutes choses, l’imparfait est au début : avant la science, l’ignorance; avant la force, la faiblesse; avant la liberté, L’esclavage. Or, comme nous nu sommes pas arrivés au haut de l’échelle de la civilisation, h la dernière étapu de la carrière que l’humanité doit parcourir, vous ne pouvez pas poser, dès aujourd’hui, le principe de la liberté illimitée, comme un milieu social dont on doive inaugurer l’avènement, la réalisition prochaine, ou bien il faut eu dire autant dii principe d’égalité et de fraternité. 
Dose, l’être collectif, la Société, le Peuple souverain on I’Etat-Peuple, cou. serve sa part à c&é de la liberté individuelle, qui n’augmente la sienne qu’en proportion et à mesure qu’elle se fait plus sage, plus savante; qu’elle aime davantage le bien, et le veut, et le pratique méritoirement. En d’autres termes, qu’à mesure que l’individu est moins imparfait, ignore moins et respecte davan. tage les conditions et les lois providentielles de l’harmonie, du bonheur Wd versel, partant les lois de la liberté collective. 
La liberté t quoi de plus relatif, d’ailleurs, et de plus mobile! Un sauvage vous dira que la véritable liberté est chez lui, dans ses bois, ses chasses, ses courses vagabondes, dans sa ve sans frein, toute de passion, de querelles et de ra. pines. Ne sait-on pas que toujours l’état de civilisation inférieure répugne à l’état supérieur; qu’on ne peut espérer l’y amener que par la. transformation graduelle des moeurs et (les institutions. 
Vouiez-vous organiser la liberté nL!gative et positive, clest.kdire la garantir à tous P Mettez l’indépendance dans les relations des IndivIdus entr’eux; êtez toute subordination de la personne et de la volonté de l’un ‘u la personne, à la volonté de l’autre; substituez-y la règle commune, le frein de la raison et de la justice; ne reconnaissez aux passions individuelles aucune autorité de fait; transformez les maUres et les ouvriers, les représmatans comme les représentés, en sujets de la lot, mais d’une loi qui les place tous sous le niveau de la plus parfaite égalité; faites que tout instrument de travail soit propritd collective, indivise; que tout tràvail soit une fonciot sociale; et que comme fonctiomiaire,l’individu ne puisse être évincé, destitué, déplacé malgré lui, élevé ou abaissé quaprès jugement par ses pairs et avec toutes les garanties de bonne et impartiale justice; faites que la fonction, la rétribution, le bien-être, les conditions sociales de la destinée de chacun, dépendent ansuf frage universel, par l’examen, le jury, le concours que tous les actes socieux, toutes les positions soient déterminées par des règlemens généraux et par des combinaisons qui plaçent toujours la SocÏété, jamais l’individu, eu préseIce de l’individu, et qui préparent des chances d’essor, de gloire et de perfectionnement, ÉGALES rouit TOUS. Enfin, et principalement, mettez la mutualité, le concert dans les travaux; la solidarité partout, sauf dans les actes subversifs qui dépendent du libre arbitre de chacun, et par conséquent, ressortissent au principe de la responsabilité personnelle. 
Je m’étonne que les ambitieux n’aient pas encore compris qaprès tian 
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poque de fausse liberté, de laissez-faire, de concurrence et d’individualisme,. 
le vent du progrès pousserait fatalement au collectivisme, à l’ordre, à la règle à l’organisation, à L’unité; en un mot, au Socialisme. Ne savent-ils pas et ne disent-ils pas chaque jour que la thèse appelle I’antithèse,et l’action ta réacUon et un extrême l’autre extrême? 
Or, voilà800 ans que l’on critique, que L’on démolit et qu’on pulvérise. 11 est fatal que désormais l’on réédifie, que l’on recompose avec poids, nombre et mesure. 
— Ambitieux dans le bien! soyez donc clairvoyans; sachez profiter de l’opportunité. Consultez les signes du temps, et puis marchez : l’avenir est à vous! 
1’USUEE N’EST QU’UNE DES FORNES DE L’EXPLOITATION 
DE L’HOMME PAR L’HOMME. 
Nous définissons l’usure : toute portion de richesse qui est rendue ou perçue au-delà du principal prêté. C’est la traduction en langage économique de ces paroles tant commeatées de Jésus-Christ: • Faites du bien, et prte2.: 
sans rien espérer de là; et c’est la propre définition de la Bible, qui dit au Lévitiquc: • Si votre frère est appauvri et ne peut travailler, ne prenez point d’usure de lui, et ne recevez point plus que vous ne lui avez donné. Vous ne lui donnerez point votre argent à usure, et vous n’exigerez point de surplus pour les grains que voùs lui aurez prêtés. » Cette sentence, dit ‘saint Ambroise, condamne généralement tout ce qui est au-dessus du ce. pkat 
Le Socialisme, lui , justifie la prohibition absolue de l’usure sous touies formes, par Cette formule du sens commun t La matière, le capital est im productif. Le travail seul vaut salaire. Donc l’usure sous la forme de fer ‘mage, rente, loyer, profit, intérét, salaire, est illégitime, attendu qu’il n’y a point là de travail de la part de celui qui prête. Ainsi, retirer plus qu’on n’a donné, c’est cexnmettre usure; et commettre usure, c’est voler, disent les pères de l’Eglise chrétienne; c’est commettre un larcin. 
Nons serions tentés d’élargir la définition du mot usure, et d’y comprendre. toutes les manières de faire tort à son prochain, toutes les formes de l’exploitation de l’homme par l’homme, tous les cxpédiens légaux de ravir ou de déprécier ce qui appartient à autrui; en un mot, toutes les dispositions e: relations économiques ou sociales, qui nient à l’individu les conditions extérieures de son développement moral et physique. Et alors, nous prétendons que la sc1ence sociale serait fondée à considérer comme une des formes de l’usure (et en conséquence à lesstigmatiser, le libre échange, la libre production, enfin et surtout l’appropriation individuelle ou corporative du sol et ries autres instru,neis de travail. 
Mais nous préférons dire que l’usure sous toutes ses formes est précis(ment une des manières de faire tort à son prochain, de lui ravir ce qui lui app’articnt, de lui refuser les conditions indispensables, les voies et moyens directs de son développement, lesqueis constituent son droit absolu; et par conséquent une des formes non seulement de 1 immoralité, tuais de l’injustice 
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et (le la négation du droit strict. Et nous ajoutons que c’est précisément l’ensemble de ces caractères qui rend i’usure condamnable sous toutes ses formes; mais que ces infimes caractères ne sont pas uniquement le privilége de l’usure; qu’on les retrouve au même degré dans le libre échange, la libre production et finalement dans le monopole du sol et des autres capîtaux. D’où nous concluons que ce sont là autant d’institutions, d’usages ou de relations, condamnables an même titre absolument que l’usure sous toutes ses formes. 
ious maintenons alors que tout homme logique est ainsi conduit, ou à respecter le prêt usuraire sous la forme du fermage, du loyer, du profit et du salaire; ou à envelopper dans la même réprobation morale, dans la même interdiction légale, et l’échange arbitraire, et le libre travail ou la libre production, et enfin l’appropriation individuelle ou corporative, arbitraire et exclusive, des instrumens de travail. Et, en effet, nous affirmons que si l’on veut aller à la racine du mal social, il faut non seulement abolir l’usure, mais le monopole des fonds productifs, la faculté d’user et d’abuser des produits; socialiser et le sot et les capitaux; puis faire placé à la solidarité universelle, l’association des associations, à la prodtction régulière, à l’échange tout social selon la loi de l’Etat-peuple, de la gérance unitaire économique, intervenant avec ses jurys d’équitable échange, exigeant de chaque aspirant-producteur dans une spécialité, qu’il fasse ses preuves par des examens, au sein de concours publics. 
Que peut-on nvoquer contre l’usure qui ne puisse se dire ou se tourner aussi contre l’échange arbitraire, contre l’appropriation et la production anarchiques? Si le travail est tout; si la richesse, si le bénéfice qui ne vient pas du travail est immoral, le résultat d’un échange arbitraire, d’un échange accompli sous l’action du rapport de l’offre et de la demande, est presque toujours humoral; car le rapport de l’offre à la demande, est un élément étranger, qui n’a rien de commun avec le trarail. 
Que si le talent, le goût, le fini est un élément légitime de la détermination du sajaire; si la qualité est, autant que la quantité, un élément intégrant de la valeur du travail, toujours est-il que ce ne peut être le rapport de l’ofire à la demande qui opère cette détermination; car ce rapport est aveugle : il est dû très souvent à la rareté, au caprice,â toute la ersaiilité de la plus brusque fortune. 
La plus-value résultant de ce rapport doit donc être considérée comme une forme de l’usure, ou ce qui est plus solide, comme une des maniéres d’exploiter son prochain, (le retiter du produit de son travail, plus que l’équivalent de ce travail. 
Il y e usure dès qu’on reçoit plus qu’on ne donne; et c’est cette inégalité qui légitime, dit-on, l’interdiction de l’usure: fort bien Mais, dans l’échange arbitraire, généralement on reçoit plus ou moiiis qu’on ne donne; car la valeur relative des deux produits soumis à l’échange est déterminée non seulement par la qualité et la quantité, par le temps de trivait ou les frais de production; mais par le rapport (le l’offre à la demande. Il y a plus: les frais de production même, sont, en général, déterminés par la seule somme de richesses nécessaire pour entretenir la vie mourante de l’ouvrier; ou comme dirait Ibcardo, pour permettre au travailleur, à la bête de somme, de se sustenter et de propager sa race. Et la tendance de cette loi est au minimum, à l’abaissement continu des salaires. Donc, la même interdiction frappe légitimement le pacte d’échange. 
Mais, objectera. t-on pctt être, le parties sont libres dans leurs échanges; personne ne les oblige de consentir aux conditions réciproques qu’elles se font. Chacune reste libre de ne pas vendre ou (le ne ias acheter. Hélas! on oublie donc qu’il y a pante complète dans le pacte de prêt usuraire? Chacun aussi est libre, l’emprunteur comme le prêteur : et le premier y trouye son haeret, puisqu’il l’accomplit, Sans doute des deua parts on est libre en droit 
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18 —, 
de ne pas échanger, de ne pas emprunter; mais de faft il y n nécessité de consommer l’échange tout comme l’emprunt Allons! pas de jésuitisme. 
Le salaire est, ainsi que le prix d’une marchandise le résultat d’un échange, de l’échange des bras contre des vivres, etc. l)es deux parts on donne une valeur pour en avoir une autre; du travail pour avoir une part des produits du travail. Dans un échange, chacun est le salarié de l’autre. Le salaire n’est donc qu’une forme de l’échange, tout comme l’échange est une forme du salaire; et IS deux états sont en définitive identiques au fond le salaire, c’est l’échange; l’échange c’est le salaire. Si donc tout salaire, de capitaliste é o svrier, est imùioral, parce qu’il n’est point équitable; parce que le capitaliste récolte lui-même un salaire, là où il n’a pas semé du travail; parce qu’il prélève un intérêt, un gain qui ne résulte pas de son activité spéciale, ou de son intervention dans Pœavre en qualité d’associé actif; de même, tout échange d’individu à individu, ou d’une association à ime autre, est immoral s’il n’est pas équitable, c’est-à-dire si l’un des échangistes reçoit Plus de travail éqti. valencé, plus de valeur humaine qu’il n’en a donnée. 
Or, on l’a vu, le rapport de l’offre à la demande fait que l’un des contractans récolte plus qu’il n’a semé, et que l’autre est frustré (le toute cette quan. thé, dans le produit de son travall. Tout capital, dit-on endore, est improductif: donc l’usure est un vol. Voilà le vrai fondement tout moral do l’interdiction légitime du prés usuraire (ou plutôt de tout ce qui rend possible le prêt même gratuit). C’est bien aussi ce que nous affirmons depuis vingt ans. Mais nous avons grand soin d’ajouter: tout échange aussi est improductif; donc l’échange accompli sous l’actioi du rapport de l’offre et de la demande est un vol. 
Dans l’échange, il faut voir deux travailleurs qtti produisent l’un pour l’nutrq: 
ils sont mutuellement salariés et capitalistes, l’un pour l’autre; c’est-à-dire dans les mêmes rapports l’un envers l’autre que le salarié et le capitaliste. Ma demande fait votre offre, tout comme votre demande fait mon offre. Nous devons donc nous interdire l’exploitation l’un de l’autre, si le capitaliste le doit aussi dans ses rapports avec le salarié. Donc, ici’, comme dans le cas de lusuire interdite, il faut décréter que les rapports seront ceux d’associés à associés, lesquels s’interdisent tout bénôfice l’un sur l’autre. Nous, unirons donc nos productions, et lorsque nous les diviserons entre nous, la part de chacun sera proportionnelle à la mise dc travail (qualité comprise ou twa) de chacufl, sans tenir aucun compte de la rareté ou de l’abondance, de L’offre ou de la demande plus on moins grande dahs le monde commercial. Quand toi et moi, contractons un échange ensemble, le monde extdriewr. et tout ce qui s’y passe, ne nous regarde pas plus que s’il n’existait poiut. Pourquoi viendrais- il modifier les conditions d’une u’ansmission réciproque de quantités équivalentes ,e travail? 
Nous sommes tous deux en présence de notre travail respectif: il n’est et ne peut être, question que de travail non do rareté, d’abondance de matières premières, ni d’offres ni de demandes. Hors de là, l’équilibre du juste est rompu. Voilà l’êgalité dans l’échange. En deçà ou au-delà, la science ne voit plus qu’immoralité, injustice; car il y n exploitation; on reçoit ou l’on donne plus qu’on ne donne ou qu’on ne reçoit; on nuit directement, matériedemet, à autrui ; car on fait produire ce qui est improductif de sa nature. 
Que si l’on objecte la difficulté d’estimer la quantité et l’aqualité du travail mais dans chaque genre de produits, et la nécessité de mettre certains produits au plus offrant; la science sociale répond que l’estimation ressortit nétessairement à la justice puwique; et que non seulement la vente au plus (kf. frant doit s’accomplir par l’intermédiaire d’une institution ayant caractère public et désintéressé; mais la ptuv aine résultant de cette vente &lok appartenir, non mi producteur de la valeur (qui n’a droit qu’à l’éqitiyalqrmt de veq iravail et non à la plusvalue), mais à la sociétê tout entiàre, 
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Le prêt usuraire comme l’échange arbitraire; l’échange arbitraire comtne 
le prêt usuraire, sont donc également des relations non seulement contraires ‘s la morale, mais au droit strict; en i9 ils sont consommés sous l’empire d’une même nécessité; ils sont le résultat ou l’occasion Au même abus. C’est des deux parts user et tout à la fois abuser de la chose on dq produit qu’on détient, lequel cependant, comme nous le verrons plus tard, n’est aucunement la propriété absolue ou inconditionnelle du détenteur. 
Est’ce qu’il n’est pas aussi immoral et injuste d’échanger un objet qui vaut cinq centre un objet qui vaut quinze (c’est-à-dire un objet qui a coûté cinq joins de peine et do talent éqttivatens, contrq un qui en n coùté quinze), que de prêter à intérêt sous toutes les formes possibles, y compris le salaire? 
C’est pourquoi le commerçant, l’échangiste de profession, le spéculateur, le brocanteur mercantile, sont réprouvés dans tout le passé grec et romain comme exerçant une industrie vile, entachée d’immoralité à l’égal de celle des uiuriers. — C’est pourquoi Jésus-Christ chasse solennellement du temple les marchands comme des voleurs: et le motif, ait fond, fl’est pas autre que celui-ci: ils exigent qu’on leur rende plus qu’il n’ont donné. 
Comment! ! Le rapport de l’offre à la demande qui conduit l’un des deu échangistes à faire payer à l’autre autre chose que l’équivalent de son travail, de son talent même, à profiter de cette considération que celui-cia besoin de sa chose; à se prévaloir de ce que sa marchandise est rare, est plus demandée qu’elle n’est offerte, toute cette escebarderie mercantile ne vous semble pas immorale et injuste P — videmment, quelqu’un ici exploite son prochain, lui fait tort dans son travail, dans le gagne-pain de ses enfans. 
Si vous décrétez: — Chaque objet ne vaudra que ce qu’il aura coûté de temps à produire, ou plutôt de travail, en quantité et en qualité, mis dans la chose, 
—ne voyezvous pas qu’alors vous êtes conduits par la force des choses à faire lute rvenir une institution d’E:at-peuple, laquelle détermine la quantité et la qùalitê du travail, les conditions de la vente, etc., etc.; 
Car il y a ici des questions complexes: qui obtiendra le produit s’il est rare, plus demandé qu’offert, et en quelle proportion? Le producteur ou le détenteur sera•t-it libre ou non de l’échanger avec telle personne, contre tel objet, et dans telles conditions qu’il lui plaira ou qu’il plaira à l’autre partie, etc. ? — Convenons que le préjugé qui fait ici répugner à L’abolition dc l’échange arbitraire, n’a fait que se dissiper à moitié en concédant l’abolition de l’usure; et que la seule logique vous forcera d’aller jusqu’au bout. 
Donnez-moi, au prix ile revient, ce que vous produisez, en retour de ce que je produis, à un égal prix de revient: alors il y a équation entre votre travail et le mien: nous sommes égan et l’équité existe; la justice est coisomtuée: l’échange est ce qu’il doit être: jI n’y n plus d’exploitation dc l’homme par l’homme : excepté pourtant au cas où vous seriez investi d’instrutuens de travail par la société, ou par le fait traditionnel, tandis que la même immunité, le même don, me serait refusé totalement. 
Mais pour cela, et dans ces limites mêmes, il faut que toute prôduction ait sa destination certaine, opportune; que l’échange soit connu, convenu et en quelque sorte consommé d’avance ; que la valeur respective, comparée, des produits échangeables, soit déterminée par un tiers désintéressé : toutes conditions qui supposent absolument la présence d’une institution publique, d’un centre régulateur et pondérateur des relations économiques, lequel serait rémanation directe des intéressés et resterait incessammentdans leur dépen. da’ice. 
En résumé, si la société abolissait l’usure sous tontes ses formes, elle serait conduite moralement et logiquement à l’abolition de l’échange arbitraire, individuel ou Corporatif, afin d’y substituer, au moins, l’échange socialensent arbitré. 
Si la société veut que nul ne soit frustré du produit de son travail, si eba 
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cnn eSt intéressé à échapper au guet apens de t’échange anarchique, il n’est qu’un expédient aussi sûr et efileace qu’il est simple: il faut taire intervenir a juste appréciation d’un tiers-arbitre-désintéressé, aymit caractère public, c’est-à•dire mettre la société entre le producteur et le consommateur, entre le vendeur et l’acheteur, en un mot, introduire le souverain ou l’Etatpeuple, par ses mandataires exprès, (Tans tout pacte d’échange. 
Il y a plus, en suivant la logique de l’égalité et du droit jusqu’où ele nons mène, nous retombons dans l’ordre des argumens qui nous ont fait poser ail. leurs comme l’un des principes les plus incontestables de la science sociale, « qu’une chose, un produit, n’est point la propridtd absolue de celui qui l’acrdé. » 
Quant à la production libre et anarchique, et au choix libre de la fonction, on prouverait facilement, en suivant le même principe: ne pas faire tort à son prochain, ne pas voler, ne pas refuser à autrui les conditions et les moyens extérieurs de son pertectionnement moral et physique; on prouverait, dis-je, que cette double faculté (ou licence) (loft être interdite comme portant direc tement atteinte à ces principes fondamcntaux de morale, d’équité et de jus. Lice. De là donc, la légitimité de ramener tout producteur à l’état de fonctionnaire public, toute spécia!ité, tout travail, toute industrie à une fonction sociale, dont la délégation ait lien sur preuves d’aptitude et dc forces relatives, constatées par le mode des examens et des concours. Qui ne sait aujourd’hui, de sa propre expérience, que par la rivalité, la compétition ou la concurrence arbitraire dans la production, 00 Peut déprécier la valeur du travail d’autrui jusqu’à l’anéantir, puisque le trop plein n pour effet d’empêcher une partie des producteurs de vendre leurs produits. 
Lorsque vous produisez sans vous être entendu avec vos semblables, que faites-vous P Vous commettez un acte qui vpus causera, à vous ou à eux; un dommage extrême; car produisant tous, à tâtons, en aveugle, il est impossible que l’ensemble de chaque espèce de produits ne reste pas en-deçà ou ne s’élève pas au-delà de la quantité nécessaire à la satisfaction des besoins; que par conséquent il n’en résulte pas des désastres, des mécomptes, de l’inquiétude, des sonifrances et des privations chez les uns ou chez les autres. Le double emploi, le gaspillage, la complication des ressorts, sont ici inévitables et imminens. 
Si Je travail est individuel, la liberté doit lui être garantie : S’il est collectif, la société en doit régler les modes Or, l’expérience quotidienne, universelle, en constate le caractère essentiellement collectif. Il est évident que chacun travaille pour la sociCté. non pour luI-même; cii ce sens que si la récompense ou la satisfaction de ses besoins est son but, les produits de son activité, la nature de sa création lui sont imposés par les besoins de la société, et ses pro.. duits sont consommés par elle. Le grand fa!t de la division du travail n’a pas un autre sens. 
Comptez si vous le pouvez, combien de vo!ontés et de bras ont concouru â la création de chacune des matières premières de votre industrie, de votre production, et convenez alors que ce que vous appelez ainsi votre produit,, n’est pas vôtre mais nôtre. Ii nous appat tient pour une part autant qu’à vous, et tout bénéfice que vous feriez sur l’échange ou la vente de ce produit, au-delà de la part d’activité ou de vraie valeur que vous y auriez mise personnellement, nous appartiendrait proportionnellerient tout comme à vous, si jamais un tel complément de bénéfice pouvait être légitime. 
Oui, la valeur, étant toute humaine, elle doit se déterminer par la pré. voyance et l’équité humaines, non par l’intervention d’une aveugle fatalité sous le nom de rapport de l’offre à la demande. Qu’importe la demande! Disposez la production pour que nul ne produise qu’à coup sûr. De toute évidence, si le travail est sacré, personne ne doit travailler en vain, c’està-dire produire sans être certain d’échanger ou de consommer, — Tout produit doit avoir 
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d’avance son débouché et la certitude de sa légitinie récompense. Or, eda est 
impossilsie avec une production aveugle et licencieuse, avec un échange 
arbitraire, et même avec une consommation abusive et irrégulière. 
Il faut ici l’intervention permanente d’un centre désintéressé, qui représente la prévoyance et la justice sociale, ou le Peuple souverain ; une institution ou magistrature epressc, émanation pure du suWrage universel. 
Pour nons, la valeur normale est tout à la fois dans la nature ou le genre de produits, dans la quantité et la qualité du travail; — et le seul juge de la quantité et de la qualité du travail, c’est l’Etat-Peuple par ses arbitres. L’esti— mation ou détermination de la valeur est donc un acte tout moral, une déterluination toute conventionnelle, de l’ordre des choses purement spirituelles et impondérables t ce qui nous indique jue le souverain doit ici intervenir constamment et toujours avec sa prévoyance et sa moralité. 
Partout, quand on poursuit une oeuvre collective, on se divise la besogne, on se distribue les fonctions; et dans la production des pins indispensables richesses, on n(gligeraitcesoin, ce devoir! Il faut être rouitté par les préjugés, pour le prétendre! — Mais se diviser la besogne, se distribuer les fonctions, c’est ez d’autres ternies reconnaître que le travail est collectif, que la production ne peut être libre; que l’unité, l’accord exprès, la relation, la pro. portionnalité, la mesure, en sont la forme ou la condition normale. 
ê La division une fois dtablie dans toutes les branches du travail, il n’y 
a qu’une partie extrémement petite de toutes ces choses qu’un homme 
puisse obtenir directement par son travail; c’est du travaji d’autrui 
qu’il lui faut attendre lu plus grande partie de toutes fes Jouissances. f 1’ 
— Cette observation (le SMrru, bien interprétée, conduit à notre conclusion : I Dès lors, la production, l’dcltange, lu vente, doivent être organisés; les proeluc4eurs et les consommateurs doivent s’entendre; la production doit dire subordonnée à la consommation, l’offre à la demande; et toute production intempestive ou aveugle est condamnable comme mi crime de lèse- activité ou de lèse.trsvail de l’homme. 
Il en est de même de la consommation libre. Si chacun se livre à des consommations désordonnées, irrégulières, à des fantaisies et à des caprices de goûts aussitôt passés que venus, le résultat final sera pour tous identique ii celui qu’engendre une production aveugle ou anarchique. Nul n’aura la probabilité de satisfaire ses besoins en temps opportun, il y aura :surabondance ou rareté, tantôt d’un produit, tantôt d’un autre; et les privations, les mécomptes, les ruines, et toutes les immoralités inséparables des perturbations de fortunes et de conditions, seront en permanence. 
Evidemment ce sont là autant de licences qui s’opposent pour chacun à la jouissance des conditions de son développement moral et physique, et par conséquent en opposition avec le droit ou la justice distributive stricte. Cependant nous concevons un ordre économique où toutes ces irrégularités pourraient encore se manifester sans inconvéniens pour dautresque pour ceux qui en seraient les auteurs. 
Enfin le monopole individuel ou corporatifdes terres et des autres instrumens de travail ne peut pas davantage échapper à la proscription, si l’usure est elle- même condamnable et abolie: car l’assimilation de ces deux grands faits économiques devant la morale, le droit et l’égalité, n’est pas moins certaine. 
Dans le fait de l’appropriation exclusive du sol et des capitaux on reçoit infiniment sans rien donner en s’approprie lion pas les produits du travail d’autrui, mais les instrumens du travail collectif, la source vive, la condition primitive (le toute richesse matérielle. 
La matière, la nature est un don gratuit que Dieu a fait en commun à tons les membres du genre humain ; et le plus grand tort qu’on puisse causer à son prochain dpns l’ordre économique est certainement de lui ravir sa part de cette 
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grande immunité de Dieu à ses enfans. Par là, on l’exploite, on le refld esda 
ve, on le met très nécessairement dans la dépendance on lui cnlève ou les produits de son travail, ou, ce qui est pis, la garantie de sou droit au travail, partant la garantie de sou droit de vivre, la possibilité dese développer et dc fournir sa destinée. 
Mais ce n’est pas tout: que fait l’individu lorsqu’il vient fouler un coin (le terre et s’en approprier les fruits spontanés? Il décide sans la société: il se fait centre unique, souverain tout-puissant de la nature et (le l’humanité. 71 s’attribue ce qui ne lui appartient qu’en commun avec son prochain. Il va produire; mais avec quoi? avec la matière qui l’environne; mais cette matière est à tous indivisiblement; à personne en particulier: il Faut donc que :‘a société intervienne, et statue qui produira une chose et non une autre. — (1 va produire, pour qui ?non pas pour lui seul; car d’autres, en nombre indéfini sont là qui attendent la même satisfaction et qui y ont droit au même titre. il faut donc encore que la société intervienne; et dise quelle destination auront les produits de chacun, etc. 
L’appropriation individuelle des terres est un fait de barbarie que la moindre rétiexion nous porte à condamner. Dès que nous nouv mettons en société, nous nous devons l’assurance mutueile; et le fonds social noua devient cmiiiniun, à la seule condition que chacun remplisse ses engageniens. — Ou vivons entre nous comme des loups: homo homini lupus; et alors l’appropriation set u précaire, sans attrait et sans garanties ; — ou entendons-nous, et arrangeons toutes choses, de telle sorte que chacun, moyennant travail et probité, participe directement ou indirectement à la propriété du sol sur le pied d’égalité avec tous ses frères. 
C’est un grand mal sans doute, et une grande injustice, que le possesseur d’une terre, d’un instrument de travail, le préte indéfiniment à intérèt, n’est- à-dire le vende toujours sans jamais le livrer, et en reçoive des milliers de fois le prix; mais ce n’est pas un moindre niai et une moins grande injustice qu’un homme quelconque monopolise plus ou moins longtemps cette terre, cet instrument de travail, à l’exclusion du reste de la société, en fasse ut: 
usage arbitraire? IL est évident qu’il tient le reste de la société en charte privée. Rappelons-nous cette observation de l’économiste Rossr : La libre concurrence est exclue pour toute espèce de monopole. Il est évident que 
la possession de La terre, (les mines, des carrières, constitue un monodote; il n’y a pas Id de concurrence possible au-delà de certaines limites 
facilement appréciables. L’influence de ce monopole se retrouve plus ou moins dans toutes les productions possibles. » 
Reste une dernière et péremptoire considération : Le libre échange, la libre production, l’appropriation absolue de la terre et des autres capitaux sont à jamais incompatibles avec la garantie positive du droit au travail, c’est. à-dire du droit au crédit, à la fonction, aux conditions du développement moral e physique de-tous les citoyens sur le pied d’égalité. Là se trouve l’irrémissible condaflination de ces vieilles hases économiques des sodétés d’inégalité, de misère, d’ignorance et de despotisme. 
En résumé, après avoir aboli l’usure sous toutes ses formes, eût-on déterminé la loi de l’échange et de la répartition des richesses en fixant conventionnellement la valeur vénale de chaque genre de travail et de marchandise, il faudrait encore aller au delà, déterminer la loi de production, et la loi de la délégation des instrumens de travail. Or, on n’inféodera pas les lustra - mens, car il faut garantir mathématiquement à tous, les moyens de se donner les nécessités premières de la civilisation; ce que n’a jamais fait, ce que ne peut pas faire l’économie du monopole et du libre échange; puisque le travail est une valeur, une marchandise que les capitalistes, que les échangistes et les producteurs libres, déprécient à I’envi, et qui est toujours sous le coup de 
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chances qui peuvent non seulement ôter le salaire suffisant, mais tout travail, tout salaire absolument. 
C’est ici la, condamnation sans appel, de la liberté économiqac plus ou moins iUimitde. 
Ces principes sont ceux de Jésus-Christ. Le grand Socialiste condamne non seulement l’usure sous toutes ses formes, mais encore et au même titre J’échange arbitraire, h commerce parasite, la spéculation, la valeur vénale déterminée par la loi fatale de l’offre et de la demande, et des frais de produc tion, déterminés eux-mêmes par le strict nécessaire de la bête de somme; enfin, et surtout, l’appropriation individuelle, le monopole (le la fécondité de la nature, li anathématise ces vieilles bases de l’économie, totales ces formes de l’esclavage païen, non seulement du point de vue de la charité et (le la perfection, où il est le plus souvent placé; mais du point de vue du droit Strict OU de la justice cotircitive. 
Le Christianisme primitif respecte, comprend parfaitement le sens et la portée de la doctrine économique de Jésus-Christ. Les Pères, malgré l’incertitude ou la déviation de leur pensée à cet égard, conservent néanmoins de suffisantes traces de son radicalisme et peuvent encore être invoqués en faveur des vrais principes. Qu’il nous suffise de produire à l’appui de cette affirmation quelques formules non douteuses. Nous dirons une aitre fois l’uaterprétation trop accommodante à laquelle ils donnèrent cours dans la pratique, en acceptant avec troj de mansuétude les [qits accomplis. 
SAINT Carv, pape: La vie commune est obligatoire pour tous les hommes. L’usage de toutes les choses qui sont en ce monde n dît Cire commun à tous les hommes; mais, PAR INICUITIt, l’un a dit: Ceci est à moi! et l’autre: Cela tu’apparn tient! et ainsi la discorde s’est introduite parmi les mortels (1).. 
SAiNT AMIIROISE: « La terre n été créée pour être commune à tous, riches et pauvres. Pourquoi, riches, vous arrogez-vous le droit de propriété 1’ La nature ne . reconnaît pas de riches (2). o 
— i La terre ayant été donnée en commun à tous les hommes, personne ne peut 
• se dire propriétaire que de la portion qui suffit à ses besoins parmi les choses qu’il 
• a ravies au fonds commun, et qc’il n’a obtenues que par ta violence (3). » 
— « La nature fournit en commun tous les biens à tous les hommes. Dieu e ‘créé 
o toute chose afin que la jouissance en fût commune à tous, et que la terre devînt la 
• possession commune de toss. La nature a donc engendré le droit de commu» ,tauté; c’est l’usurpation qui a fait la propriété privée (4). n 
SAINT GRIlGOIRE na Nvssa: oU eût été R!EILREUR et nus £tasTE, puisque nous 
• sommes tous frères et unis par tes liens du sang et de la nature, que nous parla- 
• geassions tous également cette hérédité; mais puisque cela n’a point été fait, et 
• qu’un plus ou moins grand nombre se sont emparés de la plus grande partie de 
o cette succession, il est raisonnable qu’il en reste au moins une part aux autres, et 
» qu’elle leur soit distribuée. Que si un seul veut se rendre maître de tout le bien, le 
o posséder tout entier, exclure ses frères de la troisIème ou de la cinquième partie, celui-là n’est pas un frère, mais un tyran inhumain, un barbare cruel, ou plutêt une bête, farouche dont la gueule est toujours ouverte pour dévorer elle seule toute 
• la nourriture des autres (5). n 
SAINT BASaLE: o Vous me direz: A qui ai-je fait tort si je retiens et conserve ce p qui est à moi? Et moi je voits demande quelles sont les choses que vous dites être 
(1) Saint Clément. — Dans ilardouin: Coizciliorum COllCCtiOn t. int’, p. 61 et O2 Clementis papie eplstola IV et V. 
(2) Saint Atnbroise. — De Nabuthe, eh. I, 2. 
(3) Idem. — Sermen., 64, lu Lue; cap, 16. 
(4) Idem. — De officiis ministrorum, liv. 1er, eh, 28. 
(5) Saint Grégoire de Nysse. — Oratio de beneflcentid. 
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à vous. Vous faitescomme un homme qui, étant dans l’amphilhéâtre, et s’étant 
bâté de prendre les places que les autres pourraient prendre, les voudrait tous empècher d’entrer, appliquant à son seul usage ce qui est là pour l’usage de lou C’est ainsi que font les riches; et s’étant mis les premiers en possession des choses ccmmunes,s’en étant emparés, ils les transforment en propriétés parti— » culières; car si chacun ne prenait que ce qui lui est nécessaire pour sa subsistance, n et qu’on donnât le reste aux indigens, il n’y aurait ni riches, ni pauvres.. Dites- 
moi, je vous prie, celui qu’on doit estimer avare? C’est celui qui n’eit pas content n de. ce qui doit lui suffire Quel est cglui qu’on doit regardéc comme un roleur? 
C’est celui qui s’approprie à lui seâl cc qui est à plusieurs particuliers (I). » 
Szsv tiuécoiaz-aa-Gaa.to: C’est en vain qu’ils se prétendent innocens, ceux n qui se fout une propriété privée du don commun de Dieu » 
SAisv Jr-CaRvsosTôME: Voici l’idée qu’on doit se faire des riches et des n avares : cé sont des vokrnv qui assiégent la voie publique; dévalisent les passans, 
et font de leurs demeures des cavernes où ils enfouissent les’bicns d’autrui (3). 
SAINT Jéadasa: Toutes les richesses proviennent dc l’iniquité, et l’un ne peut n trouver à moins que l’autre ne perde. , — C’est dire clairement qu’on ne peut s’approprier les insirumens de travail qu’au préjudice formel dc son prochain (4). 
Siner AucusFIN: n C’est PARCS US la propriéti individuelle existe, qu’il existe n aussi des procès, des inimitiés, des discordes, la guerre entre Jes hommes les 
émeutes, des dissensions, des scandales, des péchés, des iniquités, des homIcides. n D’où vient tout cela? Uniquement de l’appropriation individuelle. Est-ce que n nous avons jamais disputé à l’occasion des choies que nous possédions eti cent- 
mua (5)? n 
ORGMilSÂTION DU CÂYITOL 
PRIÊRI PAHTF» 
L’importance capitale de ce sujet, est avouée de tous. Réformer le système administratif dans le sens de la souveraineté du peuple, c’est protéger la liberté et démocratiser les paysans; c’est perfectionner l’économie, c’est multiplier, accélérer les relations, simplifier les formalités, épargner le tempi, garantir la justice distributive, c’est enfin donner au nouvel élan de la civilisatIon, l’une de ses premières cottilitions, et à l’organisation du travail ses premières assises, ses larges bases. 
S’il fallait produire un fait saillaut et tout actuel en faveur des idées que nous. allons exposer, iiods le trouverions dans la persistance des ennemis de l’émancipation prolétaire à concentrer autour du clocher communal toute la vie politique, tous les actes de souveraineté du peuple-paysan, avec l’arrièré pensée de mieux mattriser la gent corvéable, mise ainsi sous l’immédiate tutelle des notabilités de village. Voyez quel intérét la majorité, composée dqs débris de tous les partis rétrogrades attache, chaque fois que l’occasion s’en présente, à faire fabriquer quelque décret qui concentre toute l’activité politique dans la petite commune, et permette d’éluder l’élection au chef-lieu de canton 
Quelle est la mission du Socialisme? Que vient-il faire? Extirper railica (I Saint Baille. — ilomil. deavaritia, 1. 1. 
(2) Saint Grigoire-le-Grand. — Pastoralis curm, part. 3, admonit. 21. 
(3.I Saint Jean-Chrysostôme. — De Lczzaro eoncio, 1, 
(4) Saint Jérome. —4 hedibia. 
(5) SaInt Augustin. —55 du In Psalmum cxxxi, enarratio. 
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lement, ou diminuer considérablement la misère et l’ignorance, l’inégalité des 
conditions de développement intellectuel, moral et physique; offrir à tous les moyens spirituels et matériels de s’éclairer et de s’enrichir, de se donner avec de la bonne volonté, le bien-être, la liberté, le bonheur; on, ce qui résume tout, le Socialisme vient réaliser l’égalité des conditions, le droit au travail, à la fonction, et à toutes ses conséquences immédiates,c’est-à-dire clore la flévélution française; car la Révolution n’aura son issue que lejour où la reconnaissance et la consécration de ces principes sera un fait universellement accompli. 
Produire et consommer davantage, mieux, u meilleur marché, et cela indéfiniment; distribuer et le fardeau et le bénéfice (le plus en plus équitablement, faciliter à tous les moyens de Droduire afin de consommer en proportion, et les moyens de consommer à la condition et ahn de produire en proportion. Voilà les grandes fins de l’économie; les conditions du bien-être et de la concord, générale; l’incompressible instinct du peuple des villes et des campagnes. 
Que manque-t-il en effetan peuple, aux campagnes surtout? II leur manque la vie intellectuelle et morale: l’ignorance les retient dans un état voisin de la bayharle. Il leur mangue les Instrumens de travail, le crédit, la connaissance des débouchés, celle des ressources générales. Non seulement le débouché des produits de leur travail n’est point accessible a tous, ou ne leur est point garanti, ni la bonne et équitable vente de ces produits quand elle a lieu; mais encore la science et l’art, l’aptitude es la capacité du travail; mais encore le travail, et ses instrumens, font défaut à la grande majorité de nos ouvriers et (le nos paysans. 
Il faut donc porter, même au village, et au village plus qu’ailleurs, la faux qui tranche, la hache qui coupe, la pioche qui déracine et la charrue qui prépare. 
Mais que sera la commune? quelle doit être l’étendue de son territoire; quel, le chiffre môyen desa population?. 
II y a trois combinaisons bien distinctes: 
1° Ou consacrer l’état empirique actueL des circonscriptions municipales; faire une commune, ayant sa vie à part, de toute agglomération de familles telle que l’aura donnée le fait ou le hasard, sans égard au nombre d’habitans, à la surface du territoire,et sans rechercher si un tel isolement et un tel milieu sont compatibles avec le hien•être, la sécurité, l’indépendance et le perfectionnement des populations. 
2’ Ou supposer que l’état normal d’une commune exige la réunion uniforme d’un nombre moyend’individus (hommes, femmes et enfans), comme 1,800 ou 2,000; en conséquence réunir sous une même municipalité les communes contiguès, jusqu’à concurrence de ce nombre; ou bien, abandonnant les villages épars d’aujourd’hui, former à neuf des communes compactes tout à fait conformes au modèle, 
3’ Ou prétendre, au contraire, quece nombre doit être beaucoup plus considérable, comme 10, 15 ou 20 mille habitans; et, sans rien changer aux agglomérations actuelles, en utilisant les villages tels qu’ils sont, faire de tous les chefs-lieux de cantons actuels, la commune unique, la municipalité de tous les villages dont se compose le canton, lesquels, dès lors, ne seraient plus que les annexes, les dépendances, et comme les quartiers de la communecanton. 
Le premier type de commune, tout particulier à l’état inférieur des peuples sauvages et barbares, est évidemment mortel à la civilisation. 
Le second n’est gubre plus compatible avec les conditions matérielles de la puissance, de la richesse et de l’essor moral et physique des populations. La médiocrité de l’agglomération, dans les deux cas, entraine les mêmes insuffisances. Le remue-ménage radical des populations, l’édIfication à neuf de non- 
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veaux illnges, et le transport officiel d’un nombre sacramentel d’babitaus dau 
es nouvelles communes, est Impraticable dès demain. 
Pour pénétrer dans le réel, il faut bien prendre les choses comme eils sont, non comme elles devraient être absolument aux yeux, d’un système. 
Le troisième est le seul qui nous paraisse répondre aux exigences et à l’état actuels de la société Il est facile d’en produire la preuve. — Cependant nous avons à Ihire des réserves; dans notre pensée, les petites agglomérations ssr une lieue carrée ont leur sens et leur valeur; elles ne doivent pas disparaître, mais seulement se raccorder intimement à un centre cantonnaI qui accroisse leur puissance politique et leur prospérité matérielle, tot en corrigeant les inconvéniens (l’un fractionnement et d’un isolement qui auraient les plus funes. tes résultats pour la civilisation et la liberté, s’ils continuaient d’être absolus : ni isolement, ni absorption; mais vie particulière ou conimunale, et vie cantonale, harmonisées. Voilà la réalité future: l’unit&viUage ne perdra donc pas son individualité sociale: 
De ce point d yue, et dans ces limites, nous croyons que l’idée de faire de chaque commune-village de î,200 à l,OOO âmes, un tout social et économP,que, une association typique, est vraie, féconde, impérissable, et doit, tOt an tard, se combiner étroitementavec la conception du canton-comlsune dont il va être question. 
A cet égard, l’administration municipale centrale, et les douze municipalités d’arrondirsement, dé la ville de Paris, sont un précédent de cette combinaison niixte qu’il est hou d’étudier; peut-être trouvera-t-on que l’administration de la conimunecantun pourrait un jour se calquer sur ce modèle, que l’on devrait gerfectionner pour l’adapter à une circonscription rurale, fragmentée par d’as— sez grandes lacunes ou distances entre Les habitations; et pour dQnner au conseil municipal central, et au maire-préfet, toutes les attributions que réclanie. l’&mité. 
L’une des plus saines et des pins facondes idées de la science sociale moderne, ça été de faire un petit monde organisé de chaque commune et de chaque groupe de communes ou du canton; c’est—à—dire une grande associatiun où soient cumulées et simultanément exploitées l’agriculture, la manufacture, toutes les sphères de l’activité humaine; où soient réunis toutes les conditions de sécurité et d’économie, tous les élémens de civilisation et de perfectionnement, 
C’est, en effet, dans la commune et le canton qu’il faut concentrer l’action orgnisatm’ice du Socialisme, à quelque école qu’on appartienne. Si l’on petit vUfférer sur les moyens et sur la loi des rapports, on ne peut différer surie licit ou cercle primaire et secondaire de l’organisation du travail et de la société. 
Constituez à l’état normal nue commune et un canton. Dès lors il ne s’agit plus que de multiplier le spdcimen, la commune et le canton modèles, et de in tirer, en quelque sorte, à autant d’exemplaires qu’il y a de circonscriptions analogues en Frane; puis de mettre le lien, le concert, l’unité ou l’harmonie entre tous les cantons d’un département, to1s les départeinens (l’une nation, ou nième dQ m’attacher directement tous les cantons au centre directeur etgoutvernemental de chaque ntition, lorsque le sol en sera sillonné de chemins de fer; et vous aurez un organisme simple et puissant, tel que l’exige un progrès 4ndéfink 
Aucun moyen transitoire ne peut tenir lieu de cette action et de cette organisation initiale: une banque d’Etat, par exemple, et toutes les instii.. ‘tions de crdic possibles, ne feraient que de l’anarchie, si elles ne posaient pour condition à, leur commandite, à leur escomptes, etc., l’obligation de réaliser l’unité économique des adhérens de la commune-canton. 
Il éxiste un. parallélisme constant entre l’exiguité d’une localité, du nombre de ses habitans, et sou degré d développement, on son état de luzière, de richesse et de civilisation. Plus les agglomérations sont grandes, t 
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plus il y n de mouvement, de génie, d’itweptioas et d’entreprises; plus on y 
trouve toutes Les institutions que réclament l’extension du crédit, l’accroisse. ment des richesses, la diffusion des lumières, enfin les progrès de la liberté, de l’égalité et de la concorde. 
Nous avons, en Frauce, 87,252 communes dont 27,372 comptent de 300 
à ,500 âmes ; 8,012 de ces communes atteignent à peine lechiffre de 800 hahi. 
tans. Puis viennent 8,778 communes qui comptent chacune de 1,500 k 3,000 
ûwes; et 1,059 autres de 3,001 à 20,000; parmi lesquelles, 52 communes 
comptent 15,000 âmes, et 24 autres, 20,000, — Il y a en outre O communes 
à 30,000 habitans; 8 à 40,000; ûà 50,000; et 9 au-dessus dc 50,000. 
Eh bien I la première catégorie offre, en quelque sorte, la queue de la civilisation; la deusième, l’état moyen ou le corps; et la troisième la tête et le coeur. 
L’étendue et le nombre des circonscriptions administratIves, économiques et politiques, est un fait essentiellement mobile; progressivement dépetidata du degré de perfection des moyens de transport, des relations morales des individus et de la somme des richesses, 
Chez les antropophages, entre gens qui sont loups et tigres les uns pour les autres, et même davantage puisqu’ils s’entre-dévorent, il s’agit bien de se fondre en communes ou tribus de quelques familles! à peine est-on relié à l famille. Comment penser à l’union, lorsqu’on ignores’il existe d’autres hommes, te lieu où ils sont;, lorsqu’on n’a pas même de chemin pour communiquer, et que la crainte, la haine, la fourberie, l’hostilité et la cruauté florissant, incontestées. 
Chez les sauvages moins informes, c’est beaucoujx que d’avoir une ombre. d’ordre et de communauté dans les vagues et rares relations des familles., Toutes les petites hordes se croi.ent entre elles des ennemies-nées. On se per.. uade que l’isolement est dans l’intérêt bien entendu de la tribu ou du clan. Comment ici encore penser à se sauver par la solidarité, la réunion, lorsqu’on. en est au rudiment, à l’alpha.bet de la science, de l’amour et de l’industrie, lorsqu’on ne sait qu’à peine se reconnaître et se nommer, qu’on ne songe qu’à vivre? Comment se conduire en homme quand on est encore animal? 
Chez les Barbares,on commence à faire connaissance avec ses semblables dans un rayon assez étendu; mais avec ses voisins tout ce qu’on peut entre.. prendre, c’est de se relier par cotnmwzes à peu près comme nous le voyons. encore, et à s’y cloltrer comme dans une forteresse. 
A l’état européen ou civilisé, les lumières, les sympathies, le développement de. l’industrie et la somme des richesses, sont à ce degré juste où l’on peut et où l’on a intérêt direct et pressant ‘n étendre le rayortde la communauté admi. nistrative, et de la vie municipale et politique. 
Le moderne perfectionnementdesvoiesde communications et de transports, à. lui seul,, rend facile, et inévitable comme la fatalité, la destruction de la petite municipalité villageoise, du petit monde solitaire des temps féodaux; ainsi que la suppression de la circonscription par arrondissement, voire. même la circonscription par département. 
A quoi les villes doivent-elles, en majeure partie, leur plus grande civilisa.. tien, leurs lumières, leur netivité, leurs richesses? A l’agglomération infiniment plus nombreuse des individus, à la proximité ou contigulté des habitations, au contact, à la perpétuelle et facile communicatiowdes personnes et des intel. ligences; ‘n l’administration unitaire d’une grande population, et d’intérêts innombrables; à ‘la solidarité relativement plus intime ou étendue qui s’en gendre de tant de transactions et de relations incessantes. 
Il n’est pas bon, dit-on, que l’homme soit seul: ajoutons, ni le village. Une commune, fût-elle de 12 ou 1800 habitans, ne peut se suffire à elle-même. Tout le mal de nos villages est dans leur isolement: car l’isolement c’est rignorance, 1’impuissance, la misère, la barbarie, 
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Pour être riches, éclairés, heureux enfin, nos villages doivent s’associer, se 
relier; que dis-je! se réunir et se confondre en une seule municipalité dans çhaque canton. 
Voyez-les, ces pauvres oasis des nations civilisées: on y peut à peine réunir quelques cents francs pour subventionner un pauvre instituteur chargé d’enseigner.., quoi? Juste ce qu’il faut pour ne rien savoir; et tout le reste à l’avenant! — Dans l’état actuel de leurs richesses, et quel que fût le progrès de leur industrie, il faudrait des siècles avaut qu’ils pussent se donner, chacun son lycée ou son collège, son académie et sa bibliothèque; ses savans, ses artistes et ses cours publics; sa banque et son comptoir, ses bazars, ses entrepOts, ses halles et ses boutiques; ses journaux et ses annonces; sa faculté de médecine et ses pharmaciens; — son sous-préfet, son tribunal, son receveur et son payeur des finances, son administration d’enregistrement et d’hypothèques, son adminisaration des travaux publics... 
Cependant tous les pères de familles de tous les villages de France comprennent que ces choses sont grandement désirables : il n’en est pas un qui ne fût en admiration devant une pareille métamorphose, si elle se réalisait à moitié de son vivant! 
Paysans! vous êtes dans vos villages quelque chose comme autant de tribus sauvages dans leur cabanes, circonscrits par un désert, étrangers au reste de la nation ,et ne communiquant avec les autres hommes qu’à de rares intervalles, au prix de lenteurs et de peines infinies. Vous ne pouvez sortir de vos langeà du moyen-fige: vous n’obtenez ni crédit, ni savoir, ni protection ni encouragement; — vous ne pouvez vous donner des routes faciles et promptes; 
— vous ignorez les débouchés, les ressources, les besoins, les procédés éconoIniques, les bonnes méthodes de culture; la lèpre de l’usure vous ronge, sans que vous songiez à invoquer le remède; comme si vous demeuriez persuadés qu’il n’en existe pas. — Vous portez une à une vos marchandises et denrées à la ville voisine; et chargés comme des bêtes de somme vous multipliez inutilement vos efforts, sans jamais réfléchir que l’union fait la force, et que se prêter le mutuel appui de ses instrumens aratoires, de ses charrues, de ses granges, et associer tout cela instrumens de travail; intérêts et efforts; terres et capitaux; c’est faire tout bonnement ce que dicte l’intérêt bien entendu, positif, immédiat, des faibles et des forts, des riches et des pauvres. 
C’est pourquoi votre vie reste engourdie comme celle des races les plus retardataires. Vous ne vivez pas; vous végétez dans les ténèbres de l’ignorance et les privations de la pauvreté. — Vous tremblez devant votre maire ou votre curé; vous dépendez, la plupart, des gros fermiers de L’endroit, qui, euxmêmes, dépendent des gros propriétaires-bourgeois, lesquels vous font à tous la loi par le prût à usure sous toutes ses formes. — Le tribunal et les cours criminelles, les avocats, Les notaires, les avoués, le gendarme, et le porteur de contrainte, vous tiennent dans une crainte et un respect dignes de la superstition égyptienne et indoue.Vous savez si la justice coûte cher; et vous n’ignorez peut-être pas que vous êtes toujours en fait, sinon en droit, des sujets, tandis que vous devriez être depuis cinquante ans, des citoyens, des membres iniluens du souverain; les malts-es de vos destinées. 
Or, pour devenir citoyens, c’est-à-dire des hommes libres, égaux et possesseurs, il vous faut transporter la mairie, l’école principale, le siége de votre pauvre village, où sont déjà le juge-de-paix, le notaire, le receveur de l’enregistrement, au che[-tieu de votre canton; puis ajouter à cette salutaire et féconde centralisation, tous les autres élêmens de vie, de développement et de sécurité, dont l’énumération principale viendra tout à l’heure. 
La science sociale vouscrie donc.: Voulez-vous introduire dans vos campe gnes tous les élémens et conditions de la civilisation urbaine; les lumières, l’esprit public, l’iadépendance politique, l’aisauce, la splendeur et le confortabe, l’art l lacienc des villes de deuxième et troisième ordres? —Voulez-vous èc-bap 
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per à l’esprit étroit de localité, au despotisme de clocher, à la tyrannie de 
vos grandesses municipales, à l’esprit de coterie, à la coalition des gros bonnets; donner une instruction solide à vos enfana et créer une justice désint. ressée; amener les chemins de fer dans vos quartiers; en un mot faire de chacun de vos villages une ville ou un bourg; et vous doter de toutes les institutions propres à accélérer votre perfectionnement moral, intellectuel et physique ° Vous le pouvez par un seul expédient, une seule mesure, qui n’a rien d’utopique, d’étrange pour vos moeurs, ni de dispendieux, ni de .pénible. 
Quand viendra, dans moins de deux années, la révision de la Constitution, envoyez (les représentans fidèles exécuteurs de vos volontés; et par eux, la Constitution étant modifiée en ce sens, transportez la commune, c’est-à-dire la municipalité, le centre administratif, économique, social et politique, au chef-lieu de canton, qui sera comme la place publique, ou le forum de votre grande ville-campagne de i5 ‘n 20,000 âmes; et composez-le de dix à quinze villages qui en seront dès lors comme les divers quartiers ou les faubourgs. 
La distance de chaque village au chef-lien de canton, lequel doit être central,, sera largement rachetée par des voies de transports plus rapides et plus parfaites. 
Par cette réunion en faisceau de tous vos hameaux, de tous vos médiocres villages; de vos intérêts, de vos idées, de vos seatimens, de vos volontés, vous recueillerez avant peu une prospérité, un essor moral et matériel inouis; vous serez une puissance politique avec laquelle il faudra bien compter, des citoyens réellement actifs et émancipes. 
Grâce à cette réduction de toutes les communes d’en canton en nue seule, le centre d’arrondissement ne sert plus désormais qu’à relier six, huit ou douze cantons-communes, en moyenne neuf.— Dès lors, il devient superflu; et il faut le supprimer comme un intermédiaire parasite entre les communes. cantons et la préfecture. Il est évident que le centredépartensentalsulUt largement à relier directement les communes-cantons de sa circonscription, qui ne sont plus, en moyenne, que de trente-deux. 
Les sous-préfectures actuelles ne pourraient donc que ralentir, empêcher l’expédition prompte et éclairée des affaires; qu’amortir l’action, de l’admiiijstratiou, que mettre obstacle à l’arrivée opportune des griefs, des besoins ou des voeux des populations, au centre du département. 
Tci encore, la question des distances n’en est plus une, depuis que les cheiins de fer sillonnent toutes les grandes artères de notre circulation intétieure. 
Il y a plus, la circonscription départementale elle-même, si demain les clicmins de fer’ étaient établis partout où ils doivent l’être, ofi ils le seront un jour, deviendrait peut-être, comme tout à l’heure la circonscription arrondissenientale, un intermédiaire inutile: d’auxiliaire qu’elle est aujourd’hui, elle serait devenue obstacle. — La disparition de cette circonscription n’est donc qu’une question de temps. — Unjour sans doute, chaque canton se trouvera relié directement à la capitale; mais auparavant on essaiera peut-être d’un srstème intermédiaire qui consisterait à grouper les deux mille cantons par cinq cents, sons quatre grandes circonscriptions secondaires d’Est etd’Ouest, de 1ord et de Sud; toutefois, nous ne le conseillerions pas. 
Au lieu d’un sous-préfet, ayant des rapports directs avec tontes les comhrnnes de ses sept ou huit cantons, ce qui fait en moyenne quatre-vingt-seize coin- malles administrer à part, supprimez celui-là, et créez autant de sous-préfets on même de préfets, qu’il y a de comniune-canton ; et votre administrateur n’a plus que douze communes en moyenne à gérer : alors on conçoit qu’il 
sou action soit désircbie puisrjtt’cllc peut êLr opportune, 
cEcb’eer saiut.awe. 
— — 
Alors encore, les communes ainsi réduites, et l’arrondissement supprimé, la 
préfecture, tant qu’on la réspecte, n’a plus que treatedeux communes-cdntons à administrer. — Or, de telles communes sont assez puissantes, assez habiles pour faire valoir leurs droits, et faire connaltre leurs besoins. fi y o, d’ailleurs, garantie de publicité t en un mot, ces communes sont des villes par l’importance; elles sont donc appelées à jouir des avantages des villes. 
L’un des principaux résultats que nous cherchons dans cette réforme admi. nistrative, c’est la suppression d’une multitude de fonctionnaires parasites qu’exige ce fractionnemeqt des municipalités (le Fronce en trente•sept mille villages. Grâce à la cominnne-canton, le personnel des municipalités sc trouve réduit, pour bon nombre de ses rouages, dans la ProPortiOn de trente-sept mille à deux mille. La propôrtion ne fût-elle que de moitié ou d’un tiers, il faudrait encore s’en applaudir. Par exemple, il faut aujourd’hui trdntesept mille gardes-chamPêtres: dans la nouvelle circonscription, quinze mille suffiraient largement. — C’est le propre de l’association, sous qucique forum qu’elle se produise de réduire considérablement’ les rouages, les lbrmatités, les frottemens. Qui dit association, dit économie et puissance. Or, Le canton- commune n’est pas antre chose qu’une vaste association, administrative et pofltique, base, et réceptacle en quelque sorte, de tous les autres modes d’asso— ciations. 
Par toutes ces raisons, nous proposons de transporter la municipalité de tous les villages d’un même canton au chef-lieu- de ce canton s’il est convenablement placé; et de modifier uniformément la ciréonscription et la population de chaque canton actuel, de telle sorte qu’ils réunissent tous de quinze s vingt mille âmes. 
Cette idée de faire du chef-lieu de Canton la commune Unique (le toutes les agglomérations qui le composent n’est pas nouvelle. Le législateur s’en était méme emparé à la fin de notre révolution, et en avait décrété l’application. 
Ainsi, le Directoire, par la Constitution de reconnaissait la uécessit de cette mesure: L’art. 5, porte: Chaque département est distribué en c.s‘rosa, chaque canton en commune. »- — Les cantons conservent leurs cii’conscript’tops actuelles, t 
Voilà la suppression de la circonscription par arrondissement: fi n’y n 
que des cantons et des communes. Mais on va voir que les communes tuesmêmes, sont toutesrattachécs au chef-lieu de canton comme à leur véi’iiable et unique municipalité; et que la leur propre s’amoindrit d’auttint, poui u’è:re plus qu’une ombre de vraie commune. 
Art. 179. . Ily n dans chaque commune dont la population est inférieure à cinq mille babitans, unagentmunicipal etun adjoint. » 
Art. 180. « La réunion des agens municipaux de chaque commune, forme ta ,nunicipalité du canton, 
Voilà bien, par cet art, 180, Ies’chefs-lieux de cantons transformés en coin. munes ou municipalités de canton. 
Les petites communes, avec leur agent ou maire et leqr adjoint, ne sont plus que des annexes oudépendances de la municipalité cantonale centrale, laquelle est formée de leur représentation respective, — C’est plus qu’une fédération à ‘américaLne. 
il y n mieux : l’art. 178 porte: — « Toute commune dont la population s’é]ève depuis cinq mille habitans jusqu’à cent mille, a pour elle une seule administration. » — C’est être sur la bonne voie; mais s’arrètel’ à moitié chemin. 
— Pourquoi, s’il est bon de donner une seule admiui\tration à tôute p0. pulation de cinq mille à cent mille âmes, ne le serait-il pas (le n’en donner qu’une à la même population, non pas agglomérée et compacte, mais plus ou moins disséminée sur le territoire d’un canton? qu’est-ce qûe fait ici la distance d’une ou deux lieues, surtout de nos jours oû les chemins (le fer ont abrégé les distances cs cinq sixià:tc? 
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S’il est bon que cent mille habitans n’aient qu’une administration, la distance 
de quelques lieues ne peut rendre mauvais ce qui devient bon lorsque cette distance est comblée par le perfectionnement, l’accélération et la mutiplicité des communications. 
Depuis le Directoire, l’idée de réformer la circonscription municipale a toijours préoccupé les publicistes démocrates. Dans ces derniers vingt ans, les diverses écoles socialistes, en particulier le fouriérisme et Le communisme, ont remis en question l’étendue et l’économie intérieure de la commune. — Lamennais, dans son projet de constitution, divise le territoire de la flépubtique en communes et départemens. Chaque canton actuel forme une commune, La commune se divise en autant de sections que le canton ancien renfermait de communes. — C’est un acheminement vers la consbinaison que nous faisons valoir. Mais personne, que nous sachions, n’avait envisagé le sujet d’une manière aussi radicale que nous l’avons fait nousmême, avant un socialiste, le citoyen Ribes avocat, et surtout avant un journal mensuel qui paraissait dans les premiers mois de 1849, sous ce nom: Le Défenseur du Peuple. 11 y n entre les idées émises par ce journal, et les nétres, les phisgraudes analogies; c’est ce qui sera surtout sensible dans la seconde partie: 
DEUX1ÊEE PARTIE. 
L’une des mesures définitives les plus efficaces que puisse se proposer une assemblée nationale Socialiste, Consisterait en ceci: transporter au cantoncommune tous les élémens d’administration, toutes les conditions d’économie, d’activité, de crédit, de lumières,d’hygiène, que par un’ incompréhensible privilège, les villes ont jusqd’ici monopolisés. 
Ces éléniens et ces conditions sont: 
jO Un conseil (l’administration; 
20 Une administration del’dconomiespiritaelle ou morale, comprenant, comme branches plus ou moins distinctes, l’éducation, l’enseignement, l’instruction théorique et pratique ou professionnelle; — et les beaux-ars en général, ayant dâns Leurs attributions les fêtes et cérémonies pu. 
bliques; - 
o Une administration de l’économie matérielle, comprenant: les finances (Institutions de crédit, Banques et Comptoirs, etc.); — les EutrepOts, les Bazars ou . l’exposition publique des denrées et marchandises; — les Travaux publics, les Postes et les Transports, l’organisation du service sanitaire cantonal, etc.; 
4’ Une administration de la défeiue et de la répression, c’est-à-dire, la jus4 tice, la police et la force publique. 
5° Une administration de la publicité, ayant dans ses attributions: 
taire social ou statistique universelle; la rédaction et l’enregistrement des actes publics et privés, et un journal universel. 
Pour mieux faire comprendre le mécanisme administratif de la nouvelle commune, il faut dire ici que toutes ces administrations, on ces subdivisions d’administration, se rattacheraient comme dépendance on succursale, à autant d’administrations centrales correspondantes, ayant leux siège et leur lieu unie taire ait coeur de la Nation: Paris. 
Ainsi, à l’administration des finances dii cantoU-coninlime correspondrait, ‘u Paris, pour la face productive de cette administration, une Institution de crédit, nationale, embrassant et dominant toutes les communes-cantons dtt pays, et ayant dans chacun de ces 2000 foyers de production agricole, ina nufacturière et commerciale, des comptoirs dont l’office spécial serait de déverser le crédit sous toutes ses formes dans chacun des douze ou quatorze villages composant le rayon cautonal, bien entendu moyennant toutes 
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les précautions légales, matériels et morales, capables de sauvegarder la fortune publique. 
Cette institution, que nous invoquons depuis douze ans, serait décrétée ét consacrée par l’assemblée nationale, mise sous son haut contrôle, aprè avoir été é’evée à la hauteur des plus augustes et des plus inviolables institutions dé. mocratiques. Ses administrateurs pourraient être élus directement par un suffrage universel spécial; car çe caractère électif serait la garantie majeure du Souverain. Quoi qu’il en soit, nous entendons ici, comme nons l’avons toujours dit, :qu’elle serait à tout prix soustraite au bon plaisir des ageais exécutifs, présidens et ministres compris, à l’influence des majorités ou des minorités, à la partiaiké politique, au népotisme, etc. Bientôt donc, elle serait rangée par l’opinion dans la catégorie des Institutions à caractère neutre et indépendant, telles que la Magistrature judiciaire et la caisse des Dépôts it Consignations. — Il en devrait être de même de toutes les autres administrations sans exception, selon leur nature et leur objet. 
Parmi toutes ces administrations centralisées au canton-commune, il n’en est pas une qui ne soit décisive pour la prospérité ou la sécurité des travailleurs egricoles; et en général comme établissement préalable à toute organisation large et durable du travail national. Mais nous ne nous arrêterons qu’aux plus indispensables. 
Nous avons dit que dans chaque commune-canton, un agent dc la gérance exécutive nationale, un sous-préfet ou ménie un préfet, représenterait la puissance politique auprès de chacune de ces administrations locales, et seraft charg& de leur communiquer l’unité, de faire exécuter les lois, et (leviendrail l’intermédiaire obligé entre le canton-commune et le pouvoir supérieur départemental ou national. 
CONSEIL D’Duu(xSTa&TIoN. — A côté de cet agent, existerait la représentation directe de la portion de peuple composant le canton-commune, sous la forme d’un conseit central dadmintstration, émanation pure du suffrage universel; où serait appelé à siéger, par le vote populaire, un membre de toutes les sphères d’activité, de toutes les grandes corporations du travail scientifique, artistique, industriel et administratif du canton•commune. 
cê conseil, par l’étendue de ses attributions, par sa permanence, par sa composition, par sGn caractère électif,est quelque chose de mieux que l’Assenibille natIonale de la commune-canton; il est pour tous les intérêts de la petite République cantonale, mieux que ce que le conseiL d’administration d’une grande compagnie est pour les intérêts des actionnaires d’an chemin de fer. Car il est borné, limité d’un côté par ta volonté du Peuple de canton, dont le suffrage est toajours suspendu sur ses actes; etde l’autre côté, par la volonté de l’Etat.représentanr, dont l’agent surveille et contrôle les actes du conseil, pour vous les cas où ces actes tendraient à méconnattre les exigences supérieures de l’intérêt natiOnal ou collectif. 
Viendraient ensuite les administrations spéciales: 
ADMIrUSTaiTIOrI nu i.’ÉGONOMIE ouau : — Educat ion et instrwtian. 
L’fmpoetance de l’éducation publique, de l’instruction professionnelle, dii développement intellectuel, moral et physique des générations, est tellement décisive, qu’une société n’a rien fait pour sa stabilité, sa prospérité, oii bonheur et sa grandeur, tant qu’elle n’est point parvenue à élever tous sen membres à la hauteur moyenne des connaissances encyclopédiques de l’époque. — On admet partout la nécessité de cultiver les végétaux et les animaux, et grâce à nos soins assidus, il n’est pas une race domestique, pas une espèc4: 
de plantes potagères, agricoles ou horticoles, qui ne se soit rapidement perfectionnée depuis quelques siècles; — mais lorsqu’il s’agit de notre race humaine, de nos enfans, de notre postérité, de notre cultuLe et de notre erfeeLionnemeat à nous, hommes et femmes, nous hêsiton, .flo preoni 
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des moyens termes, nous temporisons, que sais-je; nous prétendons même 
que l’homme-peuple est une plante qu’il serait ou dangereux, ou inutile, ou trop dispendieux, ou ntwossinnu de cultiver!!! 
Et nous, nous vous le disons avec la rcience sociale allumez nu flambeau tians chaque commune-canton; installez-y de dignes représentans de la science et de l’art; amenez dans leur sanctuaire toite ha jeunesse du canton indistinctement de 10 à 16 ans; ne les casernez point en les internant comme (les soldats dansde grands bâtimens de pestilence utiorale et physique; mais rendez-les s’il le faut, chaque jour au toit domestique, an nfoyen d’omnibus pour chaque dépendance; et désormais, avant cinquante ans, vous avez métamorphosé le monde, en perfectionnant la nature humaine, en cultivant la plante sociale; car dès lors, chaque élève-citoyen comprend son untért bien entendu; il voit son bohheur rattaché à celui de ses semblables; il admet et pratique la solidarité, cette doctrine de salut commun; il veut l’association, parce qu’il veut le bien-étre, l’aisance, l’économie, la puissance; il veut le suffrage universel, il veut la République, il veut la justice, parce qu’il veut la liberté et l’égalité; il veut librement et incontinent tout ce que la science 
• signale, constate et conseille progressivement. Enfin, les citoyens sont égaux devant la loi civile et économique, car ils sont également développés; ils ont des aptitudes, des facultés, une activité également utiles à la chose publique. 
• Par l’éducation et l’instruction, vous serez dans l’agriculture ce que sont tous les chefs d’établissemens industriels et commerciaux; vous connaîtrez et pratiquerez les meilleurs procédés, les méthodes les plus avancées et les plus économiques; vous rejoindrez enfin l’état de civilisation et de prospérité dont jouissent les grands centres. Mais n’insistons pas davantage :11 n’est point uu’père de famille dans la cLisse la plus nombreuse et la plus pauvre qui ne bénisse une Réoublique qui donnerait à ses enfans le pain de l’àine, c’est- à-dire les moyens de se cultiver en se rendant au coUdge, à une lieue de leur village de naissance. 
AvtnNls’rnxrxoN DE i.i PUBI.ICLTÉ. — Inventaire sociaL — La statistique universelle, ou l’inventaire exact, continu, permanent, de tous les faits sociaux, est évidemment le préambule obligé d’une organisation quelconque du travail, et de la bonne administration d’une société. La prospérité de l’agriculture, de l’industrie et du commerce ne saurait plus faire un progrès sans que la connaissance à jour des faits économiques nationaux et étrangers en ait fait un 
elle-même. 
L’équilibre entre la production et la consommation, la juste et opportune répartition de la population laborieuse, la circulation opportune des produits, le succès des échanges, la demande et l’offre des personnes ou des bras, des choses ou des richesses, l’action éclairée, sûre, prévoyante du souverain, de ses représentans et de ses agens exécutifs à tous les degrés, sont ici directement en cause t c’est tout dite. 
La statistique doit avoir pour but de suivre et de constater tous les mouve— mens, toutes les pulsations et tous les changem eus de la vie individuelle et sociale; de tenir sans cesse à jour le grand livre des élémens constitutifs de la société. 
Le sol, a, à sa surface et dans ses entrailles, ses produits et ses habitans de toute nature, dans leur variété infinie, dans leur croissance et leurs métamorphoses incessantes, dans leur quantité et leur qualité, leur maturité, leor valeur ou leur rendement; dans leur mode d’actlvié, dans leurs oeuvres et leurs constructions; — la description topographique, climatérique et météorologique, hygiénique, historique et géologique du territoire national; le dénombrement et La description de sa population; âze, sexes, célibataires, mariés, veufs, occupations, fortune, revenu; — li description des aui maux, des édifices, des chemins, rivières, lacs, etc. L’énumération de tous 
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les genres de production et de consommation ordinaires h chaque cireonocription cantonale et la moyenne des sommes ou quantités annuelles de chaque variété d’objets produits ou consommés; les besoins en souffrance et les ressources en réserve, ou en puissante dc développement, dans chaque localité, dans chaque industrie, dans chaque agglomération de travailleurs voilà un faible aperçu de ce que doit être un inventaire social, ai l’on veut que l’activité produciie de la France cesse de tourner stérilement sur elle-même et ne finisse point par se relècher et s’évanouir. 
Tous les fonctionnaires du canton, dans les ordres, moral, scientifique, urtistique. économique, administratif et judiciaire, concourraient chacun dans sa spécialité à la confection et à la tenue à Jour continuelle de ce grand livre des faits sociaux de leur circonscription; et ce sala serait placé en conr.étïuence au premier rang de leurs attributions. 
- En effet. une statistique ne peut être bien faite que par ceux qui réalisent eux-mêmes les faits sociaux, ou qui assistent quotidiennement li lent’ manifeitation. A eux seuls de les constater et de les enregistrer. Puis il appartient à l’administration secondaire, et ultérieurement à l’administration supérieure, centrale et une, de recueillir les inventaires cantonaux et départementaux, et d’en construire la statistique universelle, l’inventaire social de ta République. 
Il faut savoir, que de l’aveu d’un statisticien officiel, M. Moreau de Jonès, la France ignore encore l’âge et la profession des individus qui composent sa population; et les giandcs biles, te nombre exact de leurs habitans et de Icér population flottante. 
Combien nous avons encore à faire pour mériter le titre de pays civi1i! dont nous nous gratifions I -—- Chose étrange t aucune société n’ose scruter is bas-fonds creusés dans son sein par la misère et l’ignorance, aucune ne connait, ni ne veut connattre, le nombre de ses pauvres, c’est-à-dire ne veut conttaler irne maladie, qui deviendra mortelle si enfla on n’y applique d’héroïques remèdes. 
Travailleurs du village t invoquez donc une réforme administrative municipale qui vous permette de faire recueillir sans surcharge d’impôts, tous les faits sociaux, économiques, politiques et naturels de votre petit monde — Sans cette connaissance, vous ne pouvez presque rien, car vous marchez en aveugles; elle est la première condition de toute entreprise, de toute combinaison, de toute transaction industrielle, agricole ou commerciale; elle seule petit vous renseigner maLhuudLiquIweJu conque semaine ou chaque jour sur les duj ouchés, les marchés, les prix,les quantités et les qualités. 
En:re vous 15 ou 20 mille habitans d’un même canton-commune, vous pouvez vous donner une statistique parfaite, une publicité merveilleuse : puis réunis à tous les cantons du département, ou plutôt de la République, aix tiotubre de quelques mille, vous transformez par ce seul fait toutes les conditions de l’économie sociale. 
JounnAn DU CANtON. — Il y aurait dans chacun de nos 2,000 cantons- communes, un journal paraissant une ou plusieurs fois la semaine, destiné 
porter à la connaissance de tous les citoyens, les faits sociaux d’intérêtmajer qui se seraient réal!sés dans le cours de la semaine, et entre autres: l’état Ie situation de l’entrepôt, des bazars, les délibérations et les décisions du conseil cantonal, et généralement les opérations des diverses administrations de la localité. eriin les avis et les actes de l’agent de la gérance exécutive nationale. 
Grâce au journal du canton, puis au journal unique, composé de tous lés 3ournaux de cantons de la République, et envoyé par les soins de l’administrâlion centrale de Paris à tous les citoyens, chacun aurait encore cliec soi, une sorte d’exemplaire du grand-livre des hypothèques de la localité et de toutes les Iocalits de la nation. — Quel moyen de sécurité, de prudence et de pr— 
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voyance dans les relations de toute nature, et dans les placeinens de capi— taux; par conséquent, quel obstacle à la mauvaise foi, â l’escroquerie, à l’ha bileté! 
On voit, dès lors, comment se trouverait réalisée l’idée si naturelle, si soda— )isanle, d’organiser entre toutes les communes de France, l Peuple souvem m, et I’Etat-représentant, un moyen uniforme et régulier de communication intellectueHe, économique et statistique, gage inoui de liberté, de prospérité et de sécurité; véhicule tout-puissantv merveilleux, depublicité, d’expansion, de lumières et (le vie. 
Après l’inventaire social, la rédaction et l’enregistrement des actes, et la pub 1icit, qui n’est, pour ainsi dire, que le prolongement de cet inventaire (puisque tes actes et l’enregistrement sont des, faits sociaux non moins importans), sont comme le préambule oblige de toute organisation de l’activé buanaine; et par conséquent, le premier élément constitutif à organiser. 
Dès lors, tous les faits de la vie Individuelle et collective, religieuse, économique, politique, intellectuelle, morale et physique; tous les états de la nature, étant constatés et sans cesse exposés à la connaissance et à la méditatioa de tous les citoyens, chacun peut en connaissance de cause, décider quel usage il doit faire (le sa liberté, de son activité, vers quoi il doit tourner ses efforts pour édifier son bien-être et satisfaire ses besoins de tout ordre. — L’administration centrale, le souverain a désormais devers lui le point d’appui qui lui manquait pour promouvoir l’accroisssement et fa pondératioù des richesses. L’éducation a une méthode et un instrument tout-puissant à sa portée. L’instruction dispose de tous les matériaux, de toutes les conditionsd’ona difi’uion prodigieuse des connaissances utiles. Les savans sont en possessto de l’analyse et dola classification tics faits (le tout ordre, qui doivent leur révéler, lar la pose d’hypothèses, les lois, les conditions du mouvement social, et leur permettre d’élever le granit monametint de l’encyclopédie des sciences naturelles ét humanitaires, Ils peuvent construire une psycologie et une physiologie, une anatomie et une pathologie des sociétés, et en quelque sorte, une statique ou science de l’équilibre des forces morales. 
Mais surtout les institutions de finances etde crédit, l’agriculture, l’industrie et le commerce, tes entrepôts, les docks, les bazars et les marchés; enfin, les consommateurs et les producteurs reoivent ici la condition majeure, les uns, de leur création, de leur prospérité; les autres, de leur satisfaction, (le leur guilil)re ou de leur sécurité. 
Sans cette statistique umiiterselle, il ne faut pas songer à jamais proportion. ner la production à la consommation; il faut s’attendre aux trop-pleins, au gaspillage, à la compétition aveugle et désordonnée; aux faillites et aux désastres pdriodiqucs; enfin, le crédit ne peut se généraliser et se consolider, ni l’usure (ltsparaltre. 
Avec cette universelle publicité, au contraire, l’ouvrier sait toujours où est le travail; et le travail où est l’ouvrier. L’administration de l’inventaire ou de la publicité, devient dans mine de ses divisions, le bureau de placement gratuit, réclamé depuis longtemps par les Socialistes de toutes les écoles. Le chômage par ignorance n’est plus possible, ni pour l’ateiier, ni pour l’ouvrier, dans aucune sphère de production; et la correspondance organisée, régulière de canton à canton, par l’intermédiaire de l’administration centrale, assure aux ouvriers et aux centres de travail de tontes les localités de la France, la connaissance parfaite et oppot toue de tous les besoins et de toutes les offres dans chacune de es2,OOt) circonscriptions. 
L’jnpo r, sous quelque forme qu’il se prélève, qu’il frapppe, soit le revenu, soit le captai, soit la profession, soit le luxe, soit la pr&priété toacière, soit les rentes sur l’Etat, les créanc’s hypothécaires, etc., trouve tous les élémns de son équitable assiette dans le grand-livre sans cesse tenu à jour de la statistique et de la publicité universelles. 
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Le 5Y5TÈIIE DES ASSÛIIANCES généralisées et socialisées, s’en déduit également avec une facilité et une exactitude merveilleuses. 
On aura ici nécessairement CD CADASTRE parfait; cette oeuvre si difflcile mener à bonne lia dans l’état actuel d’incohérence, de morcellement etde harbarle de L’administration et de l’économie, deviendra une tûche facile et achevée, par la seule division intelligente et universelle des travail selon les fonctions et selon l’aptitude spéciale. 
ADMiNISTRATION DE L’ÉCONOMIE MATÉRIELLE. — L’administration (tes finances vient enfin pourvoir au premier des besoins de l’agriculture et de la production cantonale : le CRÉDIT. Elle seule, par son comptoir emprunte, commandite, prête et escompte, avec toutes les conditions normales de ces trois modes du crédit. — Mais au conseil d’administration seul appartient de statuer sur les demandes de crédit, d’emprunt ou d’escompte, et d’en fixer les conditions. 
Par les administrations de l’Inventaire social, des entreiâts et bazars, de la rédaction ce de l’enregistrement des acces, et du journal de canton, elle a toujours, en temps opportun, les renseigitemens qui peuvent dclairei’ Ses opérations de tous genres. — N’étant qu’une sitecursale de l’administration centrale des finances de la République, ou plutôt de l’institution nationale de crédit, elle offre tous les gages possibies de sécurité aux capitalistes qui veulent lui confier leurs fopils pour les faire valoir; et avec sa parfaite connaissance de l’état des fortunes, des aptitudes, des débouchés, des ressources locales et extérieures, elle est toujours assurée d’en faire le bon et sûr placement dans le rayon administrai[ du canton, soit par ses prêts, soit par ses escomptes; car elle a ses gàrauties dans l’hypothèque, ou dans l’intérêt que trouvent les commandités à être honnêtes, et dans la certitude du débouché. 
Toujours en correspondance avec tous les cantôns de la France, par l’intermédiaire de l’administration centrale nationale, elle connatt toujours avec précision, l’état d’approvisionnement de chacun des deux mille niarchés, b quantité, la qualité, le prix des denrées et marchandises de tous genres que l’on offre ou que l’on demande, l’époque de la livraison et les conditions de paiement, etc.— Elle peut alors, par ses renseigneniens aux parties intéressées, par ses conditions lorsqu’elle acçorde escompte, avance ou crédit, régulariser la production, la proportionner indirectement à la consommation; et ainsi, non seulement elle peut toujours donner eu toute sécurité les inetrttmens de travail aux producteurs, et commander la production; mais assurer les débouchés à ceux qu’elle commandite, et leur permettre de compter sur une boupe et équitable vente. 
Si des industries locales doivent ralentir leur production ordinaire, le comptoir peut leur indiquer quelle industrie similaire elles peuvent exploiter avec succès et opportunité, avec profit pour tous. — Si l’écoulement des dcii- rées et marchandises est ralenti, différé, les producteurs ne sont nullement condamnés au chômage; car le comptoir, sur dépôtou consignation des produits dans Les bazars et les entrepôts de l’administration, et sur estimation d’experts, est à même de faire des avaucesdans des conditions qui ne lui font courir aucune chance de perte. 
Ce que peut le comptoir pour la production, il le peut pour la consommation t il met à sa portée tous les genres (le produits, soit par la connaissance parfaite qu’il donne à tous de leurs variétés, des prix, des quantités et qualités, des lieux où ils sont consignés et des ressources que les producteurs ont devant eux; soit par les échantillons de toute nature qu’il expose aux regards des populations dans les bazars et les entrepôts; soit en approvisionnaiat le marché du canton de tous les objets, denrées et marchandises qu’il sait devoir être consommés en moyenne, annuellement ou dans chaque saison. Les consommateurs du canton viennent islors faire leurs achats à mesure d leurs besoins et a des conditions toujours vérifiées par l’administration, qui z 
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soin de préférer les producteurs offrant les meilleurs prix; ou qui dans tous 
les cas met en regard les prix fixés par chacun des producteurs d’objets similaires. 
Le crédit de l’institution nationale est aussi étendu que possible, car elle préte sur hypothèque, sur consignation de denrées et marchandises, sur tous les gages sérieux; enfin, elle peut même consacrer une fraction légale de ses capitaux à la commandite de la seule moralité des individus, mais surtout des associations ouvrières; et par là se trouve fondé le crédit foncier, le crédit mobilier et le crédit personnel ou moral. — Le Mont-de-PL.dté est trans—. formé; ou plutôt aboli; étant sans raison d’être. 
Le conseil a’adiainistration, tel qu’il est composé, sait parfaitement la moralité des emprunteurs; et d’avançe iL connait la destination certaine de leurs produits. — ri peut donc encourager tous les producteurs de bonne volonté;. surtout il accordera une sollicitude particulière aux associationsd’ouvriersentre eux, ou d’ouvriers et de capitalistes, qui voudront se fonder sur des bases équhables. — Peu à peu, à mesure que le sentiment et l’intelligence de la solidarité et de la réciprocité se populariseront, il pourrait mettre pour condition à son crédit, que les diverses associations s’engagent à solidariser leurs intérêts, produire les unes pour les autres, en s’abonnant à leurs mutuels produits, etc. 
Enfin, non seulement l’institution nationale peut opérer ses crédits avec une connaissance parfaite de la solvabilité de seg créatciers; mais elle peut se donner toute sécurité contre la maniaise foi de ceux qui possèdent: il lui suffit de cette seule disposition de ses statuts qui range les idscriptions de prêt faites. par elle-même sur ses registres, parmi les privilèges hypothécaires consacrés par les art. 2101 et2103 du Code Civil. 
ENTREPÔTS, BSSiRS, HALLEs, oocs.s, etc. — L’idée d’entrepôts, de bazars, de vastes magasins pour l’exposition publique permanente (les der:rêes et marchandises, et de tous les produits nécessaires à la consommation moyenne ou destinés à l’exportation de chaque localité, est assez connue, et n’a pas besoiu d’être soutenue: tout le monde en sent la grande utilité, la facile possibilité, l’immense économe.—Tous ces élémens, toutes ces prémisses d’organisation économique, et d’autres encore que nous signalons depuis douze etquinze ans, se trouvent, dans cette petite sphère de canton.commune, réunis et combinés de manière à multiplier leurs bienfaits par la seule vertu du rapprochement. 
Nous ne pouvons dire ici toutes les salutaires conséquences que nous apercevons en germes dans cette organisation administrative du canton-commune, on peut afiirmer que le terrain sera désormais préparé pour l’avénement du socialisme, c’est-à.dire de la liberté et de l’égalité, et d’abord pour la solution de tant de questions qui font depuis cinquante ans la perplexité de nos politiques et des philanthropes libéraux et doctrinaires. La plupart cesseront même d’être des questions, attendu qu’elles seraient ou tournées, ma transforsn es de mal en bien, ois soumises à l’arbitrage des parties intéressées directe. ment à leur bonne et immédiate solution. 
Parmi ces questions qui forment les tétes de chapitres de tous les budgets de département, et du budget national, nous citerons les suivantes: — Les instituts agricoles et en général les écoles professionnelles, l’enseignement industriel, commercial, administratif; — Les comices, les colonies agricoles; les desséchemena de marais, les irrigations, les défrichemens; les rebolsemens de montagnes; — Les crèches et les salles d’asile, les enfaus trouvés; les jeunes aveugles, les aliénés, les sourds-muets; l’instruction primaire etss— condaire (et même supérieUre et encyclopédique, théorique et pratique), gra.tuiLe, radicalement populaire; — La moralisation des jeunes détenus et le sort des jeunes libérés; — L’apprentissage, le classement, le sort et la carrière des enfans; leur sauvegarde hygiénique dans les manufactures et en général l’institution complète de salubrité. — Les monts-depiété et les hospices, les 
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bureaux de bienfaisance, les avoêats des pauvres; — L’encouragement à l’es. 
prit d’association parmi les ouvrierj et les petits propriétaires-fonciers; les bureaux de placemens; les conseils de prwlhommes, les jurys d’examen, leS syndicats, et les concours pour toutes les carrières,’ les caisses d’épargne, caisses e secours ou de solidarité, caisses de retraite; l’nnhersalisation du Système des assurances pour tous les cas de force majeure; — Les biens coin. munaux, etc., etc. 
On ne saurait trop le remarquer tout ce qui peut vivifier, purifier, agran. dir, fécqnder, sOcialiser L’esprit de localité; donner essor à la spontanéité, dasciter les capacités, le dévouement à ts chose publique, ou le. civisme, et leur donner emploi et puissance au profit de tous, reçoit ici une prime nant. celle: le canton, en effet, connaissant les hommes les plus capables pour chaque fonction, les élira expressément selon leurs aptitudes spéciales dans chaque ordre. 
En même temps, tout ce qu’il y a d’hostile au progrès; à laliberté et à l’égalité dans la Centralisation Napo1onienne, est ici corrigé par le principe tlu suffrage universel, appliqué à toutes tes fonctions, à tous les serviteurs, de la chose commune; et donc par la présence au Conseil d’administration, et dans le corps administratif, de 1’élie descapacités professionnelles que costient le canton. 
La routine et l’immobilité bureaucratiques, l’esprit de domination des hommes publiçs sont ici combattus. On entre du moins dans une voie qui permet à toutes les bonnes inspirations, à toutes les volontés progressives de se produire. Enfin toutes les forces intellectuelles et morales du canton sont ici dégagées, réunias, résumées, et revêtues de la puissance de faire leurs preuves : il est infaillible dès lors qu’elles sollicitent indéfiniment à se produite aussi toutes les forces, toutes les- activités productives: l’initiative, la spontanéité, la vie, -a ici son courant naturel, toujours maintenu dans ses bornes normales. 
Cependant, malgré tant d’avantages offerts aux producteurs et aux con sommateurs par cette organisatio’h administrative du canton, par L’institution des entrepôts et bazars, par la publicité et l’inventaire de tous les faits sociaux, par l’office des comptoirs, etc., l’Etat n’aurait encore rien fait directement pont l’émancipation des prolétaires, rien pour ceux-là même qui ont le plus de titres à sa sollicitude, à sa protection, à son crddit; car il n’aurait nullement garanti ce qu’ils ont de plus précieux : le droit de vivre en :ravaiUant, le droit au travail libre et à lajaste dquivalence des produits de leur travail, le droit à l’usage de l’instrument, par Le crédit social ou gratuit. 
Jusqu’ici, nous voyons bien des institutions et des combinaisons qui se rapportent aux intérêts de la production et de la consommation, de la circulation et de l’exposition des richesses; mais où sont celles qui s’occupent de l’équitable répartition de ces richesses; qui offrent aux ouvriers des instrurnens de travail, qui les élèvent à la condition d’associés, les délivrent de la dépendance des patrons, des claôinages, et de la misère, laquelle est inséparable de cette condition? 
Le Peuple souveain sera donc conduit avant peu à poser en face lie l’organisation administrative du canton, I’ornisation égalitaire de l’atelier, la réglementation des rapports économiques des citoyens; ce quiest proprement l’organisation du travail et du crédit social. 
Nous donnerons dans de prochains articles nos hypothèses sur les voies et snoyens de cette oeuvre délicate, mais fatale, du 19 siècle, telle qu’elle nous epparalt tout à la fois du point de vue, non pas du parfait, mais du droit strict ou du juste, et du possible ou de la nécessité. 
.îe Gérant, J. MALAuMET. 
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LE SALUT DU PEUPLE 
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Poun PAlus (par an) G fr. 
j Poun LES DÉPARTEMENS 
Chaque numéro se vend séparément no centhuer. 
Toutes les lettres concernant la rédaction, L’envoi du prix d’abonnement et tes réclamations, doivent être adressées au citoyen MtLAfltflT, rc Borda, n 1. 
Les mandats doivent être à l’ordre du citoyen MALAJMET. 
Les lettres et envois d’argent doivent être affranchis. 
Les Libraires, les Messageries et les Commissionnaires de Paris s’adresseront, pour les abonnemens, au citoyen fltLLfl • libraire, à la Propagande, 1, rue des Bons.Enfans. 
Tyiographte FÉUX MALTESTE Er ce, rue des Deux-Portes-Saint$auveur, 2t. 
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S trancm par an pour Par1. — flépartemens: ‘ frauci. Un numéro: O cenflmes 
(H1Z J. BALLARD, LIBRAIRE, A LA PROPAGÂNDE 
1, RUE TSV EONS-EN1ÀS. 
18s0 
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SALUT DU PEUPLE. 
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NON! 
La soUweralsiei! absolue n’appartient point au nombre. 
OUI! 
La repnblique d1nocraflqUn est au’dessus des 
mgjo1’Its. 
s La République française reconnaît des droite 
et des devoirs antérieurs et supérieurs 
aux lOis positives. 
(Constitution dc 1848.) 
« Du droit égal et de l’égale nécessité pour tous les. hommes, de voiret juger par eux-mêmes; 4e ne reconnaltre comme vrai que ce qui leur apparat tel dans leur for intérieur; de l’égale obligation où nous sommes tous, de sauvegarder nos propres destinées; de consulter toutes les lumières pour augmenter et purilier la nôtre, nuit, pour tous dans l’ordre politique, l’égal droit à dire où est le bien, le mieua, ce qu’il faut faire; et de participer par notre suffrage, à la direction des intérêts de la société. De là ce qu’on appelle la souveraineté du Peuple, le suffrage universel, le dogme des majorités. 
A parler rigoureusement, la souveraineté est à la science, à la raison 
la vérité constatée dans tous les cas où elle peut l’être: il est trop révoltant de supposer qu’elle puisse appartenir au caprice des individus, des majcLês1 fussent-elles innombrables comme les atomes de sable que recouvrent les abimes de rocéan. Mais partout où la science n’est pas, où la-lumière n’a Pas encore lui incontestée, où les passions CII présence tiennent Heu d’argument ct de certitude, on rencontre une impasse ,qae la nécessité -d’en fluEr2 de marcher et de vivre sans recourir aux contlitssanglans de la force, conduit b briser avec le marteau des majorités. 
Il ne faut donc prendre. le dogme des majorités que pour ce qu’il vaqt; bien savoir qu’il est le supplément de la science et dela moralité; non l’or—. gane du juste ou le critérium de la vérité; qu’il est.un is-a1ter destiné tourner le choc toujours menaçant des passions incandescentes; unesorte de tzève et deneutralit qui laisse le temps à la lumière nouvelle de se faire jour, et de -venir rallier les volontés en communiquant mie ‘certitude ou mie tn 
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commune aux esprits. Comprise ainsi, et elle doit l’être, l’intervention des. 
!najorités, si l’on veut que ce dogme s’installe dans la vie des Peuples, ne doit avoir qu’un résultat : la consécration de la justice et du droit rationnel. 
Le principe de décision et d’autorité sociale et politique, se prenant par nécessité ou convenance, dans la majorité ou le nombre, et seulement comme le meilleur moyen d’en finir, d’en appeler à l’humanité mieux Informée, plus réfléchie, et même d’approcher davantage dit vrai et du juste quand il y a mo ralité générale, il s’ensuit nécessairement que la souveraineté du nombre ne saurait s’exercer avec justice et tolérance que dans les choses de l’ordre contestable ou d’application secondaire; car, devant la violation flagrante des étere1s principes de droit, de justice, de solidarité et de charité, le nombre devient poussière; et alors, dans ces solennelles occurrences, Il faut savoir protester, revendiquer, s’opposer ouvertement; car alors, la certitude se trahit, dans toute âme noble, pieuse et honnête, par l’accent de l’indignation et le saint enthousiasme. Mais dès que les prIncipes sont saufs, Il est juste d’user de longanimité dans l’application lente et tortueuse qu’on en peut faire de nos jours. 
Voilà en abrégé, nous le pensons, la théorie des limites de la loi du nombre, et celle du droit d’insurrection. Cette théorie nous la croyions vraie en 1838 t anus la croyons encore vraie en 1850. 
Nous avons beau chercher derrière nous, autour de nous, au•dessus de nous; de toutes parts nous recueillons cet enseignement: la souveraineté ah- 
salue est à la loi d’amour et de justice, à l’esprit de liberté, d’égalité et de- 
/ fraternité; elle est à tout ce qui rendjparfalt, à tout cc qui rendf heureux le ,//7/ f genre humain. La loi de perfectionnement, voilà le bien: to”t ce qui y est une 1ttteinte directe ou Indirecte, est mal.— En conséquence, le critérium du bon ct légitime usage du suffrage universel ou de la loi du nombre, c’est là biez que réalise la majorité, ce sont les mesures ou les institutions qu’elle décrèpour faciliter et promouvoir le perfectionnement de tous, et particulièrement Pamélioration du sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre.—Hors de là, rien: la force, les passions. 
La règle de notre conduite ne saurait être en définitive extérieure à nous— niémes, à notre conscience, au cri intime de la nature et de l’instinct moral, ivette voix de Dieu dans nos âmes. La volontd n’est point la règle t c’est ta jastice. c’est l’ordre, c’est le bien, par le coeur et la raison. La volonté en est Le ministre. 
II y a des droits, des devoirs, des relations, une morale fondamentale, qui, h chaque moment de la carrière d’un peuple ou du genre humain, sont tellement acquis à la conscience générale, qu’ils font la vie, la foi, la certitude et la volonté de toutes les époques. II est ensuite des mouveinens pro—. gressifà dont les ondulations, comme de grands courans providentiels, viennent pénétrer les âmes et douer à certaines époques une physionomie qui les. fait appeler transformatrices et organiques. Ces mouvemens ont lieu toutes les. tais que la justice, le droit, la morale se développent, s’accomplissent, se perfec 
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tionnent. Les formules où se résument ces mouvemens, les conséquences sociales qu’elles recèlent, la tradition les a baptisées et inspirées, l’opinion contemporaine les confirme, l’avenir les ratifie; et, par la seule vertu de leur origine providentielle, entourées d’tine mystérieuse influence, elles viennent planer, à titres de droits antérieurs et supérieurs, sur toutes les constitutions, sur toutes les majorités, voire même sur lesufrrageuriiverselouunanime. Or, de ces priucipes, de ces formules qt’on retrouve, soit dans la théorie, 
soit dans la pratique de toutes les religions, de toutes les philosophies, de tontes les législations, de tous les peuples, dérivent des conséquences, des institu— (ions, des relations nouvelles, tellement logiques et prochaines, que nulle majorité ie peut longtemps les repousser par la violence, sans se perdre pat violence. 
Ainsi, les consciences ont un point de départ commun que la mauvaise foi et la passion peuvent reules nier. II y â une morale fondamentale absolue, ene justice un droit, accessibles a la conscience de tous, (lui se révèlent ‘a tous progressivement, inégalement sans doute, mais enfin dont la passion se saurait oblitérer cntièrenent l vue intime, si elle peut l’altérer: or, c’est lei que la vérité, le ben, le mieux, troueut leur ‘critérium; et ce critérium est le thermomètre des majoraés comme des minorités. 
Je sais Nen que ce caractère progressif du droit, de la justice, de la morâle, en fait en quelque sorte l’incertitude, et donne belle carrière à la mati— ‘vaise foi, à la passion, à l’ignorance; mais c’est précisément cCtte possibilité laissée, par la nature des choses, à l’intérêt égoïste, au préjugés implacables, 41e rési,ter au prcgrès, au mieux, au droit, et même à la morale la plus élémentaire, la plus universelle, la plus évidente, qui fait ledangerdu dogme des majorités absolues; et c’est préciséme,nt pourquoi la même nature des choses, pour corriger le danger de ce dogme (les majorités, y a mis des limites dansia conscience des minorités pures, en leur do1nant le dévouement, le courage de résister, lorsque les écarts, ou plutôt les crimes des majorités dépassent les bornes que le tempérament moral de l’époque leur a assignées. 
Donc, point certain, attesté par l’histoire universelle: il est des droits, des principes que nulle majorité n’a le droit d’enfreindre, parce qu’il est une morale fondamentale, absolue, que nul ne peut ignorer; ou dont L’ignorance doit lui être imputée à mal; un instinct du bien, qui fait le fond, la conscience, ) vie de l’humanité. Tout est là: si la majorité ne les zespecte pas, elIe-mêne ie sera pas respectée par la minorité : elle peut y compter. 
La véritable souveraineté étant le pouvoir au-delà duquel on ne peut remonr ter, ne saurait appartenir qu’à la pensée, à l’esprit et au coeur, par la scicnce la conscience et l’amour. Le nombre, qu’est.ce? Je hasard, la matière, le sort t 
— un de plus, un de moins, et voilà que la vérité se fait erreur, que le bien se change en niai, ét la victoire en défaite, ou vice versd!.. La majorité est une liction lorsqu’elle n’est pas un mensonge: elle n’est là que comme un pLstter, le moyen d’en finir entre des forces qui ne s’harmonisent plus. Il n’ç a au monde qu’un seul pouvoir contre lequel il n’est jamais permis de s’insurger 
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céini du droit, de la vérité, de la justice. Contre tout autre souverain, qu’il e 
-nomme roi par la grâce de Dieu, majorité parlementaire et peuple même, IL y .a toujours possibilité à une légitime résistance. Hors du droit et de la vérité ou de la raison, il n’existe que des conventions. Cette souveraineté-là est la seuc absolue, inconditionnelle; mais celle éd nombre, des majorités officielles, des royautés, des présidens, et même celle du peuple, est à jamais conditionnelle. 
Et si l’on demande qui dira où est lajustice etle droit? La voix, répondons nous, le courage, le dévouement et le martyr de celui qui en a conscience. IL est bon et juste, et en tout cas nécessaire que chacun ne reconnaisse pour Ii que celle qui parle à sa conscience, qui le transporte de conviction, d’amour et d’enthousiasme. Soyez donc juste dans votre âme, voilà votre seule garait— lie d’ordre et de sécurité : toute forme politique, toute constitution, est vaine, si, en définitive, les plus forts la font fonctionner ait profit des priviléges et e l’inégalité. 
On ne peut éviter de partir de certaines données absolues, cest-à-dire de prémisses sociales, de principes incontestés et tenus pour incontestabies dans la pratique. Ainsi, notre constitution a établi des termes que tout le monde, dans l’Assemblée et dans la presse, est tenu de respecter comme vrais. Nous pensons qu’il ne manque à cette nécessité sociale que d’être éloignée le plus possible, que d’être transportée de la Constitution à la mrate universelle dans ses préceptes fondamentaux liberté, égaiité, fraternité; « à ces droits et à ces devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives, » 
cette même Constitution reconnaît et qu’elle confie à ta garde des etto yens. il faut, en conséquence, que l’esprit et la lettre des préceptes fondamentaux de toute sociabilté soient déclarés la base commune des majorités et des niinorités, et qu’il soit entendu que l’infraction de ces préceptes annule les (h’OiLS de la majorité; mais que, dans ce cercle, raison sera donnée fictivement au nombre. Il n’y a pas d’.iutre moyen. 
i Le suffrage universel a-t-il le droit de tuer le suffrage uniçersel ? En d’att- ares termes, la majorité peut-elle tuer le principe en vertu duquel elle existe? 2 La majorité est-elle omnipotente,? 
Poser ainsi la question, c’est la résoudre pour le bon sens et la bonne foi. 
i’ La république démocratique à son état normal, idéal, n’est-ce pas le gou. vernement de tous par tous, le gouvernement de la société par elle-même, un gouvernement dais lequel chaque citoyen est souverain, nienibre indivisible du souverain, gouvernant lui-mèiue, roi lui-même, président, agent exécutif luimême, entendezvous bien ? — Le suffrage universel imprescriptible, inall& nable, n’est pas autre chose que la manifestation permanente de cette souveraineté, de cette royauté de chacun et de tous. 
Maintenant, qu’une majorité nomme un roi, comme on l’entend vulgairement, n’est-il pas de toute évidence que la souveraineté, que la I’oyauté de la minorité n’est plus qu’elle est aliénée, trahie, et (lue, par conséquent, le principe même d’où procède le principe des majorités et l’autorité nième des ma. orités, estviolé; que, par conséquent, la majorité elle-même s’est mise hors la 
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loi; qu’elle tue le principe par lequel, précisément, elle est quelque chose; 
tandis qu’évidemment, la conséquence d’un principe ne peut tuer le principe en vertu duquel elle eJste, duquel elle reçoit toute sou autorité, touW sa valeur? 
Prouvez que les majorités ont le droit de décréter que chacun de nous est déchu de sa part de souveraineté, de son droit de gouverner, d’accord aven s concitoyens; qu’une majorité peut dire à une minorité : désormais, vous n’êtesplus le souverain, le gouvernement, vous serez gouverné par un homme qui sera l’expression de notre volonté, qui sera là tant qu’il plaira au plus gros nombre. fl y a plus: la majorité, n’étant qu’un être collectif, éphémère, ns cesse modifié, altéré, transformé, ne peut statuer que pour l’instant où elle parle et où elle exerce sa puissance: celle d’aujourdhui, 5 mars, ne peut statuer pour celle de demain, c’est-à-dire enchaîner la volonté de celle-ci. lieue l’hérédité d’aucun agent exécutif, d’aucune délégation ou représentat on de la souveraineté, ne peut être décrétée, par aucune majorité; car, encore une fois, le gouvernement est dans le peuple indivisiblement, d’une maiàre inaliénable ou incommunicable; il n’en peut sortir, il doit y entrer d plus en plus pour respecter le suffrage universel ou la souveraineté du peuple : car non-seulement, en droit démocratique absolu, il ne doit point y avoir de président à vie, ni à temps.déterminé, quelque court qu’il soit, mais PAssem’ ble nationale, les représentans même du souverain doivent n’être là pour aucun temps déterminé, doivent pouvoir être incessamment révoqués par le spuverain; donc révocables, toujours et sans cesse. 
Dès que la majorité a fait un roi, un pouvoir exécutif à temps indéfini, héréditaire ou à vie, moi, minorité, moi, individu, partie, indivisible du souverain, je ne gouverne plus; que (lis-je, la majorité elle-même ne gouverne plus; celle de demain, aussi bien que celle d’aujourd’hui, celle qui nomme le roi ou qui constitue le pouvoir, tout comme celle qui vient ensuite; c’est ce pouvoir Illégitime qui gouverne pour nous: ma part de souveraineté est escamotée, volée. Mon devoir est de la recouvrer ‘u tout prix.J’ai le droi.t d’insurrection, et je refuse ‘u la majorité le droit de dire non. Entre elle et moi minorité, ou individu, il n’y a plus de loi que la force. 
Entendez-vous parler d’un chef, ou roi, ou président, ou empereur, qui, tant l’oeuvre des majorités, pourrait être sans cesse, et à un signe donné par un vote contraire, déchu, remplacé par un autre chef? Oht alors dispute de mots. Oh! alors, vous ne dites que ceci: l’assemblée se donne un agent Entessawzmcnt révocable, qu’elle appelle empereur, roi, tout ce qu’il vous plaira. 
Et puis, ce qui sera d;t d’une assemblée de représentans par rapport à son agent exécutif, il faudra le dire à fortiori du souverain ou du Peuple (de la majorité du Peuple), par rapport à ses représentans; et alors, il ne s’agira plus.que de trouver le mécanisme électoral, ou le mode de votation le plus propre à permettre l’expression permanente, instantanée, du suffrage universel. 
Question de temps. 
L’humanité actuelle tout entière n’aurait donc pas le droit d’employer la 
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souveraineté du Peuple à tuer la souveraineté du Peuple; c’est pourtant ce que 
Terait une majorité qui rétablirait aujourd’hui la royauté SOUS une forme quelconque. 
Unpère ne peut pas enchaîner la volonté, la liberté de son fils qui, demain, vu éclore à la vie politique, à l’émancipation électorale: ni la génération d’aa. jourd’hui, celfe de la génération de demain; ni l’homme de 25 ans, celle de l’homme de 20. On a le grand tort de parler toujours du Peuple comme d’uu être simple et immuable; le Peuple, être collectif, va se renouvelant sans cesse, par l’enchatncment et la succession de vieillards, d’adultes, de jeunes. d’adolescens, etc. Apportez donc ta loi vivante, là où est la vie. Si le progrès est un dogme souverainement religieux, la loi doit être vivante, c’est-à dire se développer sans cesse comme l’esprit et l’activité de l’homme t de la société. Donc, cessons de rien constituer pôur quelque curée déterminée. Donc, pas de royauté, de préstdence à temps fixe. 
D’où je conclue sur ce premier point: La République démocratique, c’est; le suffrage universel permanent, inaliénable, indivise. Le suffrage universel,, s’est la République démocratique. Qui touche à l’un • touche à l’autre. Et la République et le sufirage universel sont deux droits antérieurs et supérieurs; toute majorité. 
Donc, la démocratie, ou le gouvernement de tous par tous, est incompa’. J.îble avec le gouvernement de tous par un ou plusieurs. 
Donc, royauté absolue, monarchie constitutionnelle, fonctions à vie ou à temps, etc., sont incompatibles avec la souveraineté du peuple. 
Donc, nulle majorité ne peut altérer la forme démocratique républicaine du pouvoir. Tout cela est plus évident qu’un théorème. 
“ La majorité peut.ellece qu’elle veut? est-elle omnipotente? Si L’on dit oui; .elle peut donc réaliser tous les crimes et délits énumérés au Code pénal de tous les peuples: dans ce cas, je me tais, j’aigagné ana cause devant ma cons cieuce, et, ce qui est plus efficace sans être plus probant, je l’ai gagnée aussi devant la conscience universelle. — Mats, au lieu de répondre, on élude: on 4k: une majorité ne fera pas ces choses.là. Vous supposez des chimères. — A quoi je réponds: Est-il. possible qu’elle le fasse, qu’elle le veuille? — Assts ément, c’est possible. Donc, j’en puis faire l’hypothèse, et c1a suffit, jele répète, au succès de ma cause. Prétendre que les mnorités ne peuvent errer1, cela ne se soutient pas davantage, et je n’ai pas acquis le privilége de faire injure à l’esprit de mes lecteurs. 
L’exercice du droit légal des majorités sur les minorités est toujours ars fait de domination du grand nombre sur le petit nombre : s’il s’exerce réeLlement dans le cercle du droit et de la justice, la domination est nécessaire, ninon légitime : hors de là, elle est tyrannique. — Si le nombre est tout, la Justice n’est rien. Si la mtjorité peut tout, Ta minorité est esclave. 
La domination du phis grand nombre sur le petit, jusqu’où peut-elle aller? VoPà donctoute la question.—Or, il n’y apasée limite précise: le degré dépeûd d’éIémens trop variables pour se laissçr prédéterminer; l’intelligence, le cou— 
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rage, la sagesse, varient avec les individus et les générations; on ne peut 
répondre qu’en termes généraux. 
Tout ce que l’on peut affirmer, c’est que si la majorité abuse au-delà d’un certain degré, la protestation de la minorité éclatera jusqu’à l’insurrection Il y aura mort ou transformation; — et cela était bon, alla que le progrès eût son issue; cela était bon, afin que le but marqué et voulu de Dieu, afin que le grand mécanisme du mouvement social eût sa soupape de séreté. Car, il faut bien le savoir : le dogme des majorités ou la loi du nombre n’est point un. principe, c’est un expédient, un instrument, l’instrumentdu progrès, du mieux. Si, donc, les majorités, au lieu de faciliter le progrès, le repoussaient, lui créaient d’interminables entraves, ce dogme serait comme non-avenu dans la pratique : l’instrument serait brisé. 
Le dogme des majorités à pouvoir absolu est le dogme des fatalistes, d ceui qui, ne croyant à aucune morale, n’ont pour idole que la force. 
Le dogme de la souveraineté absolue du nombre, c’est, en d’autres termes, celuide la paix à tout prix, de la paix quand rndme, partout, toujours.— C’est l’abaissement des caractères et du niveau de la civilisation; c’est la négation indirecte de la morale; la substitutien éternelle, OSSIBLE, du fait au droit, du mal au bien. — La majoritd quand mdme, répugne tout autant â l’esprit et au 1cœur que la paix quand méine. — Le nombre pouvant ne représenter que la passion ou l’iniquité, cela suffit pour l’invalider comme principe absolu. 
ESt-ce que, dans l’ordre moral, les passions ne font pas ce que n’oseraj faire un calculateur en mathématiques? Est-ce qu’elles ne prétendent pas, ne décrètent pas que deux et deux font 7; qu’il fait nuit à la clarté du soleil? 
— Et vous voulez que je m’incline devant leurs décrets, lors même qu’elles décident de ma vie, du bonheur, de la liberté, de la sécurité des miens ou de mes semblables’ 
Évidemment, au tribunal des âmes nobles et religieuses, les majorités se suicident, si, dans leur amour de I’itmnoblllté ou de la rétrogradation, en baine des injonctions éternelles du droit, de l’égalité, de la liberté, de la justice, eUes attentent aux droits imprescriptibles dont nous avons en nos deurs le code vivant, à ces chers intéréts dont nous parlions tout à l’heure, comme faisant la vie et la conscience des générations. 
Une majorité qui, systématiquement, ferait encore des ignorans et des rouvres Involontaires, qui maintiendrait en droit et en fait l’inégalité des con. ditions de développement et de liberté, de bien-étte et de bonheur; qui ne garantirait pas même à la multitude ou à un certain nombre d’entre elle la possibilité de vivre en travaillant; une majorité qti se ferait complice d’un gouvernement de corruption, de mensonge, de calomnie et d’apostasie, de trahison et de tant d’autres énnrmités qui inclinent toujours les nations vers la mort;... une majorité qui manquerait du sens rnoial et dit sens n4Uona cette majorité, équivaiftt eUe auz 99JL00” des membres du souvern, ne se- 
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mit pas plus légitime, pour la minorité, que la royauté par droit divin, et que tous les grands tyrans, fléaux du genre humain. 
Eafln,j’estime, pour cette année de grâce 1850, que 12 millions d’éleeseuts francais n’ont pas le droit d’employer leur partde souveraineté à escamoter la mienne, à moi, simple unité Intégrante du souverain; et, par conséquent, à restaurer aucune forme de royauté ou de pouvoir antipathique au gouverne ment démocratique véritable. — Je sais bien que la nécessité pourrait me contraindre; mais je Sais aussi que si ma force, ajoutée à d’autres forces, venait à me donner des chances, je tournerais avec bonheur toute mon dnergic don. tre eux. 
J’accorde qu’en tout de qui est d’importance secondaire,ou de l’ordre des choses douteuses, contestables, la loi du nombre fasse droit; car alors il n’y n point péril en la demeure, et cependant la décision est ndce,trairc; mais, dès que devant la conscience de la minorité, les lois éternelles de justice, les grands intéréts de la vie, de la liberté, sont violés ou méconnus par la majorité, l’humanité tout entière, celle qui a vécu, comme celle qui vit maintenant, nous crie qu’il est bon et politique, et, en tout cas, souverainement juste et nécessaire de résister, de méconnaître, de subalteruiser la loi du nombre. 
Y pensez-vous, hommes de sens et de coeur? tiver à tout jamais la desUnée, la volonté, les intérêts ou les idées des uns à la passion, au caprice, à l’igno. rance, à la cupidité des autres. — Accepter pour juges des hommes en plus ou moins grand nombre, quels que soient leurs actes1 leurs principes, leur but, Leurs passions, leurs intérêts, leur position? Allons donc! 
Faites alors l’hypothèse d’une majorité qui veut emprisonner, exiler, affamer,1 détruire, ou seulement asservir la minorité; qui veut nous rendre la civilisation féodale, romaine, carthaginoise; substituer l’inégalité ‘n l’égalité devant la loi, etc.,etc.! 
Que faire?—laisser faire, se soumettre, se résigner, patienter, espérer ‘ 
— Non!! s’insurger, s’insurger encore et toujours: c’est le devoir et c’est le droit devant Dieu et devant les hommes. 
Dans toutes ces situations, il est tutélaire que le droit et la possibilité dia l’insurrection planent au-dessus des actes ou des velléités d’usurpation, d’empiètement libert1cide des majorités. 
Mais, la vois duPeuple est la vois deDieu?—Oui, quand le Peuple est un, unanime, c’est•’a-dire d’accord avec lui-même. Mais s’il est livré à l’anarchie, où est la voix du Peuple, où est la voix de Dieu? Ne confondez pas, s’il vous plait, avec la voix de la moitid plus un. C’est pourquoi il es’t dit : tout Peuple divisil périra. Et, en effet, dès que les principes sont radicalemdnt hostiles et les tendances opposées, la guerre est inévitable tôt ou tard. La trêve n’est clurable que sur le terrain des consdqaence .tecondaires d’un principe commun, d’une foi commune ‘n la majorité et à la minorité. 
Les chrétiens doivent nous comprendre: que disent Pierre et ean aux cie1 du Peuple et aux sénateurs d’Israêl? « Il faut obdir à Dieu plutôt qu’aux &om?n es, » Or, obéir à la justice, Ia’défcudre, c’est obéir à Dieu. 
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E i:ésumé, les principes dominent le fait, le nombre. La souveraineté est 
‘a la.raison, à la vérité, à la justice. Il est des droits antérieurs et supérieurS & tonte constitution, à toutemajorité, à la souveraineté du peuple, au sufl1’age universel luimême parmi ces droits, est, pourchaque citoyen, celui de l’éga lité avec ses pairs, celui de faire partie intégrante du souverain, de telle sorte que la souveraineté des uns ne puisse jamais aliéner la souveraineté des autres. La souveraineté du.peuple n’est légitime qu’autant qu’elle respecte sou but, sa fin, laquelle est la réalisation de la justice, ou des. conditions dnerfcm.ionnement et. du bonheur dc cbacuu et. de tous. 
Deux publicistes eu renom, les citoyenr Cormenin et Girardin, viennen1 de maltraiter singulièrement cette question; nous devons dire un mot de leur— polémique. — Le prethier affirme l’omnipotence des majorités: la souverai. neté absolue’ de la loi du nombre. — Le second répugne à l’omnipotence- absolue, mais il met les mejôrités au.dessus de la République démocratique-, ou du moins il leur reconnatt le droit de fabriquer une. monarchie constitutionnelle en pleine démocratie. 
Le citoyen Cormenin place la charrue avant les boeufs, hsrsqu’il donne la souveraineté du peuple, le suffrage universel et direct, et la république, comme des corollaires du principe des majorités il prend l’effet ou le résultat’ pour la cause, la conséquence pour le principe.— Pourquoi concluez-vous à la majorité? parce que, d’abord, vous avez conclu à lasouveraineté du peuple, à la démocratie, au suffrage universel; évidemment le principe des majorités n’est qu’une déduction du principe supérieur: la souveraineté du peuple, la démocratie on le gouvernement de tous par tous. — Ce que l’on se propose, c’est obtenir l’unanimité, l’universalité des voix; et si L’on s’arrête à la moftid plus un, ce n’est qu’en désespoir de cause. 
Cet écrivain fait ensuite deux concessions tellement grosses, qu’elles rendeut vaine et absurde sa thèse première. Il convient « qu’il n’y a pas de vérités politiques qui soient absolues, que’ la loi de la majorité elle•mêtne, dans » ses applications, n’a qu’une vérité relative. » Il va jusqu’à reconnaître que « en dernière analyse, c’est laju.stice qui borne l’omnipotence du nombre ou des majorités; » sans se douter que cela veut dire: la màjoritd peut. tout, EXCEPTÉ ce que lui interdit la jusricn. — Nous voilà donc revenu k cette question t qu’est-ce que la justice, qui dira oit est. la justice, et l’endroit précis oit elle est violée? 
M. Cormenin oublie donc que la force morale, la JUSTICE, qui, légitimement,. suivant lui, limite l.’omn(potence; qui tempère et restreint la souveraineté du nombre, revêt elle—même, par cela seul, l’omnipotence et la souveraineté’ supérieures et dernières; que, dès lors, l’omnipotence du nombre n’est plus que, secondaire, n’est plus qu’un expédient subalterne, un droit limité. 
L’intdrét de la majorité, dit encore M. Corinenin, est d’étre JUSTE envers kiminorité. » — Il faut donc être juste, même lorsqu’on est majorité! N’es1 ce pas encore avouer Indirectement que le juste est au-dessus de l’intérêt,. d la force on plutêt du nombre, qui n’est pas toujours la force, tant s’en faut 
M. Cormenin s’imagine que le nombre est toujours synonyme de force: il se trompe. C’est presque toujours le contraire qui est vrai dans l’histoire; ca qui est fort, en définitive, partout, toujours, c’est le courage, c’est l’audace, c’est la foi, c’est la vertu jointe ‘a la vérité. Cette réflexion suffit pour démon.. trer ce qu’il y a de sophistique dans celte affirmation du publiciste Iibral 
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La loi de la majorité est antérieure et supérieure à toute espèce de gou-. e.’ernement. 
De toutes ces souverainetés-là (celle du droit divin, celle de l’hérédité des r-ois et celle de la raison), j’aime encore mieux !a souveraineté du nombre t Ue est la plus ancienne, la plus naturelle, la plus claire, la plus commode et la plus logique. Le publicite veut faire de l’humour. La plus ancienne, - donc la moins bonne. La plus naturelle, — dites la plus grossière. — La Jlus claire, la plus commode, — qu’importe la clarté, la commodité dans 4es questions de principe et de sociabilité! La plus logique, — en quoi est.elie logique, si le nombre, d’une part, la morale ou la justice, le droit, de l’autre, n’ont rien d’identique? 
La loi essentielle (le la République, c’est la loi du nombre, » dit.on en.core. — S’il en était ainsi d’une manière absolue, il faudrait maudire la forum républicaine. 
Quant au citoyen Girardin, sa logique nous paraIt tout aussi chancelante jue celle (le Cormenin 11 veut concilier l’exercice ou le droit impresCrlp(Ible du suffrage universe, de la minorité, avec l’hérédité du pouvoir exécutif, avec la monarchie constitutionnelle de l’Angleterre, de là Belgique eu de la France sous Louis-Pliilippe; comme si une telle forme n’était pas la plus 4nsolente et la plus offensante négation de la part de souveraineté non seulé— nient de tout citoyen qui n’aurait point été à tout instant de sa vie appelé à dnnner son vote pour ou contre, mais qui n’y aurait point adhéré, ou qui, après y avoir adhéré, voudrait donner tas vote contraire. 
« Contre la force, il y a l’adresse; contre le nombre, il y a la raison. Cela me suffit; cia si ta majorité se laisse eutrainer par le poids de l’erreur, la minorité aura l’avantage de la vérité pour rétablir tôt ou tard l’équilibre. » — (Tôt ou tard, est joli l) — Mais, citoyen, si la minorité ne parvient pas à rétablir L’équilibre: si tôus les membres (le la majorité 8ont incorrigibles? cela s’est vu et se verra encore, que ferez-vous? 
Car, toute majorité qui abuse de son pouvoir, s’affaiblit en grossissant la 
• minorité. » — Mais, citoyen, si la majorité ne s’aflitiblit pas, si la minorité 
*ie re grossit ps? cela s’est vu et se verra encore, que ferezvous? 
Et puis, vous faites abstraction de la longueur du temps. Vous supposz qu’en toute question, on a toujours le temps d’attendre que la majorité vienne vous: vous êtes donc bien novice. La prison, les tortures, la mort sont, par hypothèse, suspendues sur nos tètes.... Attendons; espérons tout (tu. temps’ 
Ce publicite semble ne faire cas que de la liberté et du bien-être. La 111- lerté, le bien•étre sans doute, sont des conditions de perfection et de bonheur; mais ce ne sont pas les seules. A côté de ces biens, il y a ceux que donne la jouissance de5 autres droits naturels, parmi lesquels est le droit de votq, le droit de souveraineté individuelle, indivisiblement uni à la souveraineté du. peuple. — 11 se jetterait volontiers sous toutes les formes de gouvernement jusqu’à ce qu’il rencontrât celle qui lui garantirait le mieux par le fait la liberté qu’il cherche. Mais l’expérimentation est faite largement pour la monarchie constitutionnelle: d’ailleurs, il n’y a pas de formes politiques qui, par elles-mêmes, aient la vertu de donner ces biens•là sans le concours de la miralité générale, 
En tout ceci, vous oubliez les principes, mes chers logiciens: vous oubliez que, dans le cercle de la ]ustice, de la morale ou du droit indéfiniment progressif, le Peuple, indivisiblement et en personne, est le seul et unique souverain, le seul pouvoir législatif et exécutif; que, s’il exerçait lui.même sa soa. veraineté, chaque citoyen serait à tout instant appelé à se prononcer sur toutes choses : la minorité et la majorité seraient sans cesse en permanence, il ct’y aurait aucune fonction héréditaire, ni à vie, ni à temps; le peuple étant en permaneace et pouiaut, par hypothèse, m3ni(ster à fOUI instant sa volonté, 
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son suffrage, la majorité serait mobile, changeante comme la vague des mers 
il n’y aurait donc jamais lieu de statuer sur l’avenir de demain, de préjuger les cas futurs, d’enchatner la veille le vote des électeurs du lendemain. Eh bien! dans ce milieu, qui est sérieusement i’état normal du suffrage universel, l’état vers lequel gravite visiblement la multitude, et qui n’attend pour se réaliser qu’uit perfectionnement très possible, très probable et très prochain dans le mode de correspondance, de communication et de manifestation de la votont de chacun et de tous; — je demande si, dans ce milieu, il y a place pour lhypothèse de royauté, de monarchie absolue ou constitutionnelle, de déléga— tjoa viagère ou à terme lise pour aucune fonction, même pour celle de garde champêtre; et si un seul fonctionnaire pourrait se maintenir dans sa fonction ue seconde au—delà du moment où II curait démérité, où il s’en serait rendu indigne ou incapable?— Maintenant, de ce que l’imperfection du mode d’exprimer incontinent le suffrage universel ne permet pas encore au souverain d’exercer par lui-même le pouvoir exécutif, ou d’avoir une action permanentee: immédiate sur ses délégués et mandataires, en conclurez-vous que lamajo-. rité puisse aliéner la part de souveraineté de la minorité pour un temps ind&. ni, ou méme pour un temps tel que les délégués puissent songer à l’usurpa.. flou; revltir un caractère de supériorité incompatible avec l’esprit d’égalité et de liberté qui est inhérent à la souveraineté du peuple, à la majesté d’hommes’ qui se gouvernent par eux-mêmes? 
Les deux publicistes font trop bon marché des principes, de la fol, du droit de la notion absolue du bien et du juste. Pour eùx, le nombre et le fait sont.. au-dessus de la vérité, ou. bien c’est le nombre qui fait la vérité fatalisme, matérialisme, doute et scepticisme rongeur qite tout cela. On est en lutte: on ne vent plus se battre à coups de canon ; on fait trêve, on se battra à coups de bou!es blanches et de boules noires; et ils appellent cela des principes! 
De son cOté, le journal la Voix du Peuple voit très bien les élémens du. problème et il en donne la solution; seulement il défait le langage consacré : 
la place des principes, du droit, de la justice, de la morale, il mette progrês; d’antres, mettent la loi de nature. — Dispute de mots! — A moins, cepen-. dant, qu’il n’y ait là un parti pris contre la croyance à l’existence de Dieu, et. le dessein de matérialiser le plus possible ce qui constitw le monde moraL Dans ce cas, nous ne saurions l’approuver. — Progrès, nature, ces mots n’offrent, certes, pas assez de précision lorsqu’ils sont lancés isolément. Quoî qu’il en soit, le progrès n’est rien, s’il n’exprime pas le développement moral. Intellectuel et physique, l’égalité des conditions, l’intelligence plus grande de l’ordre providentiel des destinées collectives, la réalisation plus complète des moyens les plus efficaces du perfectionnement et du bonheur du genre humain, ou de la liberté, de l’égalité et de la fraternité de tous. Il fallait don€ dire que le progrès se caractérise, se démontre par le développement de la. notion du droit et de la justice, par la réalisation des voies et moyens plu& efficaces de ce perfectionnement. 
Nous préférons le langage du citoyen Guérouit. En homme qui possédait d’avance la clef (le la solution cherchée, il a solidement réfute M. Girardin. en peu de mots. L’unité de principe ou de morale, la foi ardente, un mime but, voilà le seul moyen (le faire que les majcrités et les minorités vivent en paix. Il met ainsi la puissance du nontbre à sa place,qui est la. seconde; et la puissance de la vérité, du. bicn, du bon et du beau à la sienne, qui est la prc. mière. 
Arrière donc le formalisme! La lettre tue, mais l’esprit vivifie; il en est de même du nombre par rapport à la moralité, à la sagesse, ‘u la vertu; — le culte exclusif des boules ou (lu scrutin nous perdrait ; — Le culte exclusif de t. vérité, du bien, de la science et des principes, nous sauvera. 
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L’ASSOCUflON ES’! OBLIGÂTOI BR. 
Ou’cst-ce que l’association.? cest la forme organique,,naturelle, entielte de la solidarité, la condition absolue de. la commandite sociale ou du crédit gratuit; la condition, non senlement’dé l’économie, du bieu.être et de Iari chesse, mais du développement, moral et physique des citoyens d’une même IpubUque, et, par suite, la condition extérieure de lalilierté et de l’égalité. 
Si la garantie ou la Jouissance effective du droit. au travail est exigible devant la société, et si le concert, l’unité, la réciprocité, c’est-à.dire I’associz— tion des travailleurs, est le seul modeit’organisation économique, qui permeee d!assurer à chacun le travail et le développement; de toute évidence, l’asseciat lon ne saurait être plus facultative de la part des individus, que ne l’est l garantie du droit au travail, chaque citoyen, de la part de la société. -— Or, Les deux prémisses sont, nous. le croyons, démontrées aux yeux de nos lecteurs: donc la conclusion est irrésistible. 
Le droit au travail implique nécessairement l’association des fonds prodoctifs; par conséquent, la tendance à la destruction du monopole dii sol, dernier privilége et le plus fondamental. — Reconnaître aux individus le droit au travail, c’est reconnaître à la société le devoir de se faire centre de la proS. duction et de la distribution des richesses; c’est l’investir légitimement de la délégation des instruniens de travail; c’est, au moins, lui faire une obliga. tien de garantir à chacun et à tous la base de la production, le débouché (lU produit et l’équité de l’échange; c’est enfin prodamer la déchéance du laisse:r.. faire, et constituer l’unité économique. 
Iour assurer du travail aux uns et aux titres, il faut nécessairement retfrr i tous l’arbitraire et anarchique disposition, non seulement dusol et des autres capitaux acquis; mais du produit net de l’activité nationale à mesure qu’a se réalise. La garantie du droit au travail, à tous, en tout temps, par la ciété, implique que le travailleur n’aura ni la propriété absolue des produits, ni le soin facultatif de réchange on des débouchés, et des coudjijoija de vente. 
Lors même que l’intérêt mieux entendu, ou la charité, conduirait la plupart des capitalistes, et même les corporations à former des associations dans les— quelles on se conformerait aux lois de l’égalité, ne voiton pas que, ces unions étant facultatives, le sort futur des classes prolétaires serait toujours saris garantie, toujours livré à l’arbitraire, au caprice des décisions individuejj, subordonné à l’intérêt égoïste des uns ou des autres? On n’aurait donc jours obtenu que la réalisation flottante, incertaine, d’un fait salutafre tand!. qu’il faut obtenir la reconnaissance, la sanction légale, la jouissance positZ’i d’un droit imprescriptible. Oui, c’est ici une question de droit et de jusii qu’il faut porter sur le terrain de la politique: ce n’est point la charité, ma1 l’equitd rigoureuse, le droit enfin qui est en cause; et c’est ici uniquement que la vraie démocratie peut opérer une action salutaire, effestuer une rev 
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licatioa large et vraiment radicale au nom de toutes les classes popuIaires, 
Si ledroltuwt ail, à la fonction, et, par elle, à la consommation, est rêe? 1’asociation natiôaale t obligatoire. Nul doute, les actes rellgkux, les cern. Nnaisons libres des capitalistes ou des corporations peuvent aider singulièrement à la transformation; mais ils ne peuvent ni l’effectuer, ni lui donuèr la 
•sahctida finale et le caractère ùnlversel d’institution sociale permanente doat. elle •a besoin. 
Un petit nombte de seigneurs, au moycn..âge, échauffés par la parole si vivi 1iante de Jésus—Christ, ont, de leur propre mouvement, rendu la libert leurs serfs; et, en agissatit ainsi, ils ont bâté le moment où l’Itat rendrait obligatoire et généraliserait la grande mesure de l’émancipation. Ce qui avait été facultatif et méritoire, d’abord, devint une prescription absolue de la so. ciété, et l’on peut dire que l’affranchissement ne date que de ce dernier nio ment. li en peut être de même du prolétariat. 
Les riches peuvent faire beaucoup de bien, et avec un grand mérite, Cn li— 
•bérant volontairement le travailleur de la dlnie qu’ils prélèvent sur lui : comme les seigneurs leurs serfs, IlS peuvent âfi’rauchir leurs salarids; mais la Jus’ttcu veut que le crédit social vienne généraliser ce que le crédit privé aura pu 
•comuiencer; elle veut, qu’à côté du fait s’installe le droit; qu’à cêté des ét bUssemens plivds se Woutrent les institutions publiques. 
Faiie de l’asSociation une faculté, et rejeter l’intervention de l’Etat àprès .avôir reconnu le droit au travail, cela nous paraIt inexplicable. — C’est cependant l’illogisme d’hommes fort logiques d’habitude: les Fouriéristes et Proudhon nient en fait ce qu’ils proclament en droit car li est bien évident que la reconnaissance du droit au travail fait de l’association et de l’unité une ohligation et non une faculté.—C’est l’une des mille contradictions et des mille Impossibilités de Pnoudhon d’avoir dit, après nous, le droit au travail reconnu, c’en est fait du droit de propriété, et en même temps d’avoir proclamé, à l’en. contre de nous, le principe du travail arbitraire et solitaire, la légitimité de l’appropriation individuelle des instrumens, et celle de la concurrence. 
Fourier a très bien compris que l’association ne pouvait être facultative: 
« II faut pour avoir l’équivalent des quatre droits cardinaux (chasse, pêche3 
» cueillette et pâture), que tout pauvre puisse dire à sa phalange natale: Je 
o suis né sur cette terre, je rc1ame l’admission à tous les travaux qui s’y 
o exercent, la garantie de jouir des fruits de mon labeur; je rdclame l’avance 
o des instrumens nécessaires pour exercer ces travaux et de la subsistance en 
‘. compensation du nnosr de vivre que m’a donné la simple nature. » 
Ce langage n’est point une prière, niais une injonction du droit. — Or, il fallait aller plus loin, il fallait faire dire par chaque phalange et par chaque individu à toutes les phalanges, c’est-à—dire à la société entière, ce que l’on fait dire avec tant de raison, par chaque individu à la phalange natale. 
Si l’association, forme économiquede la solidarité, n’était pas l’unique moyén de réaliser la liberté et l’égalité, la garantie du droit de vivre, il faudrait pour toujours l’abandonner au libre arbitre des individus; mais lorsqu’à son existeug 
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sont attachés la sécurité, le développement indéfini de tous, elLe devient mani 
lestement une obligation qui n’attend plus, pour s’imposer à tous, que la sanction de la loi ou de l’opinion, cette expression vague de la souveraineté pcpulaire. 
Sans doute si, dans l’avenir plus ou moins prochain, personne ne voulait si le peuple répugnait à l’association, elle ne se réaliserait point, promulguât.. n mille lois chaque année pour l’imposer; le peu qui s’en formeraient resteraient toutes volontaires. 
On ne force point un peuple à faire ce qu’il ne veut pas, ce qu’il ne comprend pas ou ce qui répugne encore à ses moeurs. En ce sens, le droit est connue non avenu, et cependant il n’en reste pas moins imprescriptible et toujours revendicable. 
Mais faites que l’association soit voulue du peuple en général; que par lui, le juste soit fort, que le souverain penche du côté droit, et je dis que l’association sera plus qu’une faculté et deviendra d’obligation légale; un devoir social impérieux. 
Association libre! — Dites donc obligation facultative. — Crédit gratuit t 
— Dites donc: droit au travail son garanti. 
Certes, en des choses si délicates, si capitales pour tout le inonde, où il s’agit des moyens de vivre, de la production, de la répartition et de la jouissance 4es richesses, les relations d’homme à homme ne sauraient être abandonnées à l’arbitraire d’aucun individu; ou bien il faut convenir que tonte législation est superflue; renoncer à toute institution, à toute règlementaLion, et livrer chacun à son libre arbitre. 
Ma!s s’il y a une justice relative en cette matière, que fer&.vous à ceux qui ne voudront pas se conformer aux décisions de la justice P Faudra-141 attendre qu’il plaise aux capitalistes de cesser d’exploiter les ouvriers, avant que les ouvriers puissent légitimement secouer cette exploitation? — lvjdemment, lorsque la généralité des citoyens aura acclamé l’association et ses moyens, la loi viendra sanctionner le fait, et, ce qui était facultatif comme bon, pour celui qui l’adoptait en liberté, sera rendu obligatoire comme juste, c’cst.à-dire comme bon et utile à tous, toujours, partout. — C’est ainsi que se sont toujours formulés les divers progrès de la justice ou du droit, c’est ainsi qu’à la liberté a toujours succédé la règle, l’obligtTon, la contrainte de la loi appuyée, greffée sur les moeurs ou l’opinion, L ache l’était elle-même sur l’idée (lu juste, du bon et de l’utile pour tous. C’est donc une loi éternelle que toujours la raison générale se formule en institutions, en décrets, en volontés sociales impératives. 
Il idportaft d’établir la justice de notre cause. —Après cela, qu’on donne au peuple le fait de L’association avec toutes ses promesses, Il ne songera point à chicaner sur le droit, car le fait aura rejoint le droi’, en procurant tout ce qu’il promettait; car le droit, le peuple sait trop bien qu’il est de son côté. 
Ainsi, vienne le jour où 1’opin!on populaire prédomine dans le pip, et 
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par le pays, dans Passemblée nationale; et alors il seta légitime, nécessaire, 
de contraindre législativeent tous les centres de production, tous les capitalistes à l’association, à la socialisation des instrumens de travail. Tout travailleur sera sur Je pied de la plus stricte égalité avec les autres citoyens devant la loi cule et politique: il n’y aura plus là de patron qui puisse le chasser, le reprendre, lui refuser ou non du travail, le salarier à son gré... Alors, la question de l’abolition de l’usure sera tranchée: cette aboiition sera consommée de fait; car l’usure sera sans raison d’être, le travailleur trouvant son instrument tout préparé dans le capital collectif déclaré inaliénable, et toujours entretenu, vivifié, souvent augmnté, par des réserves et des prélève- mens intelligens sur le dividende annuel. — Enfin l’inégalité de répartition, quoique toujours importante, sera devenue une question secondaire, puisque le minimum d’existence sociale et la permanence du travail seront garantis avant tout à tous. 
Notre thèse, c’est qu’il faut empêcher le travailleur d’abuser des instru. mens de travail, et surtout d’exploiter son semblable : et voilà pourquoi nous déclarons illégitimes le libre travail, le libre échange, le monopole du sol. 
— On nous dit sans cesse : mais e l’association ne peut pas se réaliser par l’Etat; il faut qu’elle se réalise par a li berté. » Autant vaudrait dire: là justice, la morale et le droit ne doivent pas se faire respecter par lEtat, avec ses tribunaux, ses magistrats, ses Codes civils, etc. : il faut qu’ils se fassent respecter par la liberté, c’est-à dire qu’ils aient l’assentiment des moeurs, de l’opinion, de la conscience publique, de la science, de l’intérêt bien compris de la multitude. 
Si l’association est à jamais facultative, comme elle est condition de justice, condition de la garantie du droit de vivre, du droit au travail pour tous les pauvres, déshérités de leur participation à l’usage du sol, il en résulte qu’à tout jamais aussi, les prolétaires doivent se résigner, si MM. les monopo. leurs et capitalistes leur refusent l’association et tout ce qui s’ensuit I — Toute révolution dès lors est un criile; tout droit un mal, une sottise; toute revendication inutile : mettez-vous à genoux, et priez vos mattres de vouloir bien vous accorder ce qui vous est dû. 
Mais, ce n’est point ainsi que les choses se passent, Dieu merci! — Dans le mouvement et le progrès des relations sociales et économiques, les individus apportent leurs intêrêt, leurs passions, leurs croyances; l’Etat y met le droit, la justice. — Or, l’intérêt prescrit aujourdhui aux masses laborieuses, l’association, la mutualité, la solidarité, l’unité universelle; et le droit prescrit à l’Etat la sanction de cette association et de cette unité. Voilà tout. L’intérêt coïncide avec le droit, ou si l’on veut le droit coïncide avec l’intérêt : mais quand la plupart ont compris l’intérêt et voulu le droit, les autres peuvent s’y opposer, y répugner: alors la contrainte est licite et l’Etat intervient. 
Si donc l’on nous demande: les individus, et après les individus les centres, les corporations, resteroni-ils libres de s’associer oirde ne pas s’associer? — En droit non en fait oui..., tant que la force de l’opinion, les nécessités 
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économiques et l’intérêt, ne suffiront pas pour y amener indirectement le grand nombre. 
Ainsi, la moindre conclusion à tirer de ce qui précède, c’est que l’appropriation des terres et des autres capitaux ne peut plus être que corporative: 
l’association est non seulement de rigueur, de droit et d’obligation entre lés individus, mais entre les groupes d’associés eux-mêmes. Seulement leur centralisation, leur ùnité, leur pacte, leur administration pondératrice, lettr gérance, peuvent et doivent venir de leur spontanéité, se maintenir, se perpétuer par leur propre et libre mouvement; en d’autres termes, elles doivent se gouverner par elles-mêmes, entre elles-mêmes. Elles doivent bien avoir un centre, un coeur, une tête, et elles en auront une; un Etac, et elles en auront un, mais ce sera l’Etat transformé, l’Etat esclave des adtiiinistrés; ou, si l’on veut, l’Etat.peuple, issu du Peuple, dépendant du Peuple, le Peuple en personne. 
PHASES PROBABLES 
DU OUVEET ÉCONOIITIQUE SOCIALISTE. 
L’association a donc pour elle le droit, il faut aussi qu’elle ah pour elle la force. Comment la lui donner? Par l’exemple et par la propagande : en formant des associations; en persuadant le souverain; en construisant d’abord les fondemens du nouvel édifice; en demandant à l’opinion et par elle ‘u la loi, d’en fournir le couronnement et le faite. Ainsi, question de majorité, dans un cas comme dans l’autrç. — Or, le droit tend, de sa nature, à conquérir suc cessivement toutes les iajorités et toutes les minorités; et les minorités, comme les majorités, donnent la force quand elles ont pour elles la justice. 
Après cela,.il n’est pas possible qu’on se méprenne sur l’importance que nous attachons aux combinaisons transitoires que nous pourrons exposer. Cependant la franchise de l’écrivain, enversses lecteurs, doit être sans réserve. Nous l’avouerons donc: nous n’avons d’amour et de foi que pour ce qui doit être. Tout ce qui n’est pas l’idéal selon notre coeur, tout ce qui n’en approche pas à un haut degré, nous répugne, nous trouve non pas indifférent mais incr& dule. Ainsi, non seulement nous ne croyons pas à la réalisation des voies et moyens transitoires eu général, ni de ceux que nous allons exposer à la suite de cet article, mais nous n’en voulons que comme un moindre mal; nous nous résignons et nous protestons; nous n’acclamons, nous n’adhérons pas; nous laissons faire ce que nous ne pouvons empêcher; nous constatons la fatalité, voilà tout. Si donc nous combinons ici des possibilités, des transitions ois plutôt (les transactions entre le bien et le mal, il faut se souvenir que par là nous n’entendons que reconnaltre le terrain sur lequel la nécessité viendra peut-être développer sa trame. 
Cette explication était nécessaire afin d’empêcher qu’on ne nous accusât légèrement de contradiction ou d’indécision. 
Si nous avons bien interprété le mouvement social, voici donc ce qui peut arriver progressivement: 
1 Les associations volontaires, convergeant vers l’union, par intérêt bien entendu, et en toute liberté d’initiative, prépareront le terrain à l’unité de drott par l’unité ou plutôt par la fédération de fait; — ou bien elles maulfesterout des ineomptabilits, feront naitre des revendications, (les luttes et 
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des perturbations, dont l’origine serait en germe dans leurs imperfections, On 
dans leurs prétentions respectives; et elles appelleront ainsi l’action et l’inter. vention du Peuple souverain ou de la loi organique, — En d’autres termes, toutes ces agglomérations volontaires peu à peu réunies par un pacte de solidarité concluront, dans leur épanouissement naturel, soit à l’unité, soft à la fédération par l’institution’ou la reconnaissance d’un conseil supérieur d’adininistraUon, ayant puissance de centralisation et ne relevant de l’Assemblée nationale que pour la consécration qu’il en recevrait ou pour le haut contrôle qu’il en subirait. Les associai ions se procureraient alors mutuellement le crédit gratuit, et se répartiraient la production et ses fruits selon la justice, par l’intermédiaire de ce conseil. 
2° L’ELat-reprsentant viendrait aider, par sa commandite spéciale, la crois. sance des associations naissantes, aider aussi celles qui seraient consolidées, en sanctionnant Légalement la charte constitutive que ces associations se seraient donnée librement et de fait. 
3° En même temps, ou tôt ou tard, l’Etat interviendrait d’une manière plus ou moins indirecte pour la réglementation universelle des établissemens et du travail de. [industrie privée dans le but principal de garantir les droits des prolétaires encore condamnés à y trouver leurs moyens d’existence. Ici, pourrait fort probablement s’encadrer le grand acte révolutionnaire du rachat ou de l’expropriation universelle pour cause de salut public, au sein des accès fébriles d’une société en fermentation et destinée à une vie meilleure. 
t° Puis, les petits Et ais industriels, fédérés jusque-là, ôu encore épars et sans lien positif de solidarité et de mutualité, faisant un nouveau pas dans la voie de perfectionnement, concluraient à la fusion, à la création d’une assemblée ou congrès, qui, par l’organe d’une institution expresse, donnerait lui- nième le crédit à tous au nom de tous; sans cependant encore ôter au divers Etats l’appropriation des instrumens et des capitaux de leur centre, par conséquent en respectant encore une grande source d’abus et d’inégalité. 
5° Viendrait enfin, un nouveau mouvement qui transporterait définitivement la propriété des instrnmens au souverain indivisiblement, socialiserait le sol et les capitaux, et mettrait ainsi le sceau à l’unité éconoimiquc, en ne reconnaissant plus que des fonctions et des fonctionnaires comme nous en avons esquissé l’idéal dans le deuxième numéro de cet écrit. Ce nouveau progrès s’accomplissant parmi les petits Etats économiques fédérés, ainsi passés de la juxta-position à la fusion, à l’imité économique nationale ,dès lors, ces petits Etats, ne seraient plus que des circonscriptions (l’une mémé république industrielle: c’est, dans l’ordre économique, ce que serait, dans l’ordre civil et politique, la fédération des États-Unis d’Amérique du Nord, si elle venait à centraliser ses 26 États jusqu’au point de faire disparaltre leurs législatures par. ticulières, et d’assimiler le Congrès de l’Union à une Assemblée nationale française, et de consommer l’unité civile et politique nationale. 
Que ce mouvement commence donc: qu’il se propage par le seul effet de la spontanéité dun peuple enfin illuminé d’une pensée de délivrance et de salut, que les communes socialistes s’édifient et se multiplient sur toute la surface de ta France; et, bientôt, du sein de tontes ces associations, encore éparses, insolidaires, indépendantes et isolées; par conséquent incomplètes, incertaines de leurs destinées, s’élèvera un même cri, preuve des mêmes imperfections, expression d’une même nécessité, d’un besoin commun, du besoin d’unité, de réciprocité régulière; et alors de leurs envoyés librement élus se formera un conseil centrai supéieur, une gérance: ce seront les États-généraux de toutes les sphères d’activitês social es organisées (tans leur sein par elles-mêmes, se gouvernant elles-mêmes; ce sera une immense fédération de petits peuples d’associés se constituant librement et se donnant un congrès-serviteur: —. et alors seulement, sera clos ce long mouvement de transformation: et l’État non. veau, l’ELat démocratisé, l’Etat fait peuple commencera ses vastes destinées. 
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Cette manière de comprendre le mouvement des choses1 il y a longtemps 
(en 18l8), que nOUS l’avons produite; et plus nous allons, plus les évènemens se réalisent, plus elle nous paraît vraie. Nous publiions en i81t6, et nous répétions en 8lt9 des réflexions que nous croyons utiles de reproduire ici, comme résumant nos idées à ce sujet. 
Le peuple est aujourd’hui abandonné à ses propres inspirations et à ses propres efforts par l’Etat, qui décline systématiquement ses plus imprescriptibles attributions, ses 1dns essentielles prérogattvcs. Nons nous demandons alors, en atlen’Jant que l’Etat recouvre ses droits, ce que le peuple doit faire; et nous rdpon ons II doit s’associer sans l’intervention de I’Etat, puisque cette intervention lui fait ddfaut. 
» Il y a d’ailleurs ici de hautes exigences qui semblent découler de la nature des choses sociales, c’est-à-dire des lois fatales qui dirigent le mouvement providentiel de l’humanité. 
» Entre ce qui est et ce qui devrait être, il y a toujours l’ignorance, les habitudes et les préjugés, la peur (les intérêts, la haine des passions, enfin toutes les infirmités inhérentes aux êtres imparfaits. Si donc l’intervention du législateur est indispensable et ne saurait être contestée en droit, en fait, il faut reconnaître qu’elle est vaine ou funeste toutes les fois qu’elle n’est point appelée par l’état des esprits, par la volonté générale, par l’antérieure préparation des moeurs. Avant d’élever l’Etat à ce rôle si délicat, il faut Peu rendre capable et digne; ce qui suppose, dans l’ensemble des citoyens, une moralité, une lumière, une volonté correspondante qui lui serve de véhicule ou de frein rouvent, qui toujours !ui fasse écho, oti le seconde dans ses mesur”s. 
D’ailleurs, tout mouvement durable est le produit de la liberlé, et toute amélioration sociale celui de la moralité générale. Toujours le fait social u précédé le droit positif; toujours les moeurs ont précédé les lois efficaces, es législateurs respectés, les institutions et les organisations souffertes ou accia. niées. On peut même dire que les principes et les constitutions ne sont ren sans la persuasion, sans la lumière qui les fait aimer et désirer. 
» Les améliorations larges et sociales se préparent (tans les profondeurs des consciences, par en bas, et s’achèvent par en haut. Toute loi de formation sociale procède doue toujours du fait multiple à l’unité, des rayons ou de la circonférence au centre. Ainsi, avant qu’il y eût une papauté, longtemps il y avait eu des évêques libres et isolés; avant qu’une féodalité fût possible, long. temps il avait fallu des seigneurs nombreux, des populations agglomérées sous leur puissance et leur juridiction particulières. 
» Aujourd’hui donc, comme toujours, il faut se garder de s’en remettre aux gouveraemens pour le salut du peuple. Se reposer sur eus, du moins, jusqu’à abdiquer toute initiative particulière, est une illusion déplorable. Chez les peuples libres, ou qui veulent le devenir, les gouvernemens secondent le mouvement ou s’y opposent ils ne l’impriment jamais. 
Attendre que la société entière, par l’organe dit pouvoir public, veuille, sanctionne, régularise la justice et l’égalité au moyen des lois et des institutions positives, c’est s’exposer à passer sa vie sans rien ajouter à l’oeuvre progressive de ses pères, à ne voir réaliser aucun des voeux qu’on a formés. N’est-il pas plus prudent de pratiquer incontinent cette association, cette égalité des conditions, cette justice distributive qu’on acclame sincèrement P 
» Si l’histoire du passé a jamais eu des enseignemens pour l’avenir, ou peut affirmer que le progrès vers l’ordre, l’unité et l’organisation économique, s’accomplira concurremment par l’intervention active de l’1tat et par le fait libre et complexe des individus bien intentionnés : d’abord viendra le fait libre, puis la loi sanctionnera progressivement les actes salutaires de la volonté générale. 
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U faut donc se garder de jeter un dévolu aveugle sur l’association libre, 
sur les efforts des particuliers pour la fondation et la multiplication de grands centres agricoles, manufacturiers et commerciaux, régis d’après les nouveaux principes de Solidarité et d’Égalité; mais il ne faut pas davantage méconnaître la légitimité et la nécessité de l’État pour dégager a propos les bonnes tendances et légaliser les faits accomplis. 
» Par la force des choses, nous allons à la concentration intelligente, sinon tout à fait équitable, aux grands ateliers, aux grands magasins, aux grandes fermes; et c’est un bien relauf. Désormais, mieux vaut la centralisation que le morcellement; de même que mieux valut la féodalité du Xl1 siècle que l’anarchie du IX’ ou du X’. Le passage à l’ordre, à l’unité économique, à la justice distributive, sera rendu infiniment plus facile et plus prochain pour les travailleurs réunis, dans de vastes associations et (le grands centres; de même que le passage à l’ordre et à i’uniuf politique, fut singulièrement fac. lité pour la royauté et pour irs bourgeois réunis en cota munes, lorsque l’anarchie ne fut plus représéntée que par un nombre (le jour eu jour moins grand de seigneurs, de ducs et de comtes. — Il est plus aisé de ramener à la raison cent mille souverainetés économiques ou politiques que dix millions. 
» A défaut dc la centralisation immédiate et législative , il faut donc favoriser la tendance ‘s la grande industrie, à la grande culture, au grand commerce. 
» Le peuple ne pourra tourner les tendances à la féodalité qu’en se plaçant soi-même au coeur du mouvement de transformation. Il ne re,te qu’un expédient aux petits capitaux, aux travailleurs dévoués, à tous les riches touchés <les misères cruelles qui les entourent, C’est (le constituer d’eux-mêmes en toute liberté, comme tout le monde, des centres industriels, agricoles et coun merciaux, le plus grands possible; de leur imprimer une supériorité & direction, d’y introduire des règlemens, une solidarité, une équité telles, que leur force d’absorption gagne, de proche en proche, toute la Franco; que l’imitation s’en répan4e ‘n [‘envi; que des établissemens analogues se multiplient ‘s souhait, à peu près comme au VI’ siècle on vit les monastères se multiplier magiquement sur la terre des Gaules. 
» Vues de ce côté, les associations volontaires sans le concours de [‘État, ont la plus grande valeur. » 
L’association, l’unité dans la variété, la liberté dans l’ordre et dans a justice, voilà donc ce que nous avons toujours vouhi. Comment obtenir tous ces modes, tous ces états de la vie prochaine du monde chrétien? Par l’adhêsion, l’acclamation, la croyance et la pratique spontatiée du Souverain. —Nous disons alors, que l’association volontaire peut et doit tout commencer et tout elaborer; que d’elle dépend l’avenir du monde; tuais en même temps nous ajoutons que si nous la voulons volontaire d’abord, c’est cnune moyen dela rendre obligatoire ensuite. 
Nous faisons même encorenos réserves; lorsque le mouvementen avant dominera tous les esprits, passionnera tous les coeurs et commandera tous les intérêts, si le Souerain, dans des vues organiques habituelles au peuple français, si unitaire (le sa nature, envoyait une Assemblée nationale, dans le dessein d’abréger les temps d’épreuve et d’incertitude, d’épargner à tous les lenteurs d’une fusion douloureuse au creuset de l’anarchie, nous disohs que ce jour.là on pourrait tout attendre de l’association obligatoire; parce qu’aux efforts individuels, incertains, imperceptibes, douloureux et lents, seraient substitués les efforts collectifs, l’organisation instantanée, universelle du travail national; et, que, dès lors, la France verrait se fermer le cycle révolutionnaire pour entrer dans l’ère de l’édification et des améliorations vraiment populaires. 
La réalisation future (le l’unl(d dconomique, comme déjà nous avons la 
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réalisation de l’unité civile et politique; voilà vers quoi la France marche h 
pas de géant. — Remarquez soigneusement que tous ceux qui veulent l’unité de Peuple, l’uniformité de langues, de lois civiles, une République une et indivisible, sont des socialistes unitaires incomplets; ils sont unitaires en politique, mais ils s’arrêtent tout court lorsqu’on leur montre que la logique les mène invinciblement au socialisme unitaire économique. — Les fédéralistes seuls sont conséquens, ou plutôt, les fédéralistes eux-mêmes sont illogiques; car ils veulent, au moins, l’unité dans la province, dans leurs petits Etats, comme en Amériqua; et là encore ils sont unitaires. — Celui-là seul qui dit: Chacun chez soi, chacun pou;’ soi; celui-là seul qui se fait loup solitaire, peut se dire anti-socialiste; — Je n’en connais qu’un: c’est Ronir soN; — et encore l’est-il malgré lui. 
L’intervention de la souveraineté du Peuple, directe ou indirecte, est en effet si indispensable en tout et partout dans l’ordre économique qu’n ne peut faire un pas dans la carrière des réformes et des améliorations sociales sans recourir au moins ‘n sa protection, ou à sa neutralité, ou à son initiative. C’est que la spontanéité individuelle intéresse tout le monde, c’est que, dans L’ordre économique spécialement, il n’y a rien (le privé ou de particulierabsclument, et quetout acte affectant la richessedevient d’intérêt général et social. et revêt un caractère public. Comment, par exemple, opérer une réforme administrative sur toute l’étendue de la nation sans remonter au Peuple sou verain par les assemblées constituantes ou conventionnelles? 
Enfin, pour épuiser toutes les bypotimèses caractéristiques touchant le mouvement économique futur, nous ferons celle de la liberté. Dans cette hypothèse, qui satisfait le désir et l’espérance, les intérêts s’associeraient et s’isoleraient tour à tour dans la plus complète liberté; mais, en réalité, et par le faft de plus en plus certain du développement de moins en moins inégal des individus, glace à l’intérêt mieux entendu, au juste balancement ds prétentions (t des forces en -action dans le grand laboratoire des richesses; à la prévoyance, à l’économie, à l’ordre, à la moralité (le chacun et (le tonS ou du très grant:L nombre, le mouvement universel conclurait dans sa résultante à une égalité des conditions assez satisfaisante. — Tout cela nous parait admissible. Mais 
le vague de cette hypothèse la rend ici sans valeur; elle n’apprend rien, si ce n’est l’espoir que la liberté aboutirait au bien. Dire que l’équivalence progressive de facultés, de développement intellectuel et moral, et de valeur socialé des individus, aniènera fatalement, graduellement, par la voie indirecte des prétentions respectives, l’équivalence des conditions et des fortunes, c’est être 
dans le vrai; mais ce n’est pas indiquer les moyens ou la forme économique du milieu où se produira cette équivalence. — Cependant, c’est précisément (le quoi il s’agit. 
ASSOCIATION AGRICOLE VOLONTAIRE. 
OflE D 1flS, 
Malgré l’antipathie du droit pour l’association volontaire ou facnItative i’Economist e-politique doit en faire l’hypothèse. Nous supposerons seulement que la protection sincère et active de l’État est acquise ‘n ce mode salutaire. 
On ne se pénètrera jamais assez de tout ce que peut l’action individuelle pour l’organisation (lu travail; mais elle est garrottée par les milliers d’entraves accumulées depuis des siècles contre l’association volontaire. Il faut dont absolument que le peuple, par l’Etat représentant, intervienne, seconde les 
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eflùrts particuliers, ne serait—ce qu’en déblayant les obstacles que tant de lois 
ont mis à toute innovation en ce sens. On né s’étonnera donc pas de nous voir apporter l’hypothèse de son intervention encourageante ou bienveillante dans des combinaisons d’où nous l’excluons systématiquement pour l’instant. L’association égalitaire et fraternelle des travailleurs agricoles doit marcher de front avec celle des travailleurs industriels; celle des campagnes ou des paysans, en même temps que celle des villes et des ouvriers-artisans. La liberté et l’égali?é—ne peuvent même pénétrer dans les villages au sein de 25 millions de Français répandus sur le sol, qu’à cette condition. — Il y a plus: c’est au milieu des campagnes qu’il faut principalement installer l’in— dustrie, côte à côfe avec l’agriculture. 
Toute association volontaire, pour être bonne au fond, doit remplir les conditions suivantes: 
1 Il faut qu’elle ait une base agricole, en même temps qu’elle sera manufacturière et commerciale; afin que le minimum d’existence des associés soit indépendant des chances aléatoires du commerce, de l’industrie, de la vente et de l’achat à l’extérieur, en un mot à couvert contre les ruines qu’engendre la concurrence appliquée aux produits de mode et de fantaisie, aux objets d’une utilité secondaire. La base agricole c’est l’ancre au port quand vient le mauvais temps à la mer. Par l’exploitation combinée de l’agriculture, de la manufacture et du commerce, chaque association se suffit à elle-même pour les premières nécessités de la vie, quoi qu’il arrive datis les transactions industrielles avec l’étranger. 
2 Il faut absolument que le sol et les autres fonds productifs soient la possession collective, indivise et inaliénable des associés d’une commune, ou d’abord d’un groupe quelconque dans une commune: chacun ayant d’ailleurs sa part (le propriété mobilière représentée par une action égale à son apport primitifou à ses épargnes ultérieures, confiées comme dépôt à l’établissement: 
cette valeur serait réelle et transmissible, puisqu’elle serait hypothéquée siirlc sol et sur toutes le valeurs consolidées de l’association communale ou du groupe modèle. — L’action ne représentant que le dépôt, l’épargne, l’avoir de l’actionnaire, ne rapporterait aucun profit ou intérêt au possesseur; car l’usure est un vol. — Cependant, nous concevons que chaque centre reste libre à cet égard: les uns pourraient reconnaltre au capital (épargne ou dépôt) une participation quelconque. —Lès autres, au contraire, auraient la faculté de ne plus admettre d’usure dans leur sein. — Mais nous sommes convaincus que bieutOt ceuxci feraient loi par le seul ascendant du vrai, du bon et du juste, et seraient acclamés, imités partout. Quoi qu’il en soit, l’essentiel au début c’est le fait de l’association commanale, partielle ou entière; c’est la garantie du travail et des premières nécessités. 
Ce ne sont pas de nouveaux travailleurs agricoles et autres qu’il faut se pro. poser de créer avant tout. Ce sont les possesseurs actuels, les fermiers, et les agriculteurs actuels, qu’il faut amener à vouloir s’associer, à réunir leurs 
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fonds productifs, leurs insirumens de travail de tout genre, à les niétamoçpho 
ser en propriété collective, comme nous l’avons indiqué. 
Les contractans pourraient fort bien stipuler qu’en cas de liquidation obligée, ou de force majeure, les apports fonciers seraient rendus à chacun. Dans cette vue, les bornes qui délimitent les domaines actuels seraient conservés, ainsi que les plans du cadastre. 
On a beau faire, l’association est fatale: elle aura lieu par une voie ou par une autre; la force des choses y pousse invinciblement. 11 n’y a que le pre. mier pas qui coûte. Un scul exemple donné par des ouvriers, petits iosses seurs de coins de terre, ou par (les capitalistes de coeur et (l’intelligence, lécidera subitement une imitation, une transformation universelle, merveilleuse. 
On se tourmente pour mettre en valeur les terres incultes au profit du pro. létariat: c’est là qu’on voudrait porter les essais d’association: ou bien, on voudrait acheter des terres meubles, des fermes, sur lesquelles viendraient s’asseoir des colonies agricols, etc.— Suivant nous, c’est principalement aux, possesseurs eux-mêmes ‘n prendre l’initiative. C’est d’eux que doivent venir la solution et l’ouverture; car c’est à eux que s’adressent les dangers du temps. Une seule commune, un seul gros propriétaire, huit ou dix ménagers, peuvent raire le salut matériel du siècle, en décidant un mouvement géné.ral d’imitation et d’émulation. 
A côté des riches, propriétaires du sol et des fermes, il est en effet boii nombre de petfts propriétaires, qui, se souvenant de leur origine prolétaire et comprenant les avantages immenses de l’association, suppléeraient au besoin l’intervention des gros. 
Du reste, les dfrickeme,zs pourraient se faire sitnu1tanment par l’association des fermiers-ouvriers et des propriétaires actuels, sur Je sol cultivé. Les deux mouvemens doivent même marcher de front. Les monastères au moyenége n’ont été établis exclusivement ni dans les déserts, ni au milieu des terres labourées. 
Or, nous le prophétisons: il ne manquera pas plus de saint Benoit, de saint Martin, de Colomban et de Cassien, de Bruno et de Robert d’Arbrlssel, ni de donataires de champs et dc capitaux, pour la fondation des communes-socialistes, qu’il n’en a manqué pour l’édification des monastères chrétiens, ces communessociallstcs informes d’un autre âge. Le moment est proche. Tons les signes du temps l’annoncent. L’émulation soyez-en sûr, va se tourner de ce coté, comme autrefois on vit les chrétiens s’évertuer pour mener à bonne fin les conceptions, les oeuvres et les monumens de la foi nouvelle. 
Une commune, une portion de commune, quelques fermiers ou propriétai. res étant une fois associés, toutes les autres portions de la même commune, et finalement toutes les autres communes, subissant la loi de perfectionnement, s’associeront, pour n’être pas écrasées, par la supériorité de la commure-modèle, dans l’arène de la concurrence. Nous faisonsici abstraction des mille bienfaits moraux de ce régime nouveau : )a puissance, l’économie des ressorts, la bonté, la quantité, le fini et le bon marché des produits, seront tels qu’il faudra 
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bien que producteurs et consommateurs de tout ordre s’y résignent par intdrdt. 
Ce mécanisme social supérieur sera pour l’economie, pour les prodacteurs isolés, agricoles ou manufacturiers, ce qu’ont été tous les outlls pour les travailS leurs â bras: la machine à vapeur ke, pour la filature de laine, de lin, de coton; la locomotive et les rails, par rapport aux diligences et aux routes pavées, etc. —Toujours, dans l’industrie humaine, quand un individu ou une nation trouve et applique un moyen, un mécanisme, un expédient progressif, c’est.à-dire qui apporte célérité, bon marché ou puissance relative, par cela seul tous les autres individus, toutes les autres nations se voient forcés de l’importer, sous peine de suicide: témoin le fusil, le canon, l’imprimerie, et tant de machines modernes 
C’est là une loi dont la constance ne se démentira point, tant que I’humanit voudra améliorer son sort, cherchera son bien, cédera aux irrésistibles suggestions de l’intérêt bien entendu. 
Comment supposer qu’un peuple comme le nêtre préfère s’étioler et s’abrutir dans les privations et l’intimité du morcellement; que l’cîtoppe, le coin de terre, l’isolement, fassent ses délices, et que les bienfaits du travail en coin. Lutin, OU de l’association, ne le touchent nullement! 
Que l’État vienne maintenant protéger en toute sincérité les essais d’asso. dations volontaires, et on les verra se multiplier, s’étendre comme une bienfaisante épidémie: ce sera une véritable contagion du bien tout aussi rapIde que la contagion du mal. 
Or, l’assemblée législative ne saurait différer de leur accorder cette protection: car la Constitution lui en fait un devoir majeur: il y a plus; elle veut que non-seulement l’Etat-Représentant protège l’association volontaire, mais. qu’il la vvoausa et L’ENCOUItiGE. L’article iS est explicite à cet égard. (1). 
L’Etat peut les protéger efficacement de mille manières, par exemple: 
P En dégageant les propriétaires fonciers des entraves infinies dans lesquelles les a enlacés le régime hypothécaire; en leur permettant, par des moditications devenues nécessaires à ce régime, de se purger de toute hypothèque par la transmission rapide aux créanciers, de la part d’actions correspondant aux sommes dues. 
2° En prêtant aux associés tes capitaux de roulement, nécessaires à leurs transactions: capitaux que l’État hypothéquerait d’ailleurs sur tous les biens de l’association; 
3° En les exemptant de tout imp& pendant la période nécessaire pour le développement de leur prospérité; 
(1) Art. 13.... La société favorise et encourage le développement du travail par l’enseignement primaire gratuit, l’éducation professionnelle, l’égalité de rapports entre le patron et l’ouvrier, les institutions de prévoyance et de crédit, les inst tintions agricoles, les associations volontaires, et l’établissement, par l’Etat, les départemens et les communes, de travaux publics propres à employer les bras inoccupés, ctc..... t 
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4’ Eu accordant une prime aux capitalistes et aux travailleurs qui prendraient 
l’initiative de cette incomparable transformation. 
Inutile de faire remarquer que la production agricole et la production marnifacturière marcheraient ensemble; que le commerce ou l’échange se ferait en gros et au nom de l’association entière; que les achats et les débits ne seraient plus grevés de redevances à une foule d’intermédiaires parasites; que in fraude sur le poids, sur la qualité; que les surventcs, etc., seraient sans raison d’ètre. —Chacun. pour sa consommation Individuelle, se pourvoirait, avec toute garantie de bon marché, de bonne qualité, et de loyauté, dans les magasins de l’association. 
5’ L’tat, dans l’hypothèse où il devIendrait, ar une Institution de crédit mise sous le haut contrôle de l’Assemblée nationale, l’intermédiaire unique vu légal entre les capitalistesprêteurs et les travailleurs, pourrait aussi commazi— diter en totalité ou en partie les associations sur leur demande. Eu retour, il imposerait à chacune d’elle ses conditions d’équité et d’uniformité, d’ordre et d’unité, enfin de prévoyance et de continuité dans le travail. Si, malgré de hi— gitiines précautions contre l’abus de son crédit, il était encore exposé à des pertes, la combinaison des assurances mutuelles par litat viendrait achever de garantir à la fortune sociale toutes les compensations désirables. 
On voit ici comment l’organisation du canton-cOmmune’et son administrl;’ tratiori de l’dconomie matFrietle ou des finances, des entrepôts et Iazar, viendraient faciliter merveilleusement l’essor et la mutualité de ces associatioxrs agrico-industrielles. 
Gomme on le pressent, l’usure irait à grands pas vers sa déchéance, saus aucune intervention légale et par le seul motif qu’ellene serait plus demandée: 
d’où le crédit gratuit, tant et si vainement cherché dans l’ordre de l’individualisme. 
L’expédient le plus sûr pour amener lès paysans d’une même commune à l’association volontaire combinée, serait peut—être d’universaliser et (le per. fectionner les FRUITIÈRES, la plus immédiate et la plus facile des applicacations du principe des associations agricoles (I). 
Car, bientôt, des associations pour l’exploitation en commun des produits de la vacherie, on passerait aux associations pour la manutention et la cuissoti conomque du pain à l’aide du four banal; poqr le chaulfoir commun; pour l’arrosage ou l’irrigation économique, panna vendange, pour la fabrication économique du vin, pour l’élève des cocons, la production économique de la soie, pour L’extraction économique du grain par les machines à battie; pour 
(t) On appelle ainsi des espaces de Sociétés que forment cntr’eux des cultivateu d’une même localités dans le but de recueillir le laitage de leurs vacheries respecti.— ves dans un mèrne elablissernent et de l’y faire manipuler en commun. Les produits divers (fromage, beurre, etc.). se partagent ensuite entre les associas au proratis des quantités de lait que chacun a fournies. Ce procédé très économique est d’un usage immémorial en Suisse, en Hollande, dans le .Jura, etc. 
On trouvera dans la Maison Rustique du liXe siècle (t. 3j, tous les détails r gleineutaires et économiques de ces RssocLalLous 
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la fabrication du sucre de betterave, et celle de la lécule de pommes de terre, 
etc.; pour le transport des denrées au marché; pour l’achat en gros, la consommation au juste prix et la bonne qualité des objets qui subissent aujourd’hui d’indignes et dangereuses falsifications; enlia pour la boucherie ou la vente de la viande au prix de revient, etc. 
Puis, par le seul effetde renchamnement logique des améliorations, chacun e tous s’empresseraient dans la même commune de réunir leurs exploitations agricoles, leursateliers, leurs instrumens aratoires, leurs efforts et leurs produits; de faire enfin en grand pour les fermes et les coins de terre morcelés, pour tous les produits agricoles, horticoles et manufacturiers, ce qu’ils auraient fait naguère pour leur lait, leur vin, leurs vers à soie, leurs betteraves et leurs pommes de terre. — L’État aurait ici à prouver sa sollicitude par les mêmes encouragemens et les mêmes immunités dont nous parlions tout ‘n rheure. 
Dans nos départemens et même dans plusieurs pays étrangers, on voit, depuis longtemps, de petits possesseurs affermer leuls coins de terre aux gros fermiers leurs voisins, et venir contribuer eq même temps au bon rendement de leur propriété, en qualité de joarnaliers attachés à la ferme qui en a l’exploitation. lis trouvent dans cette réunion, la même ardeur, le mêma jntért, la même indépendance et la même sécurité que s’ils exploitaient solitairement leur morceau de terre; enfin toutes les franchises possibles, moins la servitude du morcellement et ses inconvéniens moraux et économiques. De là, à l’association communale, la pente est facile. Il reste, non pas à affermer tontes les petites cultures et exploitations à la plus grande des fermes circonvoisines, mais à associer, à fondre et les grandes et les petites exploitations de la même commune, au profit de tous, pauvres et riches, fermiers et journaliers. 
Là se trouve l’une des meilleures et des plus faciles solutions, l’un des grands moyens transitoires, indirects et pacifiques. — Si les propriétaires fonciers négligent cet expédient, ils auront, on doit le craindre, celui du nnojr dans toute sa nudité radicale; peut-être même celui de l’expropriation forcée, de la violence enfin avec toutes ses rigueurs, au sein d’une guerre servile. 
Nous le répétons: on peut, on doit même faire, dans le pacte d’association primitif, toutes les réserves en faveur des possesseurs du sol. Nous l’avons dit: outre l’hypothàque, ils ont encore la garantie de rentrer en pleine propriété de leur avoir, grâce à la conservation des bornes des champs, des plans du cadastre, des actes notariés. 
Dans cet ordre de moyens, la liberté la plus farouche a certes ses coudées franches. Et cependant, à la rigueur, on peut multiplier les titres de propriétés tout en concentrant les propriétés elles-mêmes: on réunit ainsi les:avan tages de la grande et de la petite culture, de la grande et de la petite indus’ trie, de l’association et du morcellement. 
Se contenter de créer du travail dans chaque village, pour ceux de ses habitans qui en manquent, c’est à peine organiser l’aumône ou l’assistance; 
Ei’çst pç lotner rav C la rivhesse ataz 
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déshéritées l’aisance et la sécurité. C’est d’ailleurs oublier que les remèdes 
puiss dans la pharmacie de l’ancienne économie politique sont impuissans; c’est tourner dans un cercle vicieux éternel. 
Créer du travail à l’aide de l’impôt sur les riches, n’est rien, si, au moyex du concert, de la réciprocité ou de l’organisation unitaire positive, on ne le féconde pas en assurant une consommation proportionnelle à la production, et vice uersd; en granhissaIu le débouché opportun et la vente équitable; e:rt ne lais’ant pas le salaire suspendu, en quelque sorte, aux influences fatales de la loi de l’offre et de la demande, de la loi du prix naturel ou des frais de production (lu laisser faire actuel. 
Il faudrait aux communes un territoire comnzan, cultivé, exploité au profit collectif des habitans, avec les procédés agricoles les plus avancées. Or, lcs biens communaux, là où il en existe encore, sont livrés à quelque choac, comme la vaine pâture, et la main—morte de l’ignorance la plus crasse; et ne composent d’ailleurs qu’un lambeau ingrat, insignifiant, du territoire qui l’environne. 
Toutefois, dès qu’on entre dans cet ordre de moyens, il faut s’élever tout de suite à la conception des centres solidaires; créer alors du travail dans chaque commune, y avoir surtout une base agricole, puis relier entre eux. les travailleurs de la commune, puis toutes les communes de chaque canton entre elles, puis tous les cantons entre eux, etc.; mettre enfin l’unité dans ces travaux, de sorte que l’on produise les uns pour les autres, et que le débouché et la bonne vente soient toujours assurés aux produits. Mais cCs considérations appartiennent à un autre ordre de combinaisons : nOUS les réservons. 
L’Académie des sciences morales et politiques a mis au concours une ques. tion ainsi formulée: Rechercher quelles sont les applications les plus utiles qu’on puisse faire, du principe de l’association volontaire et privée, au soula. gemeat de la misère. 
Cette question n’a pas reçu de solutIon. 
La réponse cependant est facile: le moyen est simple pour qui veut sincèrement la fin : que les riches prêtent aux pauvres, et d’abord à ceux qui cité- ruent, des capitaux (fonciers de préférence) libres de toute redevance eu usure; qu’ils mettent des conditions intelligentes à leur généreuse immunité; qu’ils obligent tous les centres de travail, organisés sous leurs auspices désiii-. éressés et vraiment fraternels et religieux, à contracter entre eux le pacte de solidarité ou d’assurance mutuelle dans les revers et la prospérité; ù s’abonner à leurs produits réciproques, au prix de revient; à se donner, par l’élection, un conseil supérieur d’administration, qui distribue entre tous les foyers ou associations adhérentes les moyens et les conditions de leur prospérité, en procurant à tous la production en raison de leurs aptitudes, la consommation en raison de leurs besoins et tout à la fois de leurs oeuvres. 
Chacun trouvera naturellement dans ce milieu un minimum d’exl 3?ne Lertain, qui le préservera au monts de la nusère. 
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il y u mieux encore : que les capitalistes, ces seigneurs du xxi’ siècle, imitent les seigneurs du moyen-âge donnant la libcrté à leurs esclaves ou à leurs serfs, les faisant métayers de leurs domaines, leur aliénant même des terres moyennant. !gère redevance. — Que les propriétaires des fermes et des ateliers qui couvrent la France, aliènent donc leurs fonds à des centres de tra— v.iillcurs en constituant ces fonds, capital inaliénable, indiviq, propriété publique; qu’ils s’entendent pour fonder des cornu unes sociales, pour faire de chaque village une seule association, de chaque territoire une seule exploita. tion, et qu’ils se contentent de cette seule et suffisante réserve qu’ils prélèveront eux et leur descendance jusqu’au deuxième ou troisième degré, une légère redevance sur les produits ou revenus (telle que p. i0G, après prélèvement d’un salaire minimum pour les ouvriers. — C’est la seule voje pour eux de bien mériter de leur pays, et c’est peut-être la seule manière d’en sortir à l’avantage de tous. — Ou enfin, qu’ils en fassent don à I’Etat, avec condition expresse de les constituer eu fondation sociale perpétuelle au profit du prolétariat affranchi; — et moyennant une annuité viagère pour eutmêmes. 
ORGÂNISiTION DE LÀ PUBLICITÉ UNIVERSELLE 
DES FAITS ÉCONOMIQUES. 
Bureaux de placement généralisés. — Association volontaire et engagernens mutuels des travailleurs pour la garantie de la production et de la consommation. 
En abordant le monde des réalités, il faut composer avec ce qui est, se résigner au mieux relatif, chercher le possible actuel; etsans s’y fixer, en admettre du moins l’hypothèse: nous ferons tous nos efforts pour aller au-delà, et protesterons même encore lorsque nous cèderons à la nécessité. Mais enfin, si nous n’approuvons pas, du moins nous concevons qu’il y ait une station fatale avant d’arriver à l’unité absolue, à la socialisation directe et légale du sol et des autres capitaux. — 
De ce point de vue du relatif et de la politique vivante, il est une idée qui 
résume la théorie de l’intervention traflsitoire de l’État telle que nous la vouions: cest qu’une institution économique d’État, indépendante du pouvoir exécutif ou du ministère, élevée a la haute indépendance d’une magistrature élvile écononuique tte premier ordre, analogue à la magistrature judiciaire, soit t’intcrmdciiaire d’abord officieux, et si plus tard il y a lieu, l’intermédiaire Légat, unique et universel des citoyens pour la production, la circulation et la consommation des richesses de tout ordre; pour le crédit, le prêt et le plu. content des capitaux. 
Pins tard encore, et par la tendance irrésistible des faits, des intérêts et des volontés, un nouveau progrès aurait lieu dans cet organisme semi-social; et alors l’agrjculture, l’industrie, le commerce, deviendraient des fonctions sociales ou publiques, régulières et règlementées comme la justice, l’armée, l’UnIversité, le clergé, et, en général, l’administration politique. 
En attendant cette seconde transformation, ou voit avec quelle admirable 
“I 
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facilité viendraient se centraliser, s’ordonner et fonctionner au plus grand 
profit de tous les citoyens, sous la sollicitude et la responsabilité de l’institu. lion centrale, les institutions de crédit, d’escompte, les assurances, les entre’ péta, les bazars, les halles, les docks, les chemins de fer, les mines, les hypo thèques, l’inventaire social ou la statistique universelle, et en général les grands véhicuLes datransort des personnes et des choses. 
II y a longtemps que le Socialisme égalitaire et fraternel recommande cette combinaison: 
Ddjà en ‘18ls, après avoir affirmé que la paix ne sera solidement assise que 
lorsque chaque nation aura, réalisé dans son sein l’unité économique, indus. 
trielle, agricole et. commerciale, tout comme elle a réalisé l’unité politique et 
civile, nous ajoutions: « mais en attendant cette transformation radicale, rien 
» n’empêche les nations civilisées d’entrer dès aujourd’hui dans le courant 
s nouveau des idées économiques. 
s Ainsi, sans que l’unité matérielle soit réelle et intégrale dans une nation,, » les pouvoirs représentatifs peuvent fort bien créer une institution économi.s que, nationale, qui ait pour fonction spéciale d’être l’intermédiaire officieux s du commerce de ce pays avec’ tous les autres et de nouer en conséquence » ses relations diplomatiques. Cette institution centrale serait l’indicateur « universel, et comme la grande maison de commission gratuite et ddsin» tdressée du peuple tout entier vis-à-vis des autres nations du globe. Elle ne » serait ni producteur, ni consommateur; elle ne vendrait ni n’achèterait s elle-même, ni pour son propre compte, ou pour celui d’autrui; mais elle s préparerait les transactions en les rendant possibles et faciles. C’est à s ce centre que les nations étrangères s’adresseraient pour leurs offres et » leurs demandes: l’institution ferait ensuite.. connaître à chaque spécialité le renseignemens positifs de toute nature, s 
Ce que nous disions alors des peuples entre eux nous l’avions dit ailleurs, en i838, des individus et des centres entre eux, des corporations entre elles. 
— Comptoirs etbanques.d’Etat. entrepêts et docks, bazars et magasins, enfla institution nationale servant d’intermédiaire officieux pour les échanges ou la vente et rachat, pour la simplification du système de circulation, la loyauté, la facilité et la sécurité des transactions commerciales, etc., etc...., nous avons été des premiers à signaler1 à conseiller, à combiner tous ces moyens il y a douze etvingt ans. 
Mais nous avions demandé en même temps et indivisiblement le changement de rapports entre maîtres et ouvriers, capitalistes et travailleurs, Nous avions voulu que le patrois et l’ouvrier se transformassent en co-associds, égaux, Ubres, et gouvernés par la même loi de rétribution; enfin nous maintenions que l’abolition du prolétariat, c’est-à-dire la réalisation de l’égalité des condi kns de développement moral et physique; celle du droit au travail et la su. dalisation des instrumens ou conditions de richesse sont de droit immédiat, et que partant la doctrine des tra,iasitions est ici sans application; ne devant avoir de valeur et de légitilnLté qualors que le présent aura engrené eu quelque sorte dans l’avenir, et qui1 ne s’agira plus que de déduire les conséguenç s, ou d’édifier les d rnières assises. Quant aux premières fondations, il les futà tout prix. . - 
En attendant, la première chose à faire, c’est de mettre rouvrier en rapport avec l’instrument, le,producteur avec le consommateur, l’offre avec la demande, le ressources avec les besoins: avantd songer à régler les conditions di travail, il faut s’occuper de faire connott,reà tans où est le travail, où est le travailleur où sont le prodnc.Letu ctJq consommateur d chaque espèce de richesse. Ou ne pourra même aborder avec sucb la réforme des conditions du travail et du salaire qu’après avoir qrganis4 cette connaissance des faits élémentaires de l’économie: ou plutêt ne donnons la priorité à aucune amê UOFatIQn: il faut que pour être fécqndes, eUes est toutes situulLans, »i 
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reste, quelles que soient les relations nouvelles entre le travail et le capital, ta 
statistique économique, la mise en rapport directe des producteurs et des consommateurs, est indispensable, urgente: les deux questions sont donc, à l rigueur, indépendantes. 
La seconde chose à faire est de faciliter la vente et l’achat ; d’en garantir la loyauté, l’opportunité, les bonnes conditions; c’est d’apporter économie, ordi e, simplification et sécurité dans l’emmagasinemcnt, la circulation, l’espo sition des denrées et marchandises; c’est d’en assurer la conservation, n’en constater authentiquement la quantité, la qualité, la provenance, les prix, la pureté ou l’altération, etc. — C’est de faire disparaître indrectement, en les rendant inutiles, les rouages parasites du commerce, toute cette armée d’improductifs qui, sous l’apparence d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur, dévorent la récolte de l’industrie humaine, comme les chenilles La feuille (les arbres. 
Le système des entrepôts, des bazars, des halles, des docks, etc., répond à ces exigences nouvelles du développement industriel des nations modernes. 
Puis vient en troisième lieu, le grand problème des conditions (lu travail et de la garantie du droit au travail. Pour l’instant, nous nous bornons à la tàche la plus facile. 
L’une des conceptions les phis pratiqueset les plus nécessaires, c’est assurément celle des bureaux de tacement non seulement pour les personnes, mais pour les produits; celle d’nan institution neutre qui, sous quelque nom qu’on veuille lui donner, serait l’intermédiaire officieux, impartial, entre les producteurs et lés consommateurs, serait chargée de recueillir et d’enregistres’ d’une manière authentique les demandes et les offres de l’ordre économique en général; de les tynusmettre officiellement au public, de le renseigner scrupuléusement sur les besoins et les ressources des localités, des marchés, des divers établissemeus. Cette institution, fût-eI!e isolée de toute autre, n’eût. eUe que cette simple et neutre attribution (l’intermédiaire, de recottectcur e de publicatcw universet des demandes et des ol.fl’es, aurait encore la plus grande valeur. 
Si demain, il y avait au chef-lieu de chaque canton (le France, une admiaistration de renseigr.emens économiques, de placement des personnes, des capitaux, des denrées et marchandises, laquelle ifit en rapport direct et obligé avec l’institution semblable de tous les autres cantons, par l’intermédiaire d’une administration centrale établie à Paris, un grand pas, un pas plus iinportant et décisif qu’c»n ne l’imagine à première vue, serait fait dans la voie de transformation économique. On ne démontre, pas ces choses-là : on les affirme. Tout le monde en effet, a été au moins une fois dans sa vie en perplexité de trouver en temps opportun du travail, en rapport avec ses aptitudes acquises, avec sa vocation; un débouché à ses produits, le lieu d’achat d’une richesse essentielle à un prix et dans des conditions donnés; tout le monde a subi les suites cruelles au chômage, d’une non-vente, ou d’une vente au rabais; d’un achat à prix excessif, d’une détérioration de marchandises, d’un trop plein relatif, d’une production superflue ou anticipée, etc.: et tout cela faute de renseignemens, faute de savoir! 
Cette administration universelle de placement des persônnes et des chosés, de correspondance entre les producteurs et les consommateurs, entre les travailleurs et les détenteurs d’instrumens de travail, aurait pour but l’équilibre de la production et de la consommation, la garantie du travail à tous ceux qui en demandent; la garantie du placement aux capitaux disponibles: elle réalise- t’ait cette suprême condition de l’ordre, de récononde et de la simplicité: un seul intermédiaire direct et désintéressé entre tous les producteurs et tous les eonsommatenrs, entre les offres et les demandes de tous genres. Par elle, les denrées et les marchandises, les travailleurs et les capitaux iraient à leur des. tination sans ttouneznens ni détours: ce bienfait est iucalculabe, 
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Mais sU’on venait à la combiner avec une institution de crédit ou de com 7?zandit populo ire et vraiment démocratique, avec un système d’entrepôts, de bazars; et si l’on supposait la réalisation générale du mode d’association, son importance décnpleraft aussitôt; car alors cette institution serait en mesure de procurer à tous ses adhérens les trois conditions de la garantie kz droit au travail, ou de l’indépendance et du bien être des travailleurs, à savoir —— le crédit ou les instrumens de travail, et les avances nécessaires; le sbt’ débouché ou l’échange certain et opportun; — la vente et l’achat équitables, 
et toujours à propos. 
I t17L Cette statistique des faits économiques est le desiderati, le voeu de tous f — les pi oducteurs et de tous les éorisomtnateurs : s’arrêter à en démontrer 
l’absolue nécessité serait superllu.Toutefois, il est évident que, réduite à cette simplicité, l’institution ne peut être le dernier mot de l’organisation de l’agriculture et de l’industrie. Il ne suffit point aux producteurs et au.v consommateurs de savoir où sont les besoins, où sont les offres, quels sont les quantités, les qualités, les prix des d€nrées et marchandises; il faut encore qu’ils se partagent l’oeuvre de la production, qu’ils s’engagent réciproquement à produire et à consommer les richesses collectives, de telle sorte que vente et achat, création et consommation de richesses, tons ces actes ituportans soient prévus, préfixés, pour ainsi dire anticipés, afin d’être certains, pondérés, et toujours en parfaite harmonie. 
L’oeuvre resterait inachevée s’ils s’entêtaient dans la concurrence dépréciative. Pour la féconder, il faut une simple union, cimentée en toute liberté, dans l’unique but de garantir entre tous les adhérens la production et la comsommation, par la seule et régulière mutualité de demandes et d’offres. 
L’institution (le crédit, de commandite et de renseigneinens, afin délever les bureaux de placement des personnes et des choses à la hauteur d’une jIstitution sociale de premier ordre, devrait donc se proposer d’organiser la mutualité entre les producteurs, entre tous les citoyens par conséquent, cri Jeur facilitant l’abonnement préalable et régulier à leurs prodt.is respeeùf;. Nous avons déjà vu combien cette mutualité serait facile dans l’hypothèse de l’organisation du canto.co,nmune : cette organisation olfrirait même un milieu tout préparé pour l’abonnemnent préalable. Mais, à la rigueur, les rapports à régulariser et à centraliser entre producteurs et consommateurs peuvent se passer de la réalisation complète du milieu cantonal: tout cela peut se réaliser même sous le régime du laissez-faire, par le seul mobile de L’tntérêt mieux entendu. 
Seraitit donc chimérique de supposer que tous les citoyens qui auront été sscz sages pour s’associer, le seront assez aussi pour consentir à régulariser leurs productions et leurs consommations, en contractant de Centre à centre des engagemens, à termes plus ou moins variables, de livraison et d’achat réciproques, pour des ,quan:ités, des qualités et à des prix approximativement prédétermInés? Serait—il donc Impossible de nommer dans leur sein une commission, un bureau ou conseil centraL chargé de recueillir t de constater ces engagenlens; de créer, par son organe, des répartiteurs électifs de la production et de la consommation de tous les établissemens et (le tous les individus, associés adhérens, au prorata de leurs aptitudes, de leurs ressources et de leurs besoins relatifs, d’après un mode de répartiment analogue à celui que l’administration des finances :emploie pour l’assiette et la répartition du contingent de l’impôt, entre toutes les circonscriptions, et finalement entre tous les citoyens? 
Que demain l’État décrète une haute institutide de prévoyance et d’équité économique, élective à son origine, élective toujours; laquelle soit chargée de recueillir (le chaque citoyen l’engagement de produire et de consommer des sommes équivalentes de richesses, d’enregistrer l’état de ses besoins et de ars 
--ø. l’es nosé de ce qu’il peutm de ce qu’il s’engage b produire d’une pCrtz 
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à consommer de l’autre, en moyenne; ou le projet de budget de la production 
et de la consommation individueUes et collectives; ea/in l’état des cOn(zngens individuels économiques: et qu’après le dépouillement de toutes ces offres et demandes, l’institution procède à la répartition proportionnelle du contingent de chaque citoyen, onde chaque groupe de travailleurs, de telle sorte que la production finale de tous corresponde exactement à la consommation de tous. Dès lors, l’équilibre général est assuré: tout citoyen est producteur et consomnateur, en même proportion, en parfaite équation. Nous considérons ce moyen comme le plus simple, Le plus efficace et le plus immédiatement pratique. —G’est bien un bureau de placement, non plus seulement pour les personnes, niais pour les choses, pour les produits à créer ou à consommer. Et l’engagement n’est pas simple: nul ne s’engage à produire ou à consommer, sans s’engager également à consommer ou à produire eu proportion; a mollis qu’en s’engageant à consommer, il n’ait d’ailleurs les moyens de payer sa Consommation. — On peut objecter la difficulté de compter sur des engage- mens qui ne seraient pas fidèlement remplis; mais rien n’est plus facile de faire porler sur les délinquans une responsabilité inéludable qui les suivrait dars leur carrière et clans toutes leurs résidences. 
L’institution que nous proposons comme devant émaner de la Société ou de 1’tat représentant, peut également tirer son origine de la spontanéité des corporations, lorsqu’elles auront compris qua leur intérêt est de se solidariser entre elles, et de conclure à une administration centrale qui mette entre toutes la mutualité, l’ordre, la justice distributive, l’équilibre ou le balancement. 
En attendant que tous les babitans d’une même commune ne forment qu’une association, qa’one raison sociale, économique et politique, intimement rattachée au canton-commune, les associations égalitaires et fraternelles de toute nature comprendront, eu tifet, l’intérêt qu’elles ont à se cla3ser par spécialt tés, et h s’organiser unitairenient sur toute l’étendue de la France, de manière à former de vastes corporations soumises daii leur sein au régime tiémocratique, se gouvernant en tout et pour tout par l’élection et par la représentation locale, calquée sur la représentation nationale éu souverain tout entier. Elles auraient donc leurs conaeits d’administration, leurs assenLbtdcs générales. et cimenteraient de l’une à l’autre, comme elles le feraient dans leur sein, de localité à localité, ‘tue niutualdé et une solidarité régulières et otflcielles. Les groupes sintllaii’es des spécialités se partageraient donc annuellement la production, chacun en raison de son personnel ou de ses ressources comme nous l’avons indiqué. 
Nous itous bornons à ces indications, ne pouvant nous proposer de donner ici plus (lue les bases et les généralités des combinaisons possibles, et les détails appartenant à la législation positive, 
Que tauLes les corporations associées librement nomment chacune un membre dans son sein avec mission de représenter ses intérêts, et que L’ensemble de. membres ainsi nommés, allie former une commission centrale supérieure, un bureau chargé d’organiser la correspondance, la mutualité de pi’oducLon et de consommation entre toutes les associations ainsi représentées: — iue cette CommisSion soit laissée dans la plus entière indépendance par l’Etat, ou qu’elle soit mise sous la haute protection et le haut contrôle de I’Etat-Représeatant,-—- comme on ‘,oudia ;—pourvu qu’elle tienne et perde ses pouvoirs et ses attributions uniquement de la volonté des corporations représentées; pourvu encore, et surtout, que sa principale attribution soit celle que nous proposons. 
L’idée-mère de cette conception est celle-ci: introduire en parfaite liberté, dan la production et la consommation des richesses nationales, quelque chose d’analogue à l’esprit des voies et moyens imaginés par l’administration des linauces pour l’assiete de l’impôt et la répartition du contingent de chaque 
circonscription, de chaqpe1ocllté, db citaque individu, —avec toutes les variantes et ma cagoi,t qgg co,mporte éyidemment la nature dWêreate 4es deux objets. 
Voilà, suiVant nous, le moyen plus sr d’universaliser laswciation nc;. tina1e pour lassarance, mutuelle. economi4ue;pour Vabonnement rdep oque à ses produits respectifs. C’est là le moyen naturel de l’alliance wzversdfle des pro4ucturs.cpnsowmateurs et des consommateurs-producteurs. 
Par ce procédé, imité de radministratIn des fibances. les sociétaires connaissent. mathémetiquement le nota et l’adresse des consotnmateurs la n,ture. la quantité, la, qualité des, produits qils peuvent et désirent consoutmer, et celles des prodêits qu’ils peuvent et désirent produire. 
1ans cette hypothèse, les. capitalistes étant parfaitement garantis coutre toutes chances aléatoires pour la.vente des produits, pourraient en toute sécurité, prêter au plus minime intérêt leurs instrumens de travail aux travailleurs habituels de leurs établissemens. Cas travailleurs devraient, comme condition absolue, s’associer entre eux pour la participation équitable à la répartition,, e raison. précisément du, minimum de production et de consomniatiojiqu,i leur serait affecté par la répartition du contingent général et iud.i‘MueI.. 
taL pourrait, avec une égale sécurité, commanditer toutes les assbciael ons ouvrières qui témoigneraient authentiquement de leurs engagemens mutuels, de leur adhésion aux statuts de l’institution ou bureau des abonne. mens mutuels, et celles.qui trouveraient des cautions de leur moralité et de leur aptitude parmi des tiers dont la respousabilité matérielle serait réelle. 
La Uberté est donc sauvegardée complètement dans cette conception. A la rigueur,, les abonnés peuvent n’être pas associés, peuvent être aussi bien des ludividus, que des groupes ou corporations. De même, dans l’hypothèse de l’existence, des cantons-communes, on voit avec quelle merveilleuse faciIil cotte conception du bureau des engagemens réciproques entre producteurs et consommateurs, recevrait son application dans un milieu tout organisé déjà.pour la constatation des faits sociaux, et en particulier pour la statistique 4e l’état hebdomadaire, des denrées et marchandises en entrepéts et en liazars, etc. 
L’État, dans cette combinaison de sa commandite, n’aurait à exiger que deux points: j’ la moralité des associés ou des adhérens; i° la certitude qu’ils ont un débouché assuré, cest-à.dire la preuve (les engagemens récipro. ques., Or, cette certitude, cette preuve, il la posséderait par sa division adminjsfrative des engagemenset des placemens, ou des abonneniens tnutueis aux produits respectifs. — Chaque centre est donc encore possesseur de ses instrumens de travail : l’apprpriation corperative et individuelle est respectée dans cette conception et, ‘n cause, de cela, il y a encore des chances inégales de fortune, de bien-êtres mais le cercle désinégalités est déjà singulièrement restreint, ,et l’érbange est déjà,ramené à. des conditions d’équité sat1• jantes. 
Re mode de répartition de l’impôt peut très bien s’adapter et au systinse des fonctions sociales, et à l’hypothèse de l’association libre des corporations njiiversalisées et à l’ilypQthèse des pro1dtairesotwriers tran formés en 7ropriétaires associés pas’ nue grande mesure de salut public due à si,p grand élan de la nation souveraine par l’organe de ses représentans. 
VoIlà polir la liberté. Reste la question de justice. Ceux qui, pouvant s’associer, s’associent, et qui, par cette association, obtiennent la liberté avec le. bien-être, n’ont rien à dire, rien à revendiquer de la Société, soit; — mails ceux qui ne peuvent même pas s’associer, tant la misère les a dénués, ou qui, apras s’être associés, ne réussissent pas, se ruinent; enfin ceux qui n’ont rien, pas même un travail suivi, qu’en ferezvous? Evidemment, ici commence le rôle sic l’État-Peuple ou représentant, parce qu’ici commence le domaine du droit’, 
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du juste strict. — Ne soyons donc pas exclusifs; sachons comprendre en 
même temps les deux limites extrêmes de la réalité. E’y eût-il qu’uit innocent de sacrifié, un droit mêcoanu, il faudrait crier réparation! salisfaction! 
- t 
VRAI -FONDE1NE1T DE L’IPOT SUR LE CÂPITil. 
1t%SUFEIA%CU E C MOiEN. 
La société ne peut pas accorder son crédit nnx uns sans l’accorder aux antres également. Sur quoi se fouderaitelle? C’est pouriant ce qu’elle fait jusqu’ici avec un aveuglement parfait et une confiance sans bornes; car qu’est-ce que l’appropriation actuelle du sol et de ses fruits? Quest-ce que le monopole des instrumens de travail? Un acte de crédit social, de crédit gratuit; indflni, sinon perpétuel en faveur de certaines familles, avec faculté de transmission arbitraire, avec ce privilége bien autrement insigne, donné aux capi talistes, d’instituer un crédit privé à titre onéreux, de prêter à intrit ces mêmes instrumens de travail, dus au crédit gratuit de la société, dus aux membres mêmes du corps social que cette aliénation indéfinie des instrumens de travail de la commune patrie a dépouillés de leurs capitaux naturels. 
Vous demandez à la société, aux individus, l’intérêt du crédit que vous leur accordez; mais ne voyez-vous pas que la société reste toujours en droit de vous retirer votre monopole, et à plus forte raison d’exiger de vous l’intérêt du capital primitif, qu’elle vous a délégué, aliéné pour ainsi dire, en vertu de son crédit supérieur; car, l’instrument de travail et les travailleurs salariés, a l’aide desquels votre activité s’est exercée si utilement pour vous, à l’aide desquels vous vous êtes procuré le nécessaire; et par-dessus, ces dpargnes, que vous prétendez faire valoir maintenant avec usure, vous les tenez d’elle— même, de la société, de la loi ou de l’Etat-Peuple. Que faites-vous dès lors? Vous méconnaissez le bienfait et exploitez le bienfaiteur. Ne voyez-vous pas que si la même faveur eût été accordée, maintenue à tous, par la société, votre ertidit serait sans raison d’être; qu’aucun citoyen n’aurait besoin de recourir à l’usage de vos capitaux, puisqu’il aurait constamment l’usage gratuit des instrumens de travail nécessaires à son bien-être, en rapport avec son activité et son aptitude? 
Primitivement, ne l’oubliez pas, votre capital a été un dan, une faveur gratuite de la part du crédit social, ou une spoliation de la partdu détenteur qui vous l’a transmis sous la sanction (l’une loi ultérieure. — En admettant que le monopole ou l’appropriation individuelle ne fût pas le plus direct et le plus funeste des préjudices portés au bien-être, à la libcrté, à l’existence des familles que ce monopole prive d’instrntnens de travail, comme cependant le prêt gratuit de ces instruniens par le crédit privé pourrait notablement amoindrir les effets de la spoliation ou du monopole, il suit que la ditme ou L’usure exigée, achève le scandale et le préjudice; et que le privilégié semble se complaire, en quelque sorte, a faire surgir des excroissances sur l’arbre de ses insignes prérogatives. 
Le crédit privé est donc un double abus, d’abord en ce qu’il présuppose l’existence de capitaux particuliers, ensuite en ce que ces capitaux ne sont confiés aux travailleurs, déshérités (le leur droit au crédit gratuit de la so. ciété, que moyennant un intérêt, une dixme, prélevée sur les proditits de leur travail, 
Le moindre sentiment d’équité vous en a déjà convaincus si la société vous e garanti gratuitement l’usage d’instrtunens, qui sont tout pour vous; bien- être, liberté, fortune, considération,.., elle doit en garantir également, et tire gratuit, à tous vos semblables nés et à naltre. Donc, en justice distributive, il est impossible que le crédit particulier, tant qu’il est admis, cesse 
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(l’être gratuit, sinon, la société est placée dans cette obligatoire alternative, Ot de retirer immédiatement la disposition des instrumens de travail des mains de ceux qui en font cet usage coupable, ou d’exiger l’intérêt du prêt, du crédit qui leur est ainsi dispensé parla société. D’où cette conclusion : Si le crédit privé n’est pas gratuit, le crédit social ne peut l’être non plus sans forfaire au graad principe de l’égalité des conditions. Donc, tout capital doit supporter un intérét, au profit de l’Etat, équivalent au moins à celui qu’il fait supporter aw’c emprunteurs; et dès tors l’État a le devoir, et se trouve en mesure de rendre à ceux-ci l’éq uivatent de l’usure prélevée sur eux ,ar ceux-lé. La légitimité de cette mesure est évidente: l’État, sans cette compensation, aurait donc aliéné arbitrairement les instrumens de travail qui sont l’indivise et Inaliénable propriété de tous en faveur d’un petit nombre désignés parle sort, ou caractérisés par la violence et la spoliation; et justement ce petit nombre, non satisfait encore de son incompréhensible privilége, au lieu de s’en tenir à la jouissance de cette première prérogative, et de prêter à titre gratuit ses capitaux, viendrait encore rançonner, dépouiller par l’usure les familles déjà dépossédées de leur droit d’égale participation à ta mise en oeuvre, moyennant une égale récompense, de ces instraruens, leur propriété commune et indivise! 
Voilà ce qui explique l’universelle prohibition de l’usure dans toutes les ci— Tilisations primitives, au nom de toutes les religions, et par tous les i4gisla— teurs, et, en particulier, la réprobation absolue dont l’ont frappée Jsns-Christ et la religion caiholique. — Voilà surtout le vrai fondement (le l’impôt sur le capital, de l’impôt progressif, iuirnité, et sur le superflu, t sur le revenu des riches; enfin, la raison d’être et la légitimation, non-seulement de la grande mesure de l’expropriation pour cause d’utilité publique, mais encore de l’organisation du travail par i’Etat, au profit du prolétariat, comme le demandait le Luxembourg, et avec lui la plupart des travailleurs. Ce fondement, aucun publiciste ne l’avait mis à ilécouvert, ii’avait pensé à l’invoquer pour soutenir les divers modes d’impôts radicaux. 
Nous l’avons signalé il y a quatre ans, et nous le reproduisons ici tel qu’il’ n été imprimé à cette époque. 
Ce n’est donc pas, comme une forme d’assurance, que l’impôt sur le capital doit être exigé par la société, accordé par le capitaliste; c’est ii titre de (lette envers les prolétaires; à titre de corapensalion, de participation indirecte à la jouissance des instrumens (le travail offerts par la nature à tous les individus de la race humaine; à cette seule fin (le réintégrer progressivement dans leur part de crédit social les citoyen% déshérités par une lé,tislation devenue injuste, révoltante, odieuse pQur la conscience du Souverain. 
Ce grand fait du raonopole foncier est tellement aux yeux de tous les législateurs passés et présens le résultat d’un crédit et d’un crédit purement gratuit accordé aux détenteurs au nom de la société, qu’ils reconnaissent à la société,. à la loi, le droit éniinent de l’impôt sur le sol approprié, et (lue toutes les foi qu’il y a utilitd publique constatée, l’Etat leur impose des sacrifices illimités en rapport avec les exigences sociales ou du salut du Peuple. A Athènes « touS tes citoyens étaient convaincus que la scciétê avait des (lroits sur la totalité de propriétés particulières. Toute restriction apportée à l’usage (les propriétés et amenée par les circonstances paraissait juste. i — Tous les philosophes, sous les jurisconsultes modernes déclarent avec le sage écossais P.ato « que la communauté conserve toujours un droit éminent sur la propriété de ses membres, droit qui s’étend aussi loin que le bien publie peut l’exiger; s et s’ils acceptent le droit de se faire une propriété permanente et d’en disposer, c’est « sous la réserve que personne ne sera privé des moyens nécessaires à son existence. Ils affirment enfin avec ce philosophe si timide d’ailleurs, ue « le droit de l’innocent sur les choses nécessaires à son existence, et s de sa nature supé, ieur au droit du riche sur sa richesse, alors mdme qu’elle a été honnéte,nent acquise. 
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Il est vrai que la société impose non-seulement les capitaux, le revenu, mais le travail; non-seulement les biens fonciers, mais les mobiliers: non-seulement les producteurs-propriétaires, mais les consommateurs prolétaires. Partout Le fisc cannaIt les contributions directes et les indirecWs. Oui, mais voilà précisément l’iniquité: nous disons qu’il est de justice absolue, soit d’affranchir le seul travail de tout impôt; soit, si on le laisse soumis à l’impôt, de grever le capital d’une somme non pas égale, tuais doub!c, triple et cenitipIe s’il le faut, de celle supportée par le travail, outre la part d’impôt que le capital paie déjà. — La première à titre d’impôt sur le capital comme sur le travail; la seconde à titre d’intérêt du capital dont le crédit social investit héréslitairement les capitalistes en leur octroyant Je droit légal d’user et d’abuser (les instrumens de travail national jusqu’à les monopoliser; et même jusqua les prêter à intérêt sous toutes les formes connues. , . - 
Il faut même aller plus loin: il faut encore une antre compensation qui se rapporte à la privation o sont tous les prolétaires dc toute participation z l’usage et aux fruits du sot. Cette compensation, c’est encore z l’impôt Sur le capitaL qu’il faut la demander, afin de la transformer en fonds de crédit an profit exclusif des travailleurs déshérités de leur part de propriété collective. 
Point de capital, dit-on, point d’impôt qui possède beaucoup, paie » beaucoup; qui possède peu, paie peu; qui ne possède rien, ne paie n rien. s — Voilà qui est ingénieux et naïf: rien de plus juste; mais est-ce la tout? est-ce même là la question? — Qui ne posséde rien, ne paze rien 
—cela serait difficile en effet; — mais le problème social ne porte point sur ce qu’on paiera, mais sur ce qu’on possédera. Il faut que tout le monde puisse posséder moyennant travail et bonne volonté; et posséder beaucoup : iI faut que, par les institutions, nul ne puisse posséder beaucout sans travailler du tout • tandis que d’autres ne pourraient rien posséder en travaillant beaucoup. Pourquoi, par exemple, cette monade juive qu’on appelle Rostcbild a-t-elle pu à elle seule • en se promenant d’Allemagne en Franco, de France en Italie ou en Angleterre. pomper ldgalemsnt un capital, supérieur peut-être à celui de toutes les tribus d’Israêl t!... 
Ce qui est vraiment en question dans l’ordre spéculatif, ce n’est point. l’impôt sur le capital, c’est le capital privé lui-même, ce sont ses insignes priviléges, dont le premier est dans son existence même, dans sa possibilité, dans ses causes. Qui n’a pas compris cela, n’en est encore qu’à l’a b C (le la science sociale et économique. Nous reviendrons, s’il le faut, sur ce point. 11 nons suffit d’avoir rendu à l’impôt sur le capital, son véritable caractère. 
Toutefois, Il est évidentque si ce moyen est LÉGITIME, il est loin d’être ef— cace, d’être le meilleur. — Toucher au capital par l’impôt sans toucher au monopole et à l’usure sous toutes ses formes, au libre êchange, au monopole enfin, c’est toucher à l’effet sans toucher à la cause; c’est prétendre guérir n chancre sans extirper ‘u fond ses racines; c’est vouloir tarir un fleue sans remonter u sa source. — Prenez au capital pour donner au travail (l’un côté :: 
le capita), en vertu du monopole qu’il exerce et du droit de prêt à usure, en vertu de la nécessité où sont les prolétaires de lui demander le salaire, reprendra au travail de l’autre, l’équivalent de ce que ions lui aurez enlevé. —- C’est que, avec ses prérogatives Intactes, le capital s’engendre à mesure qu’on le dtrit: c’est le phénix qui renaft de ses cendres. 
Ainsi, la mesure que d’autres croient merveilleuse est radicalement illusoire; ou bien elle conclut aux mêmes fins que nous; et dans ce cas, il faut oser Je dire. 
- A quoi bon en effet, l’impôt sur le capital? A quoi bon même les sources 
•mdirectes de revenus pour la commandite par l’Etat? Tant que vous conserverez l’usure, le capital dévorera le travail; — Et tant que vous conserverez le capital particulier, le capitaliste dominera le travailleur, le tiendra comme n esclave dans sa dpendancc.—D’un autre côté, otez l’usure, et mettez luin pOt sur le capital, que lui reste-t-il, au capital? Il est plus franc, plus loyal, et 
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plus simple de l’exproprier moyennant indemnité, de procéder à un rachat 
universel au profit de tous, au nom de tous, pour cause de salut public. —Et le rachat n’est certes pas plus difficile que la suppression de l’usure sous toutes ses formes, que l’impôt indéfiniment progressif sur le capital. 
Si le souverain prélève indêfiniment un impôt sur le capital, ce ne peut être que pour l’absorber finalement au profit de tous sans exception, en le socialisant par la commandite régularisée fies prolétaires désormais constitués en. association et corporations solidaires, mutuellistes.—Mais, évidemment, il esi; préférable de maintenir les foyers actuels de production, en associant les tra vailleurs aux capitalistes dans la possession des insifamens detravail au moyens de l’expropriation avec indemnité, que de construire un nouveau monde à côté de l’ancien, avec les ressources d’un impôt sur le capital; car ces deux mondes se faisant nécessairement antagonisme et concurrence sont incoinpa» tibles; et la société’ entre dans une époque de perturbation qui équivaut à la mort.—Le jour où l’une de ces deux grandes mesures serait devenue réalisable, L’autre le serait également: donc iL faut préférer la plus ellicace, la plus Juste, la plus radicale. 
Il est encore une combinaison qui consiste à donner à l’Etat toutes les sour- ces de revenus laissées jusqu’ici à la rapacité de l’oligarchie financière. — Ainsi le monopole des chemins de fer, des canaux, des mines, des salines, celui des assurances, celui des banques, celui des entrepôts, bazars, docks et balles, etc., viendraient s’ajouter dans les mains de l’Etat au monopole des postes, des tabacs, des cartes, des poudres, (les ponts-et-chaussées, etc., qu’il a déjà. 
Par ce moyen, on suppléerait peut-être aux vieux et odieux impôts directs et indirects qui ont fini leur temps, on éviterait l’impôt sur le capital qui n bien ses impossibilités; mais échappeyaa-on davantage à la fatalité d’une constitution économique radicalement vicieuse, qui élève toujours les riches et abaisse toujours les pauvres. La concurrence existant toujours, ainsi que l’appropriation inégale d’instrumens ou de capitaux d’une importance inégale,, le gaspillage, l’inégalité monstrueuse de fortune persévèrerak donc et rién ne serait commencé.—L’Etat, dans toutes les combinaisons de cette nature, fait ton’, jours le métier de Sisyphe ou celui des Danaïdes: il laisse les citoyens se porter tour à tour de mutuelles blessures, pour avoir le plaisir de panser les plaies, sans jamais pouvoir les guérit’. Nous dirons ici ce que nous aurons à dire plus tard b l’occasion de L’expédient des assurances généralisées. A quoi avez-voWi abouti après avoir procuré à l’Etat les impôts les plus abondans? Avez-vous garanti à tous les citoyens l’égalité des conditions P Non. — Leur avez-vous garanti le droit au travail partout, toujours? Non. — Et le débouché et la bonne vente de leurs produits on de leurs bras? Non. Mais dès-lors vous n’avez rien fait pour clore la révolution. 
Cependant, et malgré la vérité de cette critique au, point de vue de l’absola,, nous ne croyons pas qu’on puisse refuser à ces combinaisons les honneurs de L’expérimentation, ou plutôt de l’application, si le tempéramtuent (le Pop:. flou f0 comportait que cette dose d’amblioration : tout ce qui va suivre sup. pose cette réserve de notre part. Nous ne voudrions pas itous mettre sur lei voie de l’erreur. Or, l’exclusivisme n’est pas autre chose. 
La commandite de L’individu par la société étant de devoir absolu $ tout dtoyen a donc une action à exercer contre la société, tant qu’elle la lui refuse aux conditions légitimes de cet octroi.— Donc, si tout à l’heure le souverala portait le socialisme au pouvoir, la première obligation de celui-ci serait de reconnaître cette action de la masse prolétaire et de la commanditer dtrecte ment, positivement au même titre et bu même degré que tous les possesseurs actuels du sol et des autres capitaux. — Le Peuple souverain a pour ce grand, but plusieurs voies ouvertes, également légitimes: nous les indiquerons 
Le Gérant, J. MÂLARSIET. - 
— 
LE SALUT DIT PEUPLE 
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Les mandats doivent être à l’ordre du citoyen MÂLARMET. 
Les lettres et envois d’argent doivent être affranchis, h j Les Libraires, les Messageries et les Commissionnaires de Paris s’adres. 
seront, pour les abonneinens, au citoyen flLLtRI • libraire, i lcs Piopagande, j, rue des Bons-En fans. 
I Typograplile FLIX MÂLTESTE av C’, rue des Deu-Portcs-Saint-Sauveur, 22. 
LE 
SALUT PEUPLE 
DE LA SCIENCE SOCIALEI 
fluméro . — 40 2Lvrit 48O. 
O francs par an pour Paris. — Départemens: francs. Un numéro t ø cenflmes 
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f 
CHLZ J. BALLARD, LIBRAIRE, A LA PROPAGANDE, 
1, RUE DES BOS-Et(FANS. 
1850 
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LE 
SALuT DIT 1!EIT1!LE. 
LE PROGRÈS PAR LA DOULEUR. 
Non; avons le pressentiment que le flot révolutionnaire, en emportant les derniers débris du passé païen et féodal, passera à travers tous ces compromis illusoires avec le mal, qu’on appelle moyens transitoires; et viendra s’épancher et se perdre dans les eaux pures du socialisme le plus radical. Et ce pressentiment n’est point le résultat d’un drsir qui se méjreud: nous le recevons des leçons même de l’histoire. 
La raison et le coeur nous disent que tout progrès devrait s’accomplir par la paix et la persuasion ; que tout dans le mouvement social devrait être évolution, développement ou croissance continue et imperceptible, comme le déveIoppement et la croissance du corps (le l’homme, qui dans l’état sain, grandit et s’embellit sans crise douloureuse ou mortelle. Imaginez les hommes décidant de touteschosesen frèresdans de permanentes Gonventions,ets’y rendant avec la religieuse volonté de ne sortir du sanctuaire de la législature qu’après s’être entendus, arrangés, conciliés, en donnant satisfaction à tous les intérêts, à tous les désirs de leurs contemporains, à toutes les tendances de l’esprit public! Il y a dans nos récentes annales de France un bel exemple, mais trop rare, de ce que devrait être toute Convention, toute Constituante et toute Assemblée nationale; c’est celui que nous offre l’immortelle nuit du lt août. On devrait d’autant plus se le remémorer aujourd’hui qu’il y a parfaite imitude de position entre cette époque et la nOtre. 
Mais voici ce que nous dit l’histoire universelle, ce thermomètre de la sagesse humaine. 
Le progrès, qui devrait se produire à l’acclamation joyeuse de tous et se constater par des cérémonies religieuses, s’est toujours accompli jusquici par la douleur au milieu du deuil général. Il semble que ce qui est pour l’avenir une immense conquête, une bénédiction d’en haut, soit pour le présent une longue expiation des fautes passées. 
C’est ainsi que le progrès est engendré de la lutte éternelle entre ce qui est et ce qui devient, entre le génie du mal et le génie du bien. La loi en est assez exactement symbolisée dans la religien.de Zoroastre par rantagonisiue des ténèbres et de la lumière, d’Aftrjman et d’Ormuzct; &Ormuzd la 1umière, à qui le triomphe définitif est prômis ‘n la fin des temps. Le temps est ici la puissance supérieure qui assure la victoire au bon génie, et qui ne souffre les 
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luttes du mauvais, que pour la gloire du Dieu-Souverain et celle des hommes vertueux. 
Depuis que l’humanité se connait, elle en est encore à attendre que le passé cède à l’avenir, et le fort au juste, et le fait au droit, et la passion à l’intérêt, et le préjugé à la raison, et l’ignorance à la science. De là, l’lndvitable etunifornie solution des problèmes sociaux par la violence. Montrez dans l’histoire une duolut îou un peu large qui ne soit point éclose au sein d’une ardente révolutien. Montrez un seul progrès qui se soit accompli autrement, dans les instillations et les droits? 
On a toujours vu ceci: les privilégiés, les satisfaits n’acceptent point d’entrer dans un sentier qui les mène àce qu’ils tiennent pour un précipice ou une mort sociale. — Comme les boeufs qu’on veut faire entrer à l’abattoir, ils ont l’instinct de ce qui les attend , ils flairent de loiir la mort de leurs priilèges. 
—En tous temps, en tous lieux, ils ont invinciblement répugné aux moyens transitoires. Point de transactions disent-ils, point de concessions! ! toire, vers quoi? Vers la déchéance d’un privilége qu’on tient pour un cirait absolu: en ce mouvement européen par exemple, vers la déchéance du capital et l’avénement du travail ? — Dans ces termes, n’attendez rien : jamais ils n’ont accepté méritoirement, sciemment, une marche progressive, pacifique, vers le mieux. 
Il a fallu une révolution longue et affreusement sanglante pour conquérir la liberté de culte, de conscience, ôu la liberté religieuse.—Il a fallu une révolu- lion non moins mémorable pour conquérir une ébauche de la liberté civile et politique des bourgeoisies, et ensuite du prolétariat. — Comment espérer qu’il n’en faudra pas une pour conquérir la liberté sociale dans toute sa plénitude et sa réalité? Ç 
La révolution allemande, la révolution anglaise, la révolution française et tant d’autres depuis un demi-siècle, ne sont que la répétition fidèle et comme une nouvelle édition de tant de cataclysmes enregistrés dans l’histoire anciehne et moyenne, depuis l’inde, la Chine, la Perse, l’Assyrie, l’Egypte jusqu’à la Grèce et Rome; jusqu’à l’affranchissement des communes. 
Si nous consultons l’histoire, 11 faut s’attendre que dans les deux camps on va se préparer pour la résistance et pour l’attaque. — Et si demain on assemblait les états-généraux de l’économie nationale, c’est-à-dire les capitalistes et les propriétaires, les maUres et les patrons d’un côté; les salariés, les travailleurs, les prolétaires, les journaliers de l’aricuhure et de l’industrie de l’on- Ire; on verrait se reproduire les débats, les animosités, les colères et les haines irréconciliables, les scissions, toutes les péripéties qui ont marqué la tenue des états-généraux du clergé, de la noblesse et dutiers-état en 89 : on verrait tous les noeuds gordiens du socialisme se dénouer de nouveau par la vertu du glaive, au sein de la guerre civile, et peut-être au prix douloureux de la mort des nations aujourd’hui placées au premier rang. 
Lorsqu’il y a dérangement, épuration et assainissement dans l’atmenhère ociaIe, ou lorsque le printemps doit succéder à l’hiver dans le monde moral, 
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taudrait-il donc pour rétablir l’équilibre et l’harmonie, pour faciliter la transi-. tion, passer fatalement, comme dans L’atmosphère physique, par la tempète, iê tremblement, le tonnerre et l’ouragan!... 
On cherche péniblement des moyens transitoires pour galvaniser les natio— nalités épuisées. On semble ignorer que la décomposition et la transformation au creuset d’une profonde anarchie sont le moyen transitoire que la proidence envoie à tous les peuples qui sont dans l’ignorance des voies normales du bonheur et de la vie collective; ou qui se refusent d’y entrer : à savoir, I ‘amour, le sacrifice mutuel, la solidarité et l’unité parfaites. 
La fatalité nous l’impose, ce redoutable moyen transitoire, en attendant que la sagesse de chacun et de tous y supplée par des concessions opportu nes, par le respect des droits imprescriptibles de nos semblables. 
Si le passé, pour s’alléger successivement des iniquités amassées par les aiMes, pour se délivrer des liens où l’étreignaient les droits usurpés, avait $da la découverte et l’application de moyens transitoires ayant la vertt de concilier le bien et le mal, nous en serions encore au régime des castes ou 4e rtcopophagIe. Après s’être avancée douloureusement, cherchant, tâtonnant, éprouvant tous les remèdes, eUe a vu qu’il n’y avait qu’un moyen b&oiqne qui pùt la sauver de la mort, et ce moyen ça toujours été la négation radicale et brusque des droits indûment acquis jusque-là: ce que de nos J ours on appelle la banqueroute universelle. 
En etret, les liquidations des sociétés aux époques de révolution ou de trans— formation ont toujours été des banqueroutes. Ce n’est pas nous qui L’affirmons, c’est l’histoire et par 1h nous n’entendons point donner raison à L’hjgoïre, mais certifier l’exactitude de ses récits. La banqueroute est l’issue naturelle, le résultat nécessaire de tout mouvement économique basé sur la Licence ou le laisser-faire. C’est l’exutoire par où sortent à un jour donné toutes les humeurs qui compromettent la vie sociale. 
Écoutez un représentant-conservateur, un homme qu’on ne peut croire int stédesocialisnie : parlant de l’énormité des dettes de la propriété foncière eu France, il prononce comme nous le formidable mot de banqueroute. « Et l’on s’applaudit des progrès de la prospérité publique, et l’on ne voit pas que Con touche ‘a ces temps critiques de la République romaine, oÙ les dettes. causaient des révolutions! » Puis il montre comment notre détresse fiuan- clère eerce une action fatale sur notre force réelle et notre influence morale,. et comment « une effroyable guerre civile, un bouleversement social peuvent être la suite d’impêts excessifs et de la banqueroute.» (1) 
Te crains pour les optimistes de terribles mécomptes: je voudrais contribuer à tes dissuader d’une fausse et dangereuse sécurité. A moins d’une grande et subite effusion d’amour etde charité dans toutes les âmes, il n’y a point d’autre alternative: c’est un dur et sanglant applatissement, une im!nohiiisalisa czarine. un retour au régime barbare, ou un saut d gêant dans L 
Raniot (de l’yonne), Décadence de la Franec. 
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grand chemin du progrès, au travers d’un ouragan rdrolutionuaire incompa’. 
Table, qui nous attend, et qui demain peut nous surprendre au réveil. — A bientôt peut-être une mêlée épouvantable sur toute la surface du monde ‘européen et chrétien; et derrière cette mêlée, les ténèbres et le chaos de la lusion palyngénésiaque où s’anéantissent et disparaissent les vieux droits, les vieilles institutions, et souvent aussi les vieilles nationalités. 
Vous voulez la paix sociale, dites-vous? eh bien! le moyen est simple et certain: accordez, respectez, la justice sociale, laquelle implique l’égalité des conditions. 
Ne perdez jamais de vue ces paroles, dont Voltaire est L’un des mille par. rains: La rdvolution est faite dans les esprits: elle se fera infail1ibianent, fatalement dans les instftutions; seulement il faut juste le temps pour que les idées s’incarnent dans le sentiment, dans la volonté générale. 
Ne croyez pas que le prolétariat se contente de moyens transitoires qui en réalité ne remédieraient à rien. Pour être elUcace, la transition doit se transï’ former en/évot ation , semer les germes qui ont force de développement indé 
— fini dans le sens de l’égalité des conditions. Une transition n’est point une transaction; il s’agit enfin de se mettre en marche et d’aller en avant; non point de tourner sur soi-même on de reprendre la vieille ornière. 
Qui dit transition, dit développement. Or, dans les révolutions profondes, les sociétés ne se développent plus, elles se transforment; et alors il y n solution de continuité entre ce qui était et ce qui devient. 
Toute vie individuelle ou collective est d’ailleurs une transition continue, éternelle. La société est donc toujours en voie de transition; mais la transition peut être plus ou moins radicale et efficace, 
Les transitions sont possibles lorsqu’à leur base ou point de départ, elles ont un principe commun dont elles ne sont qu’une série de conséquences superposées; mais lorsqu’il s’agit de passer des conséquences épuisées d’ua principe à un autre principe, ou aux conséquences de cet autre principe, les transitions sont impossibles, et ce qu’on donne pour tel, n’est qu’un leurre funeste. Alors la révolution devient une fatalité toute providentielle, une révo Intion, c’est-’adire une transition brusque, ou comme nous l’avons dit, une solution de continuité. 
Or, en ce siècle, nons sommes amenés, mal gré, bon gré, à cette extrémité. II s’agit, pour la France et rEurope, de passer des dernières applications dur principe de l’individualisme en tout, aux premières applications du prlncipc tout différent de la solidarité, du collectivisme; c’est•à.dlre de l’individualisme et du Socialisme harmonisés ou équilibrés. 
Je dis donc à toutes ces capacités sans doctrine, sans foi, sans but et sans espérance, qu’on nomme des politiques: vous vous trompez; la révolution avortera, ou bien elle ne s’arrêtera pas à vos moyens terre à terre. 
Nos grandes assemblées de la Révolution ne greffèrent point la législation zuoderne sur le vieil arbre féodal, le principe politique de la souveraineté du peuple sur le principe du droit divin, non, elles soutinrent un duel à mort 
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contre ce qui, étant vieux, devait être aboli. Ce n’est qu’alors qu’on en eût 
fini pour toujours avec le principe de L’inégalité, que ces assemblées révolutionnaires, renouvelant radicalement la législation et les institutions françaises d’après le dogme de l’égalité des droits, posèrent les principes juridiques et civils d’où découlèrent les codes Napoléon. 
De même aujourd’hui la Révolution étant plus évidemment sociale, il faut un dernier duel moraL et législatif, pour substituer l’égalité au privilége dans la sphère économique; il faut conquérir, devant l’opinion du souverain, la superposition du principe de la propriété collective des instrumens de travail, au moins celle du crédit social gratuit, celle de la réglementation de la production et de l’échange, au principe du monopole du sol et des capItaux, du crédit privé et usuraire, et de la concurrence sans bornes. 
Ce n’est qu’alors que l’ancien principe sera nié, détruit ou ébranlé dans l’opinion, stérile dans ses applications, que commencera la législation du droit au travail, l’organisation de la richesse, enfin, que se consommera i’unitd dco,som(que, en France, comme naguère s’accomplit l’unité civile et politique; le tout au profit du peuple entier sans distinction de maUres, de patrons et de capitalistes, d’ouvriers et de serviteurs, comme naguère, sans distinction de noblesse et de tiers-état. 
Dès ce moment, le souverain bâtira à neuf, et tout ira de soi : Jusque-là vous ne rebadigeonnerez même pas la grande ruine féodale à l’aide de vos expédiens transitoires. 
Mais, encore une fois, souvenez-vous du sort de tant de nations illustres : 
Borne, la Grèce, l’Egypte, l’Assyrie Prenez garde que la civilisation n’aille planter sou étendard sur le sommet du Kremlin ; qu’elle ne donne son baptême de prédilection à l’innombrable race des Slaves 1 Prenez garde! l’immortalité n’est promise qu’aux nationalités qui militent pour la cause (le Dieu, c’est•â-dire pourle progrès, pour laliberté, l’égalité et la fraternité universelles. Or, la France est arrivée à ce moment solennel et formidable où la question pour elle se pose en ces termes : dtre, ou n’dtre plus; la mort ou la transformation radicale. Terrible épreuve : le progrès par la douleur ï!... 
Nous pourrions maintenant nous placer au point de vue du droit, et laisser parler la justice; nous réservons ce soin pour un autre moment qu’il nous suffise de quelques réflexions puisées à cette source pure. 
EXIGENCES DII PaOLTÂR!kT 
Notre époque sera marquée dans l’histoire au cachet infamant du fatalisme sauf dans le peuple prolétaire, partout les esprits et les coeurs se réfugient: 
bassement dans la doctrine de l’intérêt et des faits accomplis qui donc, parmi les docteurs de la vieille science, parle au nom de la justice et du droit, sice n’est pour les altérer ou les rendre synonymes d’égoïsme et d’inégalité? 
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Eh bien! nous disons, nous, que le droit prime tout ce mouvement radical 
qui communique l’incendie moral sur les quatre coins de l’Europe, et que partant, il est de salut public que nos assemblées nationales manifestent moins de dédain ou de légèreté pour les droits des prolétaires, si elles ne sont pas décidées à se déclarer sans foi et sans loi devant le monde et devant la postérité. 
Les statisticiens de la haute bourgeoisie vont supputant le taux des salaires; ils font abstraction des conditions de labeur accablant auxquelles on obtient ce salaires; ils taisent les chômages; les maladies contractées dans les travaui; ils négligent les professions cù le salaire ne procure même pas les strictes nécessités d’une vie purement animale : enfin, ils parlent du travailleur 1w- main, comme on fait des chevaux et des boeufs. 
Pourvu que les travailleurs ne meurent pas de faim, il semble que tout sait dit la taxe des pauvres sera donc le dernier mot de ces politiques saits coeur: écoutez plutôt Lamartine, il n’a pas d’autre panacée. Ils n’ont pas encore compris que le peuple prolétaire est affamé de droit, d’égalité, de liberté; qu’il manque du pain de l’âme; qu’il veut les satisfactions du coeur et de l’intelligence; qu’il n soif de science et de poésie; qu’il n’acceptera jz. mais la ration anglaise, ni les distributions de blés et les bains gratis des Romains; que l’oeuvre si pénible de la prôduction nationale, jusqu’ici exclusivement supportée par lui, il veut la partager avec les oisifs qui participent sigrassement à la consommation, 
Ils ont des oreilles et ils n’entendent pas: ils ont des yeux, et ils ne voient pas. Otez donc le bandeau qui fait l’aveuglement et la chute de toutes les royautés. Accordez, accordez donc le moins, si vous voulez que le peuple n’exige pas incontinent le plut. Adoucissez le niouveinent, si vous ne voulez le précipiter. Ne croyez pas que lès travailleurs se contentent du seul ôiezdtrc: c’est une revendication solènnelle des droits d’égalité et dc liberté qu’ils ‘poursuivent. C’est ici un nouveau pas dans la chillsation par l’avénement dits classes laborieuses à la vie civile et politique. 
Tous les genres de relations sociales veulent être changés : ils Le seront avant la fin du siècle. 
Ce peu de mots nous ramène par un autre ordte d’idées à comprendre comment les moyensi.ransitoires, les améliorations du genre palliatif, ne peuvent être que des stations, des courtes haltes pour lés prolétaires, qui marchent, sans se laisser détourner, vers la conquête des droits de l’homme dans toute leur plénitude. 
Les idées nouvelles, ayant la puissance de convaincre la multitude, il fatt bien se demander quelles seront sous leur action les nouvelles relations des travailleurs ou des citoyens: — toute la question est là. 
Or, les prolétaires disent : Nous ne supporterons pas l’usure, car l’usure est tin vo!, le signe manifeste de notre esclavage, la conséquence du grand acte d’appropriation et de monopole qui nous a déshérités: la reconnaltre sous l:a forme de l’association entre le capital et le tra’ail, c’est reconnaitre et sauc 
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donner à neuf l’exploitation de l’homme par l’homme, l’oisiveté héréditaire, 
enfin l’inégalité avec tout son cortége. 
Nous ne dépendrons point d’un capitaliste pour l’activité ou le chômage de nos bras, car nous avons droit partout, toujours, à chaque instant, aux instrumens de production, au sol et à sa fécondité; ni pour le taux de notre salaire, pour notre part de bénéfice, notre fonction, et le règlement de notre atelier, car nous avons droit à tous les fruits de notre travail, et notre travail ne doit dépendre d’aucun individu en particulier; c’est violer dans ses plus précieuses franchises, le saint dogme de liberté, d’égalité et de fraternité que de meure les uns dans la dépendance des autres pour les conditions matérielles ou économiques de L’existence. Celui-là est maître de son prochain, qui peut lui octroyer ou lui refuser le travail, le salaire; tous sont esclaves là où chacun dépend du çaprice de tous les autres individuellement, pour la vente et l’achat, pour l’échange ou le prix vénal de ses produits. 
IL faut dès lors l’intervention obligatoire d’un tiers désintéressé ayant caractère public, celle d’experts-jurés; en un mot, celle de la société personnifiée dans L’Jat. 
Il y a ici une question de droit, de liberté, d’égalité et de dignité; je m’étonne qu’on se la dissimule lorsqu’on n’est pa fataliste. Le prolétaire ne veut plus être, de par la loi sociale, l’associé d’un patron; car il ne doit plus y avoir de patrons, mais uniquement des travailleurs égaux. Le capital ou l’instrument de travail doit donc être social, collectif, désapproprié et non individualisé. Sans cela, vous aurez toujours des ouvriers, des serviteurs, des subalternes qui travailleront chez un maltre, vous aurez un état major de la production qui gouvernera, par le fait de son capital, la masse des citoyens, et décidera de leur avenir. 
Je ne dois attendre mon travail et ses fruits, que d’une volonté générale,. publique, responsable, primée par la loi, égale pour tous; non du caprice ou de l’arbitraire d’une volonté d’individu Intéressé, juge et partie, ni de personne en particulier. Entre égaux, le droit de l’un ne peut reposer sur la volonté de l’antre. Il faut que tous soient également sujets de la même loi. Ainsi, le capital, l’instrument, le crédit, les conditions de production, de vente et d’achat ou dc rétribution et de consommation, doivent me venir de la société, non de l’individu; être certaines, uniformes, obligatoires et permanentes; nullement facultatives, diverses ou inégales, éphémères, intermittentes. 
En effet, de quoi s’agit-il depuis qu’a sonné la première heure de la Rvolution française l IL s’agit d’abolir Le prolétariat, nullement de réformer le crédit et le commerce, de supprimer l’usure, et rien de plus; car abolir le prolétariat, c’est réaliser, inaugurer du nioins la liberté, l’égalité, la fraternité, lesquelles veulent autre chose que ces réformes et cette Suppression. Mais s’en tenir, s’arrêLer un instant, soit ‘n la création de comptoirs, avec entrepôts Qt bazars, à la réforme de la circulation; soit à l’organisation d’ateliers sociaux, de colonies agricoles; soit même à la suppression pure et simple de. l’usure, sans intervenir shaultaudmeul, lêgislativetnent, dans les relations des 
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maîtres et des ouvriers, des propriétaires et des prolétaires, des exploitans et 
des exploités; ce n’est point attaquer le mal à sa racine, ce n’est pas même aborder l’abolition du prolétariat, c’est s’amuser à la bagatelle de la porte, c’est mettre à couvert ceux qui ont déjà, et quelques-uns parmi ceux qui n’ont rien, tandis qu’on abandonne à leur malheureux sort, les innombrables bataillons du prolétariat qui entendirent bien, en ouvrant l’ère des révolutions sociales, secouer rudement le joug, et s’abriter commodément dans la ruche sociale agrandie. 
Voyons! vuyons I voici les ouvriers des villes et des campagnes; les voici dans vos fermes, vos manufactures, vos magasins et vos boutiques. Faudra-t-il qu’ils attendent indéfiniment les résultats très incertains et très insigaifians, les influences séculaires de vos moyens transitoires, c’est-à-dire superficiels; qu’il y ait par le fait fortuit de L’aveugle fortune une surcommande et une prospérité constantes, que la consommation augmente, que le taux des salaires s’élève, que les objets de première nécessité pour le pauvre ouvrier soient en baisse progressive; que la fraude, la déloyauté, les falsificatiôns, etc., disparaissent devant les recrudescences tardives de la moralité publique I 
Vous croyez qu’ils remettront aux calendes. grecques les énergiques et légitimes revendications du droit méconnu, du droit de vivre, du droit au travail et à la propriété de ses fruits, du droit à la qualité d’homme, aux préro. gatives de citoyen libre, membre du souverain et souverain comme vous, au tant que vous.., gardez-vous de cet espoir égotste! 
La seule conclusion que nous voulions tirer de ces avertissemeng de l’histoire et de ces exigences du prolétariat, c’est qu’il faut se préparer pour toutes les éventualités extraordinaires, afin d’y faire face. Nous avons donc le droit d’attendre que personne ne se méprenne sur nos intentions; et qu’on ne voie, dans.celte expression franche de nos pensées, qu’un appel à l’intelligence, aux concessions opportunes, àla réconciliation universelle, Après cela, rien ne saurait nous empêcher d’obéir’aux éternelles injonctions de la morale et de Ja vérité; et, nous répétons, avec l’une des grandes autorités économiques dc ces derniers temps, l’austère Sismondi: 
A nos yeux, les hommes n’ont dans les associations humaines des devoirs réciproques, que parce qu’ils attendent de ces associations des avantages » réciproques. Tant qu’il y a réciprocité d’avantalies, les hommes ont contracté des obligations envers l’ordre social: ils sont sujets, si la réciprocité est incomplète; ils sont citoyens, si elle est égale; mais s’il n’existe au- 
» ctme réciprocité, si ceux qui obéissent sont esclaves, si leur avantage n’est 
» point compris dans ravantage général, ils n’ont contracté aucune obliga» don: la violence qu’ils éprouvent les a mis en dehors du droit, en dehors 
» de la loi, et les a dispensés du devoir. » 
Pour nous donc qui avons la pensée sans cesse fixée ‘sur l’impérissali!c devise : Liberté, égalité, fraternité, unité, solidarité, et qui n’en isolons jamais aucun des termes, il n’y n ni bQurgeois, ni prolétaires; ni classe,v 
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ricJzes, ni ciasses pauvres; ni patrons, ni ouvriers; mais des hommes, des 
individus, des frères, des citoyens, qu’il faut soumettre indistinctement, alisolunient, à l’égalité des conditions. — Sous cette égide 4e l’éternelle justice, nous sommes forts. 
INDICATIONS SOÂIRES A L’USAGE DU SOUVERAIN. 
Il y a deux momens favorables pour les réformes profondes et décisives la veille d’une révision de Constitution, et le lendemain d’une révolution. Nous nous mettrons dans l’une et l’autre hypothèses pour exposer l’ensemble des mesures économiques plus ou moins radicales que nous concevons ou comme possibles dès l’instant, ou comme bonnes et hautement désirables en elles- mêmes. 
Lorsque les Socialistes seront en majorité dans l’Assemblée nationale, •a quelles mesures radicales 8’arrêteront-ils P Quelles lois organiques promulgueront-ils? Que valent les moyens de réalisation déjà proposés par Les diverses écoles? S’en tiendra-t-on à des mesures transitoires, anodines, qu’on supposerait devoir s’échelonner progressivement sur la voie de l’avenir, de manière à nous conduire insensiblement dans un nouveau monde sans rien déranger aux afl’aires de ceux qui ont, mais aussi sans soulager efficacement les misères de ceux qui n’ont pas? Ou bien acceptera-t-on franchement le conceptions ayant puissance d’extirper le mal à sa racine? Jusqu’à quel point donnera-t-on satisfaction au droit? En un mot, où posera—t-on les limites précises du possible actuel ou futur prochain? — Ces questions valent bien qu’on les examine et qu’on y réponde? 
Or, si nous consultons les signes du temps, il faut garantir à tous le tlrolt ais t,-avaii, L’dgalitd des conditions. On le peut, d’abord en s’arrêtant à deux hypothèses peu radicales, peu décisives, suivant nous : 1° Soit en obligeant chaque centre libre à donner du travail à ceux qui en manquent, et à consi ddrer ses ouvriers comme des coassocis’s. — 20 Soit en organisant des ateliers sociaux qui recueillent tous les ouvriers en état de chômage. 
Mais pour que l’industrie anarchique puisse assurer du trOEvail à tous tes- travailleurs, il faut que tous les centres rivaux s’associent, s’organisent unitairenient, se fassent solidaires les uns des autres, se concertent enfin pour pro duire avec poids, nombre et mesuré, et sè diviser la besogne totale, C’est-à- dire il faut qu’ils cessent d’être libres, anarchiques; qu’ils cessent de produire, d’échanger arbitrairement, de détenir jusqu’au monopole et jusqu’à l’abus les instrumens du travail collectif. 
D’un autre côté, dans la seconde hypothèse, celle d’ateliers sociaux, il zi’y n pas de raisons pour que tous les travailleurs n’y affluent pas jusqu’au dernier: auquel cas, il faudrait prélever des impôts extraordinaires sur les capitalistes, procé- 4cr même à l’expropriation successive des terres et autres fonds productifs.. et, à toute chance, faire le vide dans Les ateliers privés, ou leur porter mie 
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concurrence funeste; — car nous supposons que ces atellers-modêles préseu. 
ent de telles conditions d’égalité et de solidarité à la multltud laborieuse, qu’elle déserte avec empressement les manufactures, les fermes et les battUques de la vieille société pour les étahlissemeus de cc nouveau monde. 
Mais, de toute évidence, cette réalisation des ateliers fraternels, suppose que l’opinion populaire en favorise, en emporte la création, et que les reprérientans du peuple en reçoivent mandat exprès et entrent franchement dans ce courant organique du socialisme pur. 
iious confondons ici l’hypothèse d’associations ouvriêres, commamiitées, favorisées par l’Eta, avec celle des ateliers sociaux; car nous admettons à ta base et dans l’esprit de l’une et de l’autre ,la liberté, la spontanéité, te gouvernement des travailleurs par eux-mêmes; et nous supposons que b soudIode de la société soit d’abord acquise en faveur de ceux qui chôment, de la population exploitée, qui manque le plus de capitaux ou d’avances quel9nquea . 
Reste donc une grande condition, c’est que le socialisme organique obtienne puissance, amour et adhésion de la partie la plus nombreuse et la plus paa,re de la République. Or, ce n’est plus qu’une affaire d’intelligence et d’intérêt licn entendu; donc, une pure question de temps. En attendant, comme il faut prochainement en venir à une large amélioration, il y aurait encore une autre issue: ce serait que l’industrie particulière perfectionnât tellement son régime à l’égard des prolétaires, que ceux-ci trouvassent dans leurs aneis ateliers, bien-être, sécurité, avenir, et qu’en définitive ils les préférassent aux ateliers sociaux. Mais, nous le rêpétons, cette métamorphose n’est possible qu’en apportant à l’ouvrier la garantie du travail et de l’équivalenc e des produits de son travail. 
Mais, pour cela, il tant que les capitalistes reçoivent ou se donnent eux— mêmes la garantie du débouché et de l’équitable vente; ce qui n’est toujours possible que par l’organisation, la mutualité, la solidarité ; que par l’unité éco ÀoIu que directe ou indirecte: c’est-à-dire par le socialisme pur. 
Les capitalistes monopolisent gratuitement le sol et les autres Instrwnejs de Iravail: ils battent monnaie par l’usure sous toutes ses formes: grâce à cette zaagie de maure, ils consomment sans produire ; ou plutôt, ce qui n’est Pattribut d’aucune créature, ils sont censés produire sans travailler; et le bien leur vient en dormant. Le peuple prolétaire produit au contraire sans consomner; il dépend d’eux pour son travail, pour son existence : il n’est pas libre, nais serf, esclave, ilote ou paria. L’équilibre cstdonc rompu entre les capitaistes et les travailleurs, entre les riches et les pauvres involontaires. Il faut le rétablir par une compensation sérieuse et efficace; en attendant que le souve. ram mieux informé des causes du mal, fasse consister le vrai remède dans l’extirpation des racines mêmes du vieux tronc économique. 
Or, à défaut de la socialisation ou désappropriation directe et immédiate des instrument sic travail, il est certaines compensations plus ou moins saut. fsisautcs, 
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Entre l’appropriation individuelle on corporative absolue, inconditionnelle, 
et la délégation fois ctionnelle, ou incessamment révoc,tble, des instrumen’s de travail, il y a un moyen terme qui peut être admis comme expédient transitoire et progressif de la première à la seconde: c’est l’appropriation indéfinie, mais cependant conditionnelle à quelques égards, c’esLà-dire soumise à quelques restrictions majeures qui rendraient moins arbitraire et tyrannique la volonté des capitalistes, et de tous ceux qui monopolisent la terre, qui donnent le travail et le salaire à la multitude. 
Dans cette hypothèse, la loi respecterait encore l’appropriation individuelle ou corporative du sol et des autrès instriimens de travail; ils seraient encore objet d’hérédité et de transmission arbitrair,e par vente, donation, etc.; mais les travailleurs déshérités entreraient légalement en participation d’usage et de bénéfice de ces instrumens, à des conditions plus ou moins généreuses que des règlemens d’administration publique, ou des décrets du souverain, sien. draient déterminer. 
La société a certes le droit de mettre ses conditions à la possession des sources vives, naturelles, de la richesse collective. Tout le passé du genre humain dépose du caractère conditionnel, relatif, social, de Ja propriété. Le peuple souverain peut et (toit donc, s’il trouve que ces mesures doivent mieux assnrer la liberté et L’égalité, décréter entre autres: 
1’ L’interdiction de l’usure sous toutes ses formes; 
2° L’interdiction de l’échange anarchique ou arbitraire; et la mise en régie, la tarification universelle des prix de veule, (lu taux des salaires, des gage et appointemens, par maxima et minima, d’après des principes analogues à ceux qui président à la règlementation des chemins de fer, de la boulangerie, etc. 
3° L’obligation, de la part de tout détenteur de capitaux, d’associer au partage des produits, ou de leur valeur vénale, sur le pied d’égalité, c’est.à-dire selon la participation respective en travail, tout citoyen qui a concouru par son activité ou sou industrie à la confection de ces produits quels qu’ils soient. 
ltd’ L’obligation, non.seuleinent de traiter les ouvriers e associés, mais de leur procurer constamment et toujours du travail, de tenir leurs capitaux en exploitation permanente; enfin, de s’entendre entre eux capitalistes, dans le but de garantir solidairement du travail à la population en chômage, aux mimes titres et aux mêmes conditions qu’aux travailleurs déjà coasso. clés à l’oeuvre de prodmiion, et co-participans aux bénéfices des produits. 
5° L’ob1igtion de faire valoir tout fonds productif, sous peine d’expropriation pour cause d’utilité publique, dans les cas où le chômage et l’inculture 
porterêlent préjudice aux travailleurs, après jugemens d’arlitres ou prudhonu - 
mes. Napoléon disait avec raison: « L’abus de la proprit doit étre ré. 
» primé toutes les fois qu’il nuit à’ia société. C’est ainsi qu’on empécke 
» de scier les blés verts, d’arracher les vignes renommées. — Je ne sou f- 
» frirais pas qu’un particulier frappêt de stdrilité vingt lieues de terrain 
» dans un département fromenteux, pour s’en former un parc, Le droit 
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d’abuser ne va pas jus qu’à priver le peuple de sa subsistance. 
6 L’obligation de vendre et livrer à tout demandeur au prix du tarif légal, tous produits placés dans la catégorie des objets de première nécessité, lesquels sont infiniment plus nombreux qu’on ne pense. 
La science sociale peut donc conseiller, au point de vue politique: 
G La règlementation universelle des ateliers de l’industrIe particulière, ou de l’usage des capitaux, telle que tout prolétaire, par la seule vertu de son travail sur ces capitaux, aurait de facto droit de participation aux résultats de l’oeuvre, en raison absolue de son apport en travail à la réalisation de cette oeuvre; de telle sorte aussi que le chûmage des prolétaires n’eût jamais sa cause ou son prétexte dans le bon plaisir et l’abus des capitalistes, et que, par conséquent, l’usage des instrumens fût octroyé conditionneUcrnentàl’ensemble des citoyens qLil les feraient valoii’ par leur travail personnel. 
Le souverain a le droit et le devoir de pénétrer dans chaque foyer de production et de dire aux possesseurs du capital : e Associez-vous avec vos ouvriers. Vous ne pouvez plus disposer souverainement de ces instrumens: ils sont et demeurent d l’usage collectif, indivisible, de vous et d’eux. Afin de garantir votre principal, il sera fondé une caisse d’assurance mutuelle nationale contre les pertes vives des fonds productifs de la nation, en faveur de tous les capitalistes associés avec leurs ouvriers. 0e fonds sera fourni par chaque centre de production agricole, industrielle, etc.; par conséquent par tous les travailleurs associés de Frauce; chacun en raison du capital qu’il fait valoir ou du revenu qu’il réalise; et ce sera là la condition de l’octroi que le souverain leur fait de l’usage collectif de vos capitaux. » 
Ou n appliqué le nom impopulaire dc r4’ie à la direction de l’économie nationale par une administration centrale. — En France, les politiques, croient avoir triomphé d’une opinion adverse lorsqu’ils l’ont ainsi baptisée d’une épithète mal sonnante à L’oreille d’une multitude intéressée. 
Or, il faut savoir que la rdgie est partout où il y n ordre, économie, puissance; partout où il y n repos, sécurité ou bonheur pour l’homme-peuple. Elle est, elle sera donc dans toute association, quelles que soient son étendue et sa forme. Ainsi, vous étes déjà en rdgie (et certes il est bon que vous y soyez), pour vos plus chers intérêts et vos plus chères libertés; en rdgie pour le partage dgat des biens, pour toutes les transactions civiles et commerciales; pour les faits et gestes, pour toutes les franchises qui constituent la libcrtd indivictueUe. La r!pression des abus de tous les genres de libertés, qu’est•ce autre chose que la rêgie? la justice, n’est•ce pas une rdgie? Or le peuple n compris qu’il serait souverainement bon et juste que les riches, les maîtres elles capitalistes d’aujourd’hui, fussent sôumis à la rigie dans leurs relations avec les ouvriers, pour la fixation des salaires, l’admission, l’avancement ou le renvoi des travailleurs, pour la durée du travail quotidien, etc. 
1t en effet, est-ce que les capitalistes et les chefs de l’industrie et de Pagriculture n’exercent pas une directe et continuelle regie sur toute la multitude jroldtaire? Pourquoi n’y aurait-il pas une rdg’e de leur régie? 
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esZ ici qu’on aperçoit bien le faible du système des eorporations méine des corporations fondées sur l’égalité des races et des personnes, car ce sys— 1ème n’est pas autre chose qu’une des formes de la régie économique, aussi vieille que la civilisation, que l’état de société. Les corporations qui ont Le tuonopole des objets de première nécessité; par exemple, la corporation agricole, tiendrait toujours les autres dans la pitis dangereuse ou la plus Intol— raMe sujétion, si la loi les laissait maltresses absolues de Leur chose, sans les rattacher par la réciprocité et la solidarité. Certes si toutes les corporations avaient L’une de l’autre, un égal et constant besoin; si chacune possédait en même proportion une nature de produits indispensables au même degré ii toutes les autres, le système des corporations bien combiné serait la perfue.. Lion; il n’y aurait rien à chercher au-del’a dans l’ordre des moyens transitoirer. Or, on peut corriger cette inégalité de dépendance de l’une à l’autre, par la loi ou Le règlement social. 
Quoi de plus légitime que d’obliger les producteurs d’une richesse à la livrer aux consommateurs au prix de revient réglé en moyenne, ou parmaximtz et minima, comme cela se pratique pour le tarif des chemins de fer? 
A. ce propos, il faut même élargir les termes de la question : si l’on s’arr tait à l’expédient transitoire des corporations ou de la concurrence limitée, l’une des attributions les plus urgentes et les plus incontestables de l’État, stt,. t’ait la tarification universelle dès salaires et des prix de vente, particulière.. nient du prix vénal des objets de première nécessité. La tarification générale. pourrait même exister sans l’association et les corporations. 
Dans tous les cas, elle serait déterminée par maxima et minima, et d’aprèn rappréciation moyenne des prix de revient ou frais de production; lesquels frais seraient eux-mêmes déterminés, non pas d’après ce que coûte le strict nécessalre de la vie purement animale du cheval et du boeuf, comme le fait aveuglement et fatalement la loi de l’offre et de la demande (et comme. le compôrte nécessairement l’exploitation do l’homme par l’homme sous la vêtement du laissez-faire et du monopole des instrumens de travail), mais en comprenant dans le minimum de consommation du moindre ouvrier les objets nécessaires à sa conservation, à son développement moral et pbysique, en prenant pour base le bienêtre moyen du siècle. 
Le salaire minimum dans quelque spécialité que ce fût, devrait donc être égal, au moins, au coût total du nécessaire minimum légat; et ainsi, tous les produits qui, pour trouver des consommateurs, exigeraient un prix de vente inférieur à celui du prix de revient obtenu ou déterminé sous l’empire du sa laire légal, cesseraient forcément de trouver des producteurs; il n’y aliraft d’autre moyen que de perfectionner les machines, afin de diminuer les frais tout matériels de la production de ces objets. 
Dans tous tes milieux, la tarification aurait cet effet de refréner indirectement la concurrence inhabile, en rendant la non-vente inévitable pour ceux qui produiraient trop chèrement. A défaut d’une tarification générale des r— ak’es et des proluits, l’ltat pourrait enllu intervenir d’ofilce afin d’empêcher 
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l’avilissement des salaires et la hausse des produits, à mesure qu’il serait averti 
par la rumeur publique. — La réalisation du système combiné de comptoirs d’entrepôts et de bazars sous le contrôle de l’1tat aurait ici les meilleurs ré sukats. 
En attendant que L’opinion acclame cette combinaison et qu’elle n généralise 4’application. non-seaiement la loi devrait exiger la marque des produits et leur contrôle par un jury, mais ordonner que la vente et l’achat de tous les produits se fissent par l’intermédiaire obligé d’experts arbitres de l’agriculture, de l’industrie et du commecce. 
2 La commandite directe, régulière, permanente, par l’État-Peuple, ou .plutôt sous son suprême contrôle, de tous les groupes-associés de travailleurs qui adhéreraient aux conditions légitimes de cette commandite; et comme moyen très orthodoxe, l’impôt sur le capital, ajouté au crédit énorme do:at l’État trouverait la garantie dans L’hypothèque des propriétés foncières de la République; dans la capitalisation de l’impôt foncier et même de l’impôt indirect tant qu’il subsistera; ajouté encore au rendement inappréciable de l’exploitation, par l’État, des chemins de fer, des canaux, des mines et salines; ales entrepôts, bazars, docks, assurances, etc. 
Il serait prélevé, soit sur le capital, soit sur le revenu, de tout proprlétniire ioncier ou mobilier, tan impôt dont le produit serait destiné à commanditer les roIétaires en chômage. Que cet impôt soit légitime, un droit tmincat de la société, c’est ce qui est évident pour qui sait ce que signifie l’appropriation individuelle du sol et des autres capitaux; pour qui sait jusqu’où va le droit de possession dans la pensée de toutes les législations primitives et ultérieures. 
?,lais, afin que l’impôt établi sur le capital ou sur le revenu ne retombe pas “en définitive sur les prolétaires, Il faut simultanément deux grandes mesures régulatrices, d’ailleurs tout équitables. 1 La détermination des salaires, ou de la participation du travailleur aux résultats des produits, par une interventhm publique. — 2 La fixation sociale ou tarification universelle des prix des denrées et marchandises, par maxima et minima, ou la régularisation de l’échange par un tiers arbitre ayant caractèrepublic. 
Les transactions économiques seraient donc arbitrées par des juges spéciaux d’équitable échange —des tarifs, périodiquement révisés, des mercuriales apjliquées à tous les ordres de produits ou de richesses, Interviendraient en tout et partout de manière à garantir la loyauté des transactions. 
3° L’interdiction de l’usure directe ou privée aux capitallstes, etl’obligationde prendre L’institution nationale de crédit et de commandite comme intermédiaire entre eux et les emprunteurs. — L’État alors leur garantirait, avec le principal,. m intérêt uniforme, très modéré mais certain; d’un autre cillé, il n’accorderait sa commandite aux emprunteurs qu’& la condition de réaliser entre eux par la voie directe ou par l’indirecte, la mutualité, l’unité, enfin l’association, et an.dessus de tout l’indivision des instrumens de travail de chaque centre, et la suppression de l’usure sous toutes sesformes. 
Sans supprimer l’usure, on pourrait donc, suivant ce troisième moyen, ki 
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rendre en quelque sorte sociale, en faisant de l’État l’intermédiaire obligé, 
unique, entre les capitalistes et les travailleurs, associés ou non. L’Etat, le meilleur des créanciers quand il l’est au nom de tous et au profit de tous, emprunterait, recevrait les épargnes des uns, en paierait un intérêt modér, et les prêterait aux autres sans bénéficier sur ceux-ci bien entendu. En fixant le taux légal de ses emprunts, il le rendrait uniforme pour tous, capitalistes et travailleurs, et le soumettrait à telle croissance ou décroissance que l’exigerait l’intérêt général. 
Cette transaction, ce compromis tout politique avec l’usure, supposerait naturellement l’institution par L’Etat d’un vaste système de crédit, au moyen d’une banque nationale ayant ses comptoirs et ses ramifications sur chaque point dit territoire, et l’existence simultanée d’associations naissantes, qu’il commanditerait moyennant des conditions et des garanties, que L’ELat stipulerait h l’avantage de l’unité économique, et surtout de l’affranchissement définitif (les prolétaires. 
1i L’interdiction absolue de toute usure aux. capitalistes, soit par eux- mêmes, soit par l’intermédiairê d’une institution sociale: en un mot, la suppression irrévocable et sans compromis quelconque, de l’irttérêt sous toutes ses formes. 
Nos lecteurs savent dans quelles limites nous acceptons ce moyen : par une critique ultérieure plus approfondie, nous montrerons combien il est en définitive identique à l’expropriation pour cause de salut public. 
RACflAT. 
Le peuple souverain n le devoir absolu de poursuivre la réalisation du droit au travail, au crédit, â la fonction, par tous les moyens que la science lui découvrira progressivement comme les meilleurs, comme les plus propres à atteindre ce but, sans forfaire aux principes de liberté,’ d’égalité et de fraternité. Or, en attendant que la spontanité collective dise quels sont ces moyens meilleurs, nous continuerons d’indiquer, sous forme d’hypothèses, les combinaisons ou les expédiens divers qu’on pourrait proposer successivement, selon le degré que marqueraitIe thermomètre du radicalisme national. 
Suivant nous, les données qui doivent permettre au souverain de dégager la véritable inconnue ne sont pas douteuses: 
Universaliser la propriété, multiplier les propriétaires par des moyens tellement larges et efficaces qu’ils ne laissent aucun droit méconnu, en dehors de leur action; voilà l’unique recherche et l’unique but que doive se proposer l’Assemblée constitucinle ou de révision d’une république démocratique et sociale, Il faut rendre 
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tout le monde propriétaire, non pas dans 50 ou 100, ou 1,000 ans, mais dès l’instant et par un seul décret. IL n’est pour cela qu’un expédient: c’est d’abolir le crédit privé, la possession solitaire et arbitraire des instrumens de production et la concurrence. 
Oui, dès demain, si le souverain comprenait son devoir et son intér&, il ferait que tout homme ayant la moralité du travail, pût obtenir, conserver, non pas absolument la propriété d’un capital d’un instrument de production, mais la garantie dii travail selon son aptitude relative; et par le travail, l’épargne, le bien-être, la re traite, enfin la sècurité pour lui et ses enfaus : il ferait que pour vivre et pour faire vivre sa famille, il sufl’jt û chacun de se soumettre aux conditions communes de travail etde bonne vie. 
En conséquence, c’est au centre même des foyers actuels de lin. dustrie, (le l’agriculture et du commerce; e’est dans les fermés, les ateliers, le’s manufactures, les magasins et les boutiques aujourd’hui remplis de prolétaires et par eux mis en valeur, qu’il faut venir aI- franchir le pauvre, l’exploité, le vrai producteur, régulariser et socialiser la production, équilibrer les participations, décréter et garantir le droit au travail et les droits du travail. 
Agir, innover exclusivement à côté, prétendre improviser un nouveau monde en dehors de ce vieux monde, c’est quitter le réel pour l’idéal sans base, c’est méconnaître la vie où elle se manifeste, c’est déplacer, au grand préjudice de tous, le travail, les relations et les débouchés.—Cependant, il ne faut pas non plus être exclusif dans le sens opposé; il y n ici deux tâches, deux initiatives également importantes qui veulent être menées de front et qui se prêteront un mutuel concours. IL peut même arriver que l’opinion favorise d’abord la création d’un nouveau monde à côté de l’ancien, c’est-à- dire la propagation du mode d’associations entre ouvriers, la solidarité et la mutualité des corporations et même la çréation d’atelierssociaux; et qu’elle répugne pour quelque temps à la grande réforme de l’industrie anarchique, à cause dece qu’on croirait être avec raison le préambule obligé de cette réforme : l’expropriation pour cause de salut ou d’utilité publique. 
Partant de ces données qui délimitent le terrain sur lequel doit se placer la politique démoeatique, nous nous adt’essons à une grande et radicale mesure, à quelques principes incontestables, lesquels entraînent avec eux tous les binfaits qu’on peut se promettre de l’organisation du travail, 
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b Tout homme sans travail, et qui veut travailler, a une action 
absolue, légale et positive sur tous les centres de travail, qui, solidairement, lui doivent ou le travail, l’emploi utile dans l’oeuvre de la richesse nationale, ou l’indemnité, le minimum d’existence dont jouissent eux-mêmes les travailleurs en activité. — Et ce qui se dit de l’homme, de l’individu en chômage, ouen quête de travail, doit se dire à plus forte raison d’un groupe d’individus, d’un centre, d’une corporation, du personnel d’une sphère quelconque de la produc— tion nationale, par rapport à tontes les autres, ou à l’association nationale elle-même. 
2° Tout homme qui participe à l’oeuvre d’un centre de production doit participer de droit à la répartition, à titre d’associé, sur le pied d’égalité avec tous, au prorata de la qualité et de la quantité de son travail. Tout centre, toute corporation ou groupe d’associés qui participe à l’oeuvre d’une sphère d’activité sociale ou delanation tout entière doit participer de droit à la répartition de la production totale, également au prorata de la quantité et de la qualité de son travail. Et dès lors, par l’observation de ces deux clauses, la solidarité, l’égalité des conditions, le droit au travail et à ses fruits sont garantis. Le travail s’organise nécessairement dans l’unité et l’équité. 
Il appartient à un congrès fédéral de l’industrie et de l’agriculture ou des corporations-unies, de déterminer toutes ces participations par sés règlemens d’administration, par ses jurys d’échange et d’équité, par se tarifs divers, enfin par sa permanente sollicitude et sa continuelle action législative. 
3° Le rachat, l’expropriation universelle, successive ou instantanée, pourcause d’utilité publique, avec indemnité, à l’aide d’un sys tème d’annuités qui donne sécurité d’existence aux expropriés, tout en améliorant sensiblement le sort du peuple émancipé, voilà la mesure la plus large et la plus efficace que le souverain puisse ordonner, par le suffrage universel, aux assemblées nationales qui seront chargées de réviser la Constitutian. 
Oui, devant la raison et la justice du souverain, devant la nécessité fatale qui s’avance, il s’agira, dans les futures révisions de constitut ions, de procéder ait rachat, à l’expropriation, à l’indemnité, pour l’abolition du salariat, de l’usure et du capital-monopole, comme nauère on y pi’océda pdnr l’abolition des droits féodaux de la noblesse., des tUrnes du clergé; comme antérieurement pour l’aholi 
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Lion du servage et de l’esclavage pur, comme hier encore pour l’a bolition de l’esclavage colonial. 
Mais, ne l’oublions jamais: si Le socialisne théorique exige L’ex.: 
propriation universelle des terres et des autres instrumens de travail,, c’est précisément pour garantir à tous et le droit au travail et les fruits de leur travail, etia vraie liberté; pour sanctionner et réaliser la propriété elLe-même, la propriété dc chacun compatible avec la propriété pour tous; car avoir plus que jamais, à titre de droit im• 
prescriptible, absolu, positif, la garantie du travail, et la jouissance absolue de l’équivalent de ses produits, c’est assurément être pro.. priétaire, possesseur, en un mot, jouir du droit de propriété et de la propriété elle-même. 
Quand le peuple français sera bien convaincu, et cela ne peut tarder, qu’il n’y n de salut que dans cette mesure accomplie avec sagesse et moralité, elle se réalisera à l’acclamation même de ceux 
en ce moment, en seraient les ennemis acharnés et fanatiques. 
Que cette socialisation du sol et des autres capitaux soit parfaite. ment légiiime, c’est un point admis par les disciples même d’Adam Smith et de J .-B. Say. 
Les plus hardis novateurs — disent-ils dans leurs manuels les 
plus récens — ne font pas autre chose queproposer le remplacement de la propriété individuelle par la propriété collective. Ils disent 
Le sol appartient à tout le monde, à l’Etat, qui le loue et le fait valoir par un procédé quelconque. Ils ont bien, ce nous sembler 
RAISON EN »nOIT nuuxu, mais ils auront tort pratiquement, tant qu’ils ii’auront pas un mèillczïr système économique, car, jusqu’à présent, L’Etat et les communes ne tirent pas un grand parti de leurs propriétés. » Puisque les socialistes ont raison en droit liu,nain, ils 
ont raison en droit divin; et dès lors, la providence étant avec eux, nécessairement il existe des moyens, il est un ou plusieurs systèmes. économiques meilleurs qui y correspondent, et la pratique rejoindra. un jour la théorie. 
Prendre par force : grand mot (lui n’épouvante que les ignoraus. Politiquement, nous ne le conseillons pas; car nous voulons une p0. tique qui marche toujours escortée de lajusticc et de la bont4; nous voulons dans le souverain le sacrifice et la générosité, la puissance et la contagion du bon exemple. Moralement, et en droit, nous ne pou vons voir, dans l’expropriation et le rachat, qu’un moyen d’ame. ner tout le monde à l’égalité des conditions de développement et de 
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perfectionnement, de bien-&re et de liberté, à la nécessité universelle 
de travailler pour vivre. En quoi le sort des expropriés serait-il plus rigoureux? vivre en travaillant, n’est-ce pas la destinée commune? Du riche capitaliste ou du pauvre ouvrier, lequel donc est ici le plus à plaindre, lequel est l’exploité, la victime de l’ignorance, de la force ou de la violence? 
Cette question est de tous points identique à celle de l’affranchissement des noirs. L’indemnité est une indulgence, une magnanimité, une munificence, ou, si l’on veut, un moyen terme entre le passé et L’avenir, entre l’écart absolu et [‘état normal. Ce n’est donc point une obligation absolue de la part de la société, un droit absolu de la part du maître colon. Or, il s’agit de faire comprendre la chose aux heureux du siècle, pour qu’ils sachent ce que valent les droits acquis nés de la loi des âges barbares. Il n’est pas impossible que la lumière se fasse subitement dans leur intelligence, qu’elle touche et amollisse leur coeur jusqu’à les constituer les promoteurs de la grande mesure de l’expropriation; tout comme naguère on vit des gentil. hommes prendre l’initiative des mesures qui ont immortalisé la nuit du 4 août. 
Quoi qu’il en Soit, toutes les fois que dans le passé l’égalité, la liberté, la fraternité ont fait un pas chez un peuple, ce peuple n garanti le droit de vivre à un plus grand nombre de citoyens, en créant de nouveaux propriétaires; et l les a créés, ou par un nouveau partage des terres, ou par la limitation légale de la propriété dans chaque famille, ou par des abolitions ‘de dettes, ou par un systèmesoitde corporations, soit de castes, lequel monopolisait dans chaque tribu. une espèce de richesse. Ainsi’les partages de terres sont effectués et répétés, avec persistance, dans la civilisation grecque et romaine et chez Les Hébreux; l’abolition des dettes et la limitation des propriétés y sont également pratiquées, sous des formes diverses. Chez les Juifs, le jubilé et l’année sabbatique offrent une combinaison de ces deux sortes. Enfin, on sait que les corporations et les castes sont un trait universel de la constitution économique de l’antiquité. Or, le nouveau partage des terres déjù appropriées implique évidemment la reconnaissance du principe de l’expropriation pour cause d’utilité publique: l’expropriation est donc aussi vieille que l’état de société. ‘routes les fois que, relativement à la population, la concentration, l’absorption ou le monopole des fonds productifs, des richesses, a été extrême chez un peuple, ce peuple est mort dans l’anarchie, ou il 
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s’èst régénéré par la création de nouveaux propriétaires au moyeu 
de lois agraires, d’un système de corporations, ou par la dépossession des oligarchies au profit de la plèbe déshéritée, mais émancipée. 
Ainsi, les seigneurs u moyen âge affranchissent leurs serfs; ils leur concèdent la possession des terres qu’ils cultivaient jusque-là en esclaves possédés eux-mêmes comme des choses. Plus près de nous, la Révolution française exproprie le clergé et la nobLesse et vend à bas prix les biens nationaux à une classe moyenne jusque-là pauvre et prolétaire, assujettie aux aristocrates; elle ùniversalise le principe de Fégalité d’hérédité entre les enfans de la même famille, et crée ainsi de nombreux propriétaires fonciers. 
Mais toutes ces mesures, qui toujours jusqu’ici s’accomplissent fatalement par la violence, ont le grand tort d’être tout à la fois insuffisantes et injustes : elles ne profitent point à:tous ceux pli y ont un droit égal; et d’ailleurs elles n’empêchent pas le paupérisme et le prolétariat de se perpétuer, de s’engendrer de nouveau; elles le favorisent même plus que jamais. Ce qui leur manque, nous le savons, c’est l’organisation, c’est l’association obligatoire, la réciprocité, le concert et la solidarité. — Aujourd’hui tous ces moyens sont jugés, condamnés; il n’y a plus de terres à partager ou (le Castes à détruire; on ne veut plus de corporations, et d’ailleurs exproprier les uns pour investir les autres est une iniquité ‘gratuite: et cependant il faut, plus que jamais, créer des propriétaires. Et cependant aussi, il n’y a pas d’exemple qu’une nation soit sortie de cette crise par la voie indirecte des combinaisons volontaires et privées, par des compromis antelligens et l’application de nouveaux procédés économiques. IL n toujours fallu des dons, de la générosité, ou des stcrifkes au nom de la justice mieux comprise. 
Dès lors, jugeons donc un peu de L’avenir par le passé: la tourmente révolutionnaire est là avec ses expédiens dc fatalité. A défaut de l’esprit d’association et surtout de l’esprit de concilia tion et d’accommodement, le DESTIN finirait par jeter les lambeaux du monopole foncier et immobilier à toute cette population deshéritée (lui travaille, qui fait toute la besogne, qui remplit les ateliers, les manufactures et les fermes; car plus d’une fois déjà la Providence n décrété la déchéance des capitalistes et de tous ces t pro priétaires qui ne sont ni possesseurs ni usagers. IL est donc à craindre, à prévoir, que, fatiguée de l’aveugle résistance des droits acquis, elle n’in — 
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vestisse pont’ la dernière fois de leurs propriétés transformées en 
nouveaux biens nationaux, et les fermiers, ‘ ces êtres singuliers qui ozdssent sans être propriétaires, » et tous ces journaliers, ( tous ces Usagers, qui ne sont ni possesseurs ni propriétaires. ) 
Il se peut qu’à force d’entêtement on amène quelque gran(le convention révolutionmtirc à constituer de la dépouille violente des privilégiés le bien communal, l’ager publicus moderne, et à restituer ainsi au peuple, collectivement et indivisiblement, tout le sol composant le territoire actuel de chaque commune. Alors, ce champ communal, cultivé par tous les habitans à lent’ profit proportionnel, deviendrait le gage de leur sécurité, de leur indépendance et de leur bien-être; car par là, par cette appropriation communale du fonds productif par excellence,seraient garantis à tous la participation suffisante aux objets de première nécessité, le droit au travail agricole, et le développement moral et physique qui accompagne la propriété. 
Ne vaut-il pas mieux un rachat sur les bases généreuses de la justice stricte, au sein de la paix, que la désappropriation violente et sans compensation an sein d’un épouvantable cataclysme? Que devrait donc faire le souverain, et que fera-t-il infailliblement lors— qu’il aura compris l’efficacité et la légitimité de cet expédient? 11 socialisera lesfonds productifs de tout ordre, en expropriant, moyennant un système quelconque d’indemnité, si le salut du peuple le permet, les détenteurs quelconques des instrumens de travail, des capitaux de production; en restituant à ous l’usage, à égales conditions, de ces instrumens; en faisant par là autant de propriétaires qu’il y a de travailleurs dans la nation; non plus des propriétaires exclusifs, usant et abusant de la matière première ou des conditions naturelles de la richesse, mais des propriétaires collectifs. 
Tel est l’unique moyen de faire participer tout le monde à la propriété des instrumens de travail; on ne déshérite personne: l’indemnité vient désintéresser le propriétaire exproprié, il n’est point spolié; car il reçoit l’équivalent de ses épargnes transformées en propriété; on peut même dire qu’il reçoit plus que ses épargnes réelles, puisque sa fortune lui vient en grande partie de la vertu reproductrice du capital par l’intérêt, l’usure, la rente, le salariat; cest du travail accumulé, sans doute, mais accumulé par le salarié, par le prolétaire, au profit de l’entrepreneur ou du propriétaire. Enfin, l’expr oprié n de plus la certitude de se donner encore le bien-être 
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les garanties de la vieillesse et In s€durité de la retraite, dans l’atelier 
même dont il cesse d’être l’arbitre souverain; et cela sur le pied. d’égalité, aux mêmes conditions que les travailleurs exploités, que cette mesure transforme en associés égaux et libres. 
Rien n’empêche même d reconnaître à l’exproprié son capital, par une hypothèque spéciale sur le fonds productif, devena colLectif et conditionne), d’individuel et d’absolu qu’il était. Seulement ce capital ne serait remboursable que par annuités, disponible que sous forme de crédit, de monnaie, ou d’objets— définitivement consommables. Ce serait enfin une sorte d’action déterminée que l’ancien propriétaire posséderait sur le fonds collectif. Mais comme, dans l’hypothèse, l’usure est abolie, le revenu de ce capital est uLil désormais ce n’est plus qu’une épargne dont il peut disposer pour la consommation finale ou pour la transmission. 
La science sociale ne demande donc pas que les capitaux soient ravis sans compensation aux anciens détenteurs; elle demande qu’ils soient consolidés au nom et au profit égal de tous les coopérateurs à l’oeuvre de la richesse. Les expropriés reçoivent des garanties pour leur principal, mais leurs capitaux, de productifs d’intérêt, de loyer, de t’ente qu’ils étaient, Sont changés pour toujours en simples réserves. Mais, nous le répétons, au début de la transformation du prolétariat en associations de propriétaires collectifs, et pour la rendre possible et prochaine, les capitaux, objets d’ané aussi universelle expropriation, ne peuvent évidemment être remboursables à volonté et en totalité, subitement et à tous, comme les épargnes déposées pourraient l’être plus tard, lorsque Les instrumens de travail, devenus collectifs et indivis, seraient surabondans. La seule mesure que permette ici le salut public, la réalisation du droit au travail et à l’égalité positive, c’est que l’exproprié touche l’équivalent du capital par des annuités égales, dans les meilleures conditions, au revenu moyen de ce capital, et, au pis aller, à une fraction donnée de ce revenu, ou à tel revenu maximum, déterminé selon les charges des individus. 
On comprend dès lors ce qu’il y n de sophistique dans cette affirmation tranchante d’un grand amateur du laisser-faire: s Avec quoi L’Etat rembourstraU-il Les propriétés? avec Les propriétés. Le rachat universel, c’est l’expropriation universelle sans uiilité psibtique et sansindemnité. 
Nous aflirmons, nous, qte l’utilité publique est incontestable, évi 
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dente; que l’indemnité est non seulément possible, mais très 
facile; et que rembourser par annuités équivalentes au revenu antérieur au rachat, c’est rembourser les propriétés au rnoyei des propriétés, sans doute; mais non avec les propriétés (ce qui est bien différent), au grand avantage des riches et des pauvres. Est-ce que capitalistes et travailleurs se croiraient bien à plaindre; les uns, si on leur remboursait ainsi leur principaL; les autres, s’ils pouvaient, au bout de quelques lustres, racheter à ce prix et à ces conditions leurs instrumens de travail, c’est-à-dire les affranchir de toute dîme ou usure etde toute appropriation arbitraire, exclusive:? 
Les fermiers, les locataires, les emprunteurs actuels ne doivent pas profiter exclusivement de l’abolition de la rente, du loyer, de l’intérêt, encore moins de l’expropriation générale des propriétaires qui ne font pas valoir eux-mêmes leurs fonds de produc.. tion. Toutes les mesures de ce genre doivent profiter aussi bien et davantage aux classes salariées, au prolétaire ouvrier et journalier qu’aux fermiers, aux entrepreneurs et locataires. Ce serait la plus criante des injustices, si l’Etat se proposait la création de nouveaux propriétaires de champs ou de fermes, sans créer simultanément des propriétaires de manufactures, d’industries, de magasins ou de boutiques; etsi, après les avoir créés, tout le monde n’y trouvait pas également place; et s’il ne s’efforçait de les conserver par des institutions de prévoyance qui excluent la concurrence dépréciative, qui obligent les producteurs dans chaque centre, et tous les centres entre eux, à la solidarité, à la mutualité et à l’unité. 
Evidemment, la condition sine quâ non, c’est qu’aucune fraction du souverain ne puisse abuser du principal 1méme de cette grande immunité. L’expropriation des détenteurs actuels, même, moyennant indemnité, ne peut être un acte légitime: qu’autant que les travailleurs au bénéfice desquels on l’opérerait, s’obligent:àjse constituer en association perpétuelle, que le fonds productif de leur centre reste à jamais indivis, avec caractère de fondation publique, ne pouvant plus rétourner au morcellement des appropriations solitaires, à la fantaisie des associés. Si l’on devait revenir un jour au point de départ, mieux vaudrait y rester. D’ailleurs il y aurait déni de justice, oubli criminel pour toute cette fortø portion des classes déshéritées qui, faute de travail ou de capacité actuelle, ne pourraient participer à ce don, en qùalité dc travailleurs ,actifs, dan3 quelque foyer de production exproprié. 
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Goinmeut admettre que la sodiété aille faire le bien.&re d’une 
éuération de prolétaires, sans mettre des eonditons à cte soucitu4e; qu’elle exproptie les uns pour traflsmettre au autres des ps’frogatives iuiques qui nécessiteraient de nouveau la même mesure conre eux-mêmes ; que voulant cette mesure précisément pour arrirerà l’abolition du prolétariat, elle le rendît ainsi, par cet abandon, nvitable pour des époques périodiques? 
L’xpropriatiou de 89 et dc 92 ne fut pas juste elle aurait dii rofiter à tous les prolétaires, teut te monde, colleeth,ement, soti— 4ai.’ement; elle n’a profité qu’aux acquéreurs de biens nationaux qllaux débiteurs des droits féodaux, c’est-à-dire qu’à un petk ‘aambre de membres de la classe moyenne naissante ; mais nos pères savaient ou ne pouvaient pas davantage: ils crurent bien faire; t,ra1aQvernent, ils firent lien, ou plutôt, afin de mieux rendre notre eiwée, nous disons : ils ne furent pas injustes, mais ils commirent une injustice. 
i’audrait.il aussi consacrer un jour une période à la lutte contre ‘ies paysans devenus les possesseurs exclusifs du sol? Nulle classe dans la France socialiste ne doit avoir le monopole ‘du territoire ‘oultivable. Si la vraie économie ne saurait reconnaître d’intermé. iiaires parasites entre la société et les citoyens qui exploitent ott ‘cultivent le sol, elle ne saurait davantage exproprier les possesseurs nou usagers actuels pour le seul résultat de transporter leur priviaux fermiers ou aux journaliers qui ont fait valoir jusqu’ici 
i.ars propriétés. 
a peut faire de ce principe du rachat bien des applications di. selon les dispositions que l’on vient à prêter au souverain; 
flous nous bornerons pour l’instant aux g6néralftés et aux vtriante5 nivantes. 
ln justice et e raison, le souverain ne peut songer à racheter siastrumens de travail que pour les sociatiscr à toujours, au pieu p’and profit de toussesmembrescollectivement. Donc, le rachat ota la ddsnféodation implique ta snbstitution de 1a fonction à i’apprcwiatian; de l’assoeiationà 4’4solemet; du fonctionnaire au proprié. eaitede la délégation an monopole. 
Pacette grande mesure, on multiplierait en effet, on niversaii— .uiz, les corporations ég&itaires et fraternelles; on créerait d’un ul ooup Le nouveau mande 4e l’association : au lieu d’attendre ce su1tat de l’initiative siiccessiv, incertaine et sins fin des hlivi.. 
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dus, on l’obtiendrait sur-le-champ; et la France ne serait- plus 
qu’un ensemble de petites sociétés ou ltats économiques fédérés, tendant à la fusion, à l’unité, à la solidarité. On se trouverait donc improviser en quelque sorte le milieu que les associations des ouvriers de Paris s’efforcent d’engendrer et de propager. 
Si le souverain s’élevait jusqu’à ce degré de socialisation fonctionnelle absolue, il y aurait lieu d’appliquer ici les voies et moyens organiques développés ou indiqués dans les précédens numéros de cette publication. 
Le congrès fédéral des associations unies serait chargé de recueillir les engagements mutuels de production et de consommation de tous les centres, et de répartir ensuite à chacun d’eux son con. tingent proportionnel; de mettre le poids, le nombre et la mesuite dans l’économie nationale. C’est à ce milieu qug s’adapterait parfaitement le moyen que nous avons indiqué au deuxième numéro, pages 17-19, sous ce titre: Voies et moyens de Ici solidarité universelle des corporations; et au quatrième, pages 29-34, sous ce titre Organisation de la publicité universelle des faits économiques.. 
Nous renvoyons d’ailleurs, pour l’esprit et les bases do cette combinaison, à l’articI: Qu’esc-ce que la fonction sociale, No 2, dans le Salut du peuple; et pour les développemens que le sujet comporte, aux prochains numéros où nous nous proposons d’achever l’esquisse du milieu normal qu’entraîne te principe de la fonction sociale. 
Nous formulerons seulement ici les dispositions et les clauses du projet de décret à intervenir. 
Le rachat, l’expropriation universelle successive ou instantanée, pour cause d’utilité publique, de tous les instrumens de travail ou capitaux, avec indemnité, à l’aide d’un système d’annuités qui donne sécurité aux expropriés, tout en améliorant sensiblement le sort du peuple émancipé. — L’annuité pourrait être équivalente au revenu noyen du capital; de telle sorte que la-rente ou l’intérêt versé chaque année à titre d’usure fût à valoir à titre de rernbottrsement du principal: l’estimation du principal à rembourser pourrait être basée, soit sur la valeur vénale moyenne actuelle, soit sur une fraclion déterminée de cette valeur. 
Le rachat aurait lieu, au nom de la Société, unique propriétaire désormais; et au profit indivis, collectif, égal, des tritvailleurs occu— pé.s, depuis telle époque donnée, t ht mise en valeur des instrti 
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mens rachetés, et n’ayant point de capitaux par eux-mêmes; et de 
tous ceux qui concourraient ensuite à Un titre quelconque à l’exploitation de ‘ces capitaux. — L’association se.rait de rigueur ‘dam chaque ftyerae production soumis au rachat.— ‘L’État percevrait lui-même les annuités et les transporterait aux expropriés, quk recevraient ainsi la garantie de la société, qui d’ailleurs feraient dc droit partie des travailleurs associés, subtitués aux expropriés par le rachat. 
Les travailleurs pourraient être’répartis dans chaque foyer, pré-’ cisément en proportion de’la répartition même de lapi’oduction faite à chaque centre d’associés : —‘cette Tépartition étant dêterminéepar les exigences sociales, par les avantages de localité, les considéra-’ tions de situation, d’usage, eus. 
L’uni’ersalité des prolétaires et’des citoyens, capitalistes ou non; seraient donc investis de cesinstrumens ou napitaux, à titre de ferrniers de l’Etat—Peuple: ils en seraient les possesseurs collectifs in- définis, moyennant une redevance qui servirait à solder l’annuité aux expropriés; et à charge d’usage personnçl, c’est-à-dire, à charge de Les faire valoir par eux-mêmes, sans pouvoir d’aucune manière en tirer usure’ ou intérêt. Ainsi, tout ouvrier ou citoyen’ participant à l’exploitation d’une terre, d’une industrie quelcon- que, participerait également aux produits et à la gestion de l’oeuvre à laquelle il aurait concouru en qualité d’associé, absolument comme s’il était, depuis l’origine, participant à la possession du capital ou de la terre en question. 
L’idée majeure qui domine cette radicale mesure, c’est l’existence d’un conseil central d’administration qui régisse tout le mouvement économique des associations, et qui y mette l’équité, l’équilibre, avec l’unité et la mutualité; c’eét que tout foyer de production soit une institution, une fondation sociale, et en quelque sorte une pro. priété nationale, publique, indivise et inaliénable, où chacun et tous aient droit de venir chercher, durant toute leur vie active, le travail,, et par le travail le bie-être, la liberté, la sécurité des vieux jours et tout ces, à la seule condition de se conlQrmer aux exigences de tant de garanties précieuses. 
L’ampleur de l’association,primaire pourrait s’étendre jusqu’à ne fairede chaque commune ou iilage qu’un seul foyer de production, qu’une snccurs2le de “immense association nationale, où serait cu 
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mulée l*eiploitation simultanée de l’industriè, dè l’gricultureht, science, des beaux-arts. 
Les associations pourraient se restreindre en se spécialisant s Ion la diversité des corporations; avoir une vie, une administwa.. zion, des intérêts distincts, mais non séparés, et se relier par une nu tuailté et une solidarité plus ou moins étroites. 
Mais, dans tous les cas, tous les foyers de production auraient. cela de commun et d’obligatoirement uniforme, que le caitai ou, fonds productif serait consolidé comme fondation sociale à jamais. indivise et inaliénable, soustraite à l’arbitraire disposition des lontés individuelles. IL est tout naturel, en effet, que la société, eu. accomplissant le rachat, consolide ainsi les instrumens de trayait au profit des générations successives: c’est un acte de prévoyance e de justice distributive que ron ne saurait contester. 
A la concurrence rivalisante et dépréciative, seraient subst1tés lu, concours, l’émulation fécondante; à la loi du rapport de l’offre demande, l’arbitrage d’un jury électif, la tarification par maxima et minima du prix de revient et du prix vénal; au besoin, la régLo nul.. verselle; enfin la pondération, la prévoyance régulière dans la pro... duction et la consommation, et l’équité dans la répartition, par !e, soins d’un conseil central ou congrès fédéral de l’économie n. tionale. 
Ces fondations économiques, ainsi socialisées à un haut degré,se-.. raient gérées, rgLées,adm.iistr’ées comme dans les ateliers des ass. dations fraternelles décrites au numéro 2, p.. 19, dc ce journal et les. travailleurs mis dans les mêmes condithns de salaire, de dividende,. de réserve et de solidarité, que dans ces ateliers, ou que dans tua: 
ateliers sociaux, du Luxembourg. 
Mais la solidarité, au lieu de monter de chacun à tous, desc€. drait de tous à chacun, par l’intermédiaire du conseil ‘central qui seul à caractère, mission et puissance pour cela. La proportionallté. de salaire ou (le minimum d’existcnce serait d’abord garantie unifor... mément à tous les membres de toutes les fondations et ce n’est que sur le surplus du produit annuel que pourraient porter les ij.itk galités de répartition si elles étaient encore admises. 
Chaque collection d’associés, après avoir assuré le minimmu. d’existence ou de répartition à chaque.uavailleur, prélèverait sut’ l’excédant de la portion, à elle afférente, du dividende col1eeti1, l. portion nécessaire pour le reuouvellement ou l’entretien du fontla,. 
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social et môme pour l’augmentation indéfinie du capital consolidé, indivis et inaliénable, et aussi pour procurer à la population croissante les instrumens de travail qu’elle a le droit d’attendre de la prévoyance sociale. La quotité de ce prélèvement serait déterminée par le conseil central d’administration, et variable au gré des eh’- constances. 
Ce serait là la propriété sociale, celle qui, appartenant àtous les associés présents et à venir, n’appartiendrait à personne d’entre eux en particulier.—C’est ainsi que le sol et les capitaux de production se.. raient désinféodés, désappropriés ou socialisés par l’association l’&re collectif société serait seul propriétaire perpétuel, ou plutôt possesseur isager de chaque fondation économique: chacun aurais son salaire, son traitement, son dividende, sa part de la richesse col lectivemeat produite, proportionnelle à la quantité et à la qualité de son travail. Ce serait là, la propriété individuelle ou privée: Et alors, le fruit du travail personnel ainsi entendu, ainsi dégagé du fruit du travail d’autrui, ainsi distingué radicalement de la possession arbitraire, du monopole des instrumens du travail national ou collectif, se transforme en propriété absolue dans les mains de chacun; l’individu en faisant tel usage qu’il lui convient, et cela sans inconvénient pour personne, attendu qu’il n’y a plus d’appropriable directement et absolument que les choses qui sont naturellement d’usage personnel. 
Le conseil d’administration, la gérance de chaque centre ou fondation, opèrerait au nom de l’association, comme opère tout particulier quand il partage son revenu entre ses divers besoins: sur les produits nets totaux actuels de l’association, il prélèverait d’office d’abord la part de la production future, la part destinée à la retraite, aux maladies, aux infirmités; la part exiée par l’accroissement de la population; puis sur le dividende individuel il prélèverait à ta voSanté dc chacun, la part personnelle destinée aux voyages, aux divertissemens, aux dons, etc,; iL livrerait ensuite le reste à la consommation; et c’est uniquement sur le partage de ce reste que l’idée d’appropriationabsolue ou de propriété privée pourrait s’appliquer, ainsi que l’idée d’inégalité. 
Dès lors, les transactions possibles entre individus ne peuvent plus porter que sur les produits destinés à la consommation mdlviduelle, les seuls dont ils .puissent disposer. Et cQmme l’usure sou& 
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toutes ses formes est supprimée, l’exploitation de l’homme par l’homme, même dans ces limites, est devenue impossible. Chacun ayant ses intér&s, son avoir, ses épargnes â soi, distn gués 
dans l’association, sans &re néanmoins séparés, aurait un compte courant ouvert au trésor commun en raison précisément de ses épargnes; et ces épargnes appartenant à l’individu, il peut toujours se transporter dans un autre centre où il n un travail et une spécialité, ‘où il rencontre un personnel et une localité qui lui conviennent — que s’il n’en trouve pas, il ne peut s’en prendre qu’à la nécessité et on à l’arbitraire d’un supérieur ou d’un juge. 
Ainsi, sur le produit net collectif, — prélèvement d’office pour l’entretien et l’accroissement indéfini du capital social, indivis et inaliénable, constitué en fondation perpétuelle; — puis, réserve de fraternité pour les incapacités virtuelles, les crétins, les idiots; — pour les faibles, qui peuvent bien travailler, mais dont les forces ou les aptitudes ne sont pas en rapport avec les besoins; —pour l’indemxiité due û tout travailleur en chômage forcé: —enfin, sur la part utférente à chacun, râservede solidarité pour la retraite, pour les ac cidens, pour les cas de maladie ou d’incapacité passagère. En dernier lieu, réserve facultative, pour les cas dc repos, (le divertisse— ment, de voyages, de dons, etc. — C’est ainsi que l’on ferait face à toutes les exigences de la vie sociaie et individuelle, à savoir l’accroissenient de la population; l’enfance, la vieillesse, les maïa- (lies et les infirmités, les chômages involontaires, enfin toutes les 3ibertés personnelles légitimes. 
Nécessairemeùt, une vaste institution de crédit émanant du scia même des associations unies, avec ses comptoirs dans chaque chef- lieu de canton, avec son papier-monnaie hypothéqué sur le fonds entier de la richesse natiopale, viendrait donner à tous les avances nécessaires, faciliter les échanges de fondation à fondation, de centre à centre, de nation à nation : en un mot, offrir tous les avantages de crédit, appliquer tous les expédiens économiques que nous avons signalés et conseillés dans les numéros précé. dens, et spécialement dans le troisième; article: Orgànisation du canton, 2e partie, page 31, 
Quant à la loi de la production, du salaire et des échanges, il faut. que tout travail, tout produit, toute fonction, toute rétribution et toute wente, soient soumis à l’appréciation, à la règlementation, on à la tarification du souverain, au moyen de jurys, d’examina.turs, 
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d’experts, de vérificateurs et de contrôleurs désintéressés. Cette 
mesure peut seule donner le cours normal des salaires et du prix des choses, tout comme des mesures analogues donnent la sécurité, la justice, l’ordre, la police ,la salubrité, l’égalité devant la loi, 
Considérez bien ce que c’est que la valeur des choses, celle du travail-marchandise; et vous verrez que l’aveugle fatalité des goûts, des caprices de La mode, de la rareté des objets, etc., qui s’exprime par le rapport entre l’offre et la demande, ne peut rester davantage un critérium supportable dans une’ République démocratique et sociale, c’est-à-dire dans une société basée sur l’égalité et la fraternité. 
En conséquence, dans chaque association ou foyer de pro chiction, — un minimum d’existence, un salaire soustrait û l’action avilissante de la loi de L’offre et de la demande, un salaire équivalent, non plus au strict nécessaire de la bête, mais au prix de tous les objets constituant un ample nécessaire, le confortable quotidien de l’existence sociale moyenne de l’époque; et la tarification en conséquence, du prix dc revient de tous les produits; — des entrepôts, des bazars et magasins dans toutes les communes, et dans ces établisse- mens sociaux, des jurys d’échange, des experts, juges appréciateurs de la qualité des produits et du prix vénal de ces produits. 
Tout ce qui précède suppose admis les principes ou les dispositions suivantes: 1° Un conseil central ou congrès fédéral électif, lien unitaire des associations; 2° L’inaliénabilité, L’indivision, la consolidation du capital ou des instrumens de travail; 3° la suppression de l’usure, sous toutes ses formes; 4° L’interdiction de la concurrence arbitraire. 
Accomplissez, en effet, demain, le rachat au profit de tout le monde; prescrivez nême à une banque nationale de distribuer le crédit de commandite à l’universalité des travailleùrs, sans exiger comme condition préalable qu’ils consomment entre eux un pacte de mutualité et de solidarité; qu’ils s’associent, individus entre eux, et corporations entre elLes; qu’ils se partagent la production; qu’ils disciplinent les échanges; qu’ils s’abonnent mutuellement à leurs produits respectifs; qu’ils déterminent un mininmm de salaire; qu’ils tarifieut la valeur vénale relative des produits; qu’ils instituent enfin un conseil central d’administration chargé de régulariser la production, ta circulation, la tente et rachat des denrées et marchandises et d’en garantir la facilité, la loyauté, ou l’équité; eu un 
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mot de mettre le concert, l’unité entre les activités, l’équilibre. 
entre la production et la consommation, la prévoyance, la publicité, le contrôle partout et nous maintenons que cette grande et radicale mesure du rachat ainsi entendue, n’avancera pas d’un millimètre la solution du problème du prolétariat, de l’organisation du travail. 
2° Toutefois, dans des limites moins larges, les prolétaires peuvent encore être concilians. Qu’on nous accorde la transformation des ouvriers en associés, la substitution des travailleurs aux patrons devenus eux-mêmes de simples travailleurs-associés dans leurs propres ateliers, expropriés moyennant indemnité ou seulement soustraits à leur direction et à leur dispensation arbitraires et exclusives, sans cesser encore de leur appartenir; et nous consentons volontiers qu’on essaie encore de la concurrence, de l’achat et de la vente libres, mais pourtant régularisés, circonscrits dans certaines limites, grâce à l’intermédiaire officieux mais effectif des comptoirs, des entrepôts et bazars des agences communales.— On en vérifiera bientôt l’insuffisance, et un nouveau progrès dans l’opinion, une nouvelle institation viendra réaliser la mutualité obligatoire des producteurs et des consommateurs, le concert, l’unité et la solidarité de tous les centres, la sociaLisation de tous les genres de fonds productifs. 
Mais déjà ne croyez plus avoir sauvé cette chère licence que ridolâtrie du siècle a appelée liberté; car pour si peu, on est obligé de recourir à l’intervention de l’Etat : c’est lui qu’on charge d’organiser et de gouverner les comptoirs, les entrepôts et les bazars; et le rôle qu’on lui défère n’est pas seulement celui d’être l’intermédiaire purement officieux entre les producteurs et les consommateurs. Il a des experts qui estiment les produits, et qui ont toute liberté dans leur estimation, qui peuvent refuser de stipuler sur leur procès-verbal aucune valeur aux produits déposés, et par là empêcher que la Banque ne prête au déposant. Les experts ont ainsi le moyen indirect de faire que les produits n’affluent jamais dans les entrepôts qu’en proportion des besoins de la consommation; mais alors il est évident qu’ils deviennent en fait les arbitres de la prospérité, du travail, de la sécurité de chaque centre de production , et que le sort (les producteurs qu’on dit libres est singulièrement confié à l’arbitraire ou plutôt à l’arbitrage de L’Etat : ce qui ne nous fait pas peur, mais ce que l’on u la ‘prétêntion d’éviter, puisqu’on rocIame la liberté de production, de vente et d’achat. U y aura 
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donc toujours non-production ou non-vente suffisante pour les uns 
ou pour les autres; donc des désastres, des chômages, défaut de garantie pour le droit au travail, etc. — Sur quelle hase la Banque se décidera-t-elle entre les producteurs qui, ayant trop produit, solliciteraient d’elle l’emprunt qu’elle doit cependant limiter dans cette occurrence? Pourquoi le refuser aux uns, l’accorder aux autres? 
Si donc l’on s’arrêtait à l’hypothèse de l’indivision et de l’inaliénabilité des foyers de production soumis au rachat, mais néanmoins avec une concurrence contenue dans des limites compatibles avec une moindre inégalité de fortune et avec un minimum d’existence pour tous, nous proposerions, comme correspondant è cette variante, l’esquisse suivante: 
L’assemblée de révision, considérant qu’il est légitime et nécessaire de créer des propriéaires, d’universaliser, de démocratiser la pro.priété d’un seul COUp, en un seul jour, au moyen d’un seul décret, 
AknTE: 
1° L’expropriation poui cause d’utilité publique, moyennant juste et loyale indemnité, sera d’urgence appliquée à tous les fonds productifs de la nation. Les détenteurs et capitalistes expropriés seront remboursés de leur principal au moyen d’annuités dont le montant annuel sera égal au revenu moyen qu’ils percevaient jusqu’ici sous forme de rente, d’intérêt, de loyer, etc. 
Le fonds productif de chaque centre de travail actuel exproprié sera donné en possession indéfinie à l’ensemble des travailleurs occupés depuis un an dans ce centre, et cet octroi ou délégation, moyennant les conditions exigées par le rachat ou l’indemnité. 
Tous les travailleurs qui n’appartenaient à aucun atelier exproprié seront répartis entre les centres en raison de leur importance constatée, lesquels auront donc à s’entendre pour les voies et noyns de cette répartition: è défaut elle sera faite d’office; on bien l’État organisera pour eux des ateliers agricoles et manufacriers qui deviendront leur possession aux mêmes conditions que d-dessus. En même temps, l’État offrira è tous, comme interméliaire officieux de leurs transactions, et comme organe unitaire et moyen de crédit et de circulation, un système de comptoirs, d’entrepôts et bazars, où les ventes et les achats s’effectueront au profit de tous, avec des conditions (le loyauté, de véracité, de simplicité et d’économie jusqu’ici inouïes. Et comme, malgré ces garanties, les pertes seront encore inévitable.s pour les uns ou pour les autres dans 
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un milieu qui couDait encore la concurrence, l’Etat achèvera de’ 
prouver sa sollicitude à tous en organisant un système unitaire d’assurances contre les sinistres de l’ordre agricole, industriel et coinmercial. 
Les associés, dans chaque centre, en tout ce qui ne touche point l’indivision et l’inaliénabilité du fonds d’établissement, administrent leur chose comme ils veulent. Ils ont encore toutes les prérogatives des possesseurs absolus, en ce sens qu’ils sont maîtres de leur production, de leurs ventes et achats, qu’ils se livrent encore aux chances aléatoires de la concurrence. Seulement, c’est par le canal et par l’intermédiaire obligé des entrepôts, bazars et comptoirs établis par rÉtat sur tous les points du pays qu’ils peuvent exercer leur liberté industrielle. Grêce à ce rôle d’éclaireur et de modérateur indirect de la production et de la concurrence, exercé par l’Etat,. les producteurs sont donc retenus dans certaines limites qui rendent les rivalités peu dangereuses, et les encombreniens, les dépréciations, les fraudes impossibles ou insignifiantes. 
La société, en retour de cet affranchissement ainsi donné par elle chaque foyer de population ouvrière, prélèverait un impôt ou redevance plus ou moins indéfinie, destinée à la fondation successive de nouveaux ateliers sociaux, conçus dans le même esprit, et consacrés à garantir du travail à tous les supplé mens de population, et, en général, aux citoyens qui, appauvris par les chances aléatoires du monde libre, ou étant déclassés, ne trouveraient point à se placer dans les centres indivis primitifs. 
s Si l’on acceptait l’hypothèse où les instrumens de travail ne seraient point indivis et inaliénables; mais, cependant, où l’usure sous toutes ses formes serait supprimée, il y aurait encore cette variante: 
Les possesseurs usagers, au lieu de louer, sans jamais s’en dessaisir, les fermes, les maisons, les instrumens de travail, et d’en retirer indéfiniment une usure sous forme d’intérêt, de loyer, de fermage, etc., seraient obligés de les aliéner une fois pour toutes, moyennant le remboursement du principal à des époques (ltermi— nées, à l’aide d’un mode d’annuités ou d’acomptes faciles à combiner. Ne plus se servir d’un instrument de travail, ce serait perdre son droit de possession sur cet instrument: ce qui est la justice, le droit môme. 
Mais, de la valeur totale des capitaux ainsi transmis, on sous- 
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trairait toujours l’équivalent de la valeur du] capital qui primitive. 
ment aurait fait l’objet du rachat, et dont la délégation ou possession asgêre aurait été accordée comme immunité tsociale, ou à titre de commandite inaliénable aux vendeurs actuels; car il demeure en teda que la jouissance gratuite de ces valeurs du rachat total se raiL ucquise collectivement à toutes les générations nées et à naître. 
route transaction serait donc un échange par anticipation, une aliénation coùditionnelle, une vente: tout immeuble, toute portion mdivisible d’un tout, serait mobilisée, soumise à la transmission ou l&hange, comme L’objet vénal le plus ordinaire. Emprunter, tenir ruiocation une maison, un appartement, un champ, un instrument n capital quelconque, ce serait avoir dc facto une action sur ce aptni on cet objet, égale précisément à la somme déjà versée à aitre de loyer, de fermage, etc.: les prêter, les louer à autrui, ce set’ni les vendre moyennant des acomptes annuels ou mensuels, ux précisément aux prix annuels ou mensuels de la location, iu’à concurrence du principal, ou mieux, moyennant des annuis ‘dont le chiffre et la durée seraient déterminés à l’amiable, et, à dut d’accord, par des arbitres-jurésspéciaux. 
Aoute à cela robligation de tenir en valeur tout capital, tout &a’ument de travail, ou dc le céder sous forme d’échange aux premittsoffrans, comme il vient d’être dit; celle de donner du travail à citoyen qui eu manquerait, de se répartir les iouveaux essaims hupulation à mesure de leur arrivée, le tout, solidairement et de nccrt uvec tous les possesseurs usagers ou fermiers de i’Etatf’eupte. 
Noutez l’obligation de se constituer et maintenir à L’état d’assoution, et de se servir de rintermédiaire de l’universelle institutio:a e crédit national, des comptoirs de circulation et de comman.,e, 4es entrepôts, bazars et halles, enfla des bureaux de place— ment, et d’accéder aux engagemens mutuels des producteurs et des ansnimateurs. 
&joutez encore la tarification de tous les produits par l’intermé-. .afre d’arbitres désintéressés, ayant pour office spécial de déter— uer le prix de l’unité de chaque genre ou quulité de richesses, eu tasaut sur le nécessaire ou minimum d’existence sociale des tra llwrs. 
es combinaisons d’un principe et d’une mesure incontestable!i en jnstes et salutaires ne sont assurément pas les seules ou les. 
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meilleures: nous concevons du moins des variantes que nous indi queron selon l’ordre des idées : pour l’instant nous ne nous propo sous que dappeler l’ttntion des lecteurs sur l’un des moyens de l’ordre le phis radical. 
Nous disons donc, pour résumer et formuler succinctement cet. ensemble 
Rachat universel, ou désappropriation individuelle et délégation corporative ou collective aux travailleurs, à tous les citoyens sans exception.. 
Indemnité ou remboursement par annuités équivalentes au pb.is à l’intérêt ou au revenu moyen. 
Possession usagêre ou conditionnelle à titre de fermiers ou commandités de l’État, moyennant redevance proportionnelle à la valeur du capital. 
Suppression de l’usure sous toutes ses formes. 
Adhésion an mode d’association comme forme obligatoire de pro duction pour chaque centre dn travail. 
Consolidation et transformation en propriété publique de chaque foyer de production soumis nu rachat; c’est-à-dire indivision et inaliénabilitd perpétuelle du capital de Fondation, et son accroise— ment indéfini au profit des générations présentes et futures QU dans la moindre hypothèse, simple délégation de la propriété à titre de possesslon usagère, et alors obligation de faire valoir par soi- même et de tenir en valeur et rendement les instrttmcns ou capitaux transférés sous condition formelle de légitime ou social usage. 
Adhésion au régime des bureaux de placemens ou des engage.. mens mutuels entre producteurs et eosommateurs; au régime des entrepôts, bazars, halles; des comptoirs cantonnaux, etc. 
Mise en régie ou tarification universelle des prix de revient et de vente. 
Transmission obligatoire du titre, des avantages et des attributs d’associé et de co-possesseur usager à tout citoyen participant à la, création d’un produit, à la mise en valeur d’un capital, à l’exploitation d’une industrie quelconque. 
Obligation pour tous les centres de production solidairement d répartir entre eux toute la population laborieuse, de telle sorte qu nui ne chôme involontairement., ousans. indmniL4 immdiata et équivalente à son salaire moyen. 
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Obligation pour tous possesseurs qui, par ui motif quelconque, 
cessent de faire usage de leurs fonds productifs par eux-mêmes ou leurs co-associés, de les transmettre aux tiers qui s’engageraient à les mettre en valeur, à titre d’échange on de vente, d’après la valeur arbitrée; et le montant payable soit immédiatement, soit par annuités ou acomptes, comme il n été dit tout à l’heure, déduction faite de la portion de valeur primitivement rachetée par l’État. 
Nous affirmons qu’il faut toutes ces clauses ou d’analogues pour que la mesure soit efficace et réalise le droit et la justice, c’est-à.. dire l’égalité des conditions, le droit au travail et les droits du travail; mais, arrivé là, et la possession étant soumise à tant d’obligations, on est bien près de la socialisation des capitaux; endore un pas e la propriété collective, la solidarité, runité économique sont com. prises et voulues de tous. Nous montrerons même à I occasion que tant d’entraves et de clauses ne sont point encore suffisantes pour sauvegarder les droits du travail, et l’égalité des conditions. 
En tout ceci, nous tentons l’avenir, nous le sondons; nous ne di.. Sons pas que nous l’anticipions ou le prophétsions. D’ailleurs, ce ne sont là que des indications sommaires nous sommes loin d’avoir épuisé les combinaisons qu’on peut faire de cette idée du rachat ou de l’expropriation : nous la toucherons ie nouveau lorsque nous aurons caractérisé et mis en évidence le fait économique fondamental, les causes radicales de la misère; lorsque nous aurons achev4 d’exposer le nouveau monde où l’on ne connaîtra plus que de fonctions et des associés—fonctionnaires. 
Le Gérant, J. MALAuMET. 
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LE SALUT DIT PEUPLE 
X io\s, aos eUes. 
CONRITIOS D L’AflOlNEY1E.’t S 
Pora PARIs (par an) o fr. 
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seroni, pour les abonnemens, au citoyen BiLLiL1U. Libraire, à la 
Propagande, 1, rue des Bans-En fans. 
Typographie FÉUX MÂLTEST xv Ce, rue des Deax-Portes-Satnt-Saueur, 22. 
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____— — 
V.. - 
SALUT 11IPE[PLE DE LA SCIENCE SOCIALEI 
flume’ro 6. — 40 £fla 480. 
- o rrancs par an ponr ParIs. — Dpartemen : franc. 
Un nnmro: 00 centEme*, 
CHLZ J. I3ALLARD, LIBRAIRE, A LA PROPAGANDE, 
t, RUE DES BONS-ENFMS. 
1850 
LE 
SALUT DU PEUPLE. 
1Â LIBERTÉ SOCIALE. 
IL est en ce moment une question qui passionne vivement les tmes, et qui préoccupe et trouble les penseurs: cette question fut à l’ordre dt jour durant tout le dix-huitième siècle; elle l’avait été depuis le berceau de la civilisation; elle le sera peut-étre jusqu’à la fin c. temps. Nous voulons parler de la liberté. 
Ce sujet capital a déjà été abordé dans cette publication; mais s’il est vrai qu’il Soit immense, on peut y revenir sans l’épuiser, et cependant servir à son élucidation progressive. 
Liberté absolue, liberté illimitée en tout, pour tout et pour tous Z s’écrient les pies incandescens ; plus de gouvernement, plus d’Etat, plus d’autorité! 
Tout ce bruit est-il bien sérieux? 
La formule : liberté illimitée, liberté en tout, étant l’expression. vague d’une activité indéterminée, est sans aucune valeur et n’avance pas d’un millimètre la solution cherchée. 
L’expression: liberté absolue, illimitée, présente naturellemeut ;à l’esprit l’idée de faire tout ce que l’on veut si on le peut, sans considération de la liberté parallèle d’autrui, sans égard aux injonctiOns du droit, de la justice, du bien général. 
L’individu dans son isolement semble être considéré comme une souvéraineté au-delà de laquelle il n’y a plus rien. 
Cependant, la question de liberté n’est point un problème simple ou de tordre individuel. C’est une question complexe, de rorére collectif: car il s’agit d’une .mqltitude. d’&res qui veulent également leur liberté, c’est-à-dire la faculté de s’appartenir, 4e se développer en toutes leurs manières naturelles de penser, de seutjt et d’agir; la faculté de s’irradier par le monde . Il y a donc ici na balaucemeat, un équilibre,, un départ, gae proportion à c1te’ 
cher et à rê.iliser, une satisfaction simultanée à garantir à tous; €fln une harmonie à obtenir. La solidarité, la dépendance mu •tuell où se treuvent les libertés dans leur essor respectif et cwré— latif fait aonc toute la difficulté du problème. 
Oui, il faut la liberté absolue de l’individu et de la société simultan ment; oui, il faut laisser toute carrière au plus grand déve— loppement de la spontanéité, de l’activité intellectuelle, sentimen- tale et physique de chacun, compatible avec le développement similaire de tous. C’est là l’égalité des conditions entre toutes les spontanéités. Comme elles sont en présence et susceptibles de se faire obstacle, de se nier réciproquement, de méconnaître les lois de leur équilibre, elLes veulent un règlement public, une systématisa— lion limitative ou répressive contre l’abus ou la subversion; et ds lors les mots illimités, absolus, entendus dans le sens d’une indéternLination fataliste, sont d’indignes et de coupables prétentions (le la. licence ou de l’orgueil. 
Si tous les individus sont libres, il ne peut y avoir de légitime, de wai, de juste, de bon, de logique, d’absolu qu’une liberté socialecu collective. La liberté dont chacun jouira doit donc être accompagnée de l’adhésion, du consentement de tous; ou, si l’on veut, elle doit être telle, que la liberté virtuelle, égale, de tous les autres,. i’en Soit pas violée, méconnue de cela seul. Ainsi, chacun, mais aussi tous, doivent pouvoir se développer, avoir l’essor libre de leur spontanéité, à condition que cet essor ne viendra pas nier celui d’autrui, de son fait même. 
Or, à chaque instànt de sa vie, une société se donne une solution ik cet égard: selon son degré de science sociale, elle dit à chacun le cercle dans lequel iL doit exercer sa liberté pour ne pas anticiper sana liberté d’autrui ou la sacrifier à la sienne; mais on voit iont de suite que jamais elle n’a dit, ni n’a pu dire à personne: c Vous avez une liberté illimitée; absolue.r, 
Le lieu précis où une société porte la solution, les limites du iercIe de chaque liberté privée, c’est ce qu’on nomme le droit, la. justice, le bien de tous. Et naturellement cette solution, ces Limites, seront autres, ou progressives, selon le progrès des idées, desmoeurs, des sentimens des générations. 
Il résulte de là, de cette éternelle nécessité de la limite que la qnestioi de liberté est inséparable de la question de justice, de: 
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droit, de bien général; qu’il ne peut y avoir de liberté que dans les 
limites de la justice, du droit ou du bien général; qu’iL n’y a plus qu’un point à résoudre: savoir où est h ,jnstice, en quoi consiste le droit, savoir où doit être la limite, jusqu’où doit s’étendre le cercle particulier (le chaque liberté. 
Ainsi, après bien des circuits, il vous faudra toujours en revenir à 
cette f’urrnule restrictive et pré&se : la liberté clans les Limites du p droit, dans les limites de/jtzstice, ou du plus grand bien individuel et 
collectif. —Et,nttendu que le droit, la justice, sont progressifs indéfiniment, avec le développement des idées et des sentimens, de la science et (le l’amour, cette firmu1e n son analogue dans cette autre : la liberté dans les liniltes du progrès, du mieux relatif; fa liberté (le marcher en avant, non en arrière, non de s’immobiliser dans leprésent. — Il faut avouer dès-lois que la liberté ainsi définie et singulièrement loin d’être absolue, illimitée, 
La liberté de frapper, d’emprisonner, de torturer, de nier, d’af— famet’, de calomnier, de volet’ son prochain, etc., est donc en dehors de la définition de cette liberté illimitée ou absolue qu’on revendique aujourd’hui: nons renverrions aux docteurs de Charenton, les publicistes qui en arriveraient à cette énormité. 
Maintenant reste une question: qui dira où est le bien, le mieux relatif, le droit futur, la justice future; et par conséquent le degré de liberté, licite à un moment donné d’une société, et en quoi consistera la liberté? — Nous le savons déjli : ce sera le consentement généi’al, la conscience universelle, l’opinion publique, la voix du. peuple. 
IL est bien entendu que [e vrai, le droit, la justice, la science et le progrès, enfin les lois naturelles et providentielles sont indépendantes des majorités, de la reconnaissance, du consentement ou d6 la ratification du peuple; nous l’avons assez dit en maintes pages de cette publication. —Mais il est également certain que, dans la réalit sociale, la loi est comme non avenue tant qu’elle n’a pas reçu la con— sécratioti populaire, et ne s’est point emparée de la foi, de l’intelligence, du coeur des masses. 
Toutefois, nous l’avons dit aussi: il est des vérités, des droits, des intérêts tellement impérieux, tellement identiques à la vie, à la souveraineté indivi4uelle, que, toutes les fois qu’ils sont menacés% violés, en danger, le nombre devient poussIère, toute souveraineté 
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collective cède, et s’efface devant celle de la conscience mdlviduelle — Alors l’insurrection devient imminente; et elle est divine : car dans ces moinens solennels chacun ne relève plus que de soi devant Dieu. 
Or, la liberté de penser, de croire et d’écrire, la liberté de presse et de tribune, et celles de réunion et de vote politiques, sont quelques-unes de ces franchises qu’il faut garder à tout prix, parce que par elles, on peut, à la rigueur, faire accepter à l’humanité toutes les vérités, toutes les sciences, toutes les lois naturelles ou providentielles, successivement révélées au génie, à l’inspiration collective, et constituant le plan de Dieu, ou le code de nos destinées. 
En dehors des cas exceptionnels où il s’agit du péril, du naufrage de ces grandes lois antérieures et supérieures à toutes les constitutions,à tous les suffrages, à toutes les majorités, et dont le mépris entraîne la mort de l’àme par la mort de sa liberté même, il faut savoir temporiser; et il est nécessaire, pour donner au pro grès ses lettres de naturalisation, d’en référer au consentement du peuple, cette expression de la voix de Dieu, lorsque l’adhésion, d’ailleurs persistante, approche de l’unanimité. 
Les lois et les relations antérieures et supérieures tu nombre ont donc besoin du baplême et de la confirmation du peuple, non pas pour être ce qu’elLes sont, la vérité; mais pour être réalisées, zcceptées, mises en pratique. 
Tant que la vérité, le bien, la loi de Dieu n’est pas reconnue du peuple, elle est, quant au fait social, comme si elle n’existait pas; mais ceux qui ont la foi, la croyance intime, se donnent toujours et ont toujours le droit. de se donner la liberté de la pratiquer entre eux, et de la prêcher aux autres; le tout à Ïeurs risques et périls. L’histoire universelle nous prouve qu’ainsi se sont toujours passées les choses : le progrès est à ce prix, semble-t—il? 
En effet, le droit le plus évident lui-même n’a-t-il pas besoin d’être voulu par l’immense majorité, pour être respecté? La science elle-même, tant qu’elle n’est pas comprise et admise par la liberté générale, ne reste-t-elle pas comme non-avenue? Mais faites qu’un consentement nouveau soit obtenu par le droft nouveau, la science ssouvelle, par l’économie et la politique nouvelles; et l’unité sociale religieuse nouvelle se consommera dans et par la liberté. 
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Il y a des lois naturelles pour l’humanité comme pour la natùre ou l’univers: du moins, l’humaLté le croit. Or, quand rhumanité a découvert et vérifié une loi humanitaire ou sociale naturelle, cette loi, le premier individu venu peut-il impunément la violer, l’enfreindre? Est-il LIBRu en ce sens qu’il puisse se efaser à en respecter l’application? 
Il faut toujours en revenir à ces termes : 1° Tout ce que le peuple oi.i la conscience universelle tient pour acquis est acquis, et comme tel constitue un point de droit, une des prescriptions de la justice; et, comme tel, est obligatoire, donc ravi à la liberté, soustrait, jusqu’à nouveau progrès, au libre arbitre des individus : il entre das les moeurs, il fait partie dun patrimoine désormais inaliénabLe, qui peut bien gagner mais non perdre. 2° Si des individus, ou des mi-. norités, dans leur conscience, tiennent ce droit pour factice, pour faux, pour un attentat au vrai droit, à la loi éternelle, il ne leur reste qu’à protester et à se résigner; ou à résister à léur risques et périls, et à se donner par la force une liberté que leur refuse la force. 
Toutefois, ne l’oublions pas non plus: ce qui devient a toujours tort aux yeux de ce qui est devenu. Jésus-Christ, Galilée, Socrate, et tant d’autres promulgateurs des lois naturelles et prouidentet1es, avaient raison en droit: ils eurent tort en fait pour leurs contemporains. Cependant la vérité est restée vérité. 
Néanmoins, ne craignons pas d’être conduits trop souvent à de pareilles alternatives de résignation, ou de luttes ouvertes: lorsque Dieu veut dans le mouvement social l’incarnation d’ftn. nouveau progrès, il y prédispose mystérieusement tout le monde; et, en réa. lité, l’éclosion est déjà latente, le progrès est déjà comme accompli dans les âmes, lorsque le génie et ses premiers apôtres viennent en quelque sorte le dégager, lui donner sa manifestation, sou expression et sa langue, par leurs formules et leurs systématisations. 
Sachons donc nous confier au bon sens du souverain : la masse, vue dans sçm ensemble et sur une certaine étendue de la durée, est un pape, un révélateur, et un auditeur infaillibles. 
Nore conduite est dès lors toute tracée en règle générale : éclai— rér, persuader, convaincre la société; amener l’opinion à consentir, à adhérer à ce que nous croyons lé bien, le mieux, le meilleur. 
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Et par exception, comme soupape de sûreté, le droit très légitime, très tutélaire pour tous, d’insurrection. 
Si le progrès est la loi du monde moral ou social, la spontanéité, l’initiative, la libre activité des intelligences, des intéréts, doit con— clure fatalement, providentiellement au mieux continu, au peifectionnement graduel, et doit donner comme résultan te définitive des efforts, des volontés et des idées, le progrès universel; — ou bien il faut supposer que les individus ont la puissance d’enrayer le mou vement des mondes, et de tenir tête à la Providence. 
N’allons pas nous plaindre d’être éternellement sous le joug de la fatalité; car précisément ce qu’il y n de fatal, c’est le progrès,. c’est-à-dire le mieux, et un mieux indéfini! 
La science des choses universelles est progressive: donc la morale est progressive; donc le droit l’est lui-même. Le progrès en tout,, consiste dans le développement, l’accomplissement, l’épanouisse.. ment; non point dans un changement de nature. 
Plus le progrès de la religion ou dela philosophie, de la science universelle et de l’amour s’accomplit, plus la morale elle-même étend son domaine et commande de perfections; et en même temps., plus la morale fait de progrès, plus le droit empiète sur k domaine de la morale et le fait sien; et cest ainsi qu’il progresse Luimètne 
—Combien de relations, de comtnandemens, qui n’étaient que du ressort de la morale dans les degrés inférieurs de civilisation, onlt fini par tomber dans Le domuine du droit, et par être ainsi bligatoires, exigibles au nom de la loi, de facultatifs qu’ils étaient! 
Ainsi, le domaine des choses incontestables, ou des lois normales,, Constitutives de la société, s’agrandit progressivement sous l’action mystérieuse de la Providence combinée avec la Liberté individuede et collective. A mesure qu’un élément, un principe, une forme sociale revêt ce caractère dans la foi et la pensée des peuples, ils la placent parmi les vérités, les droits antérieurs et sz:périear à toute constitution, comme nous ravotis déjà formulé plusieurs fois; çt alors nul ne se croit libre d’en enfreindre les exigences; chacun . u contraire, fuit consister la liberté à la respecter. 
Cependant, nous n’admettons pas que le progrès spécial qui est une fois ratifié par la conscience générale et conquis sur le passé, doive se perpétuer absolument sous la forme qu’il u revêtue lors de sa première consécration : nous pensons qu’il est peu ou point ([o 
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relationq, de principes moraux et d’institutions sociales, dont on 
puisse dire qu’ils sont pour 3amais accomplis. U en sera de bittes nos formes sociales, de toutes nos moeurs actuelles comme de La loi de 1Ioïse : sans qu’iL vienne !es détruire, l’avenir viendra les accomplir, les perfectionner en les développant. — Comment? nul ne le sait; mais chacun peut ambitionner de le pressentir et de le prophétiser. — Nous ne voudrions pas qu’on trouvât ici, de près ni de l&n, l’apothéose du fait acconipli, de la loi du nombre, et en quel-. que sorte la cristalisation du mouvement progressif. 
La liberté collective ne recule donc pas. Tout se passe comme si la force mystérieuse qui donne l’être, le mouvement et la vie à tout ce qui est, mettait successivement dans la conscience des peuples les tendances, les clartés , les inspirations, les instincts qui doivent les mener â ses propres fias. 
C’est pourquoi Il est souverainement moral et religieux de se confier dans La liberté collective; car elle ne peut pas ne point aijou— tir au mieux par la science et. l’duccaion. 
Au contraire, la nature des choses s’oppose radicalemeat, absolument à la liberté individuelle, illimitée, par cela seul qu’elle nie la liberté collective. 
Je m’étonne qùe tout esprit à qui est apparu une seule fois le grand fait de la contradiction , le fait de la loi des contraires, ou de la co-existence des extrêmes, de deux termes, de plusieurs principes ou forces destinés évidemment à se faire opposition, s’affee- lionne exclusivement à l’une d’elles au préjudice absolu de l’autre; au lieu de conclure qu’il doit exister un troisième terme, une troi.: 
sième force, destinée à les’ harmoniser ou équilibrer. 
La nature entière ; l.’univers, n’offre pas dans ses élémens et dans- les conditions de son mouvement, d’autres lois que celles-là 
partout des oppositions, des balaucemeu har’moniques entre Tes forces diverses qui s’y déploient. 
Mais la force harnzon(sante, qui, dans le monde physue, est donnée directement, fatalement, par la Providence, aux élémens et ux forces qùi composent l’univers, est donnée dans le monde moral et social, non seulement par la nécessité, dont les déterminations et les momens sont le secret de Dieu, mais par la raison, par l’amour: la règle universelle est ainsi proposée au libre arbitre des individus, qui, dès lors, ont la puissance d’exercer leur activité 
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entre les deux extrêmes, de dévier de la bonne voie, de manquer 
ou d’obéir, sous leur responsabilité, aux lois de l’harmonie, en se jetant exclusivement ou sans mesure du côté de l’un ou de l’autre extrême: ce en quoi précisément consiste le mal social, le désordcc, ranarchie ou le mouvement anormal et subversif. 
Prétendre que la résultante de ce grand balancement, de cette lutte libre de tant de volontés, de forces, de passions, équivaudra toujours au droit le plus strict, à la justice, c’est tomber dans un optimisme, ou plutôt dans une foi chimérique qui dépasse toutes les utopies possibles. 
Il faut donc qu’il y ait ici une puissance neutre, impartiale, déflagée elle-même de la lice et de la lutte, qui vienne garantir l’harmonie, mettre un frein, protéger la réalisation du droit strict, contraindre les activités à s’exercer dans les limites infranchissables de la justice. Il le faut) disons-nous, sous peine de se déclarer fataliste et matérialiste pur. Or, cette puissance, c’est le peuple, c’est le souverain lui-même dans son unité et son indivisibilité; qui doit donc ordonner, d’après une vue d’ensemble, le libre essor de l’activité de ses membres. 
A moins que l’homme faible n’ait aucun droit vis-à-vis de l’homme fort; à moins que le balancement des droits et des activités ou le juste équilibre ne s’opère de lui-même, et que tout ce qui est, soit bien tel qu’il se produit en pleine liberté; à moins qu’il n’y ait une végétation sociale absolument identique à la végétation naturelk’, il faut une justice sociale; mais s’il y u une justice, il doit y avoir des juges; s’il y a des juges, i y u un pouvoir, un tat, un gouvernement ou une administration. Or, les juges c’est le peuple; le pouvoir c’est le peuple, le gouvernement, l’administration, l’État, la gérance, c’est encore le peuple; et c’est ainsi que s’effectue l’assurance mu.’ tuelle tic chacun contre tous, et de tous contre chacun, pour la jouissance et la couservation de la liberté. 
Pourquoi demander la liberté illimitée du hasard et de l’arbitraire en présence du suffrage universel ? Dès que le peuple se gouverne lui-même, il n’y a plus de despotisme, de tyçannie; car nous supposons ici qu’il est des droits antérieurs et supérieurs à toute volonté de majorité; que, par conséquent, ils sont sauvegardés, et que les erreurs ou les passions des majorités ne peuvent plus por — 
— Il — 
ter que sur les points et les intérêts secondaires de la vie, de In lij.berté et de l’égalité universelles. 
Qu’est-ce en effet que la démocratie? c’est te gouvernement de tous par tous. Mais ce dogme suppose qu’en démocratie, la libert& ne peut être que sociale ou collective; que le laisser faire écono.. mique est antipathique au régime républicain, contradictoire à la souveraineté cia peuple, au suffrage universel; que nous sommes ic dans une grande famille où tous les intérêts, toutes les destinées se décident en commun, avec l’approbation et le contrôle de tous. 
vous ne concevons pas un peuple souverain constituant lui-même, par sa liberté, son propre esclavage. Cette énormité est impossible dè qu’il a, outre le suffrage universel dans toute son intégrité, la publi- cité universelle, le droit de réunion; et dès que la minorité ou le progrès a pour soupape de sûreté le droit conditionnel d’insurrection. 
C’est du moins la meilleure chance de la liberté individuelle et collective, en dehors de l’hypothèse de la perfection de chacun et de tous. 
L’État-Peuple, la conscience publique peut donc seule, etcloit donc seule, dégager le progrès, le régulariser, le favoriser, I’organiser l’universaliser, le consacrer et le sauvegarder quand ii s’est dénoncé dans et par le suffrage universel, dans et par toutes les voies de la publicité et de l’information. — Au souverain indivisiblement, l’attribution essentielle, éternellement nécessaire et tutélaire, de tracer le cercle licite de tant de spontanéitésen mouvement, et de féconder les effets de la spontaniété, à mesure qu’elle s’est manifestée de toutes parts, majorité et minorité comprises; car il est prodigieusement contraire à l’esprit démocratique de n’avoir égard qu’aux voeux de la majbrité, comme si les minorités étaient hors la loi. 
Oui, en tous temps, dans les limites de la morale fondamentale, et du droit strict teL qu’il est successivement compris et acclame par l’immense majorité des contemporains, il faut chez un peuple non seulement livrer les citoyens à leur initiative, à leur spontanéité; nais les encourager dans toutes les voies au’progrès, au mouvement eh avant, à l’invention, au perfectionnement; et pour cela, mettre au concours la solution de toutes tes difficultés, de toutes lés im- perfections, de tous les maux, de tous les voeux, de tous les grie133 
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dénoncés. Mais pour cela aussi il n’est nullement nécessaire 
de les laisser opérer solitairement, se séparer, par les biens et la volonté, de l’activité collective, comme on le voit aujourd’hui SOUS le régime du laisser-faire. 
On ne saurait trop le redire si rÉtat est nécessaire, c’est qu’il est nécessaire aussi que la morale, ou la conscience universelle, ait un organe universel comme ellc; et que cet organe ait toujours pour attributions essentielles, non seulement de réprimer le mal relatif, mais de dégager, de généraliser, de favoriser, de protéger le bien; de réaliser toutes lçs mesures d’ensemble, toutes les institutions qu’auront élaborées l’initiative et la spontanéité populaires. 
Vous avez beau faire: la raison générale dans la sphère du droit et de la morale, se formuleun toujours en prescriptions impératives, qui, pour se faire respecter des passions ou de l’ignorance, exige’ tout toujours la présence d’une autorité centrale dont la conscience sociale sera de plus en plus l’unique dispensateur et le souverain arbitre. 
Combien de détracteurs spéculatifs de la souveraineté centrale collective, ou de l’État, s’ils abordaient la réalité, trouveraient, comme leur héros Proudhon, qu’il est quelquefois bon et légitime de recourir à la puissance publique : — Vaincre! c’est-à-t ire 
porter au pouvoir le principe d(mocraiirjuc et svckd; dès lors, à quoi bon la banque du peuple? A quoi bon les bureaux du fau’ bourg Saint-Denis? La banque de France n’est-elle pas 1à (I)? 
—Par ces paroles, on légitime la doctrine qui défend les attributions éconcmiques de l’administration centarle, et qui fait de l’unité éco nomique de la nation la clé de voûte (le l’organisation du travail, on accorde gain de cause au Lnxcmbourg, qu’on a le grave tort de décrier avec passion ou ignorance, 
Quel sens faut-il donc donner à cette générale et impérieuse revendication de liberté que la révolution de Février et l’apparition du socialisme ont fait naître? Uniquement celui-ci : Le peuple veut la liberté comme moyen, non comme but; comme le moyen de reformer l’adhésion et le consentement, par l’amour et la foi, en faveur «tin ensemble religieux, social, économique’ et politique nouveau, meilleur, progressif; dans lequel le plus grand nombre nttant su 
,(i) Proudhon. j aura al Le Peuple, no du 12 an’il 1 849. 
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%cotfiance, son espérance et sa joie, trouvera précisement sa libert& 
La revendication actuelle de la liberté pour ceux qui ne l’ont pas, ‘ést toujours légitime; car si le mouvement social est fatalement sous l’influence d’une volonté et d’une puissance progressives, cette revendication ne veut et ne peut exprimer que cecI laissez-nous fa faculté d’achever de détruire les derniers vestiges de l’ancien édifice social qui, nayant pas eu la capacité de contenir nos libertés, a ‘fini son temps; et d’essayer tous les plans nouveaux, afin d’arriver t l’édification du monument de l’avenir z l&ssez• nous la faculté de substituer le meilleurau moins bon; ce qui est plein de promesses ‘et de fécondité à ce qui est vieux et stérile désormais. 
Le peuple, en effet, a besoin de tonte sa spontanéité pour une nussi grande tûche: et iI L’a toujours obtenue aux époques analogues à la nôtre. 
‘foutes les lois, toutes les institutions, aujourd’hui, sont des obstacles au mouvement en avant: nous sommes au bivouac. Or, l’autorité actuelle, l’enseignement actuel, la religion actuelle, l’économie actuelle, etc., nous y retiennent, comme si nous étions définitivement. ebrités dans le bien et dans le parfait. 
Mais loin de là : il y n un vieil échafaudage d’institutions, de lois, de rouages, qui fait obstacle aux fondations du nouveau monde éclos du travail de quatre siécles d’élaboration sociale : nous qui le concevons et qui y croyons de toute notre âme, nous demandons à être livrés à notre initiative, à notre spontanéité, afin de faire passer dans les faits et les institutions ce qui est dans les idées et les senti— mens. Nous sommes sûrs, si l’on nous laIsse la liberté du travail associé, la libre concurrence contre le capital exploiteur, de tuer le travail solitaire, l’appropriation solitaire, la concurrence anarchique, l’usure, le gaspillage et lincobérence, et l’exploitation de liiomme par l’homme; car nous mettrons notre liberté ùf mufti- plier les associations égalitaires et fraternelles sur tous les points du pays et du monde. 
U en est de même de tous les autres genres de liberté’ non seulement nous demandons la liberté de travail, la concurrence, afin de mieux tuer le libre travail et la concurrence; m’is aussi la ljber& d’enseignement, afin de mieux tuer le libre enseignement, en montrant à tous la supériorité du seul enseignemem qui révèlera atx Peuple la vérité relative, destinée à recevoir le consentem’ni et lê 
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loi des générations prochaines ; — et la liberté de presse, de chaire, de tribune, de réunion, etc., parce que nous avons foi dans la supériorité, dans l’attrait et la puissance d’aggréga Lion et de ralliement de la science nouvelle, qui est toij ours la bonne nouvelle pour le peuple; parce que nous acceptons la lutte ouverte entre l’erreur et la vérité relative, entre le bien et le mal relatif, persuadés que la victoire restsra aux soldats du progrès. 
Donc, la liberté! mais la liberté pour marcher eu avant, non pour rétrograder. La liberté, mais à la condition de respecter le grand mobilier de principes, de droits, de vérités sociales, si chèrement acquis par le travail antérieur de la civilisation chrétienne et fran- çaise. Ainsi a toujours fait l’humanité: arrivée à une station de son pélerinage à travers le temps, elle dit à chacun de ses membres: 
Que nul ne regarde en arrière; ce qui est fait est consommé; le champ du passé vous est fermé; mais pour celui de l’avenir, la lice vous est ouverte, entrez-y; cherchez et vous trouverez : et ce que vous trouverez sera bon, car l’avenir garde toujours à ceux qui le cultivent des fruits meilleurs que ceux du passé. 
Maintenant, quelle latitude la liberté individuelLe loit-elle laisser la liberté collective, ou plutôt la liberté collective à la liberté individuelle? Quels degrés de liberté doit accorder le peuple souve— Tain à chacunde ses membres précisément pour respecter la liberté personnelle de tous? 
Et d’abord remarquons bien qu’ici j’expose mon opinion, mon sentiment, ce que je tiens pour vrai. C’est l’idée de liberté telle qu’elle m’apparaît, que j’émets et que je dois avoir la liberté d’émettre, mais non absolument d’imposer aux autres libertés, si collectivement elles venaient à décider le contraire partout, tola.’ jours. 
En termes genéraux donc, le souverain doit interdire ou réprimer, dans le temps et dans l’espace,tout exercice de liberté individuelle, que, dans sa conscience et sa sincérité, il jugerait comme devant avoir pour résultat évident de soustraire, au plus grand développement moral, intellectuel et physique de chacun et de tous, ses conditions essentielles; celles du moins qui, dépendant de la volonté, t ne touchant en rien aux droits inviolables de la consci nce, doivent avoir précisément pour résultat spécial de sauve. garder et 4e développer - la liberté similaire et imullanée d’autrui, 
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—Au spirituel, obligation absolue pour tous de respecter les grands et immuables princpes de la morale universelle, fondamentale, particuLière et publique, tels qu’il sont sortis de la consécration uni— forme de tout le passé, et qu’ils sont formulés dans cette impérissable devise: Liberté, Égalité, I’raternité, Solidarité et unité, indivisi— bilité du genre humain; puis, en dehors de ces conditions restrictives, en religion, en morale, en éducation, liberté complète de culte et d’enseignement; liberté de manifestation ou de mouvement intellec.. tuel et physique sous toutes ses formes: livres, journaux, beaux- arts, chaire, tribune, liberté d’aller et de venir, etc. — En politique, liberté de vote ou le suffrage universel, liberté de réunion, etc. 
En économie, le Peuple souverain doit tendre constamment è la socialisation des instrumens de travail, comme à l’absolue et première exigence de l’égalité des conditions, et par conséquent de la liberté individuelle. II doit, dès l’instant, faciliter les associations de travailleurs-prolétaires, eùjoindre catégoriquement à ses re— présentans d’exécuter sincèrement, d’appliquer aciivcmdnt et d’ur gence les articles vin du préambule, 8 et 13 de la Constitution, dans toute leur teneur et tous leurs corollaires naturels; ôter ensuite l’arbitraire dans la production et dans l’échange; introduire partout la solidarité, la réciprocité, l’unité, et conclure un jour è l’organisatioq des activités et des intérêts nationaux de tout ordre. 
Nos raisons, pour établir cette profonde démarcation entre les deux ordres de liberté, les voici; 
»1%tlnctlon Importante. 
1L y a ue différence radicale, du point de vue de la liberté, entre les faits de l’ordre moral, immatériel, interne, et les faits de l’ordre économique, matériel ou externe. 11 faut d’abord reconnaître qu’aucun 4es modes de manifçstation de la vie individuelle n’a impunément son essor illimité, absolu (normal ou subversif), devant la loi sociale, La liberté de penser, de parole et de presse, de tri- hune ou de chaire, de conscience ou de croyance; la liberté de réucion, d’action ou d’exercice physique, reçoivent des limites, précisément à l’endroit où elles envahissent, où elles méconnaissent, entament ou annulent la liberté égale, simultanée etparallèle des autres moi. Lorsque l’esor ou le développement d’une de nos ma-. ières d’être légitimes vient mettre obstacle, ou refuser ses condi 
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lions nécessaires au développement corrélatif de nos semblables n limite, on prévient ou l’on réprime cet essor. 
Ainsi, jamais sous aucune de ces formes de manifestation, la loi sociale ne laisseraimpunislesactes tendant à la calomnie, au meurtre,, auvol, aux voies de fait; jamais on ne pourra violer impunément les éternelles injonctions de la morale fondamentale, sans le respect desquelles iL n’y a de sécurité ni pour la vie, ni pour les biens, ni pour l’honneur; par conséquent ni pour la liberté de personne. Nous voulons l’usage de toutes les Libertés, mais en même temps ious ne voulons l’abus d’aucune. IL doit être permis de parler,. d’écrire, de se réunir, comme il est permis de marcher, d’aller et de venir, de se mouvoir, de passer à côté de son semblable, de porter un instrument contondant, un bàton, une bêche, une faux : cependant, si j’use de toutes ces libertés pour frapper mou prochain, pour l’assommer, la loi sociale intervient et réprime; et cela est bon, et le sera toujours, je pense. Il en est et il en sera toujours de même de l’usage de la parole, de l’écriture ou de la presse, de la tribune ou de la chaire, car on tue moralement anssi Donc libre usage, libre essor; et à côté la répression ou la guérïsos. de l’abus, de l’usage subversif et contre nature. — En abusant d’ueo liberté, nous ne nuisons pas seulement à nous-même, nous nuisons surtout à autrui : le tort veut être réparé toutes Ies fois qu’il est réparable, et la faute veut être expiê’e au profit du délinquant et de la société. 
S’il fallait renoncer à réprimer 1’abus de la presse, etde toutes les formes de la liberté morale et physique, sur ce, prétexte que l’appréciation est difficile; que la limite n’est point assignable mathématiquement; que le délinquant ou le ddlit va donc ‘être jasti. ciab!e d’hommes faillibles, qui n’ont d’ailleurs aucun critérium. absolu de certitude Ii faudrait se croiser les bras sur la terre; laisser tout faire; accepter les 1tuits accomplis de la plus atroce perversité; proclamer l’état bestial de l’homme, et rentrer dans les forêts pour nous réunir aux ours et aux tigres! 
Mais, même dans ce cercle imposé à toute forme de la liberté combien les restrictions sont plus étendues et plus impérieuses dans l’ordre économique. ou des richesses matérielles, que dans 1’or dre moral et immatériel! Dans ce dernier ordre, tout ce qui Se manifeste sous forme de spéculation, de croyance, de proposition 
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ou de discussion est licite; attendu que cette manirestation ne met 
aucun obstacle au développement d’autrui, mais le facilite au contraire et en est la condition la pins efficace; attendu que la pensée, la croyance , est d’ailleurs incompressible. La découverte de la vérité, de toutes les bonnes conceptions philosophiques, religieuses, économiques et politiques, est ô ce prb de convier toutes les intel— ligences, tous les coeurs à l’essor, à la discussion; car du choc jaillit la lumière. Personne ici ne trouve sa liberté méconnue, restreinte, par cette gymnastique des. esprits: à une thèse chacun est libre d’opposer l’anti-thèse; à une affirmation une négation: l’essor de votre pensée n’empêche nullement l’essor de la mienne. Vous avez beau puiser an puits de la science et de l’amour, vous n’empêcherez pas que, moi aussi, je n’y puise à souhait selon la puissance dônt m’aura gratifié Dieu: il y aura toujours assez de cette eau spirituelle au réservoir commun. Ici d’ailleurs chacun possède en lui-même les sources de ce réservoir : si vous manifestez devant moi l’erreur ou le mal, je puis lui opposer la vérité ou le bien. En définitive, vous ne vous appropriez jamais que ce qui est à vous, et que ce qui sert à vous; et toutes les provisions et les épargnes que vous pouvez faire du trésor d’idées et de sentimens, ne diminuent en rien, mais augmenteraient bien plutôt la somme de lumières, d’idées et de bonté chez autrui; comme aussi la négligence que VOUS apportez à la culture de votre champ intellectuel ou moral ne préjudicie point directement, nécess&rernent à l’esprit de Votre voisin, qui peut toujours cultiver le sien: et en tout cas, à moins de ne plus vous appartenir, on ne peut vous forcer à vous développer par amour d’autrui. Dans l’ordre économique, au contraire, les actes sont tout extérieurs; toutes les relatiomis atteignent le bien-être on le mal-être du corps; et indirectement elles mettent en question les destinées de rôme., Ces actes et ces relations portent exclusivement sur un objet fini, borné en quantité et en. qualité, auquel tous se sentent le même droit de participation et de possession, et dont l’usage, la jouissance ou la privation est pour l’homme question de vie ou de mort, de liberté ou d’esclavage. Ils portent sur la matière en général, sur le sol et sa fécondité, c’est-à-dire sur les conditions, les moyens ou les instrumens naturels du travail, de la production des richesses, de ce qui fait vivre, de ce qui satisfait les besoins; ici, enfin, se trouvent en question le manger et le boire, le vêtir et le loger, t lima— 
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lernent la vie du corps et de l’âme, le développement moral, intellectuel et physique des générations. 
Or, le droit de propriété exclusive que vous vous arrogez sur ce territoire, met un obstacle invincible et terrible à ma conservation, à mon développement, donc à ma liberté. Cependant, l’accroissement de la richesse n’est nullement lié à cette appropriation soutaire; loiu de là et tant s’en faut, qu’il est, au contraire, lié à l’as. sociation, à lexploitation collective. En monopolisant la fécondité de la terre, vous m’empêchez directement, nécessairement cia participer à cette fécondité, qui est limitée comme le sol cultivable l’est lui-même. Il n’y a certes point assez de terre pour que chacun ait son champ à part; en use et en abuse à sa fantaisie: que s’il y en n assez, dès-lors laissez m’en prendre ma quote-part. Cette terre est à moi tout comme à vous: cultivons-la à notre commun profit; mais gardez-vous de vous l’attribuer à mon exclusion; ce serait une spo. liatioz, une usurpation impte, comme disent les pèies de l’Eglise chrétienne. Si vous accaparez les fruits de ces champs, si vous les accumulez dans vos granges, si véus tenez ces champs en fridhe en jachères; si vous les négligez jusqu’à les laisser relativement incultes; si vous les transformez en parcs, en prairies; si vous y se xnez la nourriture de vos chevau.x de luxe au lieu de celle des hom mes, etc., j’en ressens d’intolérables privations, ou dans moi, est dans mes enfans; et je meurs, et iLs languissent, et ils sont vos sujets! 
Tout ce que nous venons de dire de l’appropriation du sol, il faut le répéter en l’appliquant à la libre production, au lz’bre échange, à l’usure sous toutes ses formes ; en l’appliquant à tous les autres ins’ trumens de travail, à tous les capitaux déi’ivés. lonc, toutes ces formes d’activité et de relations économiques, tous ces moyens exté rieurs de richesse, doivent être limhés, proportionnés, soumis à des conditions formelles qui équilibrent précisément la liberté de chacun et de tous. 
Evidemment, te premier soin d’une société juste et intelligente, fondée sur la liberté et l’égalité; d’une société démocratique et so claie, sera de soustraire le sol, cet élément extérieur de la vie cola lective, à la rapacité, à lappropriatioa solitaire, excluive, des libertés individuelles. Elle songera què la liberté illimitée, dans cet ordre, comprQmet directement, infailliblement le cçnservation et le 
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perfectionnement moral et matériel du genre humain dans sa muftituée; et l’action physique des individus sur le sol, sera ici primée par la considération de l’intérêt général; car, si jamais L’appropriation solitaire de ce grand et primitif instrument de travail venait à prévaloir, c’en serait fait, pour des siècles, de cette liberté au nom de laquelle on invoque cette appropriation. 
Ainsi l’assimilation des deux ordres de liberté n’est pas soutenable; c’est ce qui nous n fait dire ailleurs que, si par la nature des choses même, la liberté ne recevait point en tout et partout des limites ou des restrictions dans tous les états de société possibles, nous dirions volontiers: liberté en tout, EXCEPTÉ en économie, excepté la liberté d’accaparer la matière du travail, les instrumens de productièn, et d’en disposer arbitrairement; tant nous regardons la justice et la nécessité de cette sujétion dans l’économie matérielle comme absolue! 
Fondement de la rause Ubei’tê 5conomIqne, ou de I’lnegnu(é de condltlonm tnatv1e1Le. 
Ily a donc une fausse et détestable liberté, idole de notre siècle; c’est celle qui consiste à mettre à l’encan le sol et les autres capitaux, à accaparer une portion des instrumens do travail, à produire, à vendre et à acheter, selon ses caprices propres, sa volonté particulière, son intérêt égoïste, sans s’occuper aucunement du sort du voisin, de ses droits, de sa liberté. — Comme si cet état généralisé n’était pas le plus grand obstacle à ce que chacun puisse produire et consommer selon ses goûts et ses besoins; vendre et acheter en temps opportun et à des conditions équitables. 
Voyez le chaos industriel né du laissez-faire? Est-ce qu’en réalité chacun peut ce qu’il veut, produit ce qu’il aimerait à produire; travaille ou ne travaille pas à son gré; achète ce qu’il désire vend quand il veut, au prix convenable? Est-ce qu’au contraire tout le monde ne se sent pas impuissant, esclave au sein de cette liberté? 
11 faut se garder de croire que la production soit 1ibe pour personne aujourd’hui ni autrefois : tantôt le producteur est forcé de vendre, ou de perdre s’il ne vend’pas; et ce cas arrive trop souvent; tantôt il est forcé d’arrêter, de diminuer sa production; tantôt enfin d’abandonner sa profession, son industrie: belle liberté ma foi! 
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il en est de même de ses achats: est-il libre d’obtenir les matières premières en temps opportun, en quantité suffisante, etc.? Et le .consommateur, quelle liberté a-t-il quand il veut satisfaire tels ou tels besoins? II dépend d’un hasard dont les chances se déroulent au sein d’une multiplicité, d’une complication, d’une anarchie illimitées ; il y a surabondance là où il n’est pas; disette, cherté excessive là où il est; perturbation partout. Je ne parle pas de l’ouvrier, du prolétaire, qui n’a que ses bras à offrir; pour lui, la servitude est trop notoire et trop criante. 
Une telle liberté n’est donc pas seulement de la licence par rapport à autrui, c’est encore de l’esclavage par rapport à soi-même. Y a-t-il une inquiétude, une perplexité comparable à celle du producteur, du vendeur, du marchand ou commerçant qui chaque jour, chaque heure de sa vie en est attendre la clientèle, à se demander s’il vendra ou ne vendra pas; s’il vendra bien et suffisamment, c’est- à-dire s’il fera ses affaires, c’est-à-dire encore s’il vivra honorablement! — Quand un peuple veut s’entêter dans cette liberté là, il appelle sur lui toutes les calamités qui précipitent dans la décadence. 
Supposez que l’atmosphère terrestre et la chaleur solaire soient de telle nature qu’un certain nombre d’individus , à l’aide de machines pneumatiques, puissent soutirer l’air respirable et la chaleur, et faire le uide pour tout la monde sauf pour eux-mêmes: leur reconnaîtriez-vous le droit de propriété exclusive sur l’air et la chaleur, et par suite la liberté légale d’en faire métier et marchandise, de prêter à usure les propriétés ou la fécondité de l’atmosphère et du soleil, et de tenir ainsi dans leur dépendance le reste du genre humain? — Et cela étant, soutiendriez-vous qu’il fallût livrer les hommes à ta liberté d’industrie, et de commerce de richesse solaire et atmosphérique? Non! certes, vous ne supporteriez pas un instant l’idée seule de cette entreprise homicide. Votre unique raison, c’est que l’air et la chaleur sont conditions de vie pour tous, par conséquent, la propriété commune, indivise, inaliénable de tous. Eh bien! ainsi en est-il du sol’ 4e la terre, cette mère nourricière’ du genre humain, condition de vie pour tous’, au même titre et au nième degré que l’air et la chaleur. — Rhéteurs et sophistes taisez- vous donc!. 
Si la liberté a un sens et un bul, c’est de rendre l’homme, dans ses 
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moyens d’existence et de bien-être, ndépeudant des caprices ou de 
la volonté de l’homme: en économie, s’il y avait des champs fertiles pour toutes les familles, comme il y n de l’air et de la chaleur, la liberté néqative aurait sagarantie dans le partage d’un champ à cliacunselon ses besoins: tout le monde serait libre à cet égard, comme pour ce qui concerne la respiration etia lumière, mais il n’en est point ainsi: 
iI faut donc association, solidarité, unité, assurance mutuelle, concert et réciprocité, assujettissement de tous au conditions d’une exploitation et d’une jouissance communes, simultanées, desinstrumens dc production; assujettissement donc de tons à l’égalité des conditions de travail et d’acquisition de richesse. — Et là se trouvent les limites, et les limites légitimes, de la liberté sociale. 
On conçoit l’appropriation conditionnelle du sol, telle qu’elle ést comprise dans l’antiquité, sous le régime des castes et des corporations: on la conçoit dans l’organisation des Hébreux, des Grecs et des Romains primitifs; on la conçoit, même absolue, dans tous les degrés de l’état social, où chacun n devant soi des terres qui n’attendent que son travail pour lui accorder les fruits de leur fécondité. Tant qu’il y a assez de terres pour que chaque famille en ait une part en rapport avec le nombre de ses membres, l’appropriation est indifférente, nécessaire peut-être; en tout cas, elle est le moyen qui s’offre naturellement à l’intelligence sociale des époques primitives, d’octroyer à chacun ses instrumens de. travail et les conditions matérielles de son développement ou de sa liberté. — On ne la conçoit plus telle que nous la voyons sous notre régime actuel de désordre, de hasard et d’arbitraire, 
Comment vous n’avez pas compris qu’à côté de la liberté, il y avait régailté et la fraternité, la solidarité et l’unité: que les concurrens entraient dans la lice du travail, de l’échange et du commerce, à armes inéqetes; que les riches avaient pour eux le monopole dés instruLnens primitifs, naturels, du travail? A votre insu vous êtes imbus du préjugé aristocratique etbourgeois.Les capitalistes sont les héritiers des hommes libres de l’antiquité, lesquels se trouvaient fort bien d’une liberté qui mettait à leur service la vie et le travail des esclaues, c’est-à-dire de l’immense majorité de leurs semblables. — Or, la liberté, confinée dans la classe des possesseurs, n’a aucun inconvénient alarmant: lés travailleurs asservis n’en supportent-ils pas tous les inconvéniens et tous les maux? Mais, étendue. indistinctement à 
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tous, capitalistes et prolétaires, il est évident qu’elle est Illusoire 
pour ceux-ci; qu’ils seront écrasés dans la lutte, et que mieux vaut dès-lors les retenir dans la sujétion patriarchale ou féodale. 
Non! vous n’avez pas le moindre sentiment de justice ou d’humanité, la moindre notion de l’égalité des conditions, vous qui voulez la liberté économique, avant d’avoir pourvu tout le monde d’un fonds productif agricole, inaliénable; d’un champ au moyeu duquel chaque famille s’assure en travaillant, les premières nécessités de la vie. Les anciens législateurs: Minos, Moïse, Lycurgue, Numa, etc., garantissaient du moins à tout homme libre un patrimoine foncier, gage dès lors, de son indépendance. Mais laisser les trois quaris des citoyens, non seulement sans capital foncier, mais nième sans le moindre instrument de travail mobilier; et puis leur dire: 
Allez brebis, cherchez qui vous paisse; et là-dessus, invoquér sainte Liberté, et àainte Égalité; puis prétendre effrontément que tout ira pour le mieux, que les plus belles destinées sont promises à cette démocratie de parias, c’est assurément dépasser les bornes classiques de la mystification. 
T05 commencez par mettre la plus colossale des Limites à la liberté sans limites; la plus grande inégalité entre les libertés mdividuelles; et pour cela, vous conservez intacte l’accaparement pri mitif du sol, le monopole de la terre, et tout ce qui s’ensuit; et lb-dessus vous établissez la proluction anarchique, l’échange arbitraire, la concurrence; l’usure sous toutes ses formes: et alors tant mieux pour ceux qui ont des capitaux: ils peuvent ec user et abuser avec toute autorité; et tant pis pour ceux qui n’en ont pas! qu’ils en cherchent, qu’ils aillent mendier du travail, un pacte d’association auprès des capitalistes que vous laissez maitres absolus de leur monopole! 
Ils viennent commettre le plus grand acte de despotisme, — et au même instant ils disent liberté !.., Je t’assomme, — maintenant, vis si tu peux! Je te garrote, maintenant, vas et viens! Je t’as-• phyxie, — maintenant respire comme tu pourras!... 
Ecoutez vos maîtres en liberté illimitée: 
e Dans quelque état que soit la société, il n’y a de naturellement indépendantes que les personnes qui recueillent elles-mêmes les objets do première nécessité; toutes les autres dépendent de celles- la. D 
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Tous ceux qui naissent lorsqu’il n’y a plus un seul coin de terre 
qui ne soit monopolisé, sont donc fatalement réduits à la dépendance des monopoleurs, et doivent subir toutes les conditions qui leur sont faites. — Mais quand une fois tout le pays est rempli, 
quand il ne reste plus un champ qui n’appartienne à personne, 
. c’est alors que la presse commence. Alors ceux qui n’ont aucune ‘ avance ou qui en ont de trop faibles ne peuvent faire autre chose 
que de se mettre à la solde de ceux qui en ont de suffisantes. Ils offrent leur travail de tontes parts: ils baissent de prix Tous 
ceux dont les services sont les moins recherchés ne trouvent plus à se procurer que la subsistance la plus stricte, toujours incer— 
) mine et souvent insuffisante. Ils deviennent presque aussi malheu‘ reux que s’ils étaient encore sauvages. (I) ‘ 
Pour vous donc le temps n’existe pas: vous passez à pieds joints sur toutes les douleurs actuelles: vous dites comme Anciilon, ce feu ministre du roi de Prusse 
La proportion entre la production et la consommation peut se rétablir d’elle-même avec le temps, au moyen des lois éternelles du ) mécanisme social, dont il résulte que, Sous ce rapport, tout reprend enfin l’équilibre. Cependant, la transition d’une situation à l’autre a toujours ses dangers particuliers, et si pareille dispra( portion se rencontre dans une période oà la fermentation règne dans ., tes esprits, II en résulte souvent de violentes secousses dans le corps politique avant que le juste rapport entre la production et la consommation puisse se rétablir soit par la uowr de ceux qui cherchent VAINEMENT de t’ouvrage, soit par une nouvelle direction imprimée 
à l’industrie. - 
Qu’est-ce qu’un équilibre économique qui, pour se rétablir, a besoin de violentes secousses, a besoin de la mort de ceux qui cherchent vainement de t’ouvrage ou d’une nouvelle direction imprimée à l’industrie !Voilà bien caractérisé le fatalisme ou la végétation historique de certains philosophes allemands et des économistes libéraux de France. On n’y laisse aucune place pour la volonté humaine, pour la justice distributive, pour la prévoyance collective. Avec 1e temps, tout reprend de soi.mème l’équilibre. Qu’importe que, dans cette disproportion entre la production et la consommation, des millions 
(t) Destutt-Trae)’ 
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d’individus aient été broyés ! Quant à la Consommation suffisante 
pour tous, on ne s’en occupe même pas, on ne la soupçonne même pas comme possible: dès qu’il y a équilibre entre la production et la consommation, quelle qu’elle soit, tout est pour le mieux. Multitude affamée, nue, sans abri, sans moyens hygiéniques, si la consdmmalion vous est refusée, prenez-vous-en aux lois éternelles cm mécanisme sociaL.., qui fait des riches et des pauvres; qui donne au petit nombre, tout; au grand nombre, rien. 
Pour réaliser la liberté illimitée, il faudrait faire table rase de toutes les bases de l’économie traditionnelle. Au premier chef, il faudrait enlever, à tous sans exception, le droit d’appropriation exclusive sur le sol national; c’est évi’dent, il ne peut y avoir sérieusement égalité des conditions de liberté entre tous les citoyens, tant que les uns sont munis d’une bonne terre ou d’autres instrumens de travail qu’ils n’ont pu acquérir et économiser qu’en exploitant le reste du genre humain, et tant que les autres en sont totalement dépouillés par suite de cette exploitation de leur chair et de leurs os. 
—Y avez-vous réfléchi avant de proclamer la liberté absolue, illi.. mitée, sans conditions! Rendez-nous l’état sauvage, et dès-lors je crie avec vous: vive la liberté illimitée; car dès-lors, aussi, je me mettrai en quête dema proie; la terre de France sera mon domaine, ma propriété comme la vôtre; ou bien, nous combattrons, et le due’ remplacera la justice. 
Donc, ou garantissez-moi le travail manufacturier, artistique, administratif; régularisez l’échange, assurez le débouché des produits de mon industrie, quelle qu’elle soit, ou laissez-moi les insirumens de travail naturels, le moyen providentiel, que trouve tout homme dans la terre, de se passer de tout échange. Laissez-moi un champ que je puisse cultiver à mon gré comme un Pobinson; ou laissez- moi la cueillette, la pêche, la chasse, etc., dans une nature vierge; eu enfin, décrétons le régime de guerre permanente des sauvages, et ne parlons plus de lois, de justice ni de civilisation!.... 
Les anciens en savaient plus que nous sur ce point. Pour eux, il n’y avait pas de liberté sans propriété foncière ou patrimoniale; c’est pourquoi tout homme libre était propriétaire d’une portion du sol national. lis disaient: droit, non pas au travail, mais à la possession d’un champ, du premier et du plus important (les instrumens de travail. L’esclava1c était synonyme chez eux de jrolétariat chez 
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nous; ils avaient la franchise d’appeler esclave, ou de classer en 
dehors des hommes, tout non-proprJtaire foncier. Auss, pour redevenir libres, les prolétaires de l’antiquité réclamaient des lois agraires, un nouveau partage deS terres, et lorsqu’on voulait faire des hommes libres, on distribuait des terres. Quoi d’étonnant alors que la revendication du droit au travail soit une action contre lq société, si tàut homme a le droit de vie et de liberté, partout, toujours! 
Lors mêmé que la société octroierait à tous des lustra mens de travail mobiliers, un capital non foncier; lors même qu’elle créditerait une prezèrefois tous les commerçans, tous les manufacturiers et artisans, e1le n’aurait rien fait de durable ni de fructueux pour la garantie dutravailet des moyens’de vivre; et finatementde la liberté et de l’indépendance de cette partie de la population; à m&ns qu’elle n’instituât en tout et partout le monopole corporatif; à moins qu’elle ne limitût dans tontes les spécialités, le nombre (les producteurs, des marchands; car chacun ici ayant besoin ‘de vendre en temps opportun et â un prix convenable, chacun dépend du hasard, de la fortune, du caprice des volontés multiples, pour sa clientèle; chacun a contre soi la concurrence illimitée, les inventions, les goûts, les modes, les baisses factices, les trop-pleins, etc. En un mot: on ne mange pas du coton, de la laine, de la quincaillerie,’ ou ne vit pas d’épiceries, de cordonnerie, etc., iL faut absolument échanger tout cela pour faire argent, et par l’argent se donner tous les produits agricoles qui nourrissent et qui suffisent aux premières nécessités dola vie. Au contraire, avec ses produits agricoles, le petit possesseur d’un coin de terre’ peut à la rigueur se suffire dans les infimités de la condition barbare; mais ni les uns ni les autres n’ont la moindre garantie de s’enrichir et de se développer, s’ils ‘restent plongés dans le milieu de chances &léatoires, qu’engendre fatalement le régime de la concurrence, de l’isolement, de rinsolidarité des intérêts: d’où, à toujours l’incertitude, lé désordre, rinstabi— lité et l’inégalité dans les conditions. 
Ainsi, une autre lumière sur ce sujet, c’est qu’avec cette constitution de réconomie libérale, il ne suffit pas du tout d’octroyer à tous purement et simplement une propriété agricole, manufacturière ou autre, pour avoir assuré l’égalité, le bien-être, la concorde entre les citoyens. Procédez tous les cinquante ans à une nouvelle,loi agraire, manufacturière et commerciale, en distribuant à tous des insrumens de travail dom ils aient ensuite la libre et absolue disposition comme 
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aujourd’hui : — l’inégalité, la misère, l’ignorance, tous les maux 
renaîtront, comme le phénix, de leurs cendres. Pourquoi? parce qu’il est fatalenzeut dans la nature du libre échange, de la libre production, et de l’action de la loi de l’offre et (le la demande, ou de la concurrence, de le s engendrer là où ils n’étaient point encore, de [es faire renaître là où ils avaient été passagèrement chassés par des mesures égalitaires imparfaites, inefficaces, comme les partages de terres et les abolitions de dettes. 
Il n’est qu’une mesure réellement extirpatrice, radicale: celle qui constitue en fondation indivise et inaliénable les instrumens de travail de chaque corporation, et qui met tous les travailleurs en rapport régulier de solidarité. Voyez Moïse, Lycurgue, Numa, tous les législateurs égalitaires de l’antiquité? En vain ils Erecourent aux lois agraires et à tous les remèdes que nous avons énumérés. Ces remèdes n’en sont pas : chez les Hébreux, dans les 50 ans d’intervalle du jubilé, il sengendre force riches et force pauvres, et c’est toujours à recommencer. Toutefois, si les Sociétés antiques onL connu le culte de la Patrie, elles le durent à leurs hommes libres et égaux : et ces hommes libres et égaux furent l’ouvrage d’une légis.. lation qui n’avait qu’un but: l’égalité permanente des fortunes; la, £çarantie des moyens et conditions matériels de l’existence ou du. travail productif. — Mais aussi il n’y avait point de Patrie pour les esclaves, pour les travailleurs! 
Au début, régal partage des terres; la limitation de l’étendue des propriétés, ou même l’inaliénabilité et la substitution positive des instrumens de travail. Plus tard, quand viennent les abus, les nouveaux partages, les lois agraires, les abolitions de dettes, voilà pour les grandes législations du passé, la manière de garantir l’existence la lWerté et l’égalité à chaque famille: ces moyens, sans doute, sont insuffisans, grossiers; mais dit moins il y a bonne volonté, sentiment de justice et d’égalité.La science seule fait défaut.Mais vous, sociétés modernes, vous ne voulez, par aucun mode, garantir à 25 millions de prolétaires dénués le droit dè vivre égaux et libres comme vous Eh bien! l’histoire de cent Peuples vous le crie du fond du passé: 
vous irez par une pente rapide là où sont allées tant de nations illustres, qui avaient longtemps vécus libres et qui moururent subji.. guées, parce qu’elles avaient escaladé, méconnu les lois agraires,, bases de l’égalité pour ces temps. 
Partout, toujours les riches ont fini par envahir les propriétés 
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populaires, et détaché, aliéné ainsi de la République les seuls coeurs. 
et les seules poitrines capables de la couvrir aux jours du danger. Voyez la Grèce et Rome, si vous continuez à marcher dans lent’ sentier, vous mourrez comme elles, après avoir parcouru les mêmes. phases historiques! 
Pour moi, j’en suis encore û comprendre comment du sein d’un immense chaos où s’agitent tant de volontés et de passions discordantes, surgirait de soi-mém, l’harmonie, la justice distributive, à chacun ce qui lui est dû, û chacun sa part de liberté et de droits en cette vie, — à moins cependant que l’homme ne soit une beilIe, na castor, un animal mu par l’instinct; et la société une ruche, c’est-à- dire un petit monde que la fatalité gouverne, un tourbillon dans leqn’el chaque individualité humaine décrive passivement, à l’instar des planètes, sa courbe selon la volonté d’en haut. 
Je ne comprendrai jamais comment, sans L’entente, sans le concert préalable et une centralisation quelconque, L’offre et la demande se trouveraient magiquement en équilibre sur toute la terre; comment le rapport exact entre les travailleurs et les produits serait observé; eommentil y aurait équation entre ce que vaut et ce que se paic une chose! 
D’oà vient, en effet, tout le mal? De ce que les agens naturels nécessaires de la production nationale, de la conservation populaire 
sont abandonnés aux individus, sans prévoyance, sans pondération, sans justice distributive; de ce qu’on fait dépendre l’existence et la richesse de tous, de l’emploi que chacun fait à sa guise, non seu1e ment de sa richesse consommable, mais des terres et des capitaux de production; car, de toute évidence, tant que la production nationale, le travail, le bien-être et la consommationdu peuple dépendront de l’usage ou de l’emploi que chacun fait de son avoir, de son bien, des épargnes facultatives des individus, il faut renoncer guérir nos maux, à extirper les racines du paupérisme et de l’inégali é car ces racines sontlà tout entières. 
Aux prolétaires qui revendiquent avec raison de la Société les, moyens et les conditions économiques et politiques de leur développement moral et physique, nous dirons: tout cela est irnposavec la fausse liberté qu’on fait consister à user et abuser 
individuellement des instrumens de travail, à vendre, à acheter,, . 
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rodnire à fantaisie, sans règle ni frin. thoisissez : si vous avez 
cette fausse liberté, vous n’aurez point la véritable, qui consiste dans la garantie d la jouissance des droits naturels; car c’est cette liberté industrielle qui fait votre servitude, votre misère et tous vos maux. Si vous aimez ta liberté de cette façon , vous resterez pauvres, ou incertains aujourd’hui de ne pas L’être demain; dc le redevenir bientôt si vous L’éiez naguère. Et pourquoi ? parce qu’il est abs91u- ment impossible que la production soit proportionnée aux besoins,. si ces besoins ne sont point mathématiquement connus ou estimés, et en quelque sorte authentiquement dénoncés et engagés; que le débouché soit certain, s’il n’est déjà au préalable assuré, concerté1, consenti entre le producteur et le consommateur; que La vente soit ce qu’elle doit être, s’il n’y a pas un tiers-arbitre désintéresséqui en apprécie, en arrête et en sanctionne le taux et les conditions; enfin,, que te droit au travail et à l’équitable répartition des richesses soit garanti, s’il n’y n pas entre tous les centres, toutes les spécialités, association, mutualité; si les fonds productfs ne sont pas soustraits à l’arbitraire usage des inilividus ou des groupes. 
Dans l’idéal du Jdsse—faire, on cherche l’équilibre sans jamais pouvoir espérer de l’atteindre, puisqu’on substitue systématiquement te hasard à la prévoyance dans la produciion; l’utilité à la justice dans La répartition; la naissance à la capacité et à l’aptitude dans le classement des individus. En vain, pour obtenir cet équilibre on pour s’en rapprocher graduellement, on se confie dans le dogme de L’égalité ufriuelle des intelligences; le déretoppement équivalent des intelligences, la valeur équivalente des unités humaines est combattue, radicalement empêchée à toulours par les droits acquis dos plus forts, par les positions inégales qu’engendre nécessairement le monopole antérieur des instrumens de travail. Evidemment la bonne volonté ne suffit pas chez les pauvres pour s’éclairer, se perfectionner, s’enrichir. 
Qui donc sera encore le distributeur ou le répartiteur du trvat et de la richesse? le hasard!... Mors que parlez-vous de liberté et d’égalité? Est-ce que le hasarda une règle? Est-ce qu’il connait la justice? Dites tout ce que vous voulez, ce n’est point au hasard distribuer la richesse,Eà dispenser les instrumens de travail. Le ha— szrd, rarbitraire, La fatalité, c’est précisément l’ennemi que la civi— Lisation, que la prévoyance de chacun et de tous est chargée de 
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combattre. Le hasard est en décroissance; la prévoyance en ascendance. 
Il tiut bien le savoir, en économie et en politique, flOUS en soin— mes encore au Jugement de Dieu dia moyen.ûge. Nous préférons toujours les décisions du hasard ou de la fatatté à celles d’hommes— jugrs, au jury de prudhommie. La libre production, la libre appro— ,priation des instrumeus de travail, le Libre échange, la loi de l’olfre t de li demande, ne sont pas autre chose que te jugement d’une ve ugle fortune, 
La théorie des économistes et de tous ceux qui veulent le travail libre, le libre échange, la concurrence anarchique, est fondée sur Lindividualisme pur, sur cette doctrine qui prétend que l’individu s’appartient absolument et n’a rien à démêler avec tous les autres individus. Le socialisme, au contraire, comme le porte son nom, est fondé sur cette affirmation: qe les individus ont des devoirs et des droits réciproques et corrélatifs, et que rien ne peut se décider toit- chant un individu sans égard à tous Tes autres individus. 
Toute la question et donc de savoir ce que vaut: 10 l’individua— lisme; 2° l’absorption del’iiilividnalité par la eollectiorÂ; 3° la doctrine, nozi pas moyenne, mais ccmplète et réelle, qui, tenant compte des <lynx termes opposés, des (leux forces: l’individu, la société, en (herche la coucilia!ion par réquilibre, e: décide des droits et des icvoirs d’après une vue d’ensemble qui fait la j uste part de l’un et de l’antre. 
Ainsi : ou l’isolement, l’égoïsme absolu — anarcide; — ou la so •lida ité, c’est—à—dire la distinction, mais non la séparation ni l’ab— strptiou des intérêts — 1ibcté, ordre; — ou le despotisme, — es— c(avage. 
Peuple souverain, choisis maintenant! 
La Hwlion du travail ondrnne lrrmlslbIemeng 
la Uberlé cconamique. 
Jusqu’à ce que L’on cesse de raisonner dans une antre hypothèse que cel!e dii droit ou de l’galitè des conditions, le problème pu— mura insoluble; parce qu’alors on en remet la solution à l’aveugle conflit des passions, et que toits les possibles ont. ainsi des chances, comme tous les numéros dans une grande loterie. 
Un homme qui dépend de la volonté arbitraire d’un autre homme pour vivre, pour travailler, pour vendre et acheter, pour obtenir wutes les nécessités de l’existence n’est libre d’aucune façon. Si je 
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dépends de vous pour ma subsistance et mon bien-être, il faut que 
vous dépendiez de moi au même degré pour les vôtres: sans cela vous ées libre etje suis esclave. 
Comrr,ent! vous ne voyez pas que Uinévitnble diuion du travail, nous condamne à une mutuelle dépendance; et que, dès lors, nous ne sommes plus que les parties è un tout, auquel nous devons subordonner notre activité dans l’intérêt même de nos libertés res- per.: ives? 
Diviser le travail, sans en socialiser les in’strunzens, c’est donc engendrer fatalement l’échange arbitraire, la (léterminatioa de la valeur du travail et des marchandises ou des produits d’après te rapport flo’tant, la loi aveugle et fataliste de l’offre et de la demande; en d’autres termes, dès que vous accomplissez la division du travail, sans relier, sans unir et associer les travailleurs, vous décrétez néces— .suircmeiit le monopole, l’échange arbitraire, l’action souveraine des chances aléatoires, la compétition liberticide et homicide, le travail— marchandise, le salaire minimum ou sa tendance vers le strict néces— ‘mire de la bête, l’avilissement continu des bras de l’homme; l’inégalité (les conditions avec tout son lamentable cortége de misère, d’ignorance et (le barbarie’ 
Ou la division du travail est bonne, nécessaire, favorable au développement, au perfectionnement et au bonheur de tous; ou elle y est indifférente, funeste, contraire. flans ce dernier cas, on doit s’en garder, et alors revenir au régime patriarchal, nu régime oh chacun avait son champ, ses troupeaux; et la participation de chaque citoyen à la division (lu SOI national est (le droit absolu. Dans la première hypoihèse, il faut que tous ceux qui ne sont point attachés à t’exploitation ou possession directe du sol : les artisans, les industriels, les artistes, les commerçans, etc., soient mis en solidarité obliqatoire avec les agriculteurs; afin que tous participent mutuellement aux produits de leur travail respectif, selon leurs besoins pour cela, il faut que nul n’ait droit de propriété sur les instrumens de son travail, ni même sur les produits directs de son travail; sans quoi la dépendance, l’esclavage de tous est certain; et chaque spécialité ou corporation est t la merci de toutes le autres. 
Ces gens - là ne voient pas qu’ils n’agissent pas uniquement pour leur propre compte; que ce qu’ils créen!, ils ne le créent pas. pour eux; mais pour autrui t que, par conséquent, ils ne peuvent produire, vendre, acheter,. sans égard au grand tout dont ils font partie, quand ils veuleut, comme ils veulent, ‘tans une indépendance de pachas. Comprenez-le donc! le créateur d’un produit n’en peut ttre légitimement le dispensateur, ne peut être chargé de dire ce qu’il vaut. La raison en est simple. Ce n’est. point. pour lui seul qu’il crée ce produit: le résultat (le son activitéutile n sa destina-. iion en autrui. Est—ce que tous les ordres de richesses produites chez un peuple ne sont pas nécessaires à ce peuple? Est-ce que [hygiène n’exige pas impérieusement une foule de produits et de préparations étrangères à l’agriculture? 
Donc., ou faites que chacun puisse se passer des autres; ou assujet hissez-les tous è s’entendre les uns les autres pour leur. production 
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et leur consommation respectives. — Dans l’acte de production, comme dans L’acte d’un drame, chacun n son rôle subordonné à l’ensemble: le rôle n’appartient point à l’acteur, mais bien plutôt l’acteur au rôle, et le rôle à l’ensemble du drame. Dans l’oeuvre ou production scénique, sous peine de confusion et de non sens, il y a nécessairement subordination de chacun à tous, des moyens au but; concert, harmonie, nnlté d’action, conception d’ensemble. Ce qu’un acteur crée ne lui appartient donc point, car il ne saurait jouer isolément son rôle, ou en temps inopportun, sans compromettre, sans rendre impossible la représentation du drame; sans donner à son activité un caractère ridicule et une fin absolument stérile. — Que si l’ac- teur soue mal son rôle, on Le Lui retire pour le donner à qui de droit: et lui, il va à la place qui convient mieux à ses moyens. Le rôle est donc indépendant de l’individu. — Il en est de même absolument du rôle de producteur de richesse, du rôle de travailleur. Voilà le cercle et les limites de la liberté sociale. Quand donc les libéraux abandonneront-ils l’ombre pour la réalité I 
Voyez le système du monde; chaque planète a son mouvement 
particulier; et un mouvement général qui la rattache à l’ensemble: 
elles s’ordonnent les unes aux ucres; cc toutes au soleil, qui, lui aussi, n’est à son tour qu’une planète par rapport à un système supérieur, et subit la même loi: et ainsi de suite. — Que chacun de nous, lzbrc dans son orbite, Soit donc une planète dont la Société ou le genre humain soit le soleil; car, ce que les corps célestes opèrent dans l’absolue passivité de t’atzracion, ce que les animaux et les végétaux accomplissent docilement par l’inswict, nous devons l’accomplir znéritoir’ement par l’intelligence, la raison et la liberté. 
Le travail, pour être collectif, n’en laisserait pas moins chacun libre de travailler ou de ne pas travailler, à ses risques et périls quant à sa part dans la répartition des richesses; d’aller où le convie sa vocation; d’obtenir le rang que sa valeur personnelle relative lu assine. De même, les instrumens de travail, pour être indivis, n’en seraient pas moins, dans l’usage, accordés à chacun comme condition absoLue de travail. — Enfin, L’individu associé n’en resterait pas moins libre, plus libre infiniment que dans le inonde écono.. snique de la concurrence ou du laissez-faire. 
Ne criez donc point à l’absorption, au despotisme, au commtt nisme confits: la distinction, mais non la séparation ni l’absorption, la distinction dans la solidarité et r unité, voilà ce que rêclament la justice et régalité, la liberté et la fraternité. 
Sur ce point, la science sociale est inflexible, et par cela même, elle fonde la liberté. II faut estimer les produits, c’est-à-dire eu déterminer la valeur relative conventionnelle; parce qu’il faut dis. tiuguer les intérêts individuels. — Il faut distinguer les intérêts individuels; parce qu’il faut assurer la liberté et la responsabilité personnelles. — Il faut assurer la liberté et la responsabilité personnelles; parce qu’elles sont condition dc moralité, de perfectionne. nient et de bonheur. — Enfin il faut exiger la moralité individuelle, Le respect des conditions de la vie sociale, y mettre une sanction positive; parce que sans cela tout devient confusion : le bien relatif ne se distingue plus, et chacun fait impunément ce qu’il veut 
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L’inégalité, ainsi comprise, comme expression de la justice dîstri 
butve et de l’égalité des conditions ; comme résultat et sanction de la responsabilité personnelle, est le véhicule nécessaire du perfectionnement individuel, et la sauvegarde de toutes les liberte. — Hors de l, point de liberté collective ni individuelle; iriais despotisme ou licence it toujours. Qu’on le tienne pour certain. 
Nous dirons une autre fois, les garanties lormelles que le socialismé organique doit offrir à la liberté individuelle normale. 
VOIES ET IIOYENS INDIRECTS DU PROGRES 
ou 
fliiRe de fa nécesslté’et de la llhertS dans le 
mowvemeU social. 
Il est encore un autre point de vueauquel il faut nous arrêter un instant, alin d’épuiser—toutes les faces du sujet. près l’idéal, le réel; après le droit, le fait. Nous avons dit ce qui devrait être selon notre opinion, notre1foi, notre tendance: reste à nons précautionner pour cc qui sera, pour ce qui tend à être, pour les nécesshé.s de la réalité vivante. 
Nous avons toujours été frappé (le l’abîme qu’il y a dans l’histoire universelle, entre le fait et le droit, entre ce qui arrive effectivement, et ce qui devrait arriver au gré des penseurs, des prophètes, et même des législateurs : 11 n’existe aucun rapport nécessaire entre L’idéal individuel et te réel collectif; entre la théorie et la pnoiquc;. la ngcEssITi se produit d’un côté; te désir, les efforts, la sponta. néité, l’initiative, l’activité libre, le mouvement intellectuel et sentimental des individualités se produisent de l’autre; etia i’ésultante surgit providentiellement sans que les générations puissent s’en attri. huer la détermination: chacun sent alors la profondeur & ceI axiome de la philosophie de l’histoire: Les hommes s’agi:int et Diezi; les mène. 
Certes, nous sommes de ceux qui accordent au libre arbitre do l’individu la plus largepart, une influence positive, efficace, immense sur les événemeus généraux et, par suite, sut’ la marche du monde; nous croyons que 19.iomme a entre ses mains le fil de ses destinées, que collectivement, nous sommes à un très haut degré les artisans do notre malheur ou de notre félicité. Et nous pensons que ces inconzestables vérités, noire époque les néglïge beau’coup trop. 
Sans doute l’influence collective des spontanéités individuelles est. sans comparaison plus immense encore; mais précisément nous parlons de celle-là et non de l’influence individuelle. Or, nous disons que l’homme pratique doit se mettre au point de vue de la tendance collective, au point de vue des moeurs, des idées, des préjugés collectifs qui seuls sont déterminans: là seulement, dans ce milieu, on peut apercevoir quelque chose des mystérieuses impulsions do la Proviaence. Il ne s agit plus tant, dès lors, de ce que chacun, dans sa conscience, afffrme être le droit, Le bien, la justice, la vraie ii- 
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berté, la vraie doctrine, ou le vrai moyen, que de ce qne la nécc 
sUé, sous la forme d’une résultante du consentement genéral, fau devenir, et va faire éclore dans le milieu économique et social. 
L’inextricabLe en science sociale et politique vient du concours naturel, fortuit et perpétuel de volontés sans nombre, toujours mobiles et changeantes, que nulle loi, nulle institution, nulle puissance ne peut discipliner, nulle intelligence prévoir, nulle force ai’— rêter dans leuressorlibre et passionné. Une grande perplexité attend l’homme qui voue sa vie à la découverte des lois, des destinées, du mouvement social; à la connaissance des conditions auxquelles s’effectue [‘éducation du genre humain 
 chaque instant de la vie d’un peuple, il y a une résultante générale, sociale, économique et poliiique, laquelle est le produit combiné de l’action providentielle et du libre usage des volontés individuelles concourant à ce résultat collectif. Eh bien! devant cette résultante se trouve le libre arbitre de chacun et de tousguidé par la grûce, par la morale formulée dans l’idéal national, et opérant sur cette trame, fataLement donnée, pour tirer de ce qui est, non pas ce qui doit être absolument, mais ce qui peut être. 
Ainsi, d’un côté, la fatalité, qui se donne dans la tradition actuelle; et de l’autre, L’activité créatrice ou réparatrice de l’homme qui vient mériter et démériter. D’un côté ce qui est, de l’autre ce qui devient, ce qui petit être; et en troisième lieu ce qui doit être, afin de juger l’un et l’autre, et de gouverner en conséquence notre conduite et nos eiforts. 
‘rout le monde reconnaîtra donc la contradiction où nous sommes placés. De tontes parts, nos désirs, nos actes sont environnés d’obstacles, d’impossibilités relatives. D’un côté, la Providence qui nous uppelle; de l’autre, le destin, la fatalité qui nous retient. Devant 
• cette nature des choses, que faire? surtout si l’on est investi de la ‘puissance législative ou exécutive: politique, journaliste ou représentant? Il liut mener de front deux études: 1’ rechercher en son 1meet conscience où conduit le droit, la justice; ce qu’ils prescrivent à la conscience; 2° et par l’expérience du passé et du présent, rechercher’ ce à quoi nous oblige la nécessité, à quoi elle tend prochainement d’une manière visible; et mettre tout notre tact à en deviner les comment successifs, à prévoir tous les développemens, tous les 
• expédiens et combinaisons qu’elle porte graduellement dans ses flancs. 
Depuis 4,000 ans d’histoire, que fait l’humanité de tous les systèmes, de toutes les doctrines, de toutes les religions, de toutes les philosophies, de toutes les théories sur le droit, la justice, de toutes tes utopies économiques, sociales, politiques? S’incarne- t-elle le génie d’un homme, d’une école, d’une secte? Les adopte-elle en entier, pour les appliquer jusqu’à l’épuisement; s’enterme-t-elle dans les réformes proposées jiar une seule tête comme en un lit de 
•Procuste? — Non, elle glatie, elle butine, elle choisit çà et là; puis elle laisse comme rési.lu tout ce qui ne convient point à ses tendances instinctives, aux impulsions secrètes et irrésistibles de sa nature collective; puis elle passe en remerciant les penseurs du peu qu’ils lui prêtent, du pèu qu’ils ont élaboré de matériaux à sou usage; 
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puis elle se met à l’oeuvre, fait elle-même son architecture, son 
plan; et cçnstruit, guidée qu’elle est à son insu parla main de Dieu. S’il en est ainsi, ne nous attachons donc pas outre mesure à nos 
conceptions d’individus : faisons-les valoir; présentons de plus en plus l’idéal, selon notre foi, du beau, du bien, du bon, de l’utile, du vrai, du droit et du juste à l’humanité active; mais n’oublions pas que l’être colleciif, tandis jue nous lui parlons, agit de son côté, qu’il bâtit pour l’avenir, qu il s’avance d’un pas plus sûr que le nôtre dans la voie de l’avenir, et que l’ensemble de principes et de mesures auquel II donne son consentement, est marqué d’un caractère providentiel oui veut être respecté. 
Soyons donc simultanément les soldats de l’idéal et du réel que le réel soit notre base et notre point de départ; que l’idéal soit notre flambeau, et que le possible actuel et prochain soit notre but actuel et notre oeuvre actuelle, toujours renaissante et progressante. 
Le passé et le présent semblent faire l’offIce d’un boulet qu’on attacherait au pied de l’humanité. On peut anathématiser la nécessité, on ne peut la nier. Voilà la réalité : je ne vous dis pas qu’elle me satisfasse, il s’en faut, mais enfin je suis bien forcé, sans renoncer à l’idéal, d’accepter l réel, afin non pas de l’éterniser ou de le consacrer, niais afin uniquement d’en extraire ce qui est prédisposé à devenir. 
Il nous faut dégager l’avenir du présent, de même que nos préd cesseurs ont dégagé le présent du passé. Consultons pour cela ce qui est possible; mais n’allons pas déclarer impossible précisément ce qui a été mûri par trois siècles de protestations et d’efforts , de luttes et de propagande. 
Notre vie est une oeuvre de liberté, une invitation à la vertu; elle nous est donnée dans une direction divine: INotre destinée est d’entrer dans cette direction et de n’en pas sortir. Il s’agit de vaincre tous les genres de fatalité qui nous en éloignent, de fournir notre carrière, de gagner par nos mérites ou nos oeuvres de plus hautes kstinées. 
Le fait, mais le fait équivalent au droit, voilà ce qu’il faut s’efforcer d’obtenir: lâ est l’essentiel. e le peut-on par la voie directe de la réglementation législative, impérative; il faut se résigner à le chercher par les voies indirectes de la liberté, des efforts concur— rens, (Je la lutte limitée des activités. 
Notre race semble ainsi faite iusqn’iei : elle veut être gouvernée ar la nécessité, qu’on appeLle le hasard, et qui semble être aux yeux dela multitude quelque chose comme la providence. 
Il faut, d’ailleurs, tenir compte (le CS grands faits: fo l’homme cherche son bonheur, son intérêt; 2° le bonheur, l’intérêt bien entendu, sont là où est le devoir, la perfection, la nature providentielle des choses; 3° la perfection, le devoir, le progrès, la marche providentielle, sont vers la solidarité, la réciprocité, l’association, l’unité: — donc comme conséquence le bonheur, l’intérêt, les tendances de la spontanéité individuelle et collective, vont fatalement à la solidarité, û l’asseciation, à l’unité. 
Toute invention, toute découverte, t ont perfectionnement industriel, matériel, scientifique, apportent avec eux une série indéfinie. 
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de modifications, de transformations, d’améliorations, et de progrès 
économiques, moraux, intellectuels et sociaux forcés, parce qu’ils décident faLalemcnt une imitation, une importation, une propagande que l’intérêt bien entendu des races et des nations patrone de sou invincible puissance. De l un progrès nécessaire par la voie in’Iirecte de la liberté graduellement plus intelligente, de la liberté comprenant mieux son intérêt, ou les conditions du bonheur mdivid uel. 
La science, la vérité, servent l’intérêt bien entendu de tous. Voilà le merveilleux et l’essentiel! — Donc, il est nécessaire, quand la science ou la vérité est comprise, que les hommes mettent leur tiberté à en pratiquer les injonctions ou les déciions, les combinaisons ou les expédiens. Donc, la liberté est. destinée par la nature des choses, à donner indirectement les mêmes résultats que donnerait l’autorité, la contrainte ou l’organisation rigide et directe, à supposer que les peuples se résignassent enfin à la subir. 
La LXBERT1, devenant graduellement plus intelflqeute, comprenant de plus en plus que l’intérêt est identique au denoir, que le bonheur ne se trouve que dans la vertu, que ce qui est réclamé par le droit est aussi réclamé par l’utile et le bon, accomplira indirectement l’équivalent de tout ce que prescrit l’idéal, de tout ce qu’il serait plus simple et plus prompt d’accomplir par la voie drecte de l’autorité, de l’or qanzsation unitaire, de la centralisaitan bien entendue. 
fntelligencc et moralité, voilà d’où vient, d’où est toujours verni progressivement le salut de l’humanité. La science des lois naturelles, la science des moyens et conditions de Uéconornie, ou de la création des richesses: puis l’équité dans la répartition; la modération, la prévoyance dans la consommation, telles ont toujours été les voies de L’équilibre, ou de la conservation de chacun et de tous. 
Voulez-vous perfectionner la société; perfectionnez les individus. J’ignore comment on peut obtenir une société plus parlmite, tant que les membres de cette société ne sont pas meilleurs, ne se i’en— dent pas plus économes, plus prévoyans, plus intelhgens, plus sa vans, plus habiles. plus moraux. Quel que soit Le mécanisme social, vous n’avez rien fait pour le progrès, si la multitude n’y adhère pas librement, si elle n’y voit pas son intérêt, si elle n’en comprend pas la bonté, l’utilité pour tous; et si elle n’y est point conduite indirectement par la nécessité. 
De quoi s’agit-il alors? de trouver une combinaison, un ensemble organique, un mécanisme économique qui ait la vertu de satisfaire aux exigences légitimes des principes, des besoins antagonistes; ici en particulier, à celles de la liberté et de l’autorité, de chacun et de tous, de l’indit’zdualisme et du collectivisme.—1l serait fort commode aux systématiques absolus de supprimer l’une des deux forces aista— gonistes; l’un des deux élémens du problème pour mieux le résoudre. 
Nous avons peur des magistrats: et de fait, la liberté du peuple n’y trouve pas souvent son compte, mais le trouve-t-elle davantage dans la licence oligarchique? Je m’aperçois que le grand nombre des travailleurs n aujourd’hui pour magistrats toute la classe des capitalistes. 11 est vrai que le grand nombre, dès qu’il voudra user 
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intelligémment de sa liberté, pourra se passer de cette magistrature, t lui Faire la Loi, ou (lu moins lui imposer des conditions satisfaisan—’ tes. Cela doit, à la rigueur, nous sulfire. 
La liberté intelligente n’est jamais à bout de moyens et de stratagèmes. Vous êtes exploités, dites—vous, ouvriers prolétaires, par les capitalistes? Et qui don vous empêche de vous associer pour produire? Le travaiL n’est—ce pas la richesse? et puis, qui VOUS empêche (le faire vos conditions aux propriétaires? Faibles, esclaves, serviteurs, travailleurs diligens, entendez-vous, dit la liberté; associez-vous; et toujours, par la liberté, vous vous éuanciperez. VOUS vous enrichirez : votre sort est entre vos mains. L’Etut, la loi, vous 4lit l’égalité des conditions; la Constitution vous assure protection et encouragement; obligez les gonvei’nans à La respecter, vous en avez le droit et la force; et puis, à la rigueur, pas n’est besoin de lien de 1ilus; il vous appartient de faire le reste, votre nOEran— chissement est au bout (le votre volonté et de votre solidarité. 
Je sais bien que l’entreprise sera lente et pénible; mais grève de lamentations: connaissez-vous un chemin plus court et plus sûr? Prenez-le : pour moi, Liberté, je vous dis que si vous m’aimez, vous ne me garderez qu’à cette condition (le faire vous-mêmes collecttvement vos destinées. 
Maintenant, jamais, par La seule force des choses, l’action nveuglQ de L’offre et de la demande amènera-t-elle pour résultat universel, la répartition des richesses à chacun selon ses besoins, son travail ou sa bonne volonté; jamais réalisera-telle l’équité, la pondération des charges et des avantages, cherchée par la science sociale? Des économistes poussent la crédulité jusque-là... Pour nou, flOUS avons la ferme conviction que la justice distributive s’accomplira fatalement par une voie quelconque, et tians croyons que cette voie sera celle de l’association, non pas volontatre ou plutôt facultative; niais de l’association régulière, unitaire, sous la suprême gérance ou direction de l’Ecu-Peuple, de l’tat-serviteur 
Mais à défaut de La voie directe, normale, rationnell, il nous reste la voie indirecte, illogique, tuais nécessaire, que vuici : —— la science sociale, d’accord avec la justice et Le droit, dit à la niera— lité, û la raison de chacun, et propose au dévoûmeut rvtigieux de tous z associa(ion, concert, réciprocité, publicité universelle, crédit, circulation, bureaux ou institutions de renseignemens, de pin— cemens des personnes et des choses; socialisation des insirurnens de travail, assuuance mutuelle, unité. — La liberté intelligente, l’intérêt, l’émulation, la rivalité, la concurrence, L’initiative des plus généreux , des plus habiles, des plus ambitieux, (les plus cupides même, favorisée, secondée, protégée, généralisée et régularisée par In puissance sociale, dira progressivement aux individus et aux x!aLions: association volontaire, concert volontaire, publicité universelle volontaire, réciprocité volontaire, bureaux de placemeas et engagemens mutuels universels volontaires, pour la production et la consommation; centralisation ou fédération volontaire, etc., etc. 
Cette hypothèse nous ramène naturellement à l’application (les Voies et moyens de L’ordre de hberté, développés dans tous les numéros précédens de cette publication: nous ne pouvons songer à 
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les reproduire; il snlflt à nos lecteurs habituels de se rappeler; 
puis d’admettre hypothétiquement que tout ce que nous avons demandé au nom de la raison, du droit, du parfait même, soit pratiqué peu à peu, en toute liberté, par la seule vertu de sa valeur rntl’zn— sèque, de sa supérinrité aux yeux de tout le monde sur les voies de l’isolement, de l’égoïsme étroit et borné. 
Est—ce que L’organisation adrnkdstra tire du canton, dans l’esprit des principes que nous avons esquissés, n’est pas utile à tous les intérêts;—et. les bazars, et les entrepôts, et les comptoirs communaux; 
— et les insthuiions de crédit, d’escompte, de commandite pour les associations ouvrières; — et les 4tablissemens destinés û universaliser le libre échanqe, à tciLiter la ciiculation nationale et cosmopolite des producteurs et des produits, à mettre en communication perpétuelle et. en juxtà-position les demandes et les offres des personnes et des choses ;—et la généralisation du papier-mônnaie; — et les assurances mtituelles sur la vie contre l’incendie, l’inondation, la «cèle et. autres accidents soumis à une moyenne probable; — et les caisses sous toutes leurs formes économiques, de prévoyance et de solidarité caisses (le secours, caisses d’épargne, d’avance, de retraite, etc.;—et les vastes et belles cités pour la vie sociale et économique, où soient réunis tous les élémens de civilisation et de confortable, aujourd’hui dissiminés, et inabordables par leur eherte: 
bibliothèques, cabinets de lecture, écoles pour l’éducation primaire et secondaire gratuite, pour l’instruction professionnelle; cours’ publics des sciences et des arts; crèches. et salles d’asile, bains’ publics et jardins; boulangerie, boucherie, épicerie, blanchisserie, etc., communes, c’est-à-dire livrant au débit Les marchandises et denrées au prix de revient de l’achat en gros? 
Supposez ensuite que l’Etat-Peuple, ne se concevant d’autre rôle ici que de protéger tes oeuvres (le la ponLairéité individuelle et col— lective, et d’en généraliser les résultats, se charge, lui, le souverain même, (le poser à ce mécanisme de liberté (otites les soupapes de sûreté qu’il réclame pour ne faire aucune victime; pour qu’au— une ruine involontaire ne reste du moins sans indemnité, ni aucune plaie imméritée sans beaume; qu’il établisse l’impôt progressif sur le revenu ou sur le capital; qu’il offre une prime aux’ inventeurs, pi’il encourage l’esprit (le recherche et de perfectionnement dans I industrie, la science et l’art; qu’il déverse les lumières sur tout le peuple et jusque dans les moindres villages par ses fondations de colléges cantonaux; que surtout et incontinent ii s’efforce de moraliser les générations en. prêchant d’exemple; que, conformé— ment à la Constitution elle-même, t La société favorise et encourage le d.éveloppement du travail par l’enseignement gratuit, L’éducation professionnelle, les institutions de prévoyance et de crédit, les institutions agricoles, les associations volontaires, et l’établissement par l’Euit tes départemens et les communes, de travaux publics propres à employer les bras inoccupés; qu’elle fournisse L’assistance aux cntans abandonnés, aux infirmes et aux vieillards sans ressources, et que leurs familles ne peuvent Secourir: — supposez encore que Le souverain fasse davantage (c’est son devoir strict) : qu’il garantisse le travail et la subsistance à qui offre la volonté du travail; car au 
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‘sein du monopele et du laissez-faire industriel, tout citoyen a droit,. 
artout, toujours, au travail, et par le travail à la satisfaction de es besoins, ou à défaut de travail à l’équivalent par l’indemnité; ‘enfin à l’assistance, s’il est incapable, à la retraite s’il est invalide. 
Quant à l’équilibre de la population et des subsistances, pour l’obtenir il ne sulïit certes point de l’organisation du travail dans la Liberté collective; mais il suffirait encore moins de l’attendre de la iiberté illimitée ici combattue: tenons pour certain que cet équilibre tant cherché ne sera réalisé à souhait que DANS l’organisatnon nouvelle et supérieure de l’activité nationale, et PAR L’équilibre des penchans, des facultés et des passions dans l’individu, c’est—à-dire ‘qu’il se réalisera graduellement en raison du perfectionnement moral de chacun et de tous. 
Toujours par la voie de liberté intelligente, et l’ltat-Peuple aidant dans la mesure qui vient d’être précisée, ne peut-il point arriver qu’un jour, tous les habitans d’une même commune soient amenés 
•jolontairement à fusionner leurs intérêts, à se grouper pour l’ex— pLoitation, à profit proportionnel, de leur territoire et des industries complémentaires : que la nouvelle maison-commune soit le stége de toutes Les institutions et administrations exigées par une borine économie communale; et que. tout habitant y trouve constamment trois choses capitales, gages de son indépendance et de son bien- être: 1° le crédit, la commandite, l’avance, l’instrument de travail; 2° le débouché des produits de son travail; 30 la bonne et équitable vente de ces produits. 
Dans ces termes, il est certain que la justice distributive trouve un contrepoids contre les mouvemens subversifs de la liberté intelligente; et que la spontanéité de chacun et de tous, peut avoir dans 
•a résultante finale, infiniment moins d’inconvéniens que dans le JaSsé. 
Toutefois cet idéal et cette expectative blessent toutes nos sympathies, et jusqu’au sens moral : nous les subirons donc s’iL le faut, nu nom de la NÉCESSIvÉ, mais jamais au nom du droit ou de La justice. Nous y verrons un fait salutaire, s’ils se réalisent progressivement; et en cela nous serons satisfaits; car ce que nous voulons avant tout c’est la réalité du bonheur, de la concorde. !1ais nous nous demandons avec tristesse et inquiétude si c’est bien là une perspective consolante, que celle d’une guerre éternelle entre les enfans de l’homme! — Heureusement, l’histoire nous prouvera que 
-la, lutte et l’antagonisme vont sans cesse décroissant, qu’il dépend donc de nous de les faire disparaître par notre religieux accord.. 
Le Gérant, J. MALARMET. 
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LE SALUT DU PEUPLE 
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CONDITIONS DE L’AflOlE!IET S 
POUR PARIS (par an). . . . . . . . . . . . o fr. 
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Chaque numéro se vend séparément oo centimes. 
Toutes les lettres concernant la rédaction, l’envoi du prix d’abonnemei4 et les réclamations, doivent être adressées au citoyen IIALARJXET rue Borda, n’ 1. 
Les mandats doivent être à l’ordre du citoyen MALABMET Les lettres et envois d’argent doivent être affranchis. 
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Typographie FÊLIX MALTESTg ET ce, rue des Oeuz-Portes-Salnt-Sauveur, 22.